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17/04/2015 | FRANCE | N°13NT01966

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 17 avril 2015, 13NT01966


Vu la requête, enregistrée le 5 juillet 2013, présentée pour la société Lequertier Caen, dont le siège est impasse des Chasseurs à Mondeville (14120), par Me Gorand, avocat, qui demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1101960 du 6 mai 2013 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Plougasnou et de l'Etat à lui payer la somme de 400 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de l'illégalité de la décision du 21 septembre 2010 résiliant une convention d'occupation du domaine public mari

time sur le port du Diben, à Plougasnou ;

2°) de condamner la commune de...

Vu la requête, enregistrée le 5 juillet 2013, présentée pour la société Lequertier Caen, dont le siège est impasse des Chasseurs à Mondeville (14120), par Me Gorand, avocat, qui demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1101960 du 6 mai 2013 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Plougasnou et de l'Etat à lui payer la somme de 400 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de l'illégalité de la décision du 21 septembre 2010 résiliant une convention d'occupation du domaine public maritime sur le port du Diben, à Plougasnou ;

2°) de condamner la commune de Plougasnou et l'Etat à lui verser en réparation la somme de 400 000 euros ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Plougasnou et de l'Etat les entiers dépens ainsi que le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que :

- sa demande indemnitaire est recevable et elle émane de la SAS Lequertier Caen ;

- la commune de Plougasnou était incompétente pour prendre la décision de résiliation de la convention portant occupation du domaine public maritime, dès lors que la gestion du port du Diben relevait de la compétence de la communauté d'agglomération de Morlaix ;

- les premiers juges se sont mépris sur les termes de la délibération du 17 décembre 2007 ; de plus la convention du 28 décembre 2007 a été signée à une date à laquelle cette délibération n'était pas exécutoire ;

- cette convention a été irrégulièrement passée et la commune de Plougasnou ne saurait s'en prévaloir ;

- les premiers juges ont inexactement apprécié les faits de l'espèce, dès lors que la société n'a renoncé à l'autorisation d'exploitation de cultures marines que parce que le compromis de vente du bâtiment à M. B...était assorti d'une condition suspensive tendant à ce que le contrat d'occupation soit transféré au nouvel occupant ;

- la résiliation de la convention de 1995 procède d'un détournement de pouvoir, lequel est établi ;

- la responsabilité de l'Etat est engagée, dès lors que le contrôle de légalité a été défaillant ;

- la délibération du 21 septembre 2010, illégale, est fautive et engage la responsabilité de son auteur ;

- le préjudice est de 400 000 euros, dès lors que la délibération du 21 septembre 2010 a fait perdre une chance certaine de vendre le bâtiment à ce prix ;

- il en résulte un enrichissement sans cause légitime de 400 000 euros au bénéfice de la commune ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu l'ordonnance du 19 mai 2014 fixant la clôture de l'instruction au 16 juin 2014 ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 27 mai 2014, présenté pour la communauté d'agglomération Morlaix Communauté et la commune de Plougasnou par Me Prieur, avocat, qui conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de la société Lequertier Caen le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elles font valoir que :

- l'immeuble a été vendu en 1994 par le liquidateur de la SA JYM à la SARL Lequertier alors que cette société anonyme n'en était plus propriétaire, même si la commune a, à l'époque, autorisé la cession du droit d'occupation et un nouveau contrat d'occupation a été, alors, consenti à cette SARL ;

- la commune n'avait pas à exercer son droit de préemption sur un bien destiné à intégrer le patrimoine de l'Etat ;

- la requête est irrecevable, la société requérante étant inexistante ;

- aucune demande indemnitaire n'a été présentée avant que cette fin de non recevoir ait été opposée en première instance ;

- la commune était compétente pour résilier la convention d'occupation de 1995 ;

- les motifs de résiliation de cette convention sont fondés ;

- il n'est pas justifié d'une assurance appropriée ;

- l'immeuble n'était plus entretenu ;

- la société a été radiée du registre du commerce et des sociétés le 28 juillet 2009 ;

- elle a perdu le bénéfice de son autorisation d'exploitation de cultures marines ;

- aucun détournement de pouvoir n'a été commis ;

- la société n'a subi en réalité aucun préjudice ;

Vu l'ordonnance du 12 juin 2014 décidant la réouverture de l'instruction ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 12 juin 2014, présenté pour la société Lequertier Caen, qui conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ;

