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06/03/2015 | FRANCE | N°14NT00050

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 06 mars 2015, 14NT00050


Vu la requête, enregistrée le 13 janvier 2014 et le mémoire complémentaire enregistré le 21 août 2014, présentés pour la société civile d'exploitation agricole (SCEA) La Tremblaie, dont le siège est à " La Haute Tremblaie " à Parné-sur-Roc (53260) représentée par son gérant, par Me Barbier, avocat au barreau de Rennes ; la SCEA La Tremblaie demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 11-2326 du 22 novembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de la Fédération pour l'environnement en Mayenne, l'arrêté du 7 avril 2008 du

préfet de la Mayenne l'autorisant à exploiter après extension, à Parné-sur-Roc...

Vu la requête, enregistrée le 13 janvier 2014 et le mémoire complémentaire enregistré le 21 août 2014, présentés pour la société civile d'exploitation agricole (SCEA) La Tremblaie, dont le siège est à " La Haute Tremblaie " à Parné-sur-Roc (53260) représentée par son gérant, par Me Barbier, avocat au barreau de Rennes ; la SCEA La Tremblaie demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 11-2326 du 22 novembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de la Fédération pour l'environnement en Mayenne, l'arrêté du 7 avril 2008 du préfet de la Mayenne l'autorisant à exploiter après extension, à Parné-sur-Roc, un élevage porcin de 2 849 animaux équivalents comprenant 905 truies, 2 verrats et 128 cochettes ;

2°) de rejeter la demande présentée par la Fédération pour l'environnement en Mayenne devant le tribunal administratif de Nantes ;

3°) de mettre à la charge de la Fédération pour l'environnement en Mayenne une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que :

- l'arrêté ministériel du 7 février 2005 servant de fondement au jugement attaqué est abrogé et remplacé par un nouvel arrêté du 27 décembre 2013 en vertu duquel un plan d'épandage doit être jugé satisfaisant dès lors que l'équilibre de la fertilisation azotée est atteint, nonobstant un éventuel excédent d'apports phosphatés ; aussi son plan d'épandage doit désormais être jugé conforme ;

- en tout état de cause, il appartient au juge d'appel des installations classées de prendre en compte un arrêté modificatif de l'autorisation initiale alors même que cette dernière a été annulée ; à cet égard, l'arrêté préfectoral du 6 juin 2014 modifie son plan d'épandage par l'intégration de deux nouveaux prêteurs de surface et l'adjonction de nouvelles parcelles, assurant ainsi des apports de phosphate inférieurs aux capacités d'exportation de ces parcelles ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 8 septembre 2014, présenté pour la Fédération pour l'environnement en Mayenne, dont le siège est 33 rue du Vieux Saint-Louis à Laval (53000) représentée par son président, par Me Mignard, avocate au barreau de Laval, qui s'en remet à la sagesse de la Cour sur la requête de la SCEA La Tremblaie ;

Vu le mémoire, enregistré le 25 novembre 2014, présenté par la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, qui conclut à l'annulation du jugement attaqué ;

elle précise que le préfet de la Mayenne a délivré le 6 juin 2014 à la SCEA un arrêté fixant des prescriptions complémentaires à celui du 7 avril 2008 en portant à 289,20 ha, grâce à l'adjonction de deux nouvelles exploitations, la surface d'épandage précédemment limitée à 185,30 ha et en fixant dans des tableaux détaillés les périodes d'interdiction d'épandage ;

Vu le mémoire, enregistré le 28 novembre 2014, présenté pour la Fédération pour l'environnement en Mayenne, qui conclut au rejet de la requête, à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Mayenne de prendre un nouvel arrêté complémentaire dans un délai de trois mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 200 euros par jour de retard et à ce que soit mise à la charge de la SCEA La Tremblaie une somme de 2 000 euros euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, et qui s'en remet à ses observations de première instance ;

Vu le mémoire, enregistré le 15 janvier 2015, présenté pour la SCEA La Tremblaie, qui conclut aux mêmes fins que sa requête ;

elle ajoute que la demande de première instance était irrecevable, en raison du défaut de capacité juridique et d'intérêt à agir de la Fédération pour l'environnement en Mayenne et que l'étude d'impact était suffisante ;

