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17/04/2015 | FRANCE | N°14NT00570

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 17 avril 2015, 14NT00570


Vu la requête, enregistrée le 6 mars 2014, présentée pour M. H...B..., demeurant..., par Me Rousset, avocat, qui demande à la cour :

1°) avant dire droit, d'ordonner une identification par les empreintes génétiques ;

2°) d'annuler le jugement n° 1111225 du 3 janvier 2014 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours contre la décision du consul général de France à New Delhi du 6

juin 2011 refusant de délivrer des visas de long séjour à Mme A...D...et à M. ...

Vu la requête, enregistrée le 6 mars 2014, présentée pour M. H...B..., demeurant..., par Me Rousset, avocat, qui demande à la cour :

1°) avant dire droit, d'ordonner une identification par les empreintes génétiques ;

2°) d'annuler le jugement n° 1111225 du 3 janvier 2014 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours contre la décision du consul général de France à New Delhi du 6 juin 2011 refusant de délivrer des visas de long séjour à Mme A...D...et à M. C...E...B..., M. C...F...B...et M. C...G...B... ;

3°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;

4°) d'ordonner au ministre de l'intérieur de délivrer les visas sollicités, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à rendre et sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il soutient que :

- le jugement ne répond pas à l'argument relatif à la possibilité d'une identification par les empreintes génétiques ;

- l'identité des membres de sa famille est établie et l'appréciation du tribunal est erronée sur ce point ;

- les premiers juges ont inversé la charge de la preuve ;

- le refus de délivrer les visas sollicités méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il méconnaît également le § 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- aucune fraude n'a été commise ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 25 avril 2014, présenté par le ministre de l'intérieur, qui conclut au rejet de la requête ;

il fait valoir que :

- il n'appartient pas au juge administratif d'ordonner des tests d'identification par les empreintes génétiques ;

- aucune erreur de droit n'a été commise ;

- aucun acte d'état civil n'a été présenté et le mariage traditionnel n'a pas été enregistré par les autorités chinoises ;

- les demandeurs de visa n'ont présenté aucun document d'identité et il est, par suite, impossible de s'assurer de leurs identité ;

- aucune erreur manifeste d'appréciation n'a été commise ;

- la possession d'état n'est pas établie ;

- ni l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant n'ont été méconnus ;

Vu le mémoire, enregistré le 19 juin 2014, présenté pour M.B..., qui conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire, enregistré le 20 juin 2014, présenté par le ministre de l'intérieur, qui conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures, par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire, enregistré le 22 janvier 2015, présenté pour M.B..., qui conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire, enregistré le 26 janvier 2015, présenté pour le ministre de l'intérieur, qui conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures, par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire, enregistré le 20 mars 2015, présenté pour M.B..., qui conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code civil ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu, au cours de l'audience publique du 27 mars 2015, le rapport de M. Durup de Baleine, premier conseiller ;

1. Considérant que M.B..., qui, né en 1965 et d'origine tibétaine, est ressortissant de la République populaire de Chine, a obtenu en 2009 en France la reconnaissance de la qualité de réfugié ; qu'il a, en cette qualité, engagé une procédure pour que puissent le rejoindre en France Mme A...D..., avec laquelle il s'est uni en 1991 selon les traditions tibétaines mais sans mariage devant l'autorité civile chinoise, ainsi que leurs trois enfants alors mineurs, M. C...E...B..., Mlle C...F...B...et Mlle C...G...B... ; que des visas de long séjour ayant été demandés pour ces quatre personnes le 11 octobre 2010 auprès de l'autorité consulaire française à New Delhi, cette autorité a refusé de délivrer ces visas par une décision du 6 juin 2011 ; que M. B...a, le 1er août 2011, frappé cette dernière décision d'un recours, que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté par une décision implicite acquise le 1er octobre 2011 ; que M. B...relève appel du jugement du 3 janvier 2014 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision implicite de rejet ;

Sur les conclusions tendant à ce que soit ordonnée une identification par les empreintes génétiques :

2. Considérant que M. B...demande à la cour de décider, avant dire droit, qu'il sera procédé à une expertise médicale de nature à établir, par des tests génétiques, l'existence d'un lien matrimonial ou de filiation entre lui-même, d'une part, et, d'autre part, Mme A...D...ainsi que Tenzin E...B..., Tenzin F...B...et Tenzin G...B... ;

