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28/01/2016 | FRANCE | N°15NC00655

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 28 janvier 2016, 15NC00655


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... B...épouse D...a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté en date du 2 décembre 2014 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite.

Par un jugement n° 1403383 du 10 mars 2015, le tribunal administratif de Nancy a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :>
Par une requête enregistrée le 13 avril 2015, Mme E... B...épouseD..., représentée par MeC.....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... B...épouse D...a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté en date du 2 décembre 2014 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite.

Par un jugement n° 1403383 du 10 mars 2015, le tribunal administratif de Nancy a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 13 avril 2015, Mme E... B...épouseD..., représentée par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nancy du 10 mars 2015 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 2 décembre 2014 ;

3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer, à titre principal, une carte de séjour temporaire ou, à titre subsidiaire, une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et de surseoir à statuer dans l'attente de la décision du bureau d'aide juridictionnelle ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil, sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le tribunal administratif a omis de se prononcer sur le moyen tiré de l'absence de précision de la délégation de signature ;

- l'arrêté attaqué est entaché d'incompétence ;

- cet arrêté, et notamment la décision fixant un délai de trente jours, est insuffisamment motivé ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen de sa situation ;

- le préfet s'est estimé, à tort, en situation de compétence liée ;

- la loi française est contraire à l'article 12 de la directive du 16 décembre 2008 ;

- l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'est pas conforme aux dispositions des articles 7 et 8 de la directive du 16 décembre 2008 ;

- le préfet a commis une erreur dans son appréciation des conséquences de ses décisions sur sa situation personnelle ;

- elle ne peut faire l'objet d'une mesure d'éloignement en application de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle n'a pas été mise à même de présenter ses observations en méconnaissance des articles 41.2 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et 24 de la loi du 12 avril 2000.

Par un mémoire en défense enregistré le 18 septembre 2015, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête au motif qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.

Mme D...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 juillet 2015.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la directive n° 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991;

- la loi 2000-321 du 12 avril 2000 ;

- le décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 ;

- l'arrêt de la Cour de justice de l'Union Européenne n° C-383/113 du 10 septembre 2013 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Guérin-Lebacq a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que MmeD..., ressortissante arménienne née le 1er novembre 1953, est entrée en France le 6 juin 2014 afin d'y solliciter l'asile ; que le préfet de la Moselle ayant refusé d'admettre provisoirement Mme D... au séjour au motif qu'elle était originaire d'un pays d'origine sûr, sa demande d'asile a été transmise selon la procédure prioritaire à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, lequel a, par une décision du 31 octobre 2014, rejeté cette demande ; que, tirant les conséquence de cette décision de rejet, le préfet de Meurthe-et-Moselle a, par un arrêté du 2 décembre 2014, refusé de délivrer un titre de séjour à l'intéressée, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée ; que Mme D...relève appel du jugement du 10 mars 2015 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;

Sur les conclusions aux fins d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle et de sursis à statuer :

2. Considérant que Mme D...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle en date du 23 juillet 2015 ; que, dès lors, les demandes susvisées sont devenues sans objet et qu'il n'y a plus lieu d'y statuer ;

Sur le surplus des conclusions de la requête :

En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :

3. Considérant qu'en précisant, dans le jugement attaqué, que " M. Jean-François Raffy, secrétaire général de la préfecture de Meurthe-et-Moselle, disposait d'une délégation de signature prise par un arrêté du préfet de Meurthe-et-Moselle en date du 20 août 2013, pour signer les décisions contestées ", les premiers juges ont répondu au moyen dont ils étaient saisis, tiré de l'incompétence de l'auteur des décisions attaquées ; qu'eu égard à l'argumentation générale exposée en première instance par MmeD..., selon laquelle " une délégation est légale si elle réunit plusieurs conditions " et, notamment, " doit être partielle, précise et non rétroactive ", et alors que l'intéressée ne soutenait pas que la délégation bénéficiant à M. A...était dépourvue du degré de précision requis, les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments avancés par la requérante, n'ont entaché leur jugement ni d'une insuffisance de motivation, ni d'une omission de répondre à un moyen ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué serait irrégulier doit être écarté ;

En ce qui concerne le bien fondé du jugement attaqué :

S'agissant du moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte attaqué :

