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16/10/2014 | FRANCE | N°14NC00411

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 16 octobre 2014, 14NC00411


Vu la requête, enregistrée le 13 mars 2014, présentée par Mme B...C...épouseD..., demeurant à..., par Me A... ;

Mme D...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1304151 du 17 décembre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Moselle du 3 juillet 2013 lui refusant un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au pré

fet de la Moselle, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour et, à titre subsidiai...

Vu la requête, enregistrée le 13 mars 2014, présentée par Mme B...C...épouseD..., demeurant à..., par Me A... ;

Mme D...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1304151 du 17 décembre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Moselle du 3 juillet 2013 lui refusant un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai déterminé, au besoin sous astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à Me A...en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;

Elle soutient que :

- la décision portant refus de titre de séjour est insuffisamment motivée en ce qu'elle omet de viser les dispositions de l'article L. 313-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que les éléments de fait et de droit justifiant cette décision au regard de l'article L. 313-14 du même code ;

- cette décision est entachée d'un vice de procédure dès lors que le préfet a omis de saisir le directeur général de l'agence régionale de santé ;

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- cette décision a des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur sa situation personnelle ;

- l'obligation de quitter le territoire français est dépourvue de base légale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision lui refusant un titre de séjour ;

- le préfet s'est cru, à tort, en situation de compétence liée pour l'obliger à quitter le territoire français ;

- la mesure d'éloignement méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet s'est cru, à tort, en situation de compétence liée pour fixer à trente jours le délai de départ volontaire ;

- son état de santé justifiait qu'un délai de départ volontaire supérieur à trente jours lui soit octroyé ;

- la décision fixant le pays de destination est insuffisamment motivée ;

- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 30 juin 2014, présenté par le préfet de la Moselle, qui conclut au rejet de la requête au motif qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé ;

Vu la décision du président du bureau d'aide juridictionnelle, en date du 25 février 2014, admettant Mme D...au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;

Vu l'arrêté interministériel du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé en application de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vue de la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu, au cours de l'audience publique du 25 septembre 2014, le rapport de M. Guérin-Lebacq, premier conseiller ;

1. Considérant que MmeD..., ressortissante arménienne, entrée irrégulièrement en France le 27 septembre 2010, relève appel du jugement du 17 décembre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Moselle en date du 3 juillet 2013 lui refusant un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination ;

Sur la légalité de la décision portant refus de titre de séjour :

2. Considérant, en premier lieu, d'une part, que la décision attaquée, après avoir rappelé que la demande d'asile de Mme D...a été rejetée tant par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides que par la Cour nationale du droit d'asile, mentionne que l'intéressée peut, en conséquence, se voir refuser la délivrance d'une carte de résident en application des dispositions du 8° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que si le préfet n'a pas indiqué que Mme D...ne remplissait pas non plus les conditions fixées par l'article L. 313-13 de ce code pour la délivrance d'une carte de séjour temporaire en qualité de bénéficiaire de la protection subsidiaire, cette circonstance n'est pas de nature à entacher la décision attaquée d'un défaut de motivation, le rejet de la demande d'asile par l'Office et par la Cour impliquant le refus d'accorder le bénéfice de cette protection ; que, d'autre part, le préfet, qui n'avait pas été saisi d'une demande de titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mais qui devait examiner d'office, ainsi qu'il l'a fait, s'il y avait lieu de faire usage de son pouvoir discrétionnaire de régulariser la situation de MmeD..., n'avait pas à expliciter les éléments d'appréciation l'ayant conduit à estimer que son admission au séjour ne se justifiait ni à titre dérogatoire, ni au regard de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels, en l'absence de circonstances autres que celles invoquées dans la demande d'asile de l'intéressée ou dans la demande de titre de séjour présentée à raison de son état de santé ; que, dès lors, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision attaquée ne peut qu'être écarté ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " (...) L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur l'existence d'un traitement dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) / Le préfet peut, après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, prendre en considération une circonstance humanitaire exceptionnelle pour délivrer la carte de séjour temporaire même s'il existe un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) " ; qu'aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 9 novembre 2011 susvisé : " (...) Par ailleurs, dès lors que l'intéressé porterait à la connaissance du préfet des circonstances humanitaires exceptionnelles susceptibles de fonder une décision d'admission au séjour, le préfet saisit pour avis le directeur général de l'agence régionale de santé, qui lui communique son avis motivé dans un délai d'un mois. " ;

