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16/10/2014 | FRANCE | N°13NC02149

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 16 octobre 2014, 13NC02149


Vu la requête, enregistrée le 16 décembre 2013, présentée pour M. A... D...et Mme B... D...néeC..., demeurant à..., par MeE... ;

M. et Mme D... demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1301305-1301306 du 17 septembre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des arrêtés en date du 31 janvier 2013 par lesquels le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel ils pourraient être

loignés ;

2°) d'annuler ces décisions ;

3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-M...

Vu la requête, enregistrée le 16 décembre 2013, présentée pour M. A... D...et Mme B... D...néeC..., demeurant à..., par MeE... ;

M. et Mme D... demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1301305-1301306 du 17 septembre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des arrêtés en date du 31 janvier 2013 par lesquels le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel ils pourraient être éloignés ;

2°) d'annuler ces décisions ;

3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de leur délivrer une carte de séjour temporaire les autorisant à travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros, à verser à MeE..., sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Ils soutiennent que :

- les décisions contestées sont insuffisamment motivées ;

- le préfet n'a pas procédé à une analyse personnalisée et circonstanciée de leur situation ;

- le tribunal administratif n'a pas tenu compte de leurs conclusions relatives à l'absence d'examen personnalisé de leur situation ;

- les décisions fixant le pays de destination sont stéréotypées et insuffisamment motivées ;

- ils sont bien intégrés en France, leurs enfants y sont scolarisés et ils n'ont plus d'attaches dans leur pays d'origine ;

- contrairement à ce qu'ont indiqué, à tort, les premiers juges, leur pays d'origine n'est pas la Bosnie-Herzégovine mais la Serbie ;

- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet s'est estimé en situation de compétence liée ;

Vu le jugement et les décisions attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 31 mars 2014, présenté par le préfet de Meurthe-et-Moselle, qui conclut au rejet de la requête ;

Il fait valoir qu'aucun des moyens invoqués par les requérants n'est fondé ;

Vu les décisions du bureau d'aide juridictionnelle, en date du 15 novembre 2013, admettant M. et Mme D...au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 septembre 2014 le rapport de M. Fuchs, premier conseiller ;

1. Considérant que M. et MmeD..., qui se disent de nationalité serbe, sont entrés en France le 29 octobre 2012 et ont sollicité, le 31 octobre 2012, la reconnaissance du statut de réfugié ; que cette demande a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 23 janvier 2013 ; qu'ils relèvent appel du jugement du 17 septembre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des arrêtés en date du 31 janvier 2013 par lesquels le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel ils pourraient être éloignés ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant qu'à l'appui de leurs demandes, M. et Mme D...se sont bornés, dans le cadre d'un moyen tiré de l'insuffisance de motivation des décisions attaquées, à indiquer, de manière abstraite et sans l'appliquer aux faits de l'espèce, que la jurisprudence exigeait que l'autorité administrative procède à un examen particulier de la situation des personnes demandant l'octroi d'un titre de séjour et que le préfet devait démontrer avoir effectivement pris connaissance du dossier ; qu'ainsi, c'est à bon droit que les premiers juges n'ont pas statué sur le moyen tiré du défaut d'examen de leur situation personnelle, qui ne pouvait en l'espèce être regardé comme étant soulevé devant eux ; que, par suite, le moyen tiré d'une omission à statuer ne peut qu'être écarté ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Considérant, en premier lieu, que les intéressées reprennent en appel le moyen tiré de l'insuffisante motivation des décisions de refus de séjour attaquées ; qu'il y a lieu de l'écarter par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que le préfet de Meurthe-et-Moselle a procédé à l'examen particulier de la situation personnelle de M. et Mme D... avant de prendre les décisions contestées ;

5. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;

6. Considérant que si M. et Mme D...font valoir qu'ils sont bien intégrés, qu'ils suivent des cours de français et que leurs enfants sont scolarisés, il ressort toutefois des pièces du dossier que les intéressés ont vécu dans leur pays d'origine jusqu'à l'âge respectivement de 30 et 27 ans et, qu'à la date des décision contestées, ils n'étaient présents sur le territoire français que depuis 3 mois ; que, dans ces conditions, et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment de la durée et des conditions de séjour en France des intéressés et de leur possibilité de poursuivre leur vie familiale hors de France, le préfet de Meurthe-et-Moselle n'a pas porté à leur droit au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels ses décisions portant refus de séjour ont été prises ; qu'ainsi, il n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

7. Considérant, en dernier lieu, que les requérants ont, dans leurs demandes de titre de séjour comme devant l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, fait valoir qu'ils sont de nationalité serbe ; que, toutefois, les arrêtés contestés mentionnent la nationalité bosnienne des intéressés, soulignent qu'ils n'établissent pas être exposés à des peines et traitements inhumains ou dégradants contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour en Bosnie-Herzégovine et fixent cet Etat comme pays de destination ; que M. et Mme D...sont ainsi fondés à soutenir que les décisions fixant le pays de destination contestées sont entachées d'une erreur qui ne peut être regardée comme simplement matérielle et à en demander l'annulation ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. et Mme D... sont fondés à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des arrêtés contestés du 31 janvier 2013 uniquement en tant qu'ils fixent la Bosnie-Herzégovine comme pays de destination ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

9. Considérant que le présent arrêt n'implique pas la délivrance d'une carte de séjour temporaire ainsi que le demandent les requérants ; que, par suite, leurs conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant que M. et Mme D...ont obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; que, par suite, leur avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que leur avocat, MeE..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me E... de la somme de 1 000 euros ;

D E C I D E :

Article 1er : Les arrêtés du préfet de Meurthe-et-Moselle en date du 31 janvier 2013 sont annulés en tant qu'ils fixent la Bosnie-Herzégovine comme pays de destination.

Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Nancy du 17 septembre 2013 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me E...une somme de 1 000 (mille) euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D..., à Mme B... D...née C...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.

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N° 13NC02149


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13NC02149
Date de la décision : 16/10/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: M. Olivier FUCHS
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : LEVI-CYFERMAN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2014-10-16;13nc02149 ?
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