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30/04/2014 | FRANCE | N°13NT01991

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 30 avril 2014, 13NT01991


Vu la requête, enregistrée le 5 juillet 2013, présentée pour M. D... A..., demeurant ..., et pour Mme F... E..., domiciliée..., par Me Bourgeois, avocat au barreau de Nantes ; M. A... et Mme E... demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1006424 du 26 mars 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de M. A... tendant à l'annulation de la décision du 5 février 2009 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours contre la décision des autorités consulaires française

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Vu la requête, enregistrée le 5 juillet 2013, présentée pour M. D... A..., demeurant ..., et pour Mme F... E..., domiciliée..., par Me Bourgeois, avocat au barreau de Nantes ; M. A... et Mme E... demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1006424 du 26 mars 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de M. A... tendant à l'annulation de la décision du 5 février 2009 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours contre la décision des autorités consulaires françaises à Dacca (Bangladesh) de délivrer des visas de long séjour à Mme F... E... et aux enfants K... B...A..., J... B...A..., G... B...A..., I... A...et à H... B...A..., au titre de la procédure de famille rejoignante d'un réfugié statutaire ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cette décision ;

3°) d'enjoindre, sous astreinte, au préfet de la Loire-Atlantique de délivrer les visas d'entrée et de long séjour sollicités dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à leur avocat au titre des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice

administrative ;

ils soutiennent que :

- la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France n'est pas suffisamment motivée ;

- la décision est entachée d'une erreur d'appréciation au regard de l'existence du lien familial ; la vérification sur place des actes d'état civil des enfants et de l'acte de mariage par un cabinet d'avocats mandaté à cet effet a été effectuée en l'absence, d'une part, du président du bureau d'état civil, d'autre part du cadi ; cette vérification ne suffit pas à établir le caractère frauduleux des actes d'état civil lorsque leur contenu est confirmé par les déclarations constantes du réfugié notamment auprès de l'office français de protection des réfugiés et apatrides ; les constatations sont en outre contradictoires avec les actes de naissance enregistrés par informatique entre le 2 et le 6 juin 2011, l'acte de mariage vérifié par les autorités bangladaises le 14 avril 2011 et le passeport de Mme A... ;

- la possession d'état est établie ; M. A... pourvoit régulièrement à l'entretien et à l'éducation des enfants par l'envoi de sommes d'argent ; il produit une photographie de la famille ; les certificats d'identité et de scolarité confirment la réalité des liens familiaux ; sa fille K... a depuis obtenu le statut de réfugié ; ses déclarations sont concordantes avec celles de son père ; il a engagé devant le tribunal de grande instance une procédure aux fins d'établissement de la filiation des cinq enfants ;

- la décision prise méconnait le principe d'unité de la famille de la convention de Genève ;

- la décision est contraire aux stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de celles du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 16 octobre 2013, présenté par le ministre de l'intérieur qui conclut au rejet de la requête ;

il soutient que :

- la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France est suffisamment motivée en fait et en droit ;

- le cabinet d'avocats accrédité auprès de l'ambassade de France au Bangladesh a certifié que les actes de naissance des enfants et l'acte de mariage entre M. et Mme A... étaient apocryphes ; la possession d'état n'est pas établie ; les nouveaux certificats de naissance établis le 6 juin 2011 ne permettent pas de remettre en cause les vérifications effectuées par l'autorité consulaire ;

- le requérant ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance des stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le mémoire, enregistré le 24 mars 2014, présenté pour M. A... et Mme E... qui

concluent par les mêmes moyens aux mêmes fins que leur requête ;

ils font valoir que :

- à titre subsidiaire, compte tenu de l'introduction de la demande de M. A... devant le tribunal de grande instance de Pontoise aux fins de voir établir le lien de filiation l'unissant aux enfants par la réalisation d'un test génétique, la cour devrait surseoir à statuer dans l'attente de la décision du juge civile ;

Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle, en date du 9 juillet 2013, admettant M. A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Convention de Genève du 28 juillet 1951 et le protocole signé à New York le 31 janvier 1967 ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

Vu le code civil ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 avril 2014 :

- le rapport de Mme Allio-Rousseau, premier conseiller ;

- et les conclusions de Mme Grenier, rapporteur public ;

