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20/05/2016 | FRANCE | N°12NT02190

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 20 mai 2016, 12NT02190


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

I- L'association Nonant Environnement a demandé, par la voie de la tierce opposition, au tribunal administratif de Caen de déclarer non avenu le jugement n° 1000405 du 18 février 2011 par lequel ce tribunal a annulé l'arrêté du 13 janvier 2010 du préfet de l'Orne refusant d'autoriser la société Guy Dauphin Environnement à exploiter un centre de stockage de déchets non dangereux ultimes et un centre de tri de déchets industriels banals, de métaux ferreux et non ferreux et de déchets d'équipements él

ectroniques et électriques sur le territoire de la commune de Nonant-le-Pin, a ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

I- L'association Nonant Environnement a demandé, par la voie de la tierce opposition, au tribunal administratif de Caen de déclarer non avenu le jugement n° 1000405 du 18 février 2011 par lequel ce tribunal a annulé l'arrêté du 13 janvier 2010 du préfet de l'Orne refusant d'autoriser la société Guy Dauphin Environnement à exploiter un centre de stockage de déchets non dangereux ultimes et un centre de tri de déchets industriels banals, de métaux ferreux et non ferreux et de déchets d'équipements électroniques et électriques sur le territoire de la commune de Nonant-le-Pin, a accordé à cette société l'autorisation d'exploiter qu'elle sollicitait et l'a renvoyée devant le préfet de l'Orne pour que soient fixées les conditions de l'exploitation autorisée. Par ordonnance n° 1102136 du 5 juin 2012, le président de la troisième chambre du tribunal administratif de Caen a rejeté, comme manifestement irrecevable, la tierce opposition présentée par l'association Nonant Environnement tendant à ce que soit déclaré non avenu le jugement du 18 février 2011.

II- Les associations France Nature Environnement et Centre national d'information indépendant sur les déchets ont demandé, par la voie de la tierce opposition, au tribunal administratif de Caen de déclarer non avenu le même jugement n° 1000405 du 18 février 2011 de ce tribunal. Par jugement n° 1400045 du 15 juillet 2014, le tribunal administratif de Caen a rejeté, comme irrecevable, la tierce opposition présentée par ces deux associations.

III- L'association Nonant Environnement a demandé au tribunal administratif de Caen l'annulation de l'arrêté du 12 juillet 2011 du préfet de l'Orne portant création de servitudes d'utilité publique autour du centre de stockage exploité par la société GDE sur le territoire de la commune de Nonant-le-Pin. Par jugement n° 1102139 du 29 avril 2014, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

IV- L'association Nonant Environnement a demandé au tribunal administratif de Caen l'annulation de l'arrêté du 12 juillet 2011 du préfet de l'Orne fixant les conditions d'exploitation du centre de stockage de déchets non dangereux ultimes et du centre de tri de déchets industriels banals, de métaux ferreux et non ferreux et de déchets d'équipement électroniques et électriques dont ce même tribunal a autorisé, par jugement du 18 février 2011, l'exploitation par la société Guy Dauphin Environnement sur le territoire de la commune de Nonant-le-Pin. Par jugement n°s 1102138-1300158-1300217 du 15 juillet 2014, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

I- Sous le n° 12NT02190, par une requête et des mémoires enregistrés les 13 août 2012, 4 septembre 2013, 8 janvier et 25 février 2014, 21 juillet 2015 et 12 février 2016, l'association Nonant Environnement, représentée par MeF..., demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1102136 du 5 juin 2012 du président de la troisième chambre du tribunal administratif de Caen ;

2°) de déclarer non avenu le jugement n° 1000405 du 18 février 2011 du tribunal administratif de Caen et de rejeter la demande présentée par la société Guy Dauphin Environnement devant le tribunal administratif de Caen ;

3°) de mettre à la charge, in solidum, de la société Guy Dauphin Environnement et de l'Etat, la somme de 9 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les dépens dont la contribution pour l'aide juridique.

Elle soutient que :

- le jugement n° 1000405 du 18 février 2011 du tribunal administratif de Caen préjudicie à ses droits au sens de l'article R. 832-1 du code de justice administrative de sorte qu'elle était recevable à former tierce opposition contre ce jugement ;

- l'ordonnance attaquée méconnaît les articles 6 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 ainsi que les stipulations du paragraphe 1er de l'article 6 et des articles 13 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le Conseil d'Etat s'est prononcé sur le pourvoi qu'elle avait introduit contre l'ordonnance du 14 février 2013 du juge des référés du tribunal administratif de Caen ; il résulte de la décision rendue que les tiers lésés par le jugement du 18 février 2011 du tribunal administratif de Caen disposent d'une unique voie de recours, celle de la tierce opposition ; elle entend reprendre les moyens qu'elle a invoqués dans son mémoire d'observations complémentaires, enregistré le 24 janvier 2013, au greffe du tribunal administratif de Caen, auquel elle renvoie, à l'exclusion des moyens dirigés spécifiquement contre l'arrêté du 12 juillet 2011 fixant les prescriptions initiales applicables à l'installation classée autorisée par le jugement du 18 février 2011 ;

- les documents produits par la société Guy Dauphin Environnement ne permettent pas de démontrer ainsi que l'exigent les dispositions de l'article 2 du décret n° 77-1133 du 21 septembre 1977, que la société Guy Dauphin Environnement dispose des capacités techniques pour exploiter une installation classée de stockage de déchets ultimes ;

- la société Guy Dauphin Environnement n'a pas justifié du dépôt, exigé par ces mêmes dispositions, de la demande de permis de construire ces installations ;

- la société Guy Dauphin Environnement n'a pas précisé, dans sa demande d'autorisation, l'origine géographique des déchets, en méconnaissance du 7°) de l'article R. 512-3 du code de l'environnement ;