Vu l'ordonnance du 19 septembre 2014 fixant la clôture de l'instruction au 20 octobre 2014 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code général de la propriété des personnes publiques ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 mars 2015 :

- le rapport de M. Durup de Baleine, premier conseiller ;

- les conclusions de Mme Grenier, rapporteur public ;

- les observations de MeA..., substituant Me Gorand, avocat de la société Lequertier Caen ;

- et les observations de MeD..., substituant Me Prieur, avocat de la commune de Plougasnou et de la communauté d'agglomération Morlaix communauté ;

1. Considérant que la société Lequertier Caen relève appel du jugement du 6 mai 2013 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Plougasnou et de l'Etat à lui verser la somme de 400 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de la résiliation d'une convention d'occupation du domaine public maritime dans le port du Diben, à Plougasnou ;

Sur les conclusions indemnitaires :

En ce qui concerne la responsabilité de la commune de Plougasnou :

2. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, par une convention du 25 novembre 1988, la commune de Plougasnou, concessionnaire de l'exploitation du port du Diben, dit également de Primel, avait consenti à M.C..., à l'effet pour ce dernier d'exercer une activité de transformation et commerce de poissons, crustacés, coquillages et tous produits de la mer, l'autorisation d'occuper une dépendance du domaine public maritime d'une superficie de 625 m2 située sur le terre-plein de ce port et ce, pour une durée de trente-quatre ans s'achevant le 26 juillet 2022 ; qu'à la faveur de cette autorisation d'occupation du domaine public, l'occupant avait, au cours de l'année 1989, fait édifier un bâtiment ; qu'après qu'en 1994, les établissements Lequertier père et fils eurent repris l'activité des établissementsC..., en liquidation judiciaire, la commune de Plougasnou, par une convention du 15 mai 1995, a, pour une durée s'achevant le 26 juillet 2022, autorisé les établissements Lequertier Père et Fils à occuper la même dépendance du domaine public pour y exercer la même activité ; que, par une délibération du 21 septembre 2010, notifiée par lettre du maire en date du 25 octobre 2010, le conseil municipal de Plougasnou a décidé de résilier cette convention d'occupation du domaine public ; que la société Lequertier Caen soutient que, ce faisant, la commune de Plougasnou a commis une faute de nature à engager sa responsabilité et demande réparation du préjudice, qu'elle évalue à 400 000 euros, qu'elle impute à cette faute ;

3. Considérant, en premier lieu, que, par une délibération du 17 décembre 2007, exécutoire le 3 janvier 2008, le conseil de la communauté d'agglomération Morlaix Communauté, après avoir reconnu l'intérêt communautaire du port du Diben ainsi qu'approuvé le transfert en pleine propriété du port du Diben à la communauté d'agglomération, a approuvé un projet de convention relatif à la gestion transitoire du port par la commune de Plougasnou ; que, contrairement à ce que soutient la société requérante, il appartenait au président de la communauté d'agglomération, pour l'exécution de cette délibération, dont il était chargé sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 2122-21 et L. 5211-2 du code général des collectivités territoriales, de signer, comme il l'a fait le 28 décembre 2007, cette convention ; que, par cette dernière et sur le fondement des dispositions des articles L. 5215-27 et L. 5216-7-1 du même code, la communauté d'agglomération Morlaix Communauté a, jusqu'à la mise en service du nouveau port de plaisance et au plus tard jusqu'au 31 décembre 2012, confié à la commune de Plougasnou la gestion du port du Diben, cette gestion couvrant l'ensemble des fonctions relatives à l'aménagement, l'entretien et la gestion du port ; que l'article 4 de cette convention réserve à la commune de Plougasnou la charge de la gestion et du suivi des autorisations d'occupation domaniale délivrées antérieurement par elle ; que, si la délibération du 17 décembre 2007 n'était pas encore exécutoire à la date à laquelle cette convention a été signée par le président de la communauté d'agglomération et le maire de Plougasnou, cette circonstance n'est pas de nature à entraîner la nullité de ce contrat qui, en dépit des stipulations selon lesquelles il entrait en vigueur le 1er janvier 2008, doit seulement être regardé comme ne s'étant appliqué qu'à compter du 3 janvier de la même année ; que, par une délibération en date du 11 juillet 2011, le conseil de cette communauté d'agglomération a décidé de résilier cette convention avec effet au 1er janvier 2012 ; qu'il résulte de ce qui précède que la société Lequertier Caen n'est pas fondée à prétendre que la commune de Plougasnou n'aurait été compétente, au mois de septembre 2010, ni pour assurer la gestion du port du Diben, ni en conséquence pour mettre fin à la convention d'occupation domaniale du 15 mai 1995, dont la résiliation relevait des attributions confiées à la commune par la convention du 28 décembre 2007 alors en vigueur ;