3. Considérant que l'article 16-11 du code civil dispose que " l'identification d'une personne par ses empreintes génétiques ne peut être recherchée que dans le cadre de mesures d'enquête ou d'instruction diligentée lors d'une procédure judiciaire... " ; qu'il ces dispositions ne confère au juge administratif la compétence ni de se prononcer, en cas de doute sérieux, sur l'état des personnes, ni, par suite, d'ordonner des mesures d'expertise ou d'instruction propres à établir, le cas échéant, un lien de filiation, telles que celles prévues notamment à l'article 16-11 du code civil ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que les mesures sollicitées par M. B...ne sont pas au nombre de celles que le juge administratif a compétence pour ordonner ; que les conclusions en ce sens de la requête ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

5. Considérant que la circonstance qu'une demande de visa de long séjour ait pour objet le rapprochement familial de membres de la famille d'une personne admise à la qualité de réfugié ne fait pas obstacle à ce que l'autorité administrative refuse la délivrance du visa sollicité en se fondant, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, sur un motif d'ordre public ; que figurent au nombre de ces motifs le défaut de valeur probante des documents destinés à établir le lien de filiation ou le lien matrimonial entre le demandeur du visa et le membre de la famille qu'il projette de rejoindre sur le territoire français ainsi que le caractère frauduleux des actes d'état civil produits ;

6. Considérant, en premier lieu, que le requérant soutient qu'il est établi qu'il est l'époux de MmeD..., que les enfants TenzinE..., Tenzin F...et Tenzin G...sont les enfants qu'ils ont eux ensemble et qu'en en estimant autrement, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a commis une erreur d'appréciation ;

7. Considérant, toutefois, qu'il ressort des pièces du dossier que le refus de délivrer des visas aux quatre personnes qui les ont demandés le 11 octobre 2010 n'est pas motivé par la circonstance que ne seraient établies, ni l'existence d'un lien matrimonial entre M. B...et MmeD..., ni l'existence d'un lien de filiation entre M. B...et les trois enfants ; que ce refus est motivé par la circonstance, distincte, que, faute qu'ait été présenté aucun document d'état civil comme aucun document d'identité à l'appui de ces demandes de visa, l'identité des demandeurs de visa n'est pas établie et que, par voie de conséquence, n'est pas davantage établi un lien familial, matrimonial ou de filiation, entre M. B...et ces demandeurs ; que, dès lors et en toutes ses branches, le moyen de la requête tiré de l'existence du lien matrimonial entre le requérant et Mme D...comme du lien de filiation entre le requérant et les trois jeunes TenzinE..., Tenzin F...et TenzinG..., est inopérant ; que, pour les mêmes raisons, ce moyen était inopérant devant les premiers juges, comme, par voie de conséquence, le simple argument exposé en première instance à l'appui de ce moyen et selon lequel une identification par les empreintes génétiques serait de nature à prouver ces liens de parenté entre M.B..., Mme D...et leurs trois enfants ; que les premiers juges, qui n'étaient pas saisis de conclusions tendant à ce que soit prescrite une telle identification, n'ont, par suite, pas commis d'irrégularité en ne répondant pas à ce simple argument ;

8. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier, et n'est d'ailleurs pas contesté, qu'aucun document d'état civil ni aucun document d'identité n'a été présenté à l'appui des quatre demandes de visas ; que cette circonstance faisait obstacle à ce que l'autorité consulaire pût s'assurer de l'identité des demandeurs de visa et, par suite, s'assurer qu'ils étaient bien, respectivement, la conjointe de M. B...et leurs trois enfants ; qu'il ressort toutefois de l'attestation en date du 11 octobre 2010 délivrée par le bureau des affaires sociales de l'autorité tibétaine en exil en Inde que tant Mme D...que les trois enfants de cette dernière et du requérant sont titulaires de livrets verts, documents officiels d'identité revêtus d'une photographie délivrés par cette autorité aux personnes d'origine tibétaine et reconnus comme propres à attester de leur identité lorsqu'elles sont dépourvues d'autres documents ; qu'à supposer que, comme le soutient le requérant, ces quatre livrets verts auraient été volés à Mme D...le 11 juillet 2010, il n'est pas allégué que l'intéressée se serait trouvée dans l'impossibilité de faire établir de nouveaux documents d'identité de même nature, alors, d'ailleurs, que l'attestation du 11 octobre 2010 avait été déposée, le même jour, à l'appui des demandes de visa et que les demandeurs n'avaient pas, à cette occasion, indiqué que ces livrets verts leur auraient en réalité été volés ;

