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13/11/2014 | FRANCE | N°14NC00200

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 13 novembre 2014, 14NC00200


Vu I, sous le numéro 14NC00199, la requête, enregistrée le 4 février 2014, complétée par un mémoire enregistré le 11 juillet 2014, présentés par le préfet des Vosges ;

Le préfet des Vosges demande à la Cour d'ordonner qu'il soit sursis à l'exécution du jugement n° 1302543-1302544 du 28 janvier 2014 par lequel le tribunal administratif de Nancy a annulé, d'une part, l'arrêté du 20 juin 2013 par lequel il a refusé de délivrer un titre de séjour à M.C..., l'a obligé à quitter le territoire français et à fixé le pays de destination et, d'autre part, l'arrêté du

même jour concernant Mme C...en tant qu'il porte obligation de quitter le territoi...

Vu I, sous le numéro 14NC00199, la requête, enregistrée le 4 février 2014, complétée par un mémoire enregistré le 11 juillet 2014, présentés par le préfet des Vosges ;

Le préfet des Vosges demande à la Cour d'ordonner qu'il soit sursis à l'exécution du jugement n° 1302543-1302544 du 28 janvier 2014 par lequel le tribunal administratif de Nancy a annulé, d'une part, l'arrêté du 20 juin 2013 par lequel il a refusé de délivrer un titre de séjour à M.C..., l'a obligé à quitter le territoire français et à fixé le pays de destination et, d'autre part, l'arrêté du même jour concernant Mme C...en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français et qu'il fixe le pays de destination ;

Il soutient que les moyens soulevés, qui sont identiques à ceux présentés dans le cadre de la requête n° 14NC00200, sont de nature à justifier l'annulation du jugement attaqué et le rejet des demandes de M. et MmeC... ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 10 juillet 2014, présenté pour M. E... C..., demeurant..., par Me Jeannot, qui conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 800 euros soit mise à la charge de l'Etat, à verser à Me Jeannot, en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

M. C...soutient que :

- la requête, qui ne cite pas les textes à l'appui de sa demande et n'invoque pas les conditions applicables en l'espèce, est irrecevable ;

- les moyens développés dans le cadre de la requête n°14NC00200 conduisent à rejeter cette requête ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 10 juillet 2014, présenté pour Mme D... C..., demeurant..., par Me Jeannot, qui conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 800 euros soit mise à la charge de l'Etat, à verser à Me Jeannot, en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Mme C...soutient que :

- la requête, qui ne cite pas les textes à l'appui de sa demande et n'invoque pas les conditions applicables en l'espèce, est irrecevable ;

- les moyens développés dans le cadre de la requête n°14NC00200 conduisent à rejeter cette requête ;

Vu II, sous le numéro 14NC00200, la requête, enregistrée le 4 février 2014, complétée par un mémoire enregistré le 11 juillet 2014, présentée par le préfet des Vosges ;

Le préfet des Vosges demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1302543-1302544 du 28 janvier 2014 par lequel le tribunal administratif de Nancy a annulé, d'une part, l'arrêté du 20 juin 2013 par lequel il a refusé de délivrer un titre de séjour à M.C..., l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination et, d'autre part, l'arrêté du même jour concernant Mme C...en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français et qu'il fixe le pays de destination ;

2°) de rejeter les demandes présentées par M. et Mme C...devant le tribunal administratif de Nancy ;

3°) de mettre à la charge de M. et Mme C...la somme de 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- les premiers juges ont méconnu le principe du contradictoire, car les précisions apportées à la barre, lors de l'audience, n'ont pas été portées à sa connaissance ;

- les décisions contestées du 20 juin 2013 ne peuvent être analysées comme répondant aux demandes de titres de séjour déposées par les intéressés le 1er juin 2012, mais à celles introduites le 18 avril 2013 ;

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que la situation de M. C...avait été examinée au regard d'une demande de carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ;

- l'annulation du jugement concernant M. C...a pour conséquence nécessaire d'entrainer l'annulation du jugement concernant son épouse ;

- M. A...était compétent pour signer les arrêtés attaqués ;

- ces arrêtés sont suffisamment motivés ;

- il n'était pas tenu de transmettre à la direction régionale de l'entreprise, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi le contrat de travail en date du 21 mars 2012, ni le courrier du 15 avril 2013 émanant de l'entreprise Isolacier ;

- il a procédé à l'examen de la situation personnelle de M. et de MmeC... ;

- les décisions en litige précisent la durée du séjour des intéressés sur le territoire français ;

- aucun élément n'indique que l'intérêt supérieur des enfants de M. et MmeC..., qui est de rester auprès de leurs parents, serait méconnu par les décisions contestées ;

