La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/03/2017 | FRANCE | N°15NC00836

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre - formation à 3, 23 mars 2017, 15NC00836


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) CSM a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée dont elle est redevable au titre de la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2007 ainsi que des pénalités dont ces droits ont été assortis.

Par un jugement n° 1100447 du 10 mars 2015, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 4 m

ai 2015, la SARL CSM, représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) CSM a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée dont elle est redevable au titre de la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2007 ainsi que des pénalités dont ces droits ont été assortis.

Par un jugement n° 1100447 du 10 mars 2015, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 4 mai 2015, la SARL CSM, représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer cette décharge ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les dispositions de l'article 279-0 bis du code général des impôts sont incompatibles avec les objectifs de la directive 1999/85/CE du 22 octobre 1999 ;

- elles sont également contraires aux principes communautaires dont celui de la neutralité fiscale inhérent au système de la taxe sur la valeur ajoutée ;

- elles imposent une restriction non justifiée par des motifs légitimes et sont contraires à d'autres dispositions législatives ;

- les travaux litigieux n'ont pas concouru à la production d'un immeuble neuf au sens de l'article 257 du code général des impôts ; c'est donc à tort que l'administration a remis en cause l'application du taux réduit prévu à l'article 279-0 bis du code général des impôts.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 décembre 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.

Vu

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- la sixième directive 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977 ;

- la directive 1999/85/CE du Conseil du 22 octobre 1999 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Etienvre ;

- et les conclusions de Mme Peton-Philippot, rapporteur public.

1. Considérant qu'à l'issue de la vérification de comptabilité dont la société à responsabilité limitée (SARL) CSM a fait l'objet, l'administration fiscale a notamment remis en cause le taux réduit de 5,5 % prévu à l'article 279-0 bis du code général des impôt dont cette société a fait application à l'occasion de la facturation de travaux réalisés dans deux immeubles situés 24 rue des Ormes à Strasbourg et 30 rue de Hoenheim à Niederhausbergen ; que la SARL CSM relève appel du jugement du 10 mars 2015 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée dont elle est redevable au titre de la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2007 ;

Sur les conclusions aux fins de décharge :

En ce qui concerne l'incompatibilité des dispositions de l'article 279-0 bis du code général des impôts avec les objectifs de la directive 1999/85/CE du 22 octobre 1999 :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la directive 1999/85/CE du 22 octobre 1999 : " Le Conseil, statuant à l'unanimité sur proposition de la Commission, peut autoriser un État membre à appliquer, et ce pendant une période maximale de trois ans allant du 1er janvier 2000 au 31 décembre 2002, les taux réduits prévus à l'article 12, paragraphe 3, point a), troisième alinéa, aux services énumérés dans deux au maximum des catégories figurant à l'annexe K. " ; que l'annexe K de cette directive mentionne, notamment : " la rénovation et réparation de logements privés, à l'exclusion des matériaux qui représentent une part importante de la valeur du service fourni " ; que, par une décision du 28 février 2000, le Conseil de l'Union européenne a autorisé la République Française à appliquer un taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée aux services à forte intensité de main-d'oeuvre dans les domaines de la rénovation et de la réparation de logements privés ;

3. Considérant que la SARL CSM soutient que les dispositions des articles 279-0 bis et 257-7 du code général des impôts, sur le fondement desquels l'administration a remis en cause l'application du taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée aux travaux qu'elle a réalisés, sont incompatibles avec la directive du Conseil du 22 octobre 1999, modifiant la directive 77/388/CEE en ce qui concerne la possibilité d'appliquer, à titre expérimental, un taux de taxe sur la valeur ajoutée à taux réduit sur les services à forte intensité de main d'oeuvre ;

4. Considérant, toutefois, d'une part, que l'instauration dérogatoire par l'Etat français d'un taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée en vertu de l'autorisation accordée le 28 février 2000 par le Conseil de l'Union européenne susmentionnée ne constitue qu'une simple faculté ; que, d'autre part, la seule circonstance que le dispositif national instauré en vertu de cette autorisation ne recouvre pas l'ensemble des domaines visés par cette autorisation ne caractérise, sous réserve que cette restriction soit faite sur la base de critères objectifs et dans le respect du droit de l'Union européenne et, en particulier, du principe de neutralité fiscale, ni l'existence d'une incompatibilité du droit national avec les objectifs de la directive 1999/85/CE du 22 octobre 1999 ni une violation du droit communautaire ;

