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30/12/2014 | FRANCE | N°14NC00034

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 30 décembre 2014, 14NC00034


Vu, I, la requête, enregistrée le 13 novembre 2013, sous le numéro 13NC01991, présentée pour M. A...B..., domicilié..., par Me Boukara ;

M. B...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1303895 du 5 septembre 2013 en tant que par cette décision le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Haut-Rhin du 2 septembre 2013 décidant sa reconduite à la frontière, sans délai de départ volontaire, et fixant le pays de destination ;

2°) d'annuler cet a

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3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 392 euros, à v...

Vu, I, la requête, enregistrée le 13 novembre 2013, sous le numéro 13NC01991, présentée pour M. A...B..., domicilié..., par Me Boukara ;

M. B...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1303895 du 5 septembre 2013 en tant que par cette décision le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Haut-Rhin du 2 septembre 2013 décidant sa reconduite à la frontière, sans délai de départ volontaire, et fixant le pays de destination ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 392 euros, à verser à Me Boukara sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Il soutient que :

- la décision de reconduite à la frontière n'est pas suffisamment motivée ;

- le principe du contradictoire et l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ont été méconnus ;

- sur le fond, une erreur de fait a été commise au sujet de la fiche de signalement ;

- une erreur a été commise quant à l'atteinte à l'ordre public ;

- l'article L. 531-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne permet pas de prendre un arrêté portant reconduite à la frontière sur le fondement de la menace à l'ordre public ;

- le droit d'asile a été violé ;

- l'arrêté contesté porte atteinte à sa vie privée et familiale et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- une atteinte a été portée à son droit à la santé ;

- le refus de délai de départ volontaire n'est pas motivé ;

- l'article 7 de la directive n° 2008/115/CE a été violé ;

Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 11 mars 2014, présenté par le préfet du Haut-Rhin qui conclut au rejet de la requête ;

Le préfet du Haut-Rhin fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 9 octobre 2014, présenté pour M. B...qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ;

Vu, II, la requête, enregistrée le 13 novembre 2013, sous le numéro 13NC01992, présentée pour M. A...B..., domicilié..., par Me Boukara ;

M. B...demande à la cour :

1°) de suspendre l'exécution de l'arrêté du 2 septembre 2013 par lequel le préfet du Haut-Rhin a décidé sa reconduite à la frontière sans délai de départ volontaire et a fixé le pays de destination ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 392 euros à verser à Me Boukara, sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Il soutient que :

- la condition d'urgence énoncée par l'article L. 521-1 du code de justice administrative est remplie ;

- les moyens soulevés dans la requête d'appel sont de nature à permettre l'annulation du jugement et des décisions administratives litigieuses ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 11 mars 2014, présenté par le préfet du Haut-Rhin qui conclut au rejet de la requête ;

Le préfet du Haut-Rhin fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé ;

Vu, III, la requête, enregistrée le 8 janvier 2014, sous le numéro 14NC00034, présentée par le préfet du Haut-Rhin qui demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1305326 du 2 décembre 2013 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a annulé sa décision du 29 novembre 2013 ordonnant le placement de M. A...D..., alias A...C..., alias A...B...en rétention administrative ;

2°) de rejeter la demande présentée par l'intéressé devant le tribunal administratif de Strasbourg ;

Il soutient que :

- la légalité de l'arrêté préfectoral de reconduite à la frontière du 2 septembre 2013, sur la base duquel a été prononcée la mesure de placement en rétention contestée, a été confirmée par le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 5 septembre 2013, lequel a l'autorité de la chose jugée ;

- les mesures d'éloignement relevant toutes de la même procédure contentieuse prévue à l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne sont pas soumises à la procédure préalable contradictoire, sans qu'il y ait lieu d'opérer une distinction entre celles fondées sur l'article L. 511-1 et celles fondées, comme en l'espèce, sur l'article L. 531-3 du même code ;

- les premiers juges ont donc commis une erreur de droit ;

- s'agissant des autres moyens, il y a lieu de se reporter au mémoire présenté en première instance ;

- aucune erreur de fait ni d'appréciation n'a été commise ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré les 23 mai 2014, présenté pour M. B..., par Me Boukara, qui conclut au rejet de la requête et à la condamnation de l'Etat à verser une somme de 2 400 euros TTC à son avocat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 7 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que ce dernier renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle ;

M. B...fait valoir que :

- l'auteur de l'acte est incompétent en l'absence de production d'une délégation de signature régulièrement publiée ;

- la décision de placement en rétention n'est pas suffisamment motivée ;

- les supposées condamnations pénales, dont il aurait été l'objet en Hollande, ne sont pas établies ;

- l'article L. 531-3 ne permet pas de prendre un arrêté portant reconduite à la frontière sur le fondement de la menace à l'ordre public ;

- il ne constitue pas une menace pour l'ordre public en France ;

- il a été porté atteinte à son droit d'asile et son droit à la santé ;

- la décision de placement est illégale en raison de l'illégalité de l'arrêté préfectoral de reconduite à la frontière du 2 septembre 2013 ;

- le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 5 septembre 2013 ayant été frappé d'appel n'est pas définitif ;

- la rétention n'est plus possible dans la mesure où l'arrêté de reconduite à la frontière est devenu illégal du fait de l'impossibilité qu'il y a à l'éloigner en raison de son état de santé ;

Vu le mémoire, enregistré le 27 novembre 2014, présenté pour M.B... ;

Vu les décisions du bureau d'aide juridictionnelle, en date du 11 octobre 2013 et du 22 avril 2014, admettant M. B...au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 décembre 2014 :

