La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/05/2015 | FRANCE | N°14NT00976

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 07 mai 2015, 14NT00976


Vu la requête, enregistrée le 11 avril 2014, présentée pour M. B... C..., demeurant " ..., Mme E... C..., demeurant..., demeurant..., par Me Gorand, avocat au barreau de Caen ; les consorts C...demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1200232 du 12 février 2014 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande tendant à l'annulation, d'une part, de l'arrêté conjoint du 4 mars 2011 par lequel les préfets de l'Orne et de la Sarthe ont déclaré d'utilité publique la dérivation des eaux superficielles à partir de la prise d'eau de La Cour sur la S

arthe et l'instauration de périmètres de protection immédiate, proche e...

Vu la requête, enregistrée le 11 avril 2014, présentée pour M. B... C..., demeurant " ..., Mme E... C..., demeurant..., demeurant..., par Me Gorand, avocat au barreau de Caen ; les consorts C...demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1200232 du 12 février 2014 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande tendant à l'annulation, d'une part, de l'arrêté conjoint du 4 mars 2011 par lequel les préfets de l'Orne et de la Sarthe ont déclaré d'utilité publique la dérivation des eaux superficielles à partir de la prise d'eau de La Cour sur la Sarthe et l'instauration de périmètres de protection immédiate, proche et éloignée et de servitudes associées et ont autorisé le prélèvement de l'eau en vue de la consommation humaine, d'autre part, de la décision implicite de rejet de leur recours gracieux née le 31 juillet 2011 ;

2°) d'annuler cet arrêté ainsi que la décision implicite de rejet ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

ils soutiennent que :

- en méconnaissance de l'article R 11-22 du code de l'expropriation, les arrêtés prescrivant les enquêtes publique et parcellaire n'ont pas été notifiés à Mme C... et à Mme A..., propriétaires indivisaires avec leur père des parcelles concernées, mais à ce dernier seulement ;

- le classement de leurs parcelles dans le périmètre de protection R 1 inconstructible est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ; la délimitation des périmètres a été effectuée d'après les limites cadastrales et non en fonction de l'éloignement du point de pompage ;

- le classement en périmètre R 2 constructible de la parcelle A 313 jouxtant les leurs porte atteinte au principe d'égalité ;

- l'interdiction de toute construction neuve dans le périmètre de protection R 1 est disproportionnée au regard de l'intérêt général attaché à la création de la prise d'eau, aucune pollution de l'eau n'étant susceptible d'émaner d'une construction neuve raccordée au réseau d'assainissement collectif ;

- le détournement de pouvoir est établi dès lors que certains terrains appartenant à trois administrés qui devaient initialement figurer dans le périmètre de protection R 1 ont finalement été inclus dans le périmètre R 2 constructible ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 9 décembre 2014, présenté pour le syndicat départemental de l'eau de l'Orne, dont le siège est 27, boulevard de Strasbourg à Alençon (61003), représenté par son président, par Me Bosquet, avocat au barreau d'Alençon ;

Le Syndicat départemental de l'eau de l'Orne conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge des consorts C...une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il soutient que :

- la décision d'ouverture d'une enquête publique n'est pas nominative ; l'avis d'enquête incriminé a été régulièrement affiché et porté à la connaissance du public par voie de presse ; en tout état de cause, les consorts C...ont fait valoir leurs observations devant la commission d'enquête ;

- chaque propriétaire concerné a été régulièrement destinataire de l'avis d'enquête parcellaire, le décès de Mme C... et l'indivision en découlant entre M. C...et ses filles n'ayant pas été révélés par les documents officiels ;

- la délimitation du périmètre de protection rapproché R 1 n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation, l'hydrogéologue expert y ayant inclus les parcelles des requérants en raison de leur situation proche de la Sarthe et immédiatement en amont du point de pompage ;

- le principe d'égalité n'est pas méconnu, la partie constructible de la parcelle voisine A 313 étant plus éloignée de la rivière ;

- l'interdiction de construire dans le périmètre R 1 n'est ni disproportionnée au regard de l'intérêt général, ni contraire aux prescriptions de l'article L 1321-2 du code de la santé publique car les facteurs potentiels de pollution d'une prise d'eau qui alimente 57000 habitants et des hôpitaux doivent être évités ; en tout état de cause, les terrains des consortsC... sont inconstructibles par application du règlement national d'urbanisme ;

- le détournement de pouvoir n'est pas établi, les terrains auxquels font allusion les appelants ayant été inclus dès l'origine dans le périmètre R 2 ;

Vu le mémoire, enregistré le 1er avril 2015 présenté pour les consorts C...qui concluent aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;

ils ajoutent que la discrimination entre les parcelles supportant déjà une construction, qui peuvent donner lieu à extension et les parcelles non bâties, qui ne pourront recevoir aucune construction, est injustifiée et par suite méconnaît le principe d'égalité ;