4. Considérant, d'une part, qu'il résulte des dispositions précitées de l'article 4 de l'arrêté du 9 novembre 2011 qu'il appartient au demandeur de faire état de circonstances humanitaires exceptionnelles auprès du préfet, permettant ainsi à celui-ci de saisir, pour avis, le directeur général de l'agence régionale de santé ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, et qu'il n'est pas même allégué, que Mme D...aurait, lors du dépôt de sa demande de titre de séjour ou au cours de l'instruction de celle-ci, présenté de tels éléments auprès du préfet de la Moselle ; que, dès lors, ce dernier n'avait pas à saisir, pour avis, le directeur général de l'agence régionale de santé de Lorraine ;

5. Considérant, d'autre part, que pour refuser le titre de séjour sollicité par Mme D... à raison de son état de santé, le préfet de la Moselle s'est fondé notamment sur l'avis du médecin de l'agence régionale de santé de Lorraine du 21 mai 2013 aux termes duquel, si l'état de santé de l'intéressée nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner, pour elle, des conséquences d'une exceptionnelle gravité, un traitement approprié existe dans son pays d'origine, vers lequel elle peut voyager sans risque ; que si la requérante produit un courrier, signé par le chef du personnel du ministère de la santé arménien, attestant que trois médicaments destinés à traiter la dépression ne seraient pas disponibles en Arménie, et précisant qu'" en république d'Arménie la dépression n'est pas traitée ", ce document ne présente pas de force probante suffisante, eu égard à la fonction exercée par son signataire, et ne permet pas de contredire l'avis rendu par le médecin de l'agence régionale de santé concernant la disponibilité d'un traitement approprié dans le pays d'origine de MmeD... ; qu'en outre, l'intéressée n'établit pas que sa pathologie aurait pour origine un traumatisme subi en Arménie et qu'un retour dans ce pays risquerait de provoquer une aggravation de son état de santé ; que, dès lors, Mme D...n'est pas fondée à soutenir que la décision attaquée méconnaîtrait les dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

6. Considérant, en dernier lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Moselle aurait entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée ;

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours :

7. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ce qui précède que le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ne peut qu'être écarté ;

8. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet se serait cru en situation de compétence liée pour assortir sa décision refusant un titre de séjour d'une obligation de quitter le territoire français ou pour fixer à trente jours le délai laissé à la requérante pour son départ volontaire ; qu'à cet égard, la seule circonstance que l'intéressée ferait l'objet d'un suivi médical ne suffit pas à établir que le préfet aurait dû lui accorder un délai de départ volontaire supérieur à trente jours ;

9. Considérant, en dernier lieu, qu'eu égard à ce qui a été dit au point 5, le préfet de la Moselle a pu, à bon droit, prendre à l'encontre de Mme D...une obligation de quitter le territoire français sans méconnaitre les dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Sur la décision fixant le pays de destination :

10. Considérant, en premier lieu, que la décision attaquée vise l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'après avoir rappelé que la demande d'asile de Mme D...a été rejetée tant par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides que par la Cour nationale du droit d'asile, elle précise qu'il n'est pas établi que sa vie ou sa liberté serait menacée en cas de retour en Arménie ; que, dès lors, la décision attaquée comporte les éléments de droit et de fait qui en constituent le fondement et est suffisamment motivée ;

11. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ; que Mme D..., dont la demande d'admission au statut de réfugié a été rejetée par décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 25 mars 2011, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 10 mai 2012, soutient qu'elle encourt le risque de subir des traitements inhumains et dégradants en cas de retour en Arménie ; que, toutefois, si elle se prévaut du récit produit auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et du compte-rendu de son audition devant ce dernier, elle n'apporte aucun élément de nature à établir qu'elle se trouverait personnellement exposée à un risque réel, direct et sérieux pour sa vie ou sa liberté en cas de retour dans son pays d'origine ou dans tout autre pays où elle serait légalement admissible ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme D...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 3 juillet 2013 pris à son encontre par le préfet de la Moselle ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, ainsi que celles présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête présentée par Mme D...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...C...épouse D...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée pour information au préfet de la Moselle.

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N° 14NC00411


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14NC00411
Date de la décision : 16/10/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: M. Jean-Marc GUERIN-LEBACQ
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : DOLLÉ

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2014-10-16;14nc00411 ?
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