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21/04/2015 | FRANCE | N°13NC02186

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 21 avril 2015, 13NC02186


Vu la requête, enregistrée le 19 décembre 2013, présentée pour M. A...C..., demeurant..., par Me B... ;

M. C...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1301619 du 14 novembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 22 juillet 2013 par lequel le préfet de l'Aube a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant son pays de destination ;

2°) d'annuler, pour excès

de pouvoir, cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Aube de lui délivrer une cart...

Vu la requête, enregistrée le 19 décembre 2013, présentée pour M. A...C..., demeurant..., par Me B... ;

M. C...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1301619 du 14 novembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 22 juillet 2013 par lequel le préfet de l'Aube a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant son pays de destination ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Aube de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " sous astreinte de 150 euros par jour de retard, à défaut de lui délivrer pendant cet examen une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour, que :

- la procédure suivie est irrégulière en l'absence de consultation de la commission du titre de séjour, qui était de droit ;

- cette décision méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il réside en France depuis plus de onze ans et vit en concubinage avec une ressortissante française depuis le 14 février 2008 ; il n'a plus d'attaches dans son pays d'origine ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français, que :

- cette décision est illégale par voie d'exception d'illégalité de la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour ;

- elle méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation ;

En ce qui concerne la décision lui octroyant un délai de départ volontaire de trente jours, que :

- cette décision n'est pas motivée et ne précise pas en quoi ce délai est adapté à sa situation ;

- elle est entachée d'erreur de droit dès lors que ce délai est insuffisant pour lui permettre de préparer son départ ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination, que :

- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; la République Centrafricaine connaît un climat d'insécurité politique ; il est catholique et risque d'être persécuté par les rebelles musulmans ; militaire, il a déserté et est recherché par la police ; son frère a été assassiné par un groupe musulman ;

Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 6 juin 2014 présenté par le préfet de l'Aube, qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 mars 2015, le rapport de Mme Rousselle, président assesseur ;

1. Considérant que M.C..., ressortissant centrafricain né le 11 juillet 1963, est entré en France le 6 septembre 2001 et y a demandé l'asile ; que par une décision en date du 26 mai 2003, le directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a refusé de lui octroyer le statut de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire, décision confirmée par la Commission des recours des réfugiés le 20 juin 2004 ; que M. C... a fait l'objet d'un arrêté préfectoral de reconduite à la frontière le 20 août 2004 ; que, par un jugement en date du 7 septembre 2004, le tribunal administratif a rejeté son recours dirigé contre cette décision ; que, par un arrêté en date du 10 août 2011, le préfet de l'Aube l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et l'a placé en rétention administrative ; que le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté son recours contre ces décisions, par un jugement du 17 août 2011 ; que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, saisi d'une demande de réexamen selon la procédure prioritaire, a rejeté le 29 février 2012 la demande d'obtention du statut de réfugié présentée par l'intéressé ; que M. C...a sollicité du préfet de l'Aube, le 12 février 2013, la délivrance d'une carte de séjour temporaire ; que, par un arrêté en date du 22 juillet 2013, le préfet de l'Aube a refusé de lui délivrer le titre de séjour qu'il sollicitait, a assorti son refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il était susceptible d'être éloigné ; que M. C...relève appel du jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République " ; que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. /2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l' exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que si M. C...soutient qu'il vit en concubinage depuis le mois de février 2008 avec une ressortissante française, il ne l'établit pas par la seule production de décisions d'admission à l'aide médicale d'Etat mentionnant qu'il réside au domicile de cette ressortissante et d'attestations rédigées par des proches en termes identiques et peu circonstanciés, alors que les déclarations de l'intéressé notamment lors de son interpellation par les services de police le 10 août 2011 contredisent ces allégations ; qu'il ne ressort en outre pas des pièces du dossier, contrairement à ce que soutient le requérant, que l'assignation à résidence au domicile de cette personne, à laquelle il a été soumis par un arrêté du préfet de l'Aube du 16 août 2011, constituerait une reconnaissance, par l'administration, du concubinage qu'il allègue ; que M. C... n'est pas dépourvu d'attaches familiales à l'étranger où résident notamment son épouse et leurs trois enfants, dont un mineur ; qu'enfin, il est constant que l'intéressé n'a exercé aucune activité professionnelle en France où, en tout état de cause, il n'établit pas, contrairement à ses affirmations, avoir résidé de manière continue depuis plus de dix ans ; que, par suite, la décision contestée du préfet de l'Aube n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; qu'elle n'a donc méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

