La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/07/1999 | FRANCE | N°96NT01585

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3e chambre, 08 juillet 1999, 96NT01585


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 17 juillet 1996, présentée pour le Centre hospitalier régional universitaire (C.H.R.U.) de Tours, représenté par son directeur général, à ce dûment habilité par délibération du conseil d'adminis-tration du 4 juillet 1996, par Me COUTARD, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ;
Le C.H.R.U. de Tours demande à la Cour :
1 ) de réformer le jugement n 92-1172 du Tribunal administratif d'Orléans du 25 avril 1996 en tant qu'il l'a condamné à verser aux ayants droit de Mme Maria A... une somme de 1 200 000 F, e

t a subrogé le Fonds d'indemnisation des transfusés et hémophiles (F.I.T....

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 17 juillet 1996, présentée pour le Centre hospitalier régional universitaire (C.H.R.U.) de Tours, représenté par son directeur général, à ce dûment habilité par délibération du conseil d'adminis-tration du 4 juillet 1996, par Me COUTARD, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ;
Le C.H.R.U. de Tours demande à la Cour :
1 ) de réformer le jugement n 92-1172 du Tribunal administratif d'Orléans du 25 avril 1996 en tant qu'il l'a condamné à verser aux ayants droit de Mme Maria A... une somme de 1 200 000 F, et a subrogé le Fonds d'indemnisation des transfusés et hémophiles (F.I.T.H.) contaminés par le virus de l'immunodéficience humaine (V.I.H.) dans les droits des ayants droit de Mme Maria A... et dans les droits de M. Guy A..., à hauteur des sommes respectives de 1 077 000 F et 150 000 F ;
2 ) de rejeter la demande présentée par les ayants droit de Mme Maria A... et les conclusions du F.I.T.H. tendant à être subrogé dans les droits des personnes qu'il a indemnisés ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu la loi n 91-1406 du 31 décembre 1991 portant diverses mesures d'ordre social, et notamment son article 47 ;
Vu la loi n 93-5 du 4 janvier 1993 relative à la sécurité en matière de transfusion sanguine et de médicament ;
Vu le décret n 92-183 du 26 février 1992 relatif au fonds d'indemnisation institué par l'article 47 de la loi n 91-1406 du 31 décembre 1991 ;
Vu le décret n 92-759 du 31 juillet 1992 relatif aux actions en justice intentées devant la Cour d'appel de Paris en vertu de l'article 47 de la loi n 91-1406 du 31 décembre 1991 ;
Vu le décret n 93-906 du 12 juillet 1993 instituant les dispositions particulières de procédure intéressant le fonds créé par l'article 47 de la loi n 91-1406 du 31 décembre 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 juin 1999 :
- le rapport de M. MILLET, premier conseiller,
- les observations de Me COUTARD, avocat du Centre hospitalier régional universitaire de Tours,
- les observations de Me FOUCRE, substituant Me HUC, avocat de la Société nationale des chemins de fer français,
- les observations de Me Z..., substituant Me HASCOET, avocat de la société Axa Global Risks,
- les observations de Me MARTRE-PRENEUX, substituant Me SALAN, avocat du Centre hospitalier de Châteauroux,
- et les conclusions de Mme JACQUIER, commissaire du
gouvernement ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que le Centre hospitalier régional universitaire (C.H.R.U.) de Tours se borne, dans sa requête en appel enregistrée le 17 juillet 1996, à contester le jugement du Tribunal administratif d'Orléans du 25 avril 1996 en tant, d'une part, que, par son article 3, il l'a condamné à verser aux ayants droit de Mme Maria A... une somme de 1 200 000 F, à raison de sa contamination par le virus de l'immunodéficience humaine (V.I.H.) et en tant, d'autre part, que, par son article 5, il a subrogé le Fonds d'indemnisation des transfusés et hémophiles contaminés par le virus (F.I.T.H.) dans les droits des ayants droit de Mme A..., et dans ceux de M. Guy A..., respectivement à hauteur des sommes de 1 077 000 F et 150 000 F ;
Sur la régularité du jugement :
Considérant que si le C.H.R.U. de Tours entend critiquer l'insuffisance de motivation du jugement attaqué en ce qui concerne la détermination du préjudice de Mme A..., il n'a invoqué ce moyen pour la première fois que dans un mémoire complémentaire enregistré le 16 avril 1997, postérieurement à l'expiration du délai d'appel ; que, par suite, ce moyen est irrecevable et doit être écarté ;
Sur les conclusions d'appel principal du C.H.R.U. de Tours et d'appel incident des ayants droit de Mme A... relatives au montant du préjudice de Mme A... :
Considérant que le C.H.R.U. de Tours soutient, à titre principal, que le montant de l'indemnité qu'il a été condamné par le jugement attaqué à verser à Mme A... ne saurait excéder la somme de 1 077 000 F, versée par le F.I.T.H. ; que, dans le dernier état de leurs conclusions incidentes, les consorts A... demandent au contraire que la somme que le C.H.R.U. de Tours a été condamné à leur verser en réparation du préjudice subi par Mme A..., soient portées de 1 200 000 F à 2 000 000 F, avant déduction des sommes allouées par le F.I.T.H. ;
Considérant qu'eu égard aux objectifs d'indemnisation complète et rapide fixés par le législateur, le juge doit accorder une réparation intégrale depuis la publication du décret susvisé du 12 juillet 1993 dans les cas où la somme à verser par le F.I.T.H. en réparation du préjudice invoqué est susceptible d'être remise en cause ; qu'ainsi, contrairement à ce qu'allègue le C.H.R.U. de Tours, l'acceptation par Mme A... de l'indemnisation qui lui a été offerte par le F.I.T.H. n'est pas de nature à priver ses ayants droit de leur intérêt à agir devant le juge administratif à l'effet d'obtenir une réparation globale et forfaitaire qui puisse excéder la part représentative du préjudice spécifique de contamination de la victime ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'en fixant, par une juste estimation des préjudices de toute nature subis par Mme A... du fait de sa contamination par le V.I.H., à une somme forfaitaire de 1 200 000 F, supérieure de 123 000 F à celle qui lui avait été allouée par le F.I.T.H., le montant de l'indemnité destinée à lui assurer la réparation complète de ces préjudices, le Tribunal administratif a fait une appréciation insuffisante des circonstances de la cause ; qu'eu égard au caractère exceptionnel du préjudice subi par Mme A..., il sera fait une exacte appréciation des troubles de toute nature qu'elle a subis dans ses conditions d'existence en portant le montant de la réparation due de ce chef à la somme de 2 000 000 F, dont il y aura lieu, en application des dispositions de l'article 47 de la loi du 31 décembre 1991 et de l'article 17 du décret du 31 juillet 1992, de déduire la somme de 1 077 000 F versée à l'intéressée par le F.I.T.H. ; qu'ainsi, l'indemnité qui doit être mise à la charge du C.H.R.U. de Tours doit être ramenée de 1 200 000 F à 923 000 F ; qu'il y a donc lieu de réformer l'article 3 du jugement sur ce point ;
Sur les conclusions d'appel principal du C.H.R.U. de Tours et d'appel incident des consorts A... relatives au montant du préjudice de M. A... :
Considérant que M. Guy A... a reçu du F.I.T.H. une somme de 150 000 F en réparation du préjudice moral et des troubles apportés à ses conditions d'existence à la suite de la contamination de son épouse ; que si, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif a condamné le C.H.R.U. de Tours à lui payer la même somme, sans opérer la déduction qu'il lui incombait pourtant d'effectuer même d'office, les conclusions d'appel principal du C.H.R.U. de Tours tendant à ce que la Cour opère cette déduction ont été présentées pour la première fois, non lors de l'introduction de la requête, qui ne remet pas en cause le montant de l'indemnisation de M. A..., mais lors du dépôt du mémoire complémentaire enregistré le 16 avril 1997, postérieurement à l'expiration du délai d'appel ; que ces conclusions, nouvelles en appel, sont, par suite, irrecevables et doivent être rejetées ;
Considérant que les conclusions incidentes présentées en appel ne sont recevables que dans la mesure ou l'appel principal est recevable ; que les conclusions d'appel principal formées par le C.H.R.U. de Tours étant irrecevables, les conclusions d'appel incident des consorts A... tendant à ce que l'indemnité qui a été mise à la charge du C.H.R.U. par l'article 4 du jugement attaqué soit portée de 150 000 F à 500 000 F sont elles-mêmes irrecevables et doivent être rejetées ;
Sur les conclusions d'appel principal du C.H.R.U. de Tours relatives à la subrogation du F.I.T.H. :