1. Considérant que M. A..., ressortissant bangladais né en 1957, est entré en France en 2003 et a obtenu le statut de réfugié le 8 novembre 2004 ; que le 7 novembre 2006, des demandes de visa de long séjour ont été déposées auprès de l'autorité consulaire à Dacca (Bangladesh) par Mme F... E...et les enfants, K...B..., J...B..., G...B..., I... A...et H...B..., en leur qualité de famille rejoignante de réfugié statutaire ; que, par une décision en date du 3 juillet 2007, l'autorité consulaire française à Dacca a rejeté les demandes présentées ; que M. A... a formé un recours auprès de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée, qui, par une décision du 5 février 2009, l'a rejeté ; que M. A... et Mme E... relèvent appel du jugement du 26 mars 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de M. A... tendant à l'annulation de cette décision ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant qu'il appartient en principe aux autorités consulaires de délivrer au conjoint et aux enfants d'un réfugié statutaire les visas qu'ils sollicitent ; qu'elles ne peuvent opposer un refus à une telle demande que pour un motif d'ordre public, notamment en cas de fraude ;

3. Considérant que, pour rejeter le recours de M. A... dirigé contre la décision de l'ambassadeur de France au Bangladesh refusant de délivrer les visas d'entrée et de long séjour en France pour Mme E... et ses enfants, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a estimé, d'une part, que les actes de naissance présentés à l'appui des demandes de visas avaient un caractère apocryphe et, d'autre part, que l'acte de mariage avec Mme E... était également apocryphe ; que ce motif repose sur un rapport d'enquête établi le 1er décembre 2006 par un avocat bangladais mandaté par les autorités consulaires françaises à Dacca afin de vérifier l'authenticité des actes d'état civil produits, lequel conclut qu'aucun des actes d'état civil présentés ne pouvaient être tenus pour authentiques ; que toutefois, il ressort des termes de la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France que les actes de naissance produits à l'appui de la demande de visa d'entrée et de long séjour, établis le 12 décembre 2004, ne correspondent pas aux actes de naissance en date du 23 avril 2005 mentionnés dans ce rapport d'enquête et qui seuls ont fait l'objet de vérification ; que, s'agissant de l'acte de mariage, il ressort de deux attestations émises par le bureau enregistreur de mariage et de divorce de la municipalité de Biswanath n° 6 que ce mariage a été enregistré le 10 décembre 1985 sous le numéro 220/85 volume 2K ; que ces attestations ne sont pas critiquées par le ministre de l'intérieur ; que ces documents, ainsi que les passeports des intéressés, confirment les déclarations faites par le requérant auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides dès l'introduction de sa demande d'asile le 23 mai 2003, réitérées depuis lors, quant à sa situation matrimoniale et l'identité des membres de sa famille ; que, par suite, dans les circonstances de l'espèce, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a commis une erreur d'appréciation en estimant que le lien matrimonial avec Mme E... et le lien de filiation avec K...B..., J...B..., G...B..., I... A...et H...B..., n'étaient pas établis ; que dès lors, M. A... et Mme E..., sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, sont fondés à demander l'annulation de la décision du 5 février 2009 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A... et Mme E... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de M. A... ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. Considérant, d'une part, que Mlle Lucky B... a obtenu le statut de réfugié par décision de la Cour nationale du droit d'asile du 19 octobre 2012 ; que, par suite, les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à l'autorité compétente de lui délivrer un visa d'entrée et de long séjour ne peuvent qu'être rejetées ;

6. Considérant, d'autre part, qu'eu égard aux motifs du présent arrêt, et sous réserve de changements dans la situation de fait des intéressés, il y a lieu d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer, dans le délai de deux mois à compter de la notification de cet arrêt, les visas d'entrée et de long séjour sollicité par Mme F... E...et les enfants J...B..., G...B..., I... A...et H...B... ; qu'il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces dispositions, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser au conseil de M. A... et de Mme E..., sous réserve que celui-ci renonce à percevoir le montant de la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 26 mars 2013 et la décision du 5 février 2009 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer à Mme F... E...et aux enfants J...B..., G...B..., I... A...et H... B...un visa d'entrée et de long séjour en France, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera au conseil de M. A... et de Mme E... la somme de 2 000 euros, en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de la renonciation de celui-ci à percevoir le montant de la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A..., à Mme F... E...et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 10 avril 2014, à laquelle siégeaient :

- M. Iselin, président de chambre,

- M. Millet, président assesseur,

- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 30 avril 2014.

Le rapporteur,

M-P. ALLIO-ROUSSEAULe président,

B. ISELIN

Le greffier,

F. PERSEHAYE

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N° 13NT01991


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-005-01 Étrangers. Entrée en France. Visas.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. ISELIN
Rapporteur ?: Mme Marie-Paule ALLIO-ROUSSEAU
Rapporteur public ?: Mme GRENIER
Avocat(s) : BOURGEOIS

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Date de la décision : 30/04/2014
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 13NT01991
Numéro NOR : CETATEXT000028969963 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2014-04-30;13nt01991 ?
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