Vu le mémoire, enregistré le 3 avril 2015 présenté pour le syndicat départemental de l'eau de l'Orne, qui maintient ses conclusions ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 avril 2015 :

- le rapport de M. François, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Delesalle, rapporteur public ;

- et les observations de Me Gorand, avocat des consortsC... ;

1. Considérant que les consortsC..., propriétaires de plusieurs parcelles situées sur le territoire de la commune de Chenay (Sarthe) relèvent appel du jugement du 12 février 2014 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande tendant à l'annulation, d'une part, de l'arrêté conjoint du 4 mars 2011 par lequel les préfets de l'Orne et de la Sarthe ont déclaré d'utilité publique la dérivation des eaux superficielles à partir de la prise d'eau de La Cour sur la rivière Sarthe et l'instauration de périmètres de protection et de servitudes associées, et ont autorisé le prélèvement de l'eau en vue de la consommation humaine, d'autre part, de la décision implicite de rejet de leur recours gracieux née le 31 juillet 2011 ;

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 11-4 alors applicable du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique: " (...) Un avis au public faisant connaitre l'ouverture de l'enquête est, par les soins du préfet, publié en caractères apparents huit jours au moins avant le début de l'enquête et rappelé dans les huit premiers jours de celle-ci dans deux journaux régionaux ou locaux diffusés dans tout le département ou tous les départements intéressés. (...) " ;

3. Considérant que ni l'article précité, ni aucune autre disposition législative ou réglementaire n'imposait une notification de l'avis d'enquête publique aux propriétaires concernés par l'arrêté contesté ; qu'il ressort des pièces du dossier que, conformément aux dispositions précitées, cet avis a été publié dans les quotidiens " Ouest France ", éditions Orne et Sarthe, et " Maine Libre ", le 3 juin 2010, treize jours avant le début de l'enquête, et par ailleurs dans l'hebdomadaire " l'Orne hebdo " du 8 juin 2010, puis rappelé dans les huit premiers jours de l'enquête dans les journaux " Ouest France ", éditions Orne et Sarthe, et " Maine Libre ", du 25 juin 2010, ainsi que " l'Orne hebdo " du 29 juin 2010 ; qu'ainsi, le moyen tiré de la diffusion irrégulière de l'avis d'enquête publique doit être écarté ;

4. Considérant, en deuxième lieu qu'aux termes de l'article R. 11-19 alors applicable du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique : " L'expropriant adresse au préfet, pour être soumis à enquête dans chacune des communes où sont situés les immeubles à exproprier (...)2° La liste des propriétaires établie à l'aide d'extraits des documents cadastraux délivrés par le service du cadastre ou à l'aide des renseignements délivrés par le conservateur des hypothèques au vu du fichier immobilier ou par tous autres moyens. " ; que l'article R 11-22 du même code alors applicable disposait que : " Notification individuelle du dépôt du dossier à la mairie est faite par l'expropriant, sous pli recommandé avec demande d'avis de réception aux propriétaires figurant sur la liste établie en application de l'article R.11-19 (...) " ;

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'expropriant, après avoir établi la liste des propriétaires concernés par l'expropriation à partir de relevés cadastraux d'un état hypothécaire dressé en 2008 et actualisé en 2010, a notifié le 5 juin 2010 à " M. et Mme C... " l'avis d'enquête parcellaire ; que le décès de Mme C...étant intervenu en septembre 2008, et la qualité de propriétaire acquise corrélativement par ses filles Nathalie C... et Pascale A..., n'ayant pas encore été transcrite sur le registre des hypothèques lors de la délivrance de l'état hypothécaire, la notification de l'avis d'enquête parcellaire doit être regardée comme régulièrement effectuée ;

6. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 1321-2 du code de la santé publique : " En vue d'assurer la protection de la qualité des eaux, l'acte portant déclaration d'utilité publique des travaux de prélèvement d'eau destinée à l'alimentation des collectivités humaines mentionné à l'article L. 215-13 du code de l'environnement détermine autour du point de prélèvement un périmètre de protection immédiate dont les terrains sont à acquérir en pleine propriété, un périmètre de protection rapprochée à l'intérieur duquel peuvent être interdits ou réglementés toutes sortes d'installations, travaux, activités, dépôts, ouvrages, aménagement ou occupation des sols de nature à nuire directement ou indirectement à la qualité des eaux et, le cas échéant, un périmètre de protection éloignée à l'intérieur duquel peuvent être réglementés les installations, travaux, activités, dépôts, ouvrages, aménagement ou occupation des sols et dépôts ci-dessus mentionnés. (... ) " ;