- l'étude d'impact jointe à sa demande d'autorisation est insuffisante au regard des prescriptions de l'article R. 123-6 du code de l'environnement et de l'article 3 du décret du 21 septembre 1977, en ce qui concerne les risques sanitaires, l'estimation du coût des mesures compensatoires, l'analyse de l'environnement du site, notamment l'existence d'une importante filière équine, les effets liés au transport des déchets ainsi que les effets du projet sur la valeur des terrains et des bâtiments, ses effets économiques et ses effets sur l'environnement ; le Haras national du Pin est le premier lieu de visite touristique du département et accueille des manifestations équestres de renommée internationale ;

- l'étude menée par l'unité mixte de recherche METIS de l'Université Paris 6 démontre que la situation hydrogéologique du site n'est pas favorable à l'implantation de cette installation classée et que les éléments contenus dans l'étude d'impact sont tronqués et insuffisants ; le site est implanté dans une zone humide répertoriée par la Direction régionale de l'

environnement, de l'aménagement et du logement de Basse-Normandie ;

- l'enquête publique est irrégulière du fait de la production, postérieurement, à l'enquête, de documents complémentaires à l'étude d'impact ;

- le principe de gestion des déchets à proximité de leur lieu de collecte a été méconnu ;

- le projet de la société Guy Dauphin Environnement n'est pas compatible avec le plan départemental de gestion des déchets ménagers et assimilés de l'Orne ;

- ce projet crée des risques sanitaires et d'incendie ; il porte atteinte au patrimoine naturel et agricole et à l'ensemble des intérêts protégés par les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'environnement ;

- elle s'approprie les moyens de droit et de fait exposés par le ministre dans son mémoire du 23 novembre 2015.

Des mémoires, enregistrés les 6 février 2013, 3 avril, 30 mai et 5 juin 2014, 26 janvier et 2 mars 2016, ont été présentés par la société Guy Dauphin Environnement, représentée par MeD..., qui conclut, dans le dernier état de ses écritures, à titre principal, au rejet de la requête, à titre subsidiaire, à ce que lui soit délivrée une autorisation d'exploiter provisoire, et à la condamnation de l'association Nonant Environnement à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'association Nonant Environnement, créée postérieurement à la réception en préfecture du dossier de demande d'autorisation d'exploiter présentée par la société Guy Dauphin Environnement, ne dispose pas d'un agrément en tant qu'association de défense de l'environnement et ne justifie pas d'un intérêt pour contester l'autorisation d'exploiter litigieuse ;

- la présidente de l'association Nonant Environnement ne justifie pas avoir été régulièrement habilitée pour former tierce opposition au nom de l'association ; l'association, qui ne justifie pas qu'elle est déclarée et qu'elle s'exprime par des organes régulièrement mandatés, n'apporte pas d'éléments permettant de vérifier sa représentativité ;

- cette association n'était pas recevable à former tierce opposition contre le jugement du 18 février 2011 du tribunal administratif de Caen ; sa requête dirigée contre l'ordonnance du 5 juin 2012 doit être rejetée comme manifestement irrecevable ;

- la requête, motivée par référence à des écritures développées dans une autre instance, est irrecevable ;

- l'intervention du ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie n'est pas recevable ;

- les moyens invoqués par l'association Nonant Environnement ne sont pas fondés.

Des mémoires, enregistrés les 23 novembre 2015 et 15 février 2016, ont été présentés par le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie. Le ministre demande qu'il soit fait droit aux conclusions de la requête de l'association Nonant Environnement tendant à l'annulation de l'ordonnance du 5 juin 2012 du président de la troisième chambre du tribunal administratif de Caen et à ce que soit déclaré non avenu, à titre principal, le jugement n° 1000405 du 18 février 2011 de ce tribunal, à titre subsidiaire, l'article 3 de ce jugement délivrant à la société Guy Dauphin Environnement l'autorisation d'exploiter qu'elle sollicitait.

Il soutient que :

- le refus d'autorisation opposé, le 13 janvier 2010, par le préfet de l'Orne n'est pas entaché d'illégalité ;

- la société Guy Dauphin Environnement ne dispose pas des capacités techniques requises ;

- le projet porte atteinte à la ressource en eau et aux milieux aquatiques ;

- il présente des risques d'incendie ; une voie de chemin de fer ouverte au transport de voyageurs et de marchandises, notamment de déchets nucléaires, se situe à moins de 200 mètres de la zone à exploiter ; les dispositions de l'article 9 de l'arrêté du 9 septembre 1997 ne sont pas respectées ;

- de nombreux éléments complémentaires au dossier de demande d'autorisation sont intervenus postérieurement à l'enquête publique, ce qui faisait obstacle à ce que l'autorisation soit délivrée par le préfet sans qu'une nouvelle enquête publique soit diligentée ; dans ces conditions, le tribunal administratif de Caen ne pouvait délivrer l'autorisation sollicitée sans enquête publique préalable ;

Par un arrêt du 27 juin 2014, la cour, avant de statuer sur la requête de l'association Nonant Environnement, a décidé, par application des dispositions de l'article L. 113-1 du code de justice administrative, de transmettre le dossier de cette requête au Conseil d'Etat, en soumettant à son examen plusieurs questions de droit relatives la recevabilité d'un tiers, telle une association locale de défense de l'environnement, à former tierce opposition contre ce jugement autorisant l'exploitation d'une installation classée pour la protection de l'environnement.

Le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, s'est prononcé sur ces questions par un avis n° 381560 du 29 mai 2015.

Par une ordonnance du 24 février 2016, la clôture de l'instruction, initialement fixée au 15 février 2016, a été fixée au 11 mars 2016.

Un mémoire présenté par l'association Nonant Environnement a été enregistré le 4 avril 2016, postérieurement à la clôture de l'instruction.

Un mémoire présenté par la société Guy Dauphin Environnement a été enregistré le 16 mai 2016, postérieurement à la clôture de l'instruction.

Un mémoire présenté par l'association France Nature Environnement, l'association " Zero Waste France ", l'association Sauvegarde des terres d'élevage et l'association Nonant Environnement a été enregistré le 16 mai 2016, postérieurement à la clôture de l'instruction.