Considérant qu'aux termes de l'article 47-IX de la loi du 31 décembre 1991 susvisée, le fonds d'indemnisation des personnes transfusées ou hémophiles " ... est subrogé, à due concurrence des sommes versées dans les droits que possède la victime contre la personne responsable du dommage ainsi que contre les personnes tenues à un titre quelconque d'en assurer la réparation totale ou partielle dans la limite du montant des prestations à la charge desdites personnes. Toutefois, le fonds ne peut engager d'action au titre de cette subrogation que lorsque le dommage est imputable à une faute" ;
Considérant que par les dispositions précitées de l'article 47-IX de la loi du 31 décembre 1991, le législateur a limité la subrogation du fonds dans les droits de la victime aux cas où le dommage est imputable à une faute et l'a ainsi exclue pour les hypothèses de responsabilité sans faute ; qu'il résulte, toutefois, de l'instruction que le Tribunal, après avoir admis l'engagement de la responsabilité du C.H.R.U. de Tours, du fait de la contamination de Mme A... lors d'une transfusion de produits sanguins réalisée le 14 février 1984, sur le fondement de la responsabilité sans faute, a néanmoins décidé "qu'il y avait lieu de subroger le F.I.T.H. dans les droits des ayants droit de Mme A... d'une part, et dans les droits de M. Guy A..., d'autre part, à hauteur des sommes respectives de 1 077 000 F et de 150 000 F" ; qu'il a ainsi commis une erreur de droit ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le C.H.R.U. de Tours est fondé à demander l'annulation de l'article 5 du jugement du Tribunal administratif d'Orléans du 25 avril 1996 ;
Sur les conclusions d'appel incident de la Société nationale des chemins de fer français (S.N.C.F.) relatives à la capitalisation des intérêts :
Considérant que, par l'article 6 du jugement attaqué, le C.H.R.U. de Tours a été condamné à verser à la S.N.C.F. une somme de 547 884 F, majorée des intérêts à compter du 10 juin 1992 au titre des prestations sociales servies à Mme A... ; que le C.H.R.U. de Tours n'a présenté, en appel, aucune conclusion à l'encontre de la S.N.C.F. concernant l'indemnité qu'il a été condamné à lui verser par le jugement attaqué ; que l'appel incident de la S.N.C.F. n'est, dès lors, pas recevable et doit être rejeté ;
Sur les conclusions du Centre hospitalier (C.H.) de Châteauroux, de la Fondation nationale de transfusion sanguine (F.N.T.S.) et de la société Axa Global Risks, venant aux droits d'Uni Europe, assureur du Centre régional de transfusion sanguine (C.R.T.S.) de Tours :