9. Considérant qu'en appel M. B...présente un certificat d'enregistrement, valant titre de séjour, établi le 23 septembre 2010 par le bureau d'enregistrement des étrangers de Saharanpur (Uttar Pradesh) au nom de Mme A...D...et comportant une photographie ; que ce document mentionne que Mme D...est née le 23 mars 1966 à Saharanpur, qu'elle est de nationalité " tibétaine " par la naissance, qu'elle est née en Inde et, à la rubrique dévolue à l'indication du nom du conjoint et des enfants, est vierge de toute mention ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier que, comme le requérant l'a toujours indiqué, Mme A...D...est née le 23 mars 1966 à Meto Gongkar, dans la région autonome du Tibet de la République populaire de Chine, elle est l'épouse du requérant et ils ont ensemble trois enfants ; que ce certificat du 23 septembre 2010 n'a pas été présenté à l'appui de la demande de visa, pourtant présentée le 11 octobre suivant au nom de Mme A...D... ; que, compte tenu des discordances nombreuses et importantes entre l'état civil mentionné par ce certificat et l'état civil de l'épouse du requérant, ce document n'est pas de nature à établir que l'identité de la personne majeure ayant alors sollicité ce visa est bien celle de l'épouse du requérant ;

10. Considérant, par ailleurs, que pour établir qu'il est le père des enfants Tenzin F...et TenzinG..., le requérant présente des documents qu'il dit être les résultats de tests d'identification par les empreintes génétiques réalisés le 7 novembre 2014 par un laboratoire situé à Hyderabad sur la base d'échantillons collectés à Dehra Dun (Inde) ; que, toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier, ni même n'est allégué, que cette identification par les empreintes génétiques aurait été prescrite dans les conditions exigées par l'article 16-11 du code civil ; qu'il n'en ressort pas davantage qu'elle aurait été recherchée dans le cadre d'une mesure d'enquête ou d'instruction diligentée lors d'une procédure devant une juridiction étrangère ou, le cas échéant, une autorité non juridictionnelle étrangère compétente à cet effet en vertu de la loi locale ; qu'il en résulte que les documents présentés par le requérant ne sont pas propres à établir, dans des conditions opposables aux tiers, sa filiation avec les deux enfants ; qu'ils ne sont pas davantage de nature à établir l'identité des demandeurs de visa, étant loisible à M.B..., s'il s'y croit fondé, d'engager une action sur le fondement de l'article 16-11 du code civil ou, le cas échéant, dans les conditions prévues par une loi étrangère présentant des garanties équivalentes ;

11. Considérant qu'il résulte des points 5 à 10 du présent arrêt qu'en estimant que, faute d'établissement de l'identité des demandeurs de visas, leur lien matrimonial ou de filiation avec M. B...n'était pas établi, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France n'a pas commis l'erreur d'appréciation dont il lui est fait grief ;

12. Considérant, en troisième lieu, que, dès lors que l'identité des demandeurs de visa n'est pas établie, M. B...ne saurait utilement prétendre que la décision qu'il conteste méconnaît les stipulations du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ou de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

13. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

14. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation, n'implique aucune mesure d'exécution ; que, dès lors, les conclusions tendant à ce que, sous astreinte, il soit enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer les visas sollicités ne sauraient être accueillies ;

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'a pas dans la présente instance la qualité de partie perdante, le versement d'une somme à ce titre ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. H...B...et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 27 mars 2015, à laquelle siégeaient :

- M. Francfort, président,

- Mme Rimeu, premier conseiller,

- M. Durup de Baleine, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 17 avril 2015.

Le rapporteur,

A. DURUP de BALEINELe président,

J. FRANCFORT

Le greffier,

C. GOY

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N° 14NT00570 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 14NT00570
Date de la décision : 17/04/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. FRANCFORT
Rapporteur ?: M. Antoine DURUP de BALEINE
Rapporteur public ?: Mme GRENIER
Avocat(s) : SCM RENAN AVOCATS ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2015-04-17;14nt00570 ?
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