Vu le mémoire, enregistré le 22 janvier 2015, présenté pour la Fédération pour l'environnement en Mayenne, qui conclut aux mêmes fins que précédemment et en outre soutient que sa demande de première instance était recevable ;

Vu la décision du 29 avril 2014 de la section du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Nantes accordant le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à la Fédération pour l'environnement en Mayenne ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu l'arrêté du 27 décembre 2013 relatif aux prescriptions générales applicables aux installations relevant du régime de l'autorisation au titre des rubriques 2101, 2102, 2111 et 3660 de la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée relative à l'aide juridique ;

Vu le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 février 2015 :

- le rapport de M. François, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Delesalle, rapporteur public ;

- et les observations de Me Barbier, avocat de la SCEA La Tremblaie ;

1. Considérant que la SCEA La Tremblaie relève appel du jugement du 22 novembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de la Fédération pour l'environnement en Mayenne, l'arrêté du 7 avril 2008 du préfet de la Mayenne l'autorisant à exploiter après extension à Parné-sur-Roc un élevage porcin de 2 849 animaux équivalents comprenant 905 truies, 2 verrats et 128 cochettes ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'environnement : " Sont soumis aux dispositions du présent titre (...) les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature et de l'environnement " ; que l'article 27-4 de l'arrêté du 27 décembre 2013 susvisé dispose que : " La superficie du plan d'épandage est réputée suffisante lorsque la quantité d'azote épandable issue des animaux de l'installation et destinée à être épandue mécaniquement ou par les animaux eux-mêmes n'excède pas les capacités d'exportation en azote des cultures et des prairies exploitées en propre et/ou mises à disposition. La superficie est calculée sur la base des informations figurant dans les conventions d'épandage compte tenu des quantités d'azote épandable produites ou reçues par ailleurs par le prêteur de terres (...) " ;

3. Considérant que le tribunal administratif de Nantes a prononcé l'annulation de l'arrêté litigieux au motif que l'étude d'impact indiquait que sur chacune des trois exploitations inscrites au plan d'épandage, la balance export/apport organique faisait ressortir un résultat excédentaire de 30 % pour le phosphore et que 73,3 % des sols concernés présentaient un risque important de lessivage, en raison du drainage dont ils faisaient l'objet, avec pour conséquence que les excédents de phosphore rejoindraient les eaux superficielles, contribuant ainsi à l'eutrophisation des eaux continentales ; que, toutefois, il résulte de l'instruction que par un arrêté complémentaire du 6 juin 2014, le préfet de la Mayenne, a modifié, conformément à la demande de l'exploitant, le plan d'épandage de la SCEA La Tremblaie, en y ajoutant deux nouvelles exploitations, permettant ainsi de porter à 289,20 hectares la surface d'épandage précédemment limitée à 185,30 hectares ; que l'arrêté complémentaire précise par ailleurs pour chaque type de fertilisant, et en fonction des cultures concernées, les périodes annuelles d'interdiction d'épandage ; que ces mesures sont de nature à garantir que l'apport organique de phosphore demeurera inférieur aux capacités d'exportation en phosphore des sols d'épandage ; que par ailleurs, l'arrêté ministériel du 27 décembre 2013 précité précise qu'un plan d'épandage est satisfaisant lorsque l'équilibre de la fertilisation azotée est atteint ; que le plan d'épandage de l'exploitation requérante respecte désormais cet équilibre ; que, dans ces conditions, c'est à tort que le tribunal administratif de Nantes s'est fondé pour annuler l'arrêté contesté sur le motif tiré de ce que les excédents de phosphore issus de l'exploitation rejoindront les eaux superficielles et contribueront à l'eutrophisation des eaux continentales ;

4. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen soulevé par la Fédération pour l'environnement en Mayenne devant le tribunal administratif de Nantes ;