4. Considérant qu'aux termes de l'article 43 du décret du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'Etat dans les régions et départements : " Le préfet de département peut donner délégation de signature (...) : 1° En toutes matières (...) au secrétaire général (...) " ; que par un arrêté préfectoral du 20 août 2013 régulièrement publié au recueil des actes administratifs de l'Etat dans le département, M. Jean-François Raffy, secrétaire général de la préfecture de Meurthe-et-Moselle, a reçu délégation aux fins de " signer tous les arrêtés (...) relevant des attributions de l'Etat dans le département de Meurthe-et-Moselle, à l'exception des arrêtés de conflit " ; que les décisions " relevant des attributions de l'Etat dans le département " comprennent, sauf s'il en est disposé autrement par l'arrêté portant délégation de signature, les décisions préfectorales en matière de police des étrangers ; qu'ainsi, les dispositions précitées de l'arrêté du 20 août 2013 donnaient, avec une précision suffisante au regard des fonctions générales exercées par un secrétaire général de préfecture, compétence à M. A...pour signer l'arrêté attaqué refusant un titre de séjour à Mme D...et obligeant celle-ci à quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination de l'Arménie ;

S'agissant des autres moyens soulevés à l'encontre de la décision de refus de séjour :

5. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, alors applicable : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui (...) constituent une mesure de police (...) " ; qu'aux termes de l'article 3 de la même loi : " La motivation (...) doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision " ;

6. Considérant que la décision refusant un titre de séjour à Mme D... mentionne les dispositions applicables du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et notamment ses articles L. 313-13 et L. 314-11-8°, et précise notamment que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté la demande d'asile de l'intéressée par une décision du 31 octobre 2014, non contestée devant la Cour nationale du droit d'asile, qu'un refus de séjour ne porte pas une atteinte disproportionnée au respect dû à la vie privée et familiale de la requérante eu égard à la durée et aux conditions de son séjour en France, qu'elle n'a pas allégué être dépourvue de liens dans son pays d'origine dans lequel elle a vécu jusqu'à l'âge de 60 ans, et que, compte tenu de ces éléments, il n'y a pas lieu de faire usage du pouvoir discrétionnaire dont dispose le préfet de régulariser la situation de l'intéressée sur le territoire français ; qu'ainsi, la décision portant refus de titre de séjour comporte les éléments de droit et de fait qui en constituent le fondement et est, par suite, suffisamment motivée ;

7. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, alors applicable : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix (...) " ;

8. Considérant que la décision par laquelle le préfet refuse la délivrance d'un titre de séjour à un étranger auquel la qualité de réfugié a été refusée doit être regardée comme prise en réponse à une demande d'admission au séjour en qualité de demandeur d'asile, la reconnaissance du statut de réfugié impliquant la délivrance immédiate d'une carte de résident ; qu'il s'en suit que les dispositions précitées de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ne sauraient être utilement invoquées par Mme D...pour contester la légalité de la décision de refus de titre de séjour prise à son encontre ;

9. Considérant, en dernier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier et notamment des termes de la décision litigieuse que le préfet a refusé de délivrer un titre de séjour à la requérante après avoir procédé à un examen de sa situation individuelle et sans se considérer en situation de compétence liée à l'égard de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ;

S'agissant des autres moyens soulevés à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français :

10. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 12 de la directive n° 2008/115/CE susvisée du 16 décembre 2008 : " Les décisions de retour (...) sont rendues par écrit, indiquent leurs motifs de fait et de droit et comportent des informations relatives aux voies de recours disponibles. / (...) " ; qu'aux termes du I de 1'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un État membre de l'Union européenne, d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse (...), lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger (...) / La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I sans préjudice, le cas échéant, de l'indication des motifs pour lesquels il est fait application des II et III. / L'obligation de quitter le territoire français fixe le pays à destination duquel l'étranger est renvoyé en cas d'exécution d'office " ;

11. Considérant, d'une part, que les dispositions précitées de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'ont ni pour objet ni pour effet de restreindre le champ d'application de l'obligation de motivation des décisions de retour ; qu'elles se bornent à prévoir les cas où la motivation de l'obligation de quitter le territoire français étant identique à celle de la décision de refus de séjour dont elle procède, elle n'a pas à faire l'objet d'une énonciation distincte ; qu'ainsi, l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de l'article 37 de la loi du 16 juin 2011 relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité, n'est pas incompatible avec les dispositions précitées de l'article 12 de la directive du 16 décembre 2008 ;

12. Considérant, d'autre part, que dès lors que, comme en l'espèce, le refus de titre de séjour est lui-même motivé et que les dispositions législatives qui permettent de l'assortir d'une obligation de quitter le territoire français ont été rappelées, la motivation de cette obligation, qui se confond avec celle de la décision de refus de séjour, n'implique pas, ainsi qu'il vient d'être dit, de mention spécifique pour respecter les exigences de motivation découlant de l'article 12 de la directive du 16 décembre 2008 ; que l'arrêté attaqué vise l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qu'ainsi qu'il a été dit au point 6, la décision portant refus de titre de séjour est suffisamment motivée ; qu'il suit de là que le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait entachée d'un défaut de motivation doit être écarté ;

13. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort de l'ensemble des dispositions du livre V du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et notamment de son article L. 512-1, que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises les décisions par lesquelles l'autorité administrative oblige un ressortissant étranger à quitter le territoire français en assortissant cette obligation d'un délai de départ volontaire ; que, dès lors, l'article 24 de la loi susvisée du 12 avril 2000, alors applicable, qui fixe les règles générales de procédure applicables aux décisions devant être motivées en vertu de la loi du 11 juillet 1979, ne peut être utilement invoqué par Mme D...à l'encontre de la décision litigieuse ;

14. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union " ; qu'aux termes du paragraphe 2 de ce même article : " Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre (...) " ; qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 51 de la Charte : " Les dispositions de la présente Charte s'adressent aux institutions, organes et organismes de l'Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu'aux États membres uniquement lorsqu'ils mettent en oeuvre le droit de l'Union (...) " ;

15. Considérant que les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicables au présent litige, sont issues de dispositions de la loi du 16 juin 2011 relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité qui ont procédé à la transposition, dans l'ordre juridique interne, des objectifs de la directive du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;

16. Considérant, ainsi que la Cour de justice de l'Union européenne l'a jugé dans les motifs de son arrêt du 10 septembre 2013 visé ci-dessus, que les auteurs de la directive du 16 décembre 2008, s'ils ont encadré de manière détaillée les garanties accordées aux ressortissants des États tiers concernés par les décisions d'éloignement ou de rétention, n' ont pas précisé si et dans quelles conditions devait être assuré le respect du droit de ces ressortissants d'être entendus, qui relève des droits de la défense figurant au nombre des droits fondamentaux faisant partie intégrante de l'ordre juridique de l'Union européenne et consacrés par la charte des droits fondamentaux ; que si l'obligation de respecter les droits de la défense pèse en principe sur les administrations des États membres lorsqu'elles prennent des mesures entrant dans le champ d'application du droit de l'Union, il appartient aux États membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles doit être assuré, pour les ressortissants des États tiers en situation irrégulière, le respect du droit d'être entendu ;

17. Considérant que le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne ; que, toutefois, dans le cas prévu au 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, où la décision faisant obligation de quitter le territoire français est prise concomitamment au refus de délivrance d'un titre de séjour, l'obligation de quitter le territoire français découle nécessairement du refus de titre de séjour ; que le droit d'être entendu n'implique alors pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, dès lors qu'il a pu être entendu avant que n'intervienne la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour ;

18. Considérant que lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement ; qu'à l'occasion du dépôt de sa demande, il est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit délivré un titre de séjour et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande ; qu'il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles ; qu'il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux ; que le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de titre de séjour, n'impose pas à l'autorité administrative de mettre l'intéressé à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français qui est prise concomitamment et en conséquence du refus de titre de séjour ;

19. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la seule circonstance que le préfet de Meurthe-et-Moselle n'aurait pas expressément informé Mme D...qu'en cas de rejet de sa demande de titre de séjour, elle serait susceptible d'être contrainte de quitter le territoire français, en l'invitant à formuler ses observations sur cette éventualité, n'est pas de nature à permettre de regarder l'intéressée comme ayant été privée de son droit à être entendue, notamment énoncé au paragraphe 2 de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

20. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé (...) " ;

21. Considérant qu'il ressort des termes mêmes du certificat médical établi le 10 mars 2015, produit en appel par MmeD..., que les pathologies dont elle souffre ont fait l'objet d'un suivi médical en Arménie, corroborant ainsi les termes de l'avis rendu le 28 avril 2015 par le médecin de l'agence régionale de santé de Lorraine, lequel précise en outre qu'un défaut de prise en charge ne devrait pas entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; que, dans ces conditions, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le préfet aurait méconnu les dispositions précitées de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en l'obligeant à quitter le territoire français ; que, pour les mêmes raisons, il n'est pas établi que le préfet aurait méconnu l'étendue de sa compétence ou commis une erreur manifeste dans son appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressée ;

S'agissant des autres moyens soulevés à l'encontre de la décision fixant le délai de départ volontaire :