En ce qui concerne la contrariété des dispositions de l'article 279-0 bis du code général des impôts avec les principes communautaires :

5. Considérant que les dispositions de l'article 12 et de l'annexe H de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977 ne font pas obstacle à ce que les Etats membres fassent une application sélective du taux réduit, dès lors que celle-ci ne méconnaît pas le principe de la neutralité fiscale inhérent au système commun de la taxe sur la valeur ajoutée, qui s'oppose à ce que des produits ou des prestations de services semblables se trouvant en concurrence les uns avec les autres soient traités de manière différente du point de vue de la taxe sur la valeur ajoutée ;

6. Considérant que la société requérante se borne à soutenir que des entrepreneurs pourraient proposer des prestations de nature différente dans le cadre d'un même projet pour permettre au client de bénéficier d'un taux de réduit de taxe sur la valeur ajoutée ; que, ce faisant, elle n'établit pas que des prestations de service identiques seraient traitées de manière différente du point de vue de la taxe sur la valeur ajoutée ; qu'elle n'établit pas, en conséquence, que le dispositif de l'article 279-0 bis du code général des impôts méconnaîtrait le principe de neutralité fiscale inhérent au système commun de la taxe sur la valeur ajoutée ;

En ce qui concerne le moyen tiré de ce que l'article 279-0 bis du code général des impôts imposerait des restrictions non justifiées par des motifs légitimes et le moyen tiré de la contrariété de cet article avec d'autres dispositions législatives :

7. Considérant que le moyen tiré de ce que les dispositions législatives de l'article 279-0 bis du code général des impôts imposeraient des restrictions non justifiées par des motifs légitimes n'est pas assorti des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé ; qu'il en va de même du moyen tiré de ce que ces dispositions seraient contraires à d'autres dispositions législatives ;

En ce qui concerne l'éligibilité des travaux au taux réduit :

8. Considérant qu'il appartient au juge de l'impôt d'apprécier, au vu de l'instruction, si les recettes réalisées par le contribuable entrent dans le champ d'application du taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée ou dans celui du taux normal de cette taxe, eu égard aux conditions dans lesquelles sont effectuées ses opérations ;

S'agissant des travaux effectués dans l'immeuble situé 24 rue des Ormes à Strasbourg :

9. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SARL CSM a facturé, le 31 décembre 2005, à la société civile immobilière SECCAMAF des travaux effectués sur un immeuble situé 24 rue des Ormes à Strasbourg pour un montant de 327 109 euros toutes taxes comprises ; qu'à cette date, une somme de 217 762,08 euros avait déjà été payée ; que le solde, soit 109 346,92 euros a été encaissé au cours de l'année 2006 ; que le service a remis en cause l'application du taux réduit et procédé au rappel de taxe sur la valeur ajoutée égal à la différence entre la taxe sur la valeur ajoutée collectée en 2006 sur la base du taux de 5,5 % soit 5 700,55 euros et la taxe due sur la base du taux de 19,6 % soit 17 919,73 euros ;

10. Considérant qu'aux termes de l'article 279-0 bis du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige concernant les travaux dont s'agit : " 1. La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux réduit sur les travaux d'amélioration, de transformation, d'aménagement et d'entretien portant sur des locaux à usage d'habitation achevés depuis plus de deux ans (...) / 2. Cette disposition n'est pas applicable : a. Aux travaux qui concourent à la production ou à la livraison d'immeubles au sens des deuxième à sixième alinéas du c du 1 du 7° de l'article 257 (...) " ; qu'aux termes de l'article 257 : " Sont (...) soumises à la taxe sur la valeur ajoutée : (...) 7° Les opérations concourant à la production ou à la livraison d'immeubles. Ces opérations sont imposables même lorsqu'elles revêtent un caractère civil. 1. Sont notamment visés : (...) c) Les livraisons à soi-même d'immeubles (...) " ;

11. Considérant que doivent être regardés comme des " opérations concourant à la production ou à la livraison d'immeubles ", au sens des dispositions précitées, les travaux entrepris sur des immeubles existants lorsqu'ils ont pour effet de créer de nouveaux locaux, notamment dans des locaux auparavant affectés à un autre usage, ou d'apporter une modification importante à leur gros oeuvre ou d'y réaliser des aménagements internes qui, par leur importance, équivalent à une véritable reconstruction, ou, enfin, d'accroître leur volume ou leur surface ;