4. Considérant que M. C...reprend en appel le moyen qu'il avait invoqué en première instance, tiré de l'irrégularité de la procédure menée à son encontre en l'absence de consultation de la commission du titre de séjour ; qu'il y a lieu, par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'écarter ce moyen ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

5. Considérant, d'une part, que M.C..., qui n'établit pas l'illégalité du refus de titre de séjour qu'il conteste, n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de cette décision à l'appui de la contestation de la légalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français ;

6. Considérant, d'autre part, que, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 3, M. C... n'est fondé à soutenir ni que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni que cette décision est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

En ce qui concerne la décision fixant le délai de départ volontaire à trente jours :

7. Considérant que M. C...reprend en appel les moyens qu'il avait invoqués en première instance, tirés de l'insuffisante motivation de la décision fixant le délai de départ volontaire à trente jours et de l'erreur de droit du préfet ; qu'il y a lieu, par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, d'écarter ces moyens ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

8. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ; qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. (...) L'obligation de quitter le territoire français fixe le pays à destination duquel l'étranger est renvoyé en cas d'exécution d'office " ; qu'aux termes de l'article L. 513-2 du même code : " L'étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement est éloigné : 1° A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu le statut de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; 2° Ou à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ; 3° Ou à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible. Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 " ;

9. Considérant qu'il ressort des termes mêmes de la décision attaqué que, pour considérer que M. C...pourra être reconduit vers son pays d'origine, le préfet s'est borné à relever qu'il n'établit pas y être menacé " puisque sa demande d'asile a été rejetée " ; qu'en se prononçant dans ces termes, sans prendre en considération les éléments qui lui étaient soumis par l'intéressé, le préfet s'est cru lié par les décisions prises par les organismes chargés d'examiner la demande d'asile de M. C... et a méconnu l'étendue de sa propre compétence ; que, par suite, la décision est, sur ce point, entachée d'erreur de droit ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. C...est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 22 juillet 2013 du préfet de l'Aube en tant qu'il a fixé le pays de destination ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

11. Considérant que le présent arrêt, par lequel la Cour fait droit aux conclusions à fin d'annulation de la décision fixant le pays de destination présentées par M.C..., n'implique cependant pas, eu égard au motif d'annulation ci-dessus énoncé, que l'administration prenne une nouvelle décision dans un sens déterminé ; que, par suite, les conclusions du requérant tendant à ce que lui soit délivré un titre de séjour doivent en tout état de cause être rejetées ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant qu'aux termes de l'article L.761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens " ;

13. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de M.C..., partie perdante pour l'essentiel, au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1301619 en date du 14 novembre 2013 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, en tant qu'il a rejeté les conclusions de M. C...tendant à l'annulation de la décision du 22 juillet 2013 par laquelle le préfet de l'Aube a fixé le pays de destination, ainsi que cette décision, sont annulés.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...C...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Aube et au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Troyes.

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N° 13NC02186


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. COUVERT-CASTÉRA
Rapporteur ?: Mme Pascale ROUSSELLE
Rapporteur public ?: M. LAUBRIAT
Avocat(s) : OURIRI

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Date de la décision : 21/04/2015
Date de l'import : 06/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 13NC02186
Numéro NOR : CETATEXT000030514372 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2015-04-21;13nc02186 ?
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