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30/04/2015 | FRANCE | N°14NT01354

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 30 avril 2015, 14NT01354


Vu l'ordonnance du 22 mai 2014, enregistrée le 23 mai 2014 au greffe de la cour, par laquelle le président du tribunal administratif de Nantes a transmis à la cour la requête présentée par M. B... ;

Vu la requête, enregistrée le 19 mai 2014, présentée pour M. C..., domicilié..., par Me Le Verger, avocat au barreau de Rennes ; M. B... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1304584 du 28 février 2014 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 15 octobre 2013 du préfet d'Ille-et-Vilaine refus

ant de lui délivrer un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire fra...

Vu l'ordonnance du 22 mai 2014, enregistrée le 23 mai 2014 au greffe de la cour, par laquelle le président du tribunal administratif de Nantes a transmis à la cour la requête présentée par M. B... ;

Vu la requête, enregistrée le 19 mai 2014, présentée pour M. C..., domicilié..., par Me Le Verger, avocat au barreau de Rennes ; M. B... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1304584 du 28 février 2014 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 15 octobre 2013 du préfet d'Ille-et-Vilaine refusant de lui délivrer un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français sans délai et fixant le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet d'Ille-et-Vilaine, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et subsidiairement de prendre, dans le même délai, une nouvelle décision sur sa demande ;

4°) de mettre à la charge de l'État le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la part contributive de l'État au titre de l'aide juridictionnelle ;

il soutient que :

- le préfet n'a pas procédé à l'examen complet de sa situation personnelle au regard de son état de santé alors qu'il a joint, le 20 février 2013, les éléments concernant la nécessité pour lui de poursuivre des soins en France ; à tout le moins, la décision portant obligation de quitter le territoire français ne pouvait être édictée sans consultation préalable du médecin de l'agence régionale de santé ;

- l'arrêté méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et porte une atteinte disproportionnée à son droit à mener une vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales puisque sa relation avec sa compagne remonte à décembre 2010, date à laquelle il a reconnu l'enfant de celle-ci ; la circonstance que sa compagne soit de même nationalité que lui ne suffit pas écarter la prise en compte de son propre droit au respect de sa vie privée dès lors que Mme B...réside en France depuis l'âge de 16 ans et a dans ce pays l'ensemble de ses attaches personnelles ; l'arrêté contesté aura pour effet, soit la séparation de la cellule familiale, soit l'obligation pour sa compagne de retourner en République démocratique du Congo ; le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences sur leur situation personnelle pour ces mêmes motifs ;

- l'arrêté contesté méconnaît également les stipulations de l'article 3-1 de la convention sur les droits de l'enfant ;

- cet arrêté méconnaît aussi les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et du 10°de l'article L. 511-4 du même code ; il a fourni suffisamment d'éléments pour justifier de l'instruction de son dossier sur ce fondement et de la saisine préalable du médecin de l'agence régionale de santé ; le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation et sa décision comporte pour sa situation personnelle des conséquences d'une exceptionnelle gravité ;

- la décision fixant le pays de destination méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il ne peut bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ; il encourt des risques de mauvais traitement en cas de retour dans son pays d'origine du fait de son activité de cambiste ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les pièces desquelles il résulte que la requête a été communiquée le 29 août 2014 au préfet d'Ille-et-Vilaine qui n'a pas produit de mémoire ;

Vu la décision du président de la section administrative du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Nantes en date du 4 août 2014, accordant le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à M. B... et désignant Me Le Verger pour le représenter dans la présente instance ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales signée le 4 novembre 1950 ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu l'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé en application de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vue de la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 avril 2015 :

- le rapport de M. Lemoine, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Giraud, rapporteur public ;

1. Considérant que M. B..., ressortissant de la République démocratique du Congo, relève appel du jugement du 28 février 2014 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 15 octobre 2013 du préfet d'Ille-et-Vilaine refusant de lui délivrer un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français sans délai et fixant le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai ;

Sur la légalité de la décision refusant à M. B... la délivrance d'un titre de séjour :

2. Considérant que M. B... se borne à invoquer devant le juge d'appel, sans plus de précisions ou de justifications, les mêmes moyens que ceux développés en première instance contre la décision refusant de lui accorder un titre de séjour ; qu'il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par les premiers juges et tirés de ce que le préfet d'Ille-et-Vilaine a procédé à l'examen complet de la situation personnelle de l'intéressé, de ce que la décision portant refus de titre de séjour n'a pas porté au droit de celui-ci au respect de sa vie privée et familiale une atteinte excessive aux buts en vue desquels il a été pris, en méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de ce que l'arrêté contesté n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé, de ce que, M. B... n'ayant pas complété sa demande présentée sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet d'Ille-et-Vilaine n'était pas tenu d'instruire d'office cette demande et d'examiner si l'intéressé pouvait prétendre à une autorisation de séjour sur ce fondement, et enfin de ce que l'arrêté contesté n'a pas été pris en méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale de New York relative aux droits de l'enfant ;

