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23/05/2017 | FRANCE | N°16NC00677

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 23 mai 2017, 16NC00677


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M.A... B... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision du 6 avril 2016 par laquelle le préfet de Meurthe-et-Moselle l'a placé en rétention dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire pour une durée de cinq jours.

Par un jugement n° 1600960 du 11 avril 2016, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nancy a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 18 avril 2016, M. A...

B..., représenté par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal admi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M.A... B... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision du 6 avril 2016 par laquelle le préfet de Meurthe-et-Moselle l'a placé en rétention dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire pour une durée de cinq jours.

Par un jugement n° 1600960 du 11 avril 2016, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nancy a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 18 avril 2016, M. A... B..., représenté par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nancy du 11 avril 2016 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 6 avril 2016 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil, sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision contestée est entachée d'un défaut de motivation ;

- cette décision méconnaît son droit à une procédure contradictoire préalable, garanti par l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- elle procède d'un détournement de procédure dès lors que le préfet ne justifie d'aucune diligence particulière pour l'organisation de son départ ;

- elle méconnaît l'article 5 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- cette décision est entachée d'une erreur de droit dès lors que l'absence d'exécution d'une mesure d'éloignement ne caractérise pas en elle-même un risque de fuite et qu'il justifie de garanties de représentation suffisantes ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention précitée.

Par un mémoire en défense enregistré le 14 mars 2017, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête au motif qu'aucun des moyens n'est fondé.

M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 juillet 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- les arrêts de la Cour de justice de l'Union européenne C-166/13 et C-249/13 des 5 novembre et 11 décembre 2014 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Guérin-Lebacq a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que M.B..., ressortissant albanais né le 6 février 1996, déclare être entré en France le 20 octobre 2014, muni de son passeport, afin de solliciter la reconnaissance du statut de réfugié ; que sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 11 mars 2015, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 8 septembre 2015 ; que, par un arrêté du 22 avril 2015, le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de délivrer un titre de séjour à M. B...et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours ; que l'intéressé, qui n'a pas déféré à cette mesure d'éloignement, a sollicité le réexamen de sa situation au regard de son droit à l'asile ; que l'office a rejeté cette demande de réexamen comme irrecevable par une décision du 5 janvier 2016 ; que M.B..., interpellé par les services de police le 6 avril 2016, a été placé en rétention administrative par une décision du préfet de Meurthe-et-Moselle du même jour ; qu'il relève appel du jugement du 11 avril 2016 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 6 avril 2016 ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version alors applicable : " A moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger : (...) 6° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 551-2 du même code : " La décision de placement est prise par l'autorité administrative, après l'interpellation de l'étranger ou, le cas échéant, lors de sa retenue aux fins de vérification de son droit de circulation ou de séjour, à l'expiration de sa garde à vue, ou à l'issue de sa période d'incarcération en cas de détention. Elle est écrite et motivée. Elle prend effet à compter de sa notification à l'intéressé. Le procureur de la République en est informé immédiatement (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 561-2 de ce code, dans sa version applicable : " Dans les cas prévus à l'article L. 551-1, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné au II de l'article L. 511-1, qu'il se soustraie à cette obligation. Les trois derniers alinéas de l'article L. 561-1 sont applicables, sous réserve de la durée maximale de l'assignation, qui ne peut excéder une durée de quarante-cinq jours, renouvelable une fois " ; qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du même code : " (...) Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) / d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement (...) / f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 (...) " ;

3. Considérant, en premier lieu, que la décision contestée vise les dispositions applicables du 6° de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est ainsi suffisamment motivée en droit ; qu'en outre, après avoir rappelé que M. B...n'a pas déféré à la mesure d'éloignement prise à son encontre le 22 avril 2015, cette décision précise que l'intéressé, qui n'a remis à l'administration aucun document d'identité et de voyage en cours de validité et ne dispose pas d'une adresse stable en France, ne présente pas de garanties de représentation suffisantes susceptibles de justifier une assignation à résidence ; qu'ainsi, sans qu'y fasse obstacle l'absence de mention, dans la décision contestée, de la possession d'une carte d'identité en cours de validité, cette décision est également motivée en fait ; que, par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté ;

