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09/02/2017 | FRANCE | N°16NC00537

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 09 février 2017, 16NC00537


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...A...née B...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 1er septembre 2015 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer une carte de résident et de renouveler sa carte de séjour temporaire, lui a fait obligation de quitter le territoire et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1505476 du 4 février 2016, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés

le 3 mars 2016 et le 11 janvier 2017, Mme A..., représentée par MeD..., demande à la cour :

1°) ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...A...née B...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 1er septembre 2015 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer une carte de résident et de renouveler sa carte de séjour temporaire, lui a fait obligation de quitter le territoire et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1505476 du 4 février 2016, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 3 mars 2016 et le 11 janvier 2017, Mme A..., représentée par MeD..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif ;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral contesté ;

3°) d'enjoindre à l'administration de lui délivrer une carte de résident ou, à défaut, de renouveler son autorisation provisoire de séjour dans un délai de 15 jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement à Me D...d'une somme de 2 000 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Elle soutient que :

- le refus de titre de séjour est insuffisamment motivé ;

- c'est à tort que le préfet n'a pas saisi la commission du titre de séjour ;

- le refus de titre de séjour est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

- l'obligation de quitter le territoire français est illégale pour les mêmes moyens que ceux soulevés à l'encontre du refus de titre de séjour ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision fixant le pays de destination devra être annulée par voie de conséquence de l'annulation du refus de titre de séjour ;

- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 décembre 2016, le préfet du Bas-Rhin, conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

- le décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Stefanski, président,

- et les observations de MeD..., pour MmeA....

Considérant ce qui suit :

1. MmeB..., ressortissante thaïlandaise a épousé le 4 août 2011 dans son pays, M.A..., de nationalité française. Elle est entrée régulièrement sur le territoire français le 19 novembre 2011, sous couvert d'un visa de long séjour valant titre de séjour en qualité de conjoint de ressortissant français. La carte de séjour temporaire a été renouvelée jusqu'au 3 novembre 2014. Le 16 septembre 2014, elle a sollicité la délivrance d'une carte de résident sur le fondement des dispositions de l'article L. 314-9 (3°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

2. Par arrêté du 1er septembre 2015, le préfet du Bas-Rhin a, d'une part, refusé de lui délivrer cette carte de résident et, d'autre part, a refusé de renouveler sa carte de séjour temporaire. Mme B...épouse A...demande l'annulation du jugement par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande dirigée contre cet arrêté.

Sur le refus de titre de séjour :

3. En premier lieu, Mme A...fait valoir que la motivation du refus de titre de séjour manque de pertinence et est dès lors insuffisante, dans la mesure où elle ne fait pas état du contexte matrimonial dans lequel elle avait vécu, ce qui démontrerait que le préfet n'aurait pas procédé à un examen individuel.

4. Toutefois, le préfet indique, sans être contredit, que si la requérante avait mentionné la rupture de vie commune auprès des services de la préfecture avant que ne soit prise la décision contestée, elle n'avait pas fait état de circonstances particulières tenant aux motifs de cette rupture. Dans ces conditions, l'arrêté qui, par ailleurs vise les textes applicables et mentionne précisément les circonstances de fait connues de la préfecture, comme l'a jugé le tribunal administratif, n'est pas insuffisamment motivé en droit et en fait.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français (...) ".

6. Aux termes de l'article L. 313-12 du même code dans sa rédaction alors en vigueur : " Le renouvellement de la carte de séjour délivrée au titre du 4° de l'article L. 313-11 est subordonné au fait que la communauté de vie n'ait pas cessé, sauf si elle résulte du décès du conjoint français. Toutefois, lorsque l'étranger a subi des violences conjugales de la part de son conjoint et que la communauté de vie a été rompue, l'autorité administrative ne peut procéder au retrait du titre de séjour de l'étranger et peut en accorder le renouvellement. En cas de violence commise après l'arrivée en France du conjoint étranger mais avant la première délivrance de la carte de séjour temporaire, le conjoint étranger se voit délivrer, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" ".