- M. et Mme C...n'apportent aucun élément probant permettant d'établir l'existence de risques de persécutions en cas de retour dans leur pays d'origine ;

- les arrêtés contestés ne méconnaissent pas l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- les décisions portant obligation de quitter le territoire français ne méconnaissent ni les dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, ni les stipulations de l'article 42 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- les décisions portant obligation de quitter le territoire français et celles fixant le délai de départ volontaire ne sont pas entachées d'erreur manifeste d'appréciation quant à leurs conséquences sur la situation personnelle de M. et MmeC... ;

- il ne s'est pas cru en situation de compétence liée en les édictant ;

- aucune disposition claire et inconditionnelle de la directive du 16 décembre 2008 ne lui fait obligation d'engager une procédure contradictoire afin d'apprécier s'il y a lieu de prolonger le délai de départ volontaire ;

Vu le jugement et les arrêtés attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 10 juillet 2014, présenté pour Mme D... C..., demeurant..., par Me Jeannot;

Mme C...conclut :

1°) au rejet de la requête;

2°) par la voie de l'appel incident, à l'annulation de l'article 2 du jugement contesté en tant qu'il rejette ses conclusions à fin d'annulation de la décision lui refusant le séjour ;

3°) à ce qu'il soit enjoint au préfet des Vosges, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à défaut, de réexaminer sa situation, dans le même délai, et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans cette attente ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros, à verser à Me Jeannot au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991;

Mme C...soutient que :

- la décision de refus de séjour est insuffisamment motivée ;

- elle est disproportionnée au but poursuivi compte tenu de sa situation familiale et méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que le 7°de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'erreur de droit, le préfet n'ayant pas examiné son droit au séjour au regard de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- elle est contraire à l'intérêt supérieur des enfants ;

- la décision de refus de séjour méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, car elle a été prise au terme d'une procédure irrégulière, sans que sa situation personnelle ait été examinée;

- le préfet n'a pas procédé à l'examen particulier de sa demande sur le fondement de l'article L. 313-14 du même code ;

- le préfet ne pouvait s'abstenir d'examiner sa demande au regard des lignes directrices de la circulaire du 28 novembre 2012, alors qu'elle en remplit certaines des conditions ;

- la décision de refus de séjour est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- l'obligation de quitter le territoire français sera annulée en conséquence de l'annulation de la décision de refus de séjour ;

- l'obligation de quitter le territoire français a été édictée sans que le droit d'être entendu et de présenter des observations ait été respecté, conformément à l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le préfet des Vosges s'est estimé en situation de compétence liée pour prendre ces décisions ;

- l'obligation de quitter le territoire français est entachée d'erreur manifeste quant à l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision octroyant un délai volontaire de départ de trente jours est insuffisamment motivée ;

- elle ne révèle pas un examen particulier de sa situation personnelle ;

- l'article 7 de la directive 2008/115/CE impose la prolongation du délai de départ volontaire dès lors que, comme en l'espèce, la situation le nécessite ;

- la décision fixant le pays de renvoi est illégale en conséquence de l'illégalité des autres décisions ;

- elle méconnaît les articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 10 juillet 2014, présenté pour M. E... C..., demeurant..., par Me Jeannot ;

M. C...conclut :

1°) au rejet de la requête;

2°) à ce qu'il soit enjoint au préfet des Vosges, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à défaut, de réexaminer sa situation, dans le même délai, et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans cette attente ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros, à verser à Me Jeannot au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991;

M. C...soutient que :

- le principe du contradictoire a été respecté ;

- la décision contestée a été prise à la suite d'une demande présentée le 1er juin 2012 ;

- en se prononçant uniquement sur les conditions de délivrance d'un titre de séjour en qualité de salarié, sur le fondement de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'a pas procédé à un examen complet de sa demande d'admission exceptionnelle au séjour, en particulier en ce qu'il n'a pas examiné cette demande sur le fondement de l'article L. 313-14 du même code alors qu'il faisait état de motifs exceptionnel ;

- les décisions contestées sont insuffisamment motivées ;

- la décision lui refusant le séjour est entachée d'erreur de droit, le préfet n'ayant pas saisi la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet ne pouvait s'abstenir d'examiner sa demande au regard des lignes directrices de la circulaire du 28 novembre 2012, alors qu'il en remplit certaines des conditions ;

- la décision de refus de séjour méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'erreur de droit, le préfet n'ayant pas examiné son droit au séjour au regard de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant, et porte atteinte à l'intérêt supérieur des enfants ;