12. Considérant qu'il résulte de l'instruction, en particulier de la facture du 31 décembre 2005, et qu'il n'est pas contesté que les travaux litigieux ont consisté en la création de six appartements ; qu'à cette occasion, des escaliers en béton et en bois ont été démolis ; que des cheminées ont été également supprimées ; que de nouvelles ouvertures ont été créées ; que la société a fait procéder à un nouveau cloisonnement et à l'aménagement, dans toutes ses composantes, de chacun de ces six appartements ; que ces travaux d'aménagement interne, qui par leur importance équivalent à une véritable reconstruction, doivent être regardés comme des opérations concourant à la production ou à la livraison d'immeubles au sens de l'article 257 du code général des impôts ; que la société requérante n'est par suite pas fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration a remis en cause le taux réduit qu'elle a appliqué lors de la facturation du 31 décembre 2005 ;

S'agissant des travaux effectués dans l'immeuble situé 30 rue de Hoenheim à Niederhausbergen :

13. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SARL CSM a facturé, le 31 décembre 2006, à M. A...des travaux effectués sur un immeuble situé 30 rue de Hoenheim à Niederhausbergen pour un montant total de 475 991,18 euros toutes taxes comprises ; qu'une somme de 328 205,27 euros a été payée en 2006 ; qu'une somme de 10 807,16 euros a été payée en 2007 ; que le service a remis en cause l'application du taux réduit ; que les rappels de taxe sur la valeur ajoutée correspondants et concernant la taxe collectée en 2006 et 2007 s'élèvent à 36 676 euros au titre de la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2006 et 1 208 euros au titre de la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2007 ;

14. Considérant qu'aux termes de l'article 279-0 bis du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige concernant les travaux dont s'agit : " 1. La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux réduit sur les travaux d'amélioration, de transformation, d'aménagement et d'entretien portant sur des locaux à usage d'habitation, achevés depuis plus de deux ans, à l'exception de la part correspondant à la fourniture d'équipements ménagers ou mobiliers ou à l'acquisition de gros équipements fournis dans le cadre de travaux d'installation ou de remplacement du système de chauffage, des ascenseurs ou de l'installation sanitaire dont la liste est fixée par arrêté du ministre chargé du budget. 2. Cette disposition n'est pas applicable aux travaux, réalisés sur une période de deux ans au plus : a) Qui concourent à la production d'un immeuble au sens des deuxième à sixième alinéas du c du 1 du 7° de l'article 257 (...) " ; qu'aux termes de l'article 257 du même code : " Sont également soumis à la taxe sur la valeur ajoutée : (...) 7° Les opérations concourant à la production ou à la livraison d'immeubles. Ces opérations sont imposables même lorsqu'elles revêtent un caractère civil. 1. Sont notamment visés : (...) c) Les livraisons à soi-même d'immeubles. Constituent notamment des livraisons à soi-même d'immeubles les travaux portant sur des immeubles existants qui consistent en une surélévation, ou qui rendent à l'état neuf : 1° Soit la majorité des fondations ; 2° Soit la majorité des éléments hors fondations déterminant la résistance et la rigidité de l'ouvrage ; 3° Soit la majorité de la consistance des façades hors ravalement ; 4° Soit l'ensemble des éléments de second oeuvre tels qu'énumérés par décret en Conseil d'Etat, dans une proportion fixée par ce décret qui ne peut être inférieure à la moitié pour chacun d'entre eux (...) " ;

15. Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'à l'occasion des travaux litigieux, la société requérante a fait procéder à la dépose puis la repose des colombages des façades et au remplacement du torchis employé pour procéder au remplissage des murs de ces façades ; que la société requérante ne justifie pas que, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, ces travaux n'ont, en réalité, concerné que l'une des façades de l'immeuble ; qu'elle n'est, dans ces conditions, pas fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration a estimé que les travaux litigieux ont remis à l'état neuf la majorité de la consistance des façades hors ravalement ; qu'elle n'est, en conséquence, pas davantage fondée à soutenir que c'est à tort que le service a pu remettre, en cause, pour ce seul motif, le taux réduit qu'elle a appliqué lors de la facturation du 31 décembre 2006 ;

16. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SARL CSM n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

17. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que la société requérante demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SARL CSM est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL CSM et au ministre de l'économie et des finances.

2

N° 15NC00836


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15NC00836
Date de la décision : 23/03/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

19-06-02-09-01 Contributions et taxes. Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. Taxe sur la valeur ajoutée. Calcul de la taxe. Taux.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: M. Franck ETIENVRE
Rapporteur public ?: Mme PETON
Avocat(s) : LEGI CONSEILS BOURGOGNE

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2017-03-23;15nc00836 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award