II- Sous le n° 14NT02461, par une requête et un mémoire enregistrés les 23 septembre 2014 et 17 juillet 2015, l'association France Nature Environnement et le Centre national d'information indépendante sur les déchets, devenu l'association " Zero Waste France ", représentées par MeA..., demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1400045 du 15 juillet 2014 du tribunal administratif de Caen ;

2°) de déclarer non avenu le jugement n° 1000405 du 18 février 2011 du tribunal administratif de Caen et de rejeter la demande présentée par la société Guy Dauphin Environnement devant le tribunal administratif de Caen ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- elles sont agréées pour la protection de l'environnement au titre de l'article L. 142-1 du code de l'environnement ; le jugement n° 1000405 du 18 février 2011 du tribunal administratif de Caen préjudicie à leurs droits au sens de l'article R. 832-1 du code de justice administrative, lequel doit être interprété au regard des stipulations de la convention d'Aarhus et de la directive 2011/92/UE, de sorte qu'elles étaient recevables à former tierce opposition contre ce jugement ;

- les moyens retenus par le tribunal administratif de Caen pour annuler l'arrêté préfectoral du 13 janvier 2010 et accorder l'autorisation d'exploiter sont entachés d'erreurs de droit, de fait et d'erreurs manifestes d'appréciation ; c'est à juste titre que le préfet a refusé d'accorder à la société Guy Dauphin Environnement l'autorisation d'exploiter un centre de tri et stockage de déchets ultimes sur le territoire de la commune de Nonant-le-Pin ;

- le dossier de demande d'autorisation est incomplet : il ne comporte pas l'accord des propriétaires du terrain, en méconnaissance de l'article L. 541-27 du code de l'environnement ; la société Guy Dauphin Environnement n'a pas justifié du dépôt de la demande de permis de construire, ainsi que l'exigent les dispositions de l'article 2 du décret n° 77-1133 du 21 septembre 1977 ;

- l'enquête publique est entachée d'irrégularités ; différents documents, produits postérieurement au déroulement de l'enquête, n'ont pas été mis à la disposition du public qui n'a donc pas été régulièrement informé ; la société Guy Dauphin Environnement a apporté de nombreux éléments complémentaires dans ses mémoires de juillet 2007, mars 2008 et juillet 2009, en ce qui concerne la géologie et l'hydrogéologie du site, la gestion du biogaz, la gestion des effluents liquides, l'étude des risques sanitaires, l'étude de dangers ; l'information donnée au public a été incomplète ; des modifications substantielles ont été apportées au dossier postérieurement à l'enquête publique ;

- les dispositions de l'article L. 512-1 du code de l'environnement ont été méconnues ; si la société Guy Dauphin Environnement dispose d'une expérience dans le domaine du recyclage des déchets, elle n'a pas justifié de ses capacités techniques à exploiter un centre de stockage ; elle a fait preuve de manquements répétés à la législation applicable en matière d'installations classées ;

- le projet n'est pas compatible avec le plan départemental de gestion des déchets ménagers et assimilés de l'Orne qui pose les principes de limitation du transport des déchets en distance et en tonnage ainsi que de mise en oeuvre d'un traitement biologique des déchets résiduels avant enfouissement ; le plan prévoit, également, que les installations nouvelles doivent répondre à un besoin identifié à l'échelle du département ; compte tenu des capacités de stockage de déchets industriels banals (DIB) sur le site de Ventes de Bourses, le projet ne répond pas à un besoin identifié à l'échelle du département, et la société Guy Dauphin Environnement ne démontre pas qu'un tel besoin ne serait pas couvert par les installations existantes ; il en est de même s'agissant des déchets importés depuis les départements limitrophes ;

- le projet n'est pas compatible avec le schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) de Seine-Normandie ; le directeur régional de l'environnement a relevé qu'en raison de sa nature, de son implantation en zone de remontée et de débordement de nappe, de la proximité du ru du Plessis, le projet est incompatible avec les orientations de reconquête et de préservation de la ressource en eau du SDAGE et que les règles de construction visant à garantir la pérennité de la barrière d'étanchéité ne sont pas respectées ;

- la situation hydrogéologique du site et le risque de pollution s'opposaient à ce que fût délivrée l'autorisation d'exploiter sollicitée ; le Bureau de Recherche Géologique Minière a souligné les difficultés du projet en ce qui concerne la réalisation du lit drainant et de la couche d'un perméabilité inférieure à 10-9 m/s, en présence d'exfiltration des eaux souterraines, la stabilité du fond du casier avant le rééquilibrage des pressions par le poids des déchets et la pérennité du lit drainant sur le long terme ; selon une étude menée par M.G..., hydrogéologue, la qualité des eaux souterraines dans l'emprise du site est gravement menacée par le projet ; il existe un risque de pollution de la ressource en eau par les lixiviats ; l'arrêté préfectoral de refus du 13 janvier 2010 était parfaitement motivé sur ce point ;

- l'évaluation des risques sanitaires du projet est insuffisante ; le pétitionnaire n'a pu fournir une évaluation des risques sanitaires de l'installation fiable et sincère ; c'est à juste titre que le Préfet avait retenu ce motif pour fonder sa décision de refus ;

- l'étude de dangers est insuffisante alors que la zone d'exploitation jouxte une voie de chemin de fer ; le risque d'incendie a été sous-évalué, se limitant à un feu de faible envergure ; le rapport, versé au dossier, du professeur Lesné, professeur à l'Ecole nationale de santé publique, précise que le risque lié au mélange de résidus de broyage automobile (RBA) dont le pouvoir calorifique est important et de DIB, sans sélection particulière, parmi lesquels on trouve des papiers, des cartons, du bois et des textiles, n'a pas été analysé ; la présence, dans le stock de déchets, d'une proportion importante de fermentescibles (25%) produira du méthane et de l'hydrogène sulfuré qui sont des gaz inflammables ; le dossier présente des incohérences en ce qui concerne la part des déchets fermentescibles stockés ; la production de biogaz n'a pas été correctement évaluée ; les informations relatives à l'origine géographique des déchets ne sont pas suffisantes ; les dispositions du 7° de l'article R. 512-3 du code de l'environnement ont été méconnues ;