- elle est entachée d'erreur manifeste quant à l'appréciation des conséquences qu'elle aura sur sa situation personnelle ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en conséquence de l'illégalité du refus de séjour ;

- elle a été édictée sans que le droit d'être entendu et de présenter des observations ait été respecté, conformément à l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le préfet des Vosges s'est estimé en situation de compétence liée pour prendre cette décision ;

- cette décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- l'annulation de la décision octroyant un délai de départ volontaire de trente jours est la conséquence de l'annulation de la décision de refus de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français ;

- le préfet des Vosges n'a pas examiné sa situation personnelle avant de fixer le délai de départ volontaire ;

- l'article 7 de la directive 2008/115/CE impose la prolongation du délai de départ volontaire dès lors que, comme en l'espèce, la situation le nécessite ;

- la décision fixant le pays de renvoi est illégale en conséquence de l'illégalité des autres décisions ;

- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu les décisions du bureau d'aide juridictionnelle, en date du 22 avril 2014, admettant M. et Mme C...au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention internationale des droits de l'enfant ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

Vu la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code du travail ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Vu la circulaire du 28 novembre 2012 du ministre de l'intérieur relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour des étrangers en situation irrégulière dans le cadre des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 octobre 2014 :

- le rapport de M. Fuchs, premier conseiller ;

- et les observations de Me Jeannot pour M. et Mme B...;

1. Considérant que M. et MmeC..., de nationalité albanaise, sont entrés en France le 3 août 2010 pour y solliciter l'asile ; que la demande des requérants a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 17 mars 2011, puis par la Cour nationale du droit d'asile le 29 septembre 2011 ; que le préfet des Vosges a, par deux arrêtés en date du 26 octobre 2011, refusé l'admission des intéressés au séjour et les a obligés à quitter le territoire français ; que les requérants ont présenté de nouvelles demandes de titre de séjour par courrier en date du 1er juin 2012, puis en préfecture le 18 avril 2013 ; que le préfet des Vosges a, par deux décisions du 20 juin 2013, refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel ils pourraient être éloignés ; que par deux requêtes, qu'il y a lieu de joindre pour y statuer par un même arrêt, le préfet des Vosges demande le sursis à exécution, puis l'annulation du jugement du 28 janvier 2014 par lequel le tribunal administratif de Nancy a annulé, d'une part, l'arrêté par lequel il a refusé de délivrer un titre de séjour à M.C..., l'a obligé à quitter le territoire français et à fixé le pays de destination et, d'autre part, l'arrêté concernant Mme C...en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français et qu'il fixe le pays de destination ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 732-1 du code de justice administrative : " Après le rapport qui est fait sur chaque affaire par un membre de la formation de jugement ou par le magistrat mentionné à l'article R. 222-13, le rapporteur public prononce ses conclusions lorsque le présent code l'impose. Les parties peuvent ensuite présenter, soit en personne, soit par un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, soit par un avocat, des observations orales à l'appui de leurs conclusions écrites. / Lorsque le rapporteur public ne prononce pas de conclusions, notamment en application de l'article R. 732-1-1, le président donne la parole aux parties après le rapport. / La formation de jugement peut également entendre les agents de l'administration compétente ou les appeler devant elle pour fournir des explications. / Au tribunal administratif, le président de la formation de jugement peut, au cours de l'audience et à titre exceptionnel, demander des éclaircissements à toute personne présente dont l'une des parties souhaiterait l'audition " ;

3. Considérant qu'il ressort des termes du jugement attaqué que, conformément aux dispositions précitées, les demandeurs ont présentés lors de l'audience publique des observations orales au soutien de leurs conclusions écrites ; que le préfet des Vosges, qui n'allègue pas ne pas avoir été convoqué à l'audience publique et n'établit pas y avoir été présent ou représenté, n'est pas fondé à soutenir que les précisions de fait apportées par les requérants à cette occasion n'ayant pas été portées à sa connaissance, le jugement attaqué méconnaîtrait le principe du contradictoire et aurait, par suite, été rendu à l'issue d'une procédure irrégulière ;

Sur le fond :