Considérant que, par son article 9, le jugement attaqué a rejeté les conclusions d'appel en garantie dirigées par le C.H.R.U. de Tours contre le C.H. de Châteauroux, le Centre départemental de transfusion sanguine (C.D.T.S.) de Châteauroux et Uni Europe, assureur du C.R.T.S. de Tours ; que le C.H.R.U. de Tours ne demande pas l'annulation du jugement sur ce point ; que, dès lors, les conclusions du C.H. de Châteauroux, de la F.N.T.S. et de la société Axa Global Risks, venant aux droits d'Uni Europe, assureur du C.R.T.S. de Tours, tendant à être mis hors de cause sont dépourvues d'objet et doivent, par suite, être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant, d'une part, que les dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel font obstacle à ce que le C.H.R.U. de Tours qui, dans la présente instance, n'est pas la partie perdante, soit condamné à verser aux consorts A..., à la S.N.C.F., au C.H. de Châteauroux et à la F.N.T.S. les sommes que ceux-ci demandent, au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
Considérant, d'autre part, que les dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel font obstacle à ce que la société Axa Global Risks qui, dans la présente instance, n'est pas la partie perdante à son égard soit condamnée à verser à la S.N.C.F. la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La somme que le Centre hospitalier régional universitaire de Tours a été condamné à verser aux ayants droit de Mme Maria A... par le jugement du Tribunal administratif d'Orléans du 25 avril 1996 est ramenée de un million deux cent mille francs (1 200 000 F) à neuf cent vingt trois mille francs (923 000 F).
Article 2 : L'article 3 du jugement précité du 25 avril 1996 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : L'article 5 du jugement du Tribunal administratif d'Orléans du 25 avril 1996 est annulé.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête du Centre hospitalier régional universitaire de Tours et des appels incidents des consorts A... et de la Société nationale des chemins de fer français, ainsi que les conclusions présentées par le Centre hospitalier de Châteauroux, la Fondation nationale de transfusion sanguine et de la société Axa Global Risks, venant aux droits d'Uni Europe, sont rejetés.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au Centre hospitalier régional universitaire de Tours, à la Société nationale des chemins de fer français, à M. Guy A..., à M. Jean-Claude A..., à Mme Martine X..., à Mme Catherine Y..., au Fonds d'indemnisation des transfusés et hémophiles contaminés par le virus de l'immunodéficience humaine, au liquidateur de la Fondation nationale de transfusion sanguine, au Centre hospitalier de Châteauroux, à la société Axa Global Risks et au ministre de l'emploi et de la solidarité.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3e chambre
Numéro d'arrêt : 96NT01585
Date de la décision : 08/07/1999
Type d'affaire : Administrative

Analyses

60-04-03 RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - REPARATION - EVALUATION DU PREJUDICE


Références :

Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1
Décret 92-759 du 31 juillet 1992 art. 17
Décret 93-906 du 12 juillet 1993
Loi 91-1406 du 31 décembre 1991 art. 47


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. MILLET
Rapporteur public ?: Mme JACQUIER

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;1999-07-08;96nt01585 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award