- le projet est contraire au principe de gestion des déchets à proximité de leur lieu de collecte et aux conclusions du Grenelle de l'environnement ; 60 % des déchets stockés sur le site proviendront de tout le territoire et non du site de Rocquancourt par lequel ils ne font que transiter ; l'installation va générer un trafic routier très important, notamment sur le réseau secondaire, ainsi que l'a relevé le préfet ;

- le projet ne respecte pas les dispositions de l'article 9 de l'arrêté du 9 septembre 1997 relatives à l'isolement de la zone d'exploitation par rapport aux tiers ; il existe, dans la bande de 200 mètres prescrite pas ces dispositions, deux parcelles qui constituent la plateforme ferroviaire d'une ligne de chemin de fer en activité empruntée quotidiennement par 2 500 voyageurs ; l'institution de servitudes sur ces parcelles n'est pas compatible avec leur affectation ; la SNCF et Réseau Ferré de France se sont d'ailleurs opposés à l'instauration de ces servitudes ;

- le projet porte atteinte au patrimoine naturel, culturel et historique ; l'étude d'impact n'a pas évoqué l'espace naturel de loisirs constitué, aux alentours du projet, par une cinquantaine de haras, dont le Haras national du pin, spécialisé dans l'élevage des chevaux de course ; ainsi que l'a relevé la direction départementale de l'agriculture et de la forêt, cette étude n'a pas non plus évalué l'impact du projet sur l'économie liée au tourisme et à la filière équine qui occupe une place importante dans la stratégie de développement local du département ;

- les mesures destinées à prévenir les risques sanitaires et à assurer la préservation de l'eau sont insuffisantes ;

- le projet méconnaît l'article 7 de l'arrêté du 9 septembre 1997 ; au cas particulier, le producteur des déchets est également l'exploitant chargé de leur élimination ;

- le tribunal administratif de Caen ne pouvait délivrer l'autorisation litigieuse sans méconnaître l'article R. 515-29 de l'environnement.

Des mémoires, enregistrés les 28 janvier 2015, 26 janvier et 2 mars 2016, ont été présentés par la société Guy Dauphin Environnement, représentée par MeD..., qui conclut, dans le dernier état de ses écritures, à titre principal, au rejet de la requête, à titre subsidiaire, à ce que lui soit délivrée une autorisation d'exploiter provisoire, et à la condamnation de l'association France Nature Environnement et de l'association " Zero Waste France " à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les associations requérantes n'étaient pas recevables à former tierce opposition contre le jugement du 18 février 2011 du tribunal administratif de Caen ;

- l'intervention du ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie n'est pas recevable ;

- les moyens invoqués par l'association France Nature Environnement et l'association " Zero Waste France " ne sont pas fondés.

Des mémoires, enregistrés les 8 décembre 2015 et 15 février 2016, ont été présentés par le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie. Le ministre demande qu'il soit fait droit aux conclusions de la requête des associations France Nature Environnement et " Zero Waste France " tendant à l'annulation du jugement du 15 juillet 2014 du tribunal administratif de Caen et à ce que soit déclaré non avenu, à titre principal, le jugement n° 1000405 du 18 février 2011 de ce tribunal, à titre subsidiaire, l'article 3 de ce jugement délivrant à la société Guy Dauphin Environnement l'autorisation d'exploiter qu'elle sollicitait.

Une mise en demeure a été adressée le 20 mars 2015 à la commune de Nonant-le-Pin.

Par une ordonnance du 24 février 2016, la clôture de l'instruction, initialement fixée au 15 février 2016, a été fixée au 11 mars 2016.

Un mémoire présenté par l'association France Nature Environnement, l'association " Zero Waste France ", l'association Sauvegarde des terres d'élevage et l'association Nonant Environnement a été enregistré le 16 mai 2016, postérieurement à la clôture de l'instruction.

Un mémoire présenté par la société Guy Dauphin Environnement a été enregistré le 16 mai 2016, postérieurement à la clôture de l'instruction.

III- Sous le n° 14NT01747, par une requête et un mémoire enregistrés les 30 juin et 3 octobre 2014, l'association Nonant Environnement, représentée par MeF..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1102139 du 29 avril 2014 du tribunal administratif de Caen ;

2°) d'annuler l'arrêté du 12 juillet 2011 du préfet de l'Orne portant création de servitudes d'utilité publique autour du centre de stockage exploité par la société Guy Dauphin Environnement sur le territoire de la commune de Nonant-le-Pin ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat, la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'irrégularité ; il est dépourvu des mentions permettant de vérifier que la composition de la juridiction était la même lors de l'audience et du délibéré ;

- le jugement sera annulé par voie de conséquence de l'annulation de l'autorisation délivrée par le tribunal administratif de Caen, dans son jugement du 18 février 2011 et de l'annulation de l'arrêté de prescriptions du 12 juillet 2011 du préfet de l'Orne ;

- les parcelles servant d'emprise à la voie de chemin de fer étaient concernées par l'arrêté litigieux ;

- aucune convention n'a été conclue avec Réseau Ferré de France ; aucune servitude ne peut être conclue en application de l'article L. 515-12 du code de l'environnement dès lors qu'elle ne serait pas compatible avec l'affectation du domaine public ferroviaire ;

- les dispositions de l'article 9 de l'arrêté du 9 septembre 1997 et de l'article R. 515-29 du code de l'environnement ont été méconnues ;

- les servitudes d'utilité publique qu'il institue comportent des limitations et interdictions du droit d'implanter des ouvrages publics et affectent ainsi directement le domaine public ferroviaire ; elles sont incompatibles avec l'affectation du domaine public ferroviaire ;

- l'arrêté contesté est dépourvu d'utilité publique.