4. Considérant, en second lieu, qu'aux termes des stipulations de l'article 13 des clauses et conditions générales annexées à la convention du 15 mai 1995 : " (...)L'autorisation d'occupation peut être révoquée par le concessionnaire : / - au cas où le bénéficiaire ne serait plus titulaire des autorisations pouvant être exigées par la réglementation en vigueur pour exercer l'activité professionnelle qui a motivé l'autorisation ; / (...) " ; qu'il résulte de l'instruction que, le 3 septembre 2009, la société Lequertier Père et Fils a déclaré renoncer à l'autorisation d'exploitation de cultures marines dont elle était titulaire ; que, par un arrêté du 27 octobre 2009, portant suppression administrative de concessions de cultures marines, le préfet du Finistère a mis fin à l'autorisation d'exploitation de cultures marines dont cette société était titulaire sur la parcelle domaniale n° 09015521, supportant le bâtiment situé sur le terre-plein du port de Diben ; que l'abrogation de cette autorisation faisait obstacle à ce que la société pût continuer à exercer dans ce bâtiment les activités mentionnées à l'article 2 de la convention du 15 mai 1995 ; qu'il en résulte que la commune de Plougasnou était, pour cette seule raison et sur le fondement de l'article 13 précité, en droit de mettre fin à cette autorisation d'occupation domaniale, dans l'intérêt du domaine public occupé et sans commettre le détournement de pouvoir allégué ; que, dès lors, elle n'a, ce faisant, pas commis de faute de nature à engager sa responsabilité envers la société Lequertier Caen, qui, dans ces conditions et au soutien de ses conclusions indemnitaires, ne saurait utilement soutenir que d'autres motifs de la délibération du 21 septembre 2010 auraient été erronés ; qu'en outre, si cette société se prévaut de la circonstance que, par une délibération du 25 mai 2009, le conseil de la communauté d'agglomération Morlaix Communauté s'était prononcé favorablement sur le changement de l'affectation, au bénéfice d'un tiers, de la dépendance domaniale occupée, cette circonstance demeurait, toutefois, sans influence sur le droit de la commune de Plougasnou, compétente à cet effet comme il a été dit au point 3 du présent arrêt, de faire application de l'article 13 des clauses et conditions générales annexées à la convention du 15 mai 1995 ;

En ce qui concerne la responsabilité de l'Etat :

5. Considérant que l'abstention d'un préfet de déférer au tribunal administratif un acte d'une collectivité territoriale n'est susceptible d'engager la responsabilité de l'Etat que si cette abstention revêt le caractère d'une faute lourde ; qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'en ne déférant pas la délibération du 21 septembre 2010 au tribunal administratif, le préfet du Finistère aurait commis une faute d'une telle nature ;

6. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non recevoir opposées par la commune de Plougasnou et la communauté d'agglomération Morlaix Communauté, que la société Lequertier Caen n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Plougasnou et de l'Etat, qui ne sont pas les parties perdantes, la somme que demande la société Lequertier Caen à ce titre ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société requérante la somme de 2 000 euros que la commune de Plougasnou demande au même titre ; qu'il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées sur ce fondement par la communauté d'agglomération Morlaix Communauté ; qu'enfin, il y a lieu de laisser les dépens à la charge de la société Lequertier Caen ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Lequertier Caen est rejetée.

Article 2 : La société Lequertier Caen versera à la commune de Plougasnou la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions présentées par la communauté d'agglomération Morlaix Communauté au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Lequertier Caen, à la commune de Plougasnou, à la communauté d'agglomération Morlaix Communauté et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 27 mars 2015, à laquelle siégeaient :

- M. Francfort, président,

- Mme Rimeu, premier conseiller,

- M. Durup de Baleine, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 17 avril 2015.

Le rapporteur,

A. DURUP de BALEINELe président,

J. FRANCFORT

Le greffier,

C. GOY

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N° 13NT01966 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 13NT01966
Date de la décision : 17/04/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. FRANCFORT
Rapporteur ?: M. Antoine DURUP de BALEINE
Rapporteur public ?: Mme GRENIER
Avocat(s) : SELARL JURIADIS

Origine de la décision
Date de l'import : 11/09/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2015-04-17;13nt01966 ?
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