4. Considérant, en deuxième lieu, que, ainsi que la Cour de justice de l'Union européenne l'a jugé dans ses arrêts C-166/13 et C-249/13 des 5 novembre 2014 et 11 décembre 2014, le droit d'être entendu préalablement à l'adoption d'une décision de retour implique que l'autorité administrative mette le ressortissant étranger en situation irrégulière à même de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur l'irrégularité du séjour et les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité s'abstienne de prendre à son égard une décision de retour ; qu'il n'implique toutefois pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français ou sur la décision le plaçant en rétention dans l'attente de l'exécution de la mesure d'éloignement, dès lors qu'il a pu être entendu sur l'irrégularité du séjour ou la perspective de l'éloignement ;

5. Considérant que M.B... a été entendu par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides dans le cadre de l'examen de sa demande d'asile, avant que cette instance ne se prononce le 11 mars 2015, et pouvait faire valoir à tout moment auprès du préfet les éléments pertinents relatifs à son séjour en France avant que n'interviennent l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre le 22 avril 2015, puis la décision de rétention litigieuse prise le 6 avril 2016 pour l'exécution de cette mesure d'éloignement ; que par suite, le requérant, qui se borne à contester les conditions dans lesquelles il a été mis à même de présenter des observations sur la décision contestée, quelques minutes avant que celle-ci ne lui soit notifiée, n'est pas fondé à soutenir qu'il aurait été privé du droit à être entendu, garanti notamment par l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

6. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 554-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pendant le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration doit exercer toute diligence à cet effet "; qu'il ressort des pièces du dossier que, dans les jours suivant la mise en rétention de M.B..., l'administration a pris contact avec les autorités consulaires albanaises afin d'organiser une audition par téléphone, entre un représentant de ces autorités et l'intéressé, dans la perspective de l'éloignement de celui-ci ; que dans ces conditions, le moyen tiré d'un détournement de procédure, en tant que le préfet de Meurthe-et-Moselle n'aurait fait aucune diligence pour obtenir le départ de M.B..., ne peut qu'être écarté ;

7. Considérant, en quatrième lieu, qu'il est constant que M. B...n'a pas exécuté, dans le délai de trente jours qui lui était imparti, la décision l'obligeant à quitter le territoire français du 22 avril 2015, qui lui a été notifiée le 2 mai suivant en présence d'un interprète ; que le préfet de Meurthe-et-Moselle fait valoir, sans être contesté sur ce point par le requérant, que celui-ci n'a pas présenté son passeport en cours de validité aux services de la préfecture, lesquels n'en détiennent qu'une copie ; que si M. B...indique être titulaire d'une carte d'identité en cours de validité, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé était hébergé, à la date de la décision contestée, dans des locaux destinés aux demandeurs d'asile, dans lesquels il n'avait plus vocation à se maintenir ; que s'il a également produit devant le premier juge une attestation d'hébergement émanant de son beau-frère, ce document établi postérieurement à la décision contestée pour les besoins de la cause ne saurait justifier d'un domicile stable ; que dans ces conditions, alors au demeurant que le requérant ne conteste pas sérieusement le caractère insuffisant de ses garanties de représentation, il n'est pas fondé à soutenir que la mesure de rétention serait disproportionnée et qu'il aurait dû faire, notamment, l'objet d'une assignation à résidence ;

8. Considérant, en cinquième lieu, que M.B..., célibataire et sans enfant, n'est arrivé en France qu'en 2014, moins de deux ans avant la décision contestée et ne justifie d'aucune intégration sociale ou professionnelle sur le territoire français ; que par suite, la seule circonstance que sa soeur et son beau-frère résident en France ne saurait caractériser une méconnaissance par le préfet de Meurthe-et-Moselle des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

9. Considérant, en dernier lieu, que M.B..., qui ne démontre pas que la mesure de rétention litigieuse serait irrégulière, ne saurait se prévaloir d'une prétendue méconnaissance de l'article 5 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui prévoit notamment que " Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales (...) s'il s'agit de l'arrestation ou de la détention régulières d'une personne pour l'empêcher de pénétrer irrégulièrement dans le territoire, ou contre laquelle une procédure d'expulsion ou d'extradition est en cours " ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ne peuvent qu'être rejetées ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.

2

N° 16NC00677


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16NC00677
Date de la décision : 23/05/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme DHIVER
Rapporteur ?: M. Jean-Marc GUERIN-LEBACQ
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : COCHE-MAINENTE

Origine de la décision
Date de l'import : 06/06/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2017-05-23;16nc00677 ?
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