Des mémoires, enregistrés les 19 février et 19 mars 2015, ont été présentés par la société Guy Dauphin Environnement, représentée par MeD..., qui conclut au rejet de la requête et à la condamnation de l'association Nonant Environnement à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la demande de première instance était irrecevable, faute pour l'association requérante de justifier d'un intérêt à agir ;

- les moyens tirés de ce que l'annulation du jugement du 18 février 2011 emportera annulation de la décision contestée, de ce que l'annulation de l'arrêté préfectoral du 12 juillet 2011 entraînera également l'annulation de cette décision, de ce que l'exploitant ayant institué une servitude d'utilité publique sur le réseau ferroviaire, une convention aurait dû être conclue avec Réseau Ferré de France, de ce que des servitudes auraient dû être instituées sur les parcelles appartenant à Réseau Ferré de France en application de l'arrêté interministériel du 9 septembre 1997 et de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 515-29 du code de l'environnement sont inopérants ;

- le moyen tiré de ce que les servitudes instituées par l'arrêté contesté ne présentent pas d'utilité publique n'est pas fondé.

Une mise en demeure a été adressée le 23 mars 2015 au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.

Par une ordonnance du 12 janvier 2016, la clôture de l'instruction a été fixée au 26 janvier 2016.

IV- Sous le n° 14NT02421, par une requête et un mémoire enregistrés les 16 septembre et 17 novembre 2014, l'association Nonant Environnement, représentée par MeF..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°s 1102138-1300158-1300217 du 15 juillet 2014 du tribunal administratif de Caen ;

2°) d'annuler l'arrêté du 12 juillet 2011 du préfet de l'Orne fixant les conditions d'exploitation du centre de stockage de déchets non dangereux ultimes et du centre de tri de déchets industriels banals, de métaux ferreux et non ferreux et de déchets d'équipement électroniques et électriques dont ce même tribunal a autorisé, par jugement du 18 février 2011, l'exploitation par la société Guy Dauphin Environnement sur le territoire de la commune de Nonant-le-Pin ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat, la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'irrégularités ; il est dépourvu des mentions permettant de vérifier que la composition de la juridiction était la même lors de l'audience et du délibéré ; il n'a été signé, ni par le président de la formation de jugement, ni par le rapporteur ;

- les mesures compensatoires prévues sont insuffisantes ; les prescriptions destinées à prévenir le risque d'incendie sont également insuffisantes ;

- l'article L. 511-1 du code de l'environnement et l'article 3 de l'arrêté du 9 septembre 1997 ont été méconnues ;

- elle est recevable à invoquer, par la voie de l'exception, l'illégalité de l'autorisation délivrée par le jugement du 18 février 2011 du tribunal administratif de Caen ; le jugement sera annulé par voie de conséquence de l'annulation de l'autorisation délivrée par le jugement du 18 février 2011 du tribunal administratif de Caen ;

- l'arrêté litigieux méconnaît le plan départemental de gestion des déchets ménagers et assimilés de l'Orne ;

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, les moyens tirés de la méconnaissance des articles L. 512-2, L. 541-27 et R. 515-29 du code de l'environnement, de la méconnaissance de la nomenclature des installations classées, du caractère incomplet du dossier de demande d'autorisation, s'agissant de la justification du dépôt de la demande de permis de construire et de son insuffisance au regard de l'article L. 511-1 de code de l'environnement et du principe de précaution consacré par l'article 5 de la Charte de l'environnement, de l'absence d'estimation théorique de production de biogaz en méconnaissance de l'article 19 de l'arrêté du 9 septembre 1997, de la nullité de l'enquête publique et de la méconnaissance de l'article R.123-8 du code de l'environnement, de l'insuffisance de l'étude d'impact, de la violation du principe de gestion des déchets à proximité de leur lieu de collecte issu du 4° de l'article L. 541-1 du même code, de l'incompatibilité du projet avec le schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux du bassin de Seine-Normandie, n'étaient pas inopérants.

Un mémoire, enregistré le 22 avril 2015, a été présenté par la société Guy Dauphin Environnement, représentée par MeD..., qui conclut au rejet de la requête et à la condamnation de l'association Nonant Environnement à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal administratif de Caen a écarté, à bon droit, comme inopérants un certain nombre de moyens ne concernant pas le caractère suffisant des prescriptions préfectorales ;

- les moyens tirés de ce que l'annulation du jugement du 18 février 2011 emportera annulation de la décision contestée et de l'arrêté du 12 juillet 2011, de l'insuffisance de l'étude d'impact et de la méconnaissance du plan départemental de gestion des déchets ménagers et assimilés de l'Orne sont inopérants et non fondés.

Une mise en demeure a été adressée le 23 mars 2015 au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.

Par une ordonnance du 12 janvier 2016, la clôture de l'instruction a été fixée au 26 janvier 2016.

Un mémoire, présenté par l'association France Nature Environnement, l'association " Zero Waste France ", l'association Sauvegarde des terres d'élevage et l'association Nonant Environnement a été enregistré le 16 mai 2016, postérieurement à la clôture de l'instruction.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- l'arrêté du 9 septembre 1997 relatif aux installations de stockage de déchets non dangereux ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Buffet,

- les conclusions de M. Delesalle, rapporteur public,

- et les observations de MeF..., MeE..., Me C...et MeH..., représentant l'association Nonant Environnement, de MeA..., représentant les associations France Nature Environnement et " Zero Waste France ", de MeD..., représentant la société Guy Dauphin Environnement, et de MmeB..., représentant le ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer.

Une note en délibéré présentée par la société Guy Dauphin Environnement a été enregistrée le 18 mai 2016 dans les instances 12NT02190 et 14NT02461.