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, par un courrier commun en date du 1er juin 2012, les requérants ont déposé une demande de titre de séjour, en se prévalant de leur bonne intégration en France, ainsi que d'une promesse d'embauche de M. C... en date du 15 mars 2012 ; qu'ainsi que le soutient le préfet, des décisions implicites de rejet sont nées du silence gardé par l'administration sur ces demandes ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que les requérants aient déposé de nouvelles demandes de titre de séjour avant que des formulaires leur soient transmis à cet effet le 13 avril 2013 et déposés par eux remplis en préfecture le 18 avril ; que si les courriers du préfet en date du 12 avril 2013 font mention de demandes de titre de séjour postérieures au 1er juin 2012, ces demandes n'ont pas été versées au dossier par le préfet alors même que leur existence est contestée ; qu'en outre, le formulaire remis par M. C...le 13 avril 2013 fait expressément référence à la promesse d'embauche en date du 15 mars 2012 déjà produite dans le cadre de sa demande, à laquelle il a joint une demande d'autorisation de travail signée par son employeur, ainsi qu'une promesse d'embauche émanant du même employeur réactualisée au 15 avril 2013 ; qu'ainsi, en refusant par les décisions contestées du 20 juin 2013 le séjour aux requérants, le préfet doit être regardé comme ayant répondu à la demande de titre de séjour présentée par les intéressés le 1er juin 2012, ces décisions expresses se substituant aux décisions implicites nées antérieurement ;

En ce qui concerne l'arrêté du 20 juin 2013 relatif à M.C... :

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. / Un décret en Conseil d'Etat définit les modalités d'application du présent article " ; qu'aux termes de l'arrêté du 18 janvier 2008 relatif à la délivrance, sans opposition de la situation de l'emploi, des autorisations de travail aux étrangers non ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse : " La situation de l'emploi ou l'absence de recherche préalable de candidats déjà présents sur le marché du travail n'est pas opposable à une demande d'autorisation de travail présentée pour un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse souhaitant exercer une activité professionnelle dans un métier et une zone géographique caractérisés par des difficultés de recrutement et figurant sur la liste annexée au présent arrêté " ; que, si un étranger se prévaut des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels et, à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire " ; que dans cette dernière hypothèse, un demandeur qui justifierait d'une promesse d'embauche ou d'un contrat lui permettant d'exercer une activité figurant dans la liste annexée à l'arrêté interministériel du 18 janvier 2008, ne saurait être regardé, par principe, comme attestant, par là-même, des " motifs exceptionnels " exigés par la loi ; qu'il appartient à l'autorité administrative d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, dans un métier et une zone géographique caractérisés par des difficultés de recrutement et recensés comme tels dans la liste annexée à l'arrêté du 18 janvier 2008, de même que tout élément de sa situation personnelle dont il ferait état à l'appui de sa demande, tel que par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour ;

6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et en particulier des termes mêmes de l'arrêté du 20 juin 2013, que M. C...a sollicité sa régularisation à titre exceptionnel afin d'exercer une activité salariée ; qu'il ressort des motifs de l'arrêté en litige que le préfet des Vosges a tout d'abord indiqué, de manière générale, que l'admission au séjour de l'intéressé ne se justifiait pas au regard de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels qu'il aurait invoqués ; qu'il s'est fondé, d'une part, sur la situation familiale de M. C...ainsi que la durée et les conditions de son séjour et, d'autre part, sur le fait que l'intéressé ne pouvait se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " en application du 1° de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, car il n'était pas en mesure de présenter un contrat de travail visé par la direction régionale de l'entreprise, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi, conformément aux dispositions de l'article R. 5221-1 du code du travail ; que par ce dernier motif, le préfet des Vosges n'a toutefois pas répondu à la demande de régularisation à titre exceptionnel afin d'exercer une activité salariée ; qu'en effet, si ni l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni aucune autre disposition de ce code ne prévoit que la délivrance de la carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire " dans le cadre de ce régime d'admission exceptionnelle au séjour autorise, en elle-même, l'exercice d'une activité professionnelle sans qu'ait été obtenue au préalable l'autorisation de travail mentionnée au 2° de l'article L. 5221-2 du code du travail, la demande présentée par un étranger sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'a toutefois pas à être instruite dans les règles fixées par le code du travail relativement à la délivrance de l'autorisation de travail, la demande d'autorisation de travail pouvant notamment être présentée auprès de l'administration compétente lorsque l'étranger dispose d'un récépissé de demande de titre de séjour ou même de la carte sollicitée ; que pour refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour de l'intéressé, le préfet s'est ainsi exclusivement fondé sur la vie familiale de l'intéressé, ainsi que sur les conditions de son séjour en France ; que, par suite, le préfet des Vosges a commis une erreur de droit en ne se prononçant pas sur tous les fondements de la demande de M.C... ; qu'il résulte de ce qui précède que le préfet des Vosges n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a annulé son arrêté du 20 juin 2013 par lequel il a refusé de délivrer un titre de séjour à M.C..., l'a obligé à quitter le territoire français et à fixé le pays de destination ;