5. Considérant qu'aux termes de l'article R. 512-8 du code de l'environnement dans sa version alors applicable : " I. - Le contenu de l'étude d'impact mentionnée à l'article R. 512-6 doit être en relation avec l'importance de l'installation projetée et avec ses incidences prévisibles sur l'environnement, au regard des intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1. (...) L'étude d'impact présente successivement : a) Une analyse de l'état initial du site et de son environnement (...) b) Une analyse des effets directs et indirects, temporaires et permanents de l'installation sur l'environnement (...) d) Les mesures envisagées par le demandeur pour supprimer, limiter et si possible compenser les inconvénients de l'installation ainsi que l'estimation des dépenses correspondantes (...) " ; que les inexactitudes, omissions ou insuffisances d'une étude d'impact ne sont susceptibles de vicier la procédure et donc d'entraîner l'illégalité de la décision prise au vu de cette étude que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative ;

6. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'étude d'impact jointe au dossier d'enquête publique comporte une description précise du réseau hydrographique concerné par le projet, en particulier du bassin versant de la rivière Ouette, et de l'analyse des teneurs en nitrate des cours d'eau concernés, au demeurant faible dans le périmètre d'épandage ; que les incidences de l'épandage sur la qualité des eaux sont précisément analysées sur la base d'une étude pédologique prenant en compte l'aptitude des sols concernés ; que l'étude d'impact mentionne les modalités de l'épandage et les périodes d'interdiction, déterminées en fonction des cultures pratiquées et du type de fertilisant utilisé, ainsi que les quantités d'effluents apportées, notamment en matière d'azote, de potasse et de phosphore ; qu'elle n'omet pas indiquer que l'apport de phosphore est excédentaire par rapport aux capacités d'exportation des cultures, mais précise qu'il est prévu de mettre en oeuvre des mesures compensatoires permettant de prévenir le risque d'érosion des sols et donc de limiter le transfert de phosphore vers les milieux aquatiques notamment par le maintien d'un couvert végétal permanent sur certaines parcelles, la mise en place de prairies et bandes enherbées au bord des cours d'eau et la préservation des talus et boisements ; que, par ailleurs, cette étude indique que les quantités d'ammoniac émises demeureront inférieures aux valeurs à partir desquelles cette substance est susceptible d'engendrer un risque sanitaire ; qu'elle mentionne l'existence de six élevages hors sol dans un rayon de 3 kilomètres autour du site d'exploitation, ainsi que la présence, à 350 m. de la parcelle d'épandage la plus proche, de la tourbière de la Malabrière classée comme zone naturelle d'intérêt écologique, faunistique et floristique qui ne sera pas affectée par l'épandage et celle du périmètre de protection du captage d'eau de Juigné qui n'en subira pas non plus les conséquences ; qu'il suit de là que le moyen tiré de l'insuffisance de l'étude d'impact doit être écarté ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par l'appelante et par le préfet en 1ère instance, que la SCEA La Tremblaie est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé l'arrêté du 7 avril 2008 du préfet de la Mayenne ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant qu'il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de la Fédération pour l'environnement en Mayenne la somme que demande la SCEA La Tremblaie au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que ces dispositions font par ailleurs obstacle à ce que soit mis à la charge de la SCEA La Tremblaie, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement à la Fédération pour l'environnement en Mayenne de la somme qu'elle demande à ce même titre ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 22 novembre 2013 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par la Fédération pour l'environnement en Mayenne devant le tribunal administratif de Nantes et le surplus de ses conclusions devant la cour sont rejetés.

Article 3 : Les conclusions de la SCEA La Tremblaie tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile d'exploitation agricole La Tremblaie, à la Fédération pour l'environnement en Mayenne et à la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.

Copie en sera transmise au préfet de la Mayenne.

Délibéré après l'audience du 3 février 2015, à laquelle siégeaient :

- M. Pérez, président de chambre,

- M. Millet, président-assesseur,

- M. François, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 6 mars 2015.

Le rapporteur,

E. FRANÇOIS

Le président,

A. PÉREZ

Le greffier,

S. BOYÈRE

La République mande et ordonne au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 14NT00050


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 14NT00050
Date de la décision : 06/03/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: M. Eric FRANCOIS
Rapporteur public ?: M. DELESALLE
Avocat(s) : BARBIER

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2015-03-06;14nt00050 ?
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