1. Considérant que les requêtes susvisées de l'association Nonant Environnement et des associations France Nature Environnement et Centre national d'information indépendante sur les déchets, désormais dénommée " Zero Waste France ", présentent à juger des questions semblables et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

2. Considérant, d'une part, que, sous le n° 12NT02190, l'association Nonant Environnement relève appel de l'ordonnance du 5 juin 2012 du président de la troisième chambre du tribunal administratif de Caen rejetant, comme manifestement irrecevable, la tierce opposition qu'elle a formée contre le jugement du 18 février 2011 par lequel ce tribunal a annulé, à la demande de la société Guy Dauphin Environnement, l'arrêté du 13 janvier 2010 du préfet de l'Orne refusant d'autoriser cette société à exploiter un centre de stockage de déchets non dangereux ultimes et un centre de tri de déchets industriels banals, de métaux ferreux et non ferreux et de déchets d'équipements électroniques et électriques sur le territoire de la commune de Nonant-le-Pin (Orne), a accordé à cette société l'autorisation d'exploiter qu'elle sollicitait et l'a renvoyée devant le préfet de l'Orne pour que soient fixées les conditions de l'exploitation ainsi autorisée ; que, d'autre part, sous le n° 14NT02461, les associations France Nature Environnement et " Zero Waste France ", relèvent appel du jugement du 15 juillet 2014 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté, comme irrecevable, la tierce opposition qu'elles ont formée contre le même jugement du 18 février 2011 de ce tribunal ; que, sous les n°s 14NT01747 et 14NT02421, l'association Nonant Environnement relève appel, respectivement, du jugement du 29 avril 2014 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 juillet 2011 du préfet de l'Orne portant création de servitudes d'utilité publique autour du centre de stockage exploité par la société Guy Dauphin Environnement sur le territoire de la commune de Nonant-le-Pin et du jugement du 15 juillet 2014 par lequel ce tribunal a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 juillet 2011 du préfet de l'Orne fixant les conditions d'exploitation du centre de stockage de déchets non dangereux ultimes et du centre de tri de déchets industriels banals, de métaux ferreux et non ferreux et de déchets d'équipement électroniques et électriques de Nonant-le-Pin ;

Sur les requêtes n°s 12NT02190 et 14NT02461 :

Sur les mémoires du ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer :

3. Considérant, d'une part, que le jugement du 18 février 2011 du tribunal administratif de Caen, qu'il est demandé à la cour de déclarer non avenu, a annulé l'arrêté du 13 janvier 2010 du préfet de l'Orne et, d'autre part, que le ministre a reçu communication des requêtes susvisées de l'association Nonant Environnement et des associations France Nature Environnement et " Zero Waste France " ; que, par suite, les mémoires du ministre ne constituent pas une intervention ; que, dès lors, la société Guy Dauphin Environnement ne peut soutenir que " l'intervention du ministre n'est pas recevable " ;

Sur la fin de non-recevoir opposée à la requête n° 12NT02190 de l'association Nonant Environnement :

4. Considérant que, contrairement à ce qui est soutenu, la requête de l'association Nonant Environnement ne se borne pas à faire référence aux moyens qu'elle a exposés dans le litige portant sur l'arrêté du 12 juillet 2011 du préfet de l'Orne fixant les conditions d'exploitation du centre de stockage ; que, par suite, la fin de non-recevoir opposée par la société Guy Dauphin Environnement doit être écartée ;

Sur la recevabilité des tierces oppositions soumises au tribunal administratif de Caen :

5. Considérant qu'aux termes de l'article R. 832-1 du code de justice administrative : " Toute personne peut former tierce opposition à une décision juridictionnelle qui préjudicie à ses droits, dès lors que ni elle ni ceux qu'elle représente n'ont été présents ou régulièrement appelés dans l'instance ayant abouti à cette décision. " ; qu'aucune des dispositions du code de l'environnement définissant le régime des installations classées n'apporte de dérogation à la règle générale ainsi édictée ; que, dès lors, les jugements rendus en matière d'installations classées peuvent faire l'objet de la voie de recours définie par l'article R. 832-1 ; que les dispositions de l'article R. 514-3-1 du code de l'environnement, qui ouvrent aux communes intéressées et à leurs groupements ainsi qu'aux tiers la possibilité de contester la légalité des autorisations délivrées par l'administration au titre de la législation sur les installations classées pour la protection de l'environnement, impliquent le droit pour ceux-ci d'exercer également un recours lorsque l'autorisation, d'abord refusée par le préfet, est délivrée par le juge administratif du plein contentieux des installations classées ;

6. Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article R. 832-1 du code de justice administrative que, pour former tierce opposition, une personne qui n'a été ni présente ni représentée à l'instance doit en principe justifier d'un droit lésé ; que, toutefois, afin de garantir le caractère effectif du droit au recours des tiers en matière d'environnement et eu égard aux effets sur les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement de la décision juridictionnelle délivrant une autorisation d'exploiter, cette voie est, dans la configuration particulière où le juge administratif des installations classées, après avoir annulé la décision préfectorale de refus, fait usage de ses pouvoirs de pleine juridiction pour délivrer lui-même l'autorisation, ouverte aux tiers qui justifieraient d'un intérêt suffisant pour demander l'annulation de la décision administrative d'autorisation, dès lors qu'ils n'ont pas été présents ou régulièrement appelés dans l'instance ;

7. Considérant, d'une part, qu'il est constant que l'association Nonant Environnement, l'association France Nature Environnement et l'association Centre national d'information indépendante sur les déchets, désormais dénommée " Zero Waste France ", n'ont été ni présentes ni appelées dans l'instance ayant abouti au jugement du 18 février 2011 par lequel le tribunal administratif de Caen a annulé, à la demande de la société Guy Dauphin Environnement, l'arrêté du 13 janvier 2010 du préfet de l'Orne, a accordé à cette société l'autorisation d'exploiter qu'elle sollicitait et l'a renvoyée devant le préfet de l'Orne pour que soient fixées les conditions de l'exploitation autorisée ;