7. Mme A...fait valoir qu'elle a été contrainte de quitter le domicile conjugal en raison des violences psychologiques exercées contre elle et que le préfet ne pouvait sans erreur de droit et erreur manifeste d'appréciation lui refuser le renouvellement de son titre de séjour au motif que la vie commune avait été rompue.

8. Toutefois, il est constant que Mme A...n'a pas invoqué des circonstances relevant de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile lors de sa demande de renouvellement de titre de séjour et n'a notamment pas fait état de violences conjugales. En tout état de cause, s'il ressort des pièces du dossier que M. A...a été condamné par le tribunal correctionnel de Saverne le 27 novembre 2014 à deux mois d'emprisonnement avec sursis pour avoir proféré des menaces de mort à l'encontre de son épouse le 11 octobre précédent et que la communauté de vie a cessé à la fin de l'année 2014, Mme A...se borne à faire valoir cette circonstance et l'attitude de son époux qui a averti le préfet de la rupture de la vie commune dans le seul but de lui nuire. Ces circonstances ne suffisent pas pour entacher la décision du préfet d'erreur d'appréciation au regard de l'article L. 313-12. En outre, la requérante ne critique pas davantage utilement le jugement attaqué qui a détaillé les raisons pour lesquelles il a estimé que le préfet n'avait pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en refusant le renouvellement de sa carte de séjour temporaire.

9. En troisième lieu, Mme A...qui, malgré la distance séparant la Thaïlande de la France, peut se faire représenter par un avocat dans la procédure de divorce pendante devant les juridictions civiles, n'est pas fondée à soutenir que le refus de titre de séjour est de nature à violer le droit fondamental à un procès équitable qu'elle tient de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et qui prévoit qu'elle doit être en mesure de défendre ses intérêts.

10. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3 ".

11. Il résulte de ces dispositions que le préfet est tenu de saisir la commission du titre de séjour du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues aux articles L. 313-11, L. 314-11, L. 314-12 et L. 431-3 du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions. Il résulte de ce qui précède que le préfet du Bas-Rhin n'était pas tenu de soumettre le cas de la requérante, qui ne justifie pas bénéficier de plein droit au séjour, à la commission du titre de séjour avant de rejeter sa demande.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

12. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait illégale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour.

13. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

14. Mme A...soutient que s'il est vrai que sa famille vit en Thaïlande, elle n'y a cependant pas d'attaches suffisantes pour y retourner et s'y établir compte tenu du contexte spécifique à son pays où des enfants âgés de 16 et 11 ans comme les siens sont parfaitement autonomes, où les parents aident davantage leurs enfants en allant travailler dans une autre ville pour trouver des ressources et en les confiant à leurs grands-parents comme elle l'a fait à partir de 2007 et où le fait qu'elle vive en France confère à sa famille une meilleure réputation. Elle fait également valoir qu'elle est en France depuis plus de quatre ans, y a un réseau social et professionnel et a tissé des liens professionnels et amicaux importants, qu'elle s'est intégrée à la société française en prenant des cours de français et que depuis la fin de l'année 2014 elle a une relation sentimentale sérieuse avec un Français avec qui elle envisage de se marier une fois son divorce prononcé. Cependant, il ressort des pièces du dossier que l'intéressée est entrée sur le territoire français en 2011 à l'âge de 31 ans, qu'elle a toute sa famille dans son pays et notamment ses enfants mineurs, que sa relation avec son compagnon, si elle est établie par les témoignages produits, est cependant récente. Dans ces conditions, compte tenu des conditions et de la durée de son séjour en France et malgré la bonne intégration professionnelle de MmeA..., le préfet en prononçant une obligation de quitter le territoire français n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'a pas entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation.

Sur la décision fixant le pays de destination :

15. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que la décision fixant le pays de destination est illégale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français.

16. Il résulte de ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction et à fin d'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent, en conséquence, qu'être écartées.

Par ces motifs,

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...A...née B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.

2

N° 16NC00537


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. MESLAY
Rapporteur ?: Mme Colette STEFANSKI
Rapporteur public ?: M. FAVRET
Avocat(s) : BERTHELON

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Date de la décision : 09/02/2017
Date de l'import : 21/02/2017

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 16NC00537
Numéro NOR : CETATEXT000034056070 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2017-02-09;16nc00537 ?
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