- le rapport de M. Even, président de chambre,

- et les observations de Me Boukara pour M. B...;

1. Considérant que M.B..., ressortissant de nationalité géorgienne, né le 7 septembre 1970, faisant l'objet d'un signalement aux fins de non-admission en vertu d'une décision exécutoire prise par les autorités néerlandaises, fait appel du jugement du 5 septembre 2013 en tant que, par cette décision, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Haut-Rhin du 2 septembre 2013 décidant sa reconduite à la frontière en application de l'article L. 531-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sans délai de départ volontaire, et fixant le pays de destination ; que le préfet du Haut-Rhin fait, quant à lui, appel du jugement du 2 décembre 2013 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a annulé sa décision du 29 novembre 2013 ordonnant le placement de l'intéressé en rétention administrative ;

Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté attaqué portant reconduite à la frontière :

2. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 531-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne a fait l'objet d'un signalement aux fins de non-admission en vertu d'une décision exécutoire prise par l'un des autres Etats parties à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 et qu'il se trouve irrégulièrement sur le territoire métropolitain, l'autorité administrative peut décider qu'il sera d'office reconduit à la frontière (...) " ; qu'aux termes de l'article 1er de la loi susvisée du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / - restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ; qu'aux termes de l'article 24 de la loi susvisée du 11 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix. L'autorité administrative n'est pas tenue de satisfaire les demandes d'audition abusives, notamment par leur nombre, leur caractère répétitif ou systématique. / Les dispositions de l'alinéa précédent ne sont pas applicables : 1° En cas d'urgence ou de circonstances exceptionnelles ; 2° Lorsque leur mise en oeuvre serait de nature à compromettre l'ordre public ou la conduite des relations internationales ; 3° Aux décisions pour lesquelles des dispositions législatives ont instauré une procédure contradictoire particulière (...) " ;

3. Considérant que la reconduite à la frontière, régie par l'article L. 531-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, constitue une mesure spécifique, distincte des mesures d'éloignement régies par le titre Ier du livre V de ce code et est soumise à des règles différentes concernant la procédure administrative ; qu'en outre, s'il résulte des dispositions de l'article R. 776-1 du code de justice administrative que les conclusions tendant à l'annulation d'une telle mesure de reconduite peuvent être instruites et jugées dans les conditions prévues par le III de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, selon la procédure applicable aux autres mesures d'éloignement précitées, ces mêmes dispositions subordonnent la mise en oeuvre de ce contrôle juridictionnel spécifique à l'intervention d'une décision de placement en rétention ou d'assignation à résidence ; qu'en l'absence d'une telle décision, la demande d'annulation d'une mesure de reconduite à la frontière prise en application de l'article L. 531-3 est instruite et jugée selon la procédure contentieuse de droit commun et non selon la procédure contentieuse, également prévue à l'article L. 512-1, particulière aux autres mesures d'éloignement ; qu'ainsi, le contrôle juridictionnel de cette mesure de reconduite à la frontière s'exerce selon des règles différentes de celles qui s'appliquent au contrôle des mesures d'éloignement régies par le titre Ier du livre V du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'ainsi, à défaut de texte contraire, cette mesure est soumise aux obligations résultant de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 et de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ;

4. Considérant, en l'espèce, que le préfet du Haut-Rhin ne conteste pas que M. B...n'a pas bénéficié de la procédure contradictoire requise par l'article 24 de la loi susvisée du 12 avril 2000 ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens venant à l'appui de ces conclusions, l'intéressé est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 5 septembre 2013, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 septembre 2013 portant reconduite à la frontière ; que ce jugement et cet arrêté doivent donc être annulés ;

Sur les conclusions à fin de suspension de l'arrêté attaqué portant reconduite à la frontière :

5. Considérant que la cour statuant par le présent arrêt sur la requête de M. B...tendant à l'annulation du jugement du 5 septembre 2013 et de l'arrêté attaqué du 2 septembre 2013, la requête de l'intéressé tendant à la suspension de l'exécution de cet arrêté est privée d'objet ;

Sur les conclusions portant sur la décision en date du 29 novembre 2013 par laquelle le préfet du Haut-Rhin a placé M. B...en rétention administrative :

6. Considérant que par l'effet de l'annulation de l'arrêté du 2 septembre 2013 ordonnant la reconduite à la frontière de M.B..., la décision en date du 29 novembre 2013 par laquelle le préfet du Haut-Rhin a placé l'intéressé en rétention administrative est privée de base légale ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens, le préfet du Haut-Rhin n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 2 décembre 2013, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a annulé cette décision ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant que M. B...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Boukara, avocate de M.B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Boukara de la somme de 1 500 euros ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 5 septembre 2013 est annulé.

Article 2 : L'arrêté du préfet du Haut-Rhin du 2 septembre 2013 portant reconduite à la frontière de M. B...et fixant le pays de destination est annulé.

Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête de M. B...tendant à la suspension de l'exécution de l'arrêté portant reconduite à la frontière et fixant le pays de destination.

Article 4 : La requête du préfet du Haut-Rhin dirigée contre le jugement du 2 décembre 2013 du tribunal administratif de Strasbourg portant sur la décision du 29 novembre 2013 plaçant M. B...en rétention administrative est rejetée.

Article 5 : L'Etat versera à Me Boukara une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette avocate renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.

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N° 13NC01991, 13NC01992, 14NC00034


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14NC00034
Date de la décision : 30/12/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: M. Bernard EVEN
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : BOUKARA

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2014-12-30;14nc00034 ?
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