En ce qui concerne l'arrêté du 20 juin 2013 relatif à MmeC... :

Quant à la décision de refus de séjour :

7. Considérant, en premier lieu, que Mme C...reprend en appel les moyens qu'elle avait invoqué en première instance, tirés de ce que la décision de refus de séjour a été prise par une personne incompétente, est insuffisamment motivée, méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étranger et du droit d'asile, méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant au regard duquel sa situation n'aurait pas été examinée et enfin, que le préfet n'a pas examiné sa situation personnelle pour régulariser sa situation à titre exceptionnel ; qu'il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif de Nancy ;

8. Considérant, en deuxième lieu, que lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce code ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme C...ait sollicité un titre de séjour pour raison médicale ; que, dès lors, les moyens tirés de l'absence d'examen de sa demande sur ce fondement, de l'existence d'un vice de procédure en raison de l'absence de saisine du médecin de l'agence régionale de santé et d'une erreur d'appréciation concernant son état de santé doivent être écartés ;

9. Considérant, en troisième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme C..., qui a sollicité un titre de séjour antérieurement à la date de signature de la circulaire du 28 novembre 2012 visée ci-dessus, se soit prévalue des lignes directrices fixées par cette circulaire lorsqu'elle a complété sa demande le 18 avril 2013 ou à tout autre moment lors de l'instruction de son dossier ; que, par ailleurs, elle n'invoque aucune ligne directrice précise fixée par cette circulaire, ni ne précise en quoi l'arrêté contesté la méconnaîtrait ; que, dès lors, le moyen tiré d'une méconnaissance des lignes directrices de la circulaire du 28 novembre 2012 par l'arrêté en litige n'est pas assorti de précisions suffisantes pour permettre d'en apprécier la portée et le bien-fondé ;

10. Considérant, en dernier lieu, qu'eu égard aux motifs précédemment énoncés, le préfet des Vosges n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision de refus de séjour sur la situation personnelle de MmeC... ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet des Vosges du 20 juin 2013 en tant qu'il porte refus de séjour ;

Quant à l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de destination :

12. Considérant qu'eu égard à l'annulation de l'arrêté refusant le séjour à M. C..., l'obligation de quitter le territoire français prise à l'encontre de son épouse et la décision fixant le pays de destination pourraient avoir pour conséquence de séparer les époux et les enfants de l'un de leur parent ; qu'ainsi, cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ; qu'il résulte de ce qui précède que le préfet des Vosges n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a annulé son arrêté du 20 juin 2013 en tant qu'il oblige Mme C...à quitter le territoire français et qu'il fixe le pays à destination duquel elle peut être éloignée ;

Sur les conclusions du préfet des Vosges aux fins de sursis à exécution :

13. Considérant que le présent arrêt statuant au fond sur la requête du préfet, il n'y a pas lieu de statuer sur ses conclusions à fin de sursis à exécution du jugement attaqué ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

16. Considérant qu'aux termes de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si l'obligation de quitter le territoire français est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues aux articles L. 513-4, L. 551-1, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas " ;

17. Considérant que l'annulation de la décision de refus de séjour opposée à M. C...implique nécessairement que le préfet des Vosges procède à un nouvel examen de sa demande et qu'il lui soit délivré, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour ; qu'en vertu de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'annulation de la décision obligeant Mme C...à quitter le territoire français implique également, comme l'a décidé le tribunal administratif, la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour ; qu'en revanche, M. et Mme C...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté leur demande tendant à ce qu'il leur soit délivré un titre de séjour ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

18. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M. et MmeC..., qui n'ont pas la qualité de partie perdante, verse au préfet des Vosges la somme que celui-ci réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. et Mme C...et non compris dans les dépens ; que, conformément aux dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, cette somme sera versée à Me Jeannot, avocat de M. et MmeC..., bénéficiaires de l'aide juridictionnelle totale, sous réserve que cette avocate renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État ;

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête du préfet des Vosges à fin de sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Nancy du 28 janvier 2014.

Article 2 : La requête du préfet des Vosges tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Nancy du 28 janvier 2014 est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées par M. et Mme C...par la voie de l'appel incident sont rejetées.

Article 4: L'Etat versera à Me Jeannot la somme totale de 1 500 (mille cinq cents) euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Jeannot renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... C..., à Mme D... C...et au ministre de l'intérieur.

Copie du présent arrêt sera transmise pour information au préfet des Vosges.

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N° 14NC00199, 14NC00200


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14NC00200
Date de la décision : 13/11/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: M. Olivier FUCHS
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : JEANNOT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2014-11-13;14nc00200 ?
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