22. Considérant, en premier lieu, que pour les mêmes motifs que ceux mentionnés au point 13, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ne peut être utilement invoqué par Mme D...à l'encontre de la décision litigieuse ; qu'en outre, pour les mêmes motifs que ceux mentionnés aux points 15 à 19, la seule circonstance que le préfet de Meurthe-et-Moselle n'aurait pas expressément informé la requérante qu'en cas de rejet de sa demande de titre de séjour, elle serait susceptible d'être contrainte de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, en l'invitant à formuler ses observations sur cette éventualité, n'est pas de nature à permettre de regarder l'intéressée comme ayant été privée de son droit à être entendue, notamment énoncé au paragraphe 2 de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

23. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 7 de la directive n° 2008/115/CE susvisée du 16 décembre 2008 : " 1. La décision de retour prévoit un délai approprié allant de sept à trente jours pour le départ volontaire (...) / 2. Si nécessaire, les États membres prolongent le délai de départ volontaire d'une durée appropriée, en tenant compte des circonstances propres à chaque cas, telles que la durée de séjour, l'existence d'enfants scolarisés et d'autres liens familiaux et sociaux " ; que ces dispositions ont été transposées en droit interne par l'article 37 de la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité modifiant l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'aux termes du II de cet article : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours " ;

24. Considérant, d'une part, qu'en fixant de manière générale un délai de trente jours à l'étranger pour quitter le territoire français, lequel est égal à la limite supérieure prévue à l'article 7 de la directive, le législateur na pas édicté des dispositions incompatibles avec les objectifs de cet article ; que, par ailleurs, les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne font pas obstacle à ce que l'autorité administrative prolonge, le cas échéant, le délai de départ volontaire d'une durée appropriée pour faire bénéficier les étrangers, dont la situation particulière le nécessiterait, de la prolongation prévue par le paragraphe 2 de l'article 7 de la directive ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la décision litigieuse serait privée de base légale en raison de l'incompatibilité des dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile avec l'article 7 de la directive du 16 décembre 2008 ne peut qu'être écarté ;

25. Considérant, d'autre part, que les dispositions précitées du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'impliquent pas que l'autorité administrative, lorsqu'elle prend une décision de retour prévoyant un délai de départ volontaire de trente jours, comme c'est le cas en l'espèce, démontre l'absence de circonstances particulières qui auraient pu, le cas échéant, justifier une prolongation de ce délai ; que lorsqu'elle accorde le délai de trente jours, l'autorité administrative n'a par suite pas à motiver spécifiquement cette décision, à moins que l'étranger ait expressément demandé le bénéfice d'une telle prolongation ou justifie avoir informé l'autorité administrative d'éléments suffisamment précis sur sa situation personnelle susceptibles de rendre nécessaire, au sens des dispositions précitées, une telle prolongation ; qu'ainsi, et en l'absence de demande ou d'éléments présentés par Mme D...relatifs à la prolongation du délai de trente jours, le moyen tiré de ce que la décision litigieuse serait insuffisamment motivée doit être écarté ;

26. Considérant, enfin, qu'il ressort des termes mêmes de la décision en litige, qui mentionne qu'il n'y a pas lieu, en l'absence de circonstances particulières, de faire usage du pouvoir discrétionnaire de prolonger le délai de trente jours imparti à l'intéressée, que le préfet n'a pas méconnu l'étendue de sa propre compétence en décidant de fixer un délai de départ volontaire de trente jours ; que si Mme D...fait état de sa situation médicale, cette circonstance n'est pas de nature à justifier, eu égard à ce qui a été dit au point 21, l'octroi d'un délai de départ volontaire supérieur à trente jours ; que, par suite, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit être écarté ;

S'agissant des autres moyens soulevés à l'encontre de la décision fixant le pays de renvoi :

27. Considérant, en premier lieu, que la décision litigieuse mentionne les dispositions applicables du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et notamment son article L. 513-2, et précise que l'intéressée n'a pas établi être exposée à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour en Arménie dont elle déclare avoir la nationalité ; que cette décision comporte ainsi les éléments de droit et fait qui en constituent le fondement et est, par suite, suffisamment motivée ;

28. Considérant, en second lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, notamment des termes de la décision attaquée que le préfet de Meurthe-et-Moselle n'aurait pas examiné la situation personnelle de Mme D...et se serait cru à tort lié par la décision rendue par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ;

29. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées ;

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de Mme D...tendant à son admission provisoire à l'aide juridictionnelle et à l'obtention d'un sursis à statuer.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme D... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... B...épouse D...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.

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N° 15NC00655


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15NC00655
Date de la décision : 28/01/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme ROUSSELLE
Rapporteur ?: M. Jean-Marc GUERIN-LEBACQ
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : SELARL GUITTON et GROSSET BLANDIN

Origine de la décision
Date de l'import : 07/05/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2016-01-28;15nc00655 ?
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