7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la délimitation des périmètres de protection a été effectuée au vu notamment du rapport remis en janvier 2004 par l'hydrogéologue agréé en matière d'hygiène publique pour le département de l'Orne, en tenant compte du contexte hydrologique, topographique et pédologique et de la vulnérabilité de la ressource en eau par rapport à l'environnement ainsi que de la distance des sources de pollution potentielle par rapport au cours d'eau et au point de pompage ; que les requérants n'établissent pas que le classement de la totalité de leurs parcelles, distantes d'environ 1 450 mètres du point de pompage et de 80 à 175 mètres de la rivière, en périmètre rapproché R1 inconstructible, serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation, en se bornant à se prévaloir du découpage, conformément aux préconisations de l'hydrogéologue agréé dans son rapport complémentaire du 13 janvier 2011, de la parcelle voisine cadastrée n° A 313, en deux zones, R1, correspondant à la partie située à proximité immédiate de la Sarthe à l'amont du point de pompage d'eau potable, et R2 constructible, éloignée de plus de 200 mètres de la Sarthe et distante d'environ 1700 mètres du point de pompage ; que, par ailleurs, contrairement à ce que soutiennent les appelants, l'existence d'un détournement de pouvoir n'est dans ces conditions pas établie, alors même qu'un lotissement aurait été aménagé ultérieurement sur la fraction constructible de la parcelle cadastrée A 313, appartenant au premier adjoint au maire de Chenay et sur les parcelles cadastrées 454 et 478 à 489 également incluses dans le périmètre R 2 ;

8. Considérant, en quatrième lieu, que dès lors que la parcelle cadastrée A313 n'est pas dans une situation similaire à celles des consortsC..., son inclusion partielle dans le périmètre R 2 alors que les parcelles de ces derniers sont classées dans le périmètre R 1 n'a pas porté atteinte au principe d'égalité ;

9. Considérant, en cinquième lieu, qu'une opération ne peut être légalement déclarée d'utilité publique que si les atteintes à la propriété privée, le coût financier et éventuellement les inconvénients d'ordre social ou l'atteinte à l'environnement et à d'autres intérêts publics qu'elle comporte ne sont pas excessifs eu égard à l'intérêt qu'elle présente ; qu'il ressort des pièces du dossier que l'opération déclarée d'utilité publique a pour but de satisfaire l'alimentation en eau potable de la communauté urbaine d'Alençon, comptant environ 50 000 habitants et plusieurs établissements médicaux, en déplaçant à quelques centaines de mètres en amont la prise d'eau sur la Sarthe qui assure pour l'essentiel cette alimentation ; qu'il n'est pas contesté, que la prise d'eau abandonnée, environnée de secteurs urbanisés et proche de l'autoroute A 28, était menacée d'un risque accru de pollution, seize épisodes de ce type étant survenus entre 2006 et 2011; que, dans ces conditions, l'opération projetée revêt un caractère d'utilité publique ;

10. Considérant par ailleurs que l'instauration d'un périmètre de protection rapproché, dit R 1, autour de la prise d'eau, a pour but d'éviter en amont immédiat de celle-ci toute pollution accidentelle susceptible d'avoir un impact à très bref délai sur la qualité de l'eau distribuée, permettant ainsi au service responsable de disposer du délai nécessaire à la mise en oeuvre de mesures garantissant la qualité de cette eau ; que, par suite, l'interdiction de toute construction neuve dans ce périmètre n'est pas disproportionnée au regard de l'intérêt attaché à la préservation d'une pollution accidentelle, la création de secteurs urbanisés étant par elle-même susceptible d'engendrer une telle pollution, alors même qu'il serait possible de raccorder les bâtiments à un réseau d'assainissement collectif ; qu'ainsi, l'atteinte portée aux droits des propriétaires intéressés par le classement de leurs parcelles en zone R 1 inconstructible, qui ne revêt aucun caractère général et absolu dès lors qu'il autorise dans le périmètre considéré l'extension des constructions existantes, n'est pas excessive au regard de l'intérêt général présenté par le projet ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les consorts C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement aux consorts C... de la somme qu'ils demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces mêmes dispositions, de mettre à la charge des consorts C... une somme globale de 1 000 euros au titre des frais de même nature que le syndicat départemental de l'eau de l'Orne a exposés ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête des consorts C...est rejetée.

Article 2 : M. B... C..., Mme E... C...et Mme D... A...née C...verseront au syndicat départemental de l'eau de l'Orne une somme globale de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C..., à Mme E...C..., à Mme D... A...néeC..., au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie et au syndicat départemental de l'eau de l'Orne.

Copies en seront transmises au préfet de l'Orne et au préfet de la Sarthe.

Délibéré après l'audience du 7 avril 2015, où siégeaient :

- M. Pérez, président de chambre,

- M. François, premier conseiller,

- M. Pouget, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 7 mai 2015.

Le rapporteur,

E. FRANÇOISLe président,

A. PEREZ

Le greffier,

S. BOYERE

''

''

''

''

2

N° 14NT00976


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: M. Eric FRANCOIS
Rapporteur public ?: M. DELESALLE
Avocat(s) : SELARL JURIADIS

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Date de la décision : 07/05/2015
Date de l'import : 06/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 14NT00976
Numéro NOR : CETATEXT000030559596 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2015-05-07;14nt00976 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award