Sur la légalité de la décision obligeant M. B... à quitter le territoire français :

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ou d'une mesure de reconduite à la frontière en application du présent chapitre : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions, combinées avec celles du 11° de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de l'article R. 313-22 du même code et de l'article 4 de l'arrêté du 9 novembre 2011, que, dès lors qu'elle dispose d'éléments d'information suffisamment précis permettant d'établir qu'un étranger, résidant habituellement en France, présente un état de santé susceptible de le faire entrer dans la catégorie de ceux qui ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'éloignement, l'autorité préfectorale doit, lorsqu'elle envisage de prendre une telle mesure à son égard, et alors même que l'intéressé n'aurait pas demandé un titre de séjour en qualité d'étranger malade, recueillir préalablement l'avis du médecin inspecteur de la santé publique ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. B... a obtenu une autorisation de séjour en France à la suite d'un avis favorable du médecin inspecteur de santé publique du 16 novembre 2009 retenant la nécessité de soins en France ; qu'au cours de l'instruction de la demande de titre de séjour dont il a saisi le préfet d'Ille-et-Vilaine le 21 janvier 2013 sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il a également fait valoir que son état de santé justifiait son maintien en France et déposé au guichet de la préfecture un certificat médical établi par un praticien hospitalier du centre hospitalier spécialisé de Rennes daté du 17 mai 2013 indiquant qu'il était régulièrement suivi en consultation au centre hospitalier et que son état de santé nécessitait des soins psychologiques et médicamenteux au long cours ; que, malgré cette pièce nouvelle qui n'avait pas déjà été examinée par l'administration et qui comportait des éléments suffisamment précis sur la nature et la gravité des troubles dont souffrait M. B..., le préfet d'Ille-et-Vilaine a pris la décision obligeant M. B... à quitter le territoire français sans recueillir au préalable l'avis du médecin inspecteur de la santé publique, aux fins notamment de s'assurer que le défaut de prise en charge médicale de M. B... ne serait pas susceptible d'entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et d'être informé sur la disponibilité du traitement médical approprié dans son pays d'origine ; qu'il a, ce faisant, et contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, méconnu les dispositions précitées du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et celles prises pour leur application ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande en tant qu'elle tendait à l'annulation de la décision l'obligeant à quitter le territoire français contenue dans l'arrêté du 15 octobre 2013 du préfet d'Ille-et-Vilaine et de la décision du même jour fixant le pays de destination à destination duquel il pourra être reconduit d'office ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. Considérant qu'à la suite de l'annulation d'une décision obligeant l'étranger à quitter le territoire français il incombe au préfet, en application des dispositions de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de munir l'intéressé d'une autorisation provisoire de séjour et, qu'il ait été ou non saisi d'une demande en ce sens, de se prononcer sur son droit à un titre de séjour ; qu'il y a lieu d'enjoindre au préfet d'Ille-et-Vilaine de délivrer à M. B... une autorisation provisoire de séjour, et de lui prescrire de se prononcer sur la situation de l'intéressé dans le délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique :

7. Considérant que M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat, Me Le Verger, peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 1 500 euros à Me Le Verger, sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État au titre de l'aide juridictionnelle ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n°1304584 du tribunal administratif de Rennes du 28 février 2014, en tant qu'il a rejeté les conclusions de la demande de M. B... tendant à l'annulation des décisions portant à son encontre obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination contenues dans l'arrêté du 15 octobre 2013 du préfet d'Ille-et-Vilaine, ainsi que ces deux décisions, sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet d'Ille-et-Vilaine de délivrer à M. B... une autorisation provisoire de séjour et de procéder au réexamen de sa demande dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.

Article 4 : L'État versera à Me Le Verger, avocat de M. B..., la somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet d'Ille-et-Vilaine.

Délibéré après l'audience du 2 avril 2015 à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, président de chambre,

- Mme Specht, premier conseiller,

- M. Lemoine, premier conseiller,

Lu en audience publique le 30 avril 2015.

Le rapporteur,

F. LEMOINE Le président,

I. PERROT

Le greffier,

M. A...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N°14NT01354


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 14NT01354
Date de la décision : 30/04/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: M. François LEMOINE
Rapporteur public ?: M. GIRAUD
Avocat(s) : LE VERGER

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2015-04-30;14nt01354 ?
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