8. Considérant, d'autre part, que l'association Nonant Environnement a pour objet, aux termes de l'article 2 de ses statuts, " de sauvegarder la qualité de vie, de l'environnement, de la protection du cadre de vie de la commune de Nonant-le-Pin " et de " participer à toute action contre les (...) risques de pollutions " ; que les associations France Nature Environnement et " Zero Waste France " sont des associations agréées pour la protection de l'environnement, dans le cadre national, en vertu de l'article L. 141-1 du code de l'environnement, dont l'objet statutaire est, pour la première, " la protection de la nature et de l'environnement, notamment (...) conserver les espaces milieux et habitats naturels, (...) l'eau l'air le sol le sous-sol les sites et les paysages, (...) le cadre de vie, (...) lutter contre les pollutions et les nuisances " et, pour la seconde, notamment, " d'agir dans le but de prévenir et de réduire la quantité et la toxicité des déchets de toute sorte " ; que, dans ces conditions, et alors même que l'association Nonant Environnement n'est pas une association agréée, ces associations auraient justifié d'un intérêt suffisant pour demander l'annulation de la décision administrative d'autorisation d'exploiter les installations en cause ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'association Nonant Environnement, l'association France Nature Environnement et l'association " Zero Waste France " étaient recevables à former tierce opposition contre le jugement du 18 février 2011 du tribunal administratif de Caen ; que, dès lors, c'est à tort que l'ordonnance du 5 juin 2012 du président de la troisième chambre du tribunal administratif de Caen et le jugement du 15 juillet 2014 de ce tribunal se sont fondés, pour rejeter, comme irrecevables, les tierces oppositions qu'elles avaient formées contre ce jugement, sur le motif tiré de ce que celui-ci ne préjudiciait pas à leurs droits ;

10. Considérant que le président de l'association Nonant Environnement a été autorisé, conformément à l'article 5 des statuts de l'association, après avoir reçu, le 20 septembre 2011, l'accord d'un membre du bureau, à former tierce opposition contre le jugement du 18 février 2011 ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutenait la société Guy Dauphin Environnement devant le tribunal administratif, l'intéressé avait qualité pour présenter, au nom de cette association, la demande dont il a saisi le tribunal ; que, dès lors, la fin de non-recevoir opposée sur ce point à la demande de première instance par la société Guy Dauphin Environnement ne peut être retenue pour justifier le rejet pour irrecevabilité de la tierce opposition formée par cette association ;

11. Considérant qu'il y a lieu, par suite, d'annuler l'ordonnance du 5 juin 2012 du président de la troisième chambre du tribunal administratif de Caen et le jugement du 15 juillet 2014 de ce tribunal, d'évoquer et de statuer immédiatement sur les tierces oppositions formées devant le tribunal administratif par l'association Nonant Environnement et les associations France Nature Environnement et " Zero Waste France " ;

Sur le bien fondé des tierces oppositions :

12. Considérant qu'en vertu de l'article L. 514-6 du code de l'environnement, les décisions par lesquelles le préfet accorde ou refuse l'autorisation d'exploiter une installation classée pour la protection de l'environnement sont soumises à un contentieux de pleine juridiction ; qu'il revient au juge de se prononcer au vu de la situation de fait et de droit existant à la date de sa propre décision ;

13. Considérant, en premier lieu et d'une part, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'environnement : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique.(...) ; qu'aux termes de l'article L. 512-1 de ce code : " Sont soumises à autorisation préfectorale les installations qui présentent de graves dangers ou inconvénients pour les intérêts visés à l'article L. 511-1. / L'autorisation ne peut être accordée que si ces dangers ou inconvénients peuvent être prévenus par des mesures que spécifie l'arrêté préfectoral. / Le demandeur fournit une étude de dangers qui précise les risques auxquels l'installation peut exposer, directement ou indirectement, les intérêts visés à l'article L. 511-1 en cas d'accident, que la cause soit interne ou externe à l'installation. / Le contenu de l'étude de dangers doit être en relation avec l'importance des risques engendrés par l'installation. (...) / Elle définit et justifie les mesures propres à réduire la probabilité et les effets de ces accidents. / La délivrance de l'autorisation, pour ces installations, peut être subordonnée notamment à leur éloignement des habitations, immeubles habituellement occupés par des tiers, établissements recevant du public, cours d'eau, voies de communication, captages d'eau, zones fréquentées par le public, zones de loisir, zones présentant un intérêt naturel particulier ou ayant un caractère particulièrement sensible ou des zones destinées à l'habitation par des documents d'urbanisme opposables aux tiers. (...) " ;

14. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 214-7 du même code : " Les installations classées pour la protection de l'environnement définies à l'article L. 511-1 sont soumises aux dispositions des articles L. 211-1, L. 212-1 à L. 212-11, L. 214-8, L. 216-6 et L. 216-13, ainsi qu'aux mesures prises en application des décrets prévus au 1° du II de l'article L. 211-3. Les mesures individuelles et réglementaires prises en application du titre Ier du livre V fixent les règles applicables aux installations classées ayant un impact sur le milieu aquatique, notamment en ce qui concerne leurs rejets et prélèvements. " ; qu'aux termes de l'article L. 211-1 de ce code : " I. - Les dispositions des chapitres 1er à VII du présent titre ont pour objet une gestion équilibrée et durable de la ressource en eau ; cette gestion (...) vise à assurer : / 1° La prévention des inondations et la préservation des écosystèmes aquatiques, des sites et des zones humides (...) / 2° La protection des eaux et la lutte contre toute pollution par déversements, écoulements, rejets, dépôts directs ou indirects de matières de toute nature et plus généralement par tout fait susceptible de provoquer ou d'accroître la dégradation des eaux en modifiant leurs caractéristiques physiques, chimiques, biologiques ou bactériologiques, qu'il s'agisse des eaux superficielles, souterraines (...) ";

15. Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article l0 de l'arrêté du 9 septembre 1997 susvisé relatif aux installations de stockage de déchets non dangereux : " Le contexte géologique et hydrogéologique du site doit être favorable. En particulier, le sous-sol de la zone à exploiter doit constituer une barrière de sécurité passive qui ne doit pas être sollicitée pendant l'exploitation et qui doit permettre d'assurer à long terme la prévention de la pollution des sols, des eaux souterraines et de surface par les déchets et les lixiviats.(...) " ; qu'aux termes de l'article 11 du même arrêté : " La barrière de sécurité passive est constituée du terrain naturel en l'état. Le fond de forme du site présente, de haut en bas, une perméabilité inférieure à 1.10-9 m/s sur au moins 1 mètre et inférieure à 1.10-6 m/s sur au moins 5 mètres. Les flancs sont constitués d'une couche minérale d'une perméabilité inférieure à 1.10-9 m/s sur au moins 1 mètre. / Lorsque la barrière géologique ne répond pas naturellement aux conditions précitées, elle peut être complétée artificiellement et renforcée par d'autres moyens présentant une protection équivalente. L'épaisseur de la barrière ainsi reconstituée ne doit pas être inférieure à 1 mètre pour le fond de forme et à 0,5 mètre pour les flancs jusqu'à une hauteur de deux mètres par rapport au fond. En tout état de cause, l'étude montrant que le niveau de protection sur la totalité du fond et des flancs de la barrière reconstituée est équivalent aux exigences fixées au premier alinéa figure dans le dossier de demande d'autorisation. / (...) " ;

16. Considérant que la demande d'autorisation présentée par la société Guy Dauphin Environnement porte, notamment, sur l'exploitation, sur une durée globale de 17 années comprenant la période de mise en état du site, d'un centre de stockage de déchets non dangereux ultimes, d'une capacité totale de 2 340 000 tonnes, provenant, d'une part, de résidus de broyage automobile (RBA) venant du site que la société exploite à Rocquancourt (Calvados) et, d'autre part, de déchets industriels banals (DIB) apportés par d'autres entreprises situées dans l'Orne ou dans les départements limitrophes à celui-ci ; que le mode d'exploitation est semi-enterré, à la fois en excavation et en surélévation au-dessus du terrain naturel avec des digues latérales ; que la zone de stockage des déchets, d'une superficie de 126 000 m², est constituée de deux casiers subdivisés en 17 alvéoles de 6 644 m² ; que chaque alvéole est équipée d'un système de drainage et de collecte des lixiviats ;

17. Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction que le projet d'installation classée est situé dans une zone humide répertoriée par la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement de Basse-Normandie (DREAL) et dans une zone de risques d'inondation des réseaux et sous-sols (de 0 à 1 mètre) ou de risque d'inondation des sous-sols (de 1 mètre à 2,50 mètres) ; que le site d'exploitation est caractérisé par la présence d'eaux souterraines qui génèrent des flux ascendants au droit du projet, lequel se situe dans la zone humide permanente d'exfiltration de la nappe alimentant un ruisseau dénommé " Ru du Plessis ", sous-affluent de l'Orne amont, traversant le terrain d'assiette de l'installation ; que si ce type d'écoulement ascendant est de nature à limiter le risque de pollution des eaux souterraines par les déchets et lixiviats se trouvant à un niveau supérieur, il présente, toutefois, en cas de remontée des eaux souterraines vers le massif des déchets, un risque de pollution susceptible d'affecter, notamment, les eaux de surface de cette zone humide ; que, compte tenu de ces caractéristiques particulières, le projet prévoit de compléter la barrière de sécurité passive au moyen d'un lit de matériaux drainants destiné à faire face aux arrivées d'eau, durant la phase de construction du casier et de la barrière de sécurité passive, à réduire la pression hydrostatique s'exerçant sur la barrière active en maintenant le niveau de la nappe à un mètre en dessous du fond de forme des casiers et à capter l'éventuel flux diffusif issu des déchets et des lixiviats ;

18. Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment des rapports de l'inspecteur des installations classées versés au dossier ainsi que du rapport établi, le 19 octobre 2007, par le Bureau de Recherche Géologique Minière (BRGM) que le projet présente à titre principal plusieurs difficultés ; que celles-ci portent, en présence d'exfiltration des eaux souterraines, sur la réalisation du lit drainant et de la couche d'une perméabilité inférieure au seuil par m/s mentionné dans ce rapport, surmontée de géosynthétique bentonitique (GSB), sur la stabilité du fond de casier avant le rééquilibrage des pressions par le poids des déchets et sur la pérennité du fonctionnement du lit drainant après l'exploitation du centre de stockage ; que, sur ce dernier point, le BRGM, après avoir précisé que " le pétitionnaire part du principe que le fonctionnement du lit drainant est garanti sur plusieurs décennies après exploitation sans apporter d'argumentaire visant à conforter cette affirmation ", relève que la pérennité du drain sur plusieurs décennies après l'exploitation est impossible à garantir, que le rapport du bureau d'études sur lequel se fondent les analyses géologiques et hydrogéologiques de la demande d'autorisation " n'apporte aucune réponse en ce qui concerne la stabilité des flancs de casier " et qu'après l'exploitation, il existe un risque de " sous pression à la base des casiers " et, en cas " d'altération de l'efficacité du lit drainant, ce qui n'est pas à exclure sur le moyen ou long terme ", un risque " d'envahissement du massif de déchets par les eaux souterraines sur plusieurs mètres " ; que, si à la suite des éléments apportés par la société Guy Dauphin Environnement, dans son " Mémoire en réponse n° 2 " aux questions posées par la DRIRE, questions qui portaient, notamment, sur " la suffisance des mesures constructives retenues (réseau de drainage, tenue mécanique des ouvrages en phase d'exploitation et de post exploitation), le BRGM a précisé, par un rapport complémentaire, établi en janvier 2008, que ces éléments répondaient à ses attentes, cette mention ne peut être regardée comme ayant eu pour objet ou pour effet de lever les réserves émises initialement dès lors que ce rapport indique que " les éléments apportés (par la société) précisent qu'une étude géotechnique sera réalisée dans une phase ultérieure du projet " et que " ces éléments sont donc donnés à titre indicatif, ces points devant faire l'objet d'une étude spécifique dans le cadre de l'étude de projet qui permettra de définir précisément les conditions de stabilité et d'exécution des ouvrages, ainsi que la façon dont sera prise en compte la présence d'eaux souterraines et superficielles " ; que, de même, l'inspecteur des installations classées, dans ses rapports des 20 mars et 1er octobre 2009, précise que la réalisation de la barrière de sécurité passive et du lit drainant nécessite l'établissement d'un " rapport d'étude géotechnique préalable pour définir les conditions de stabilité et d'exécution des ouvrages ainsi que la façon dont sera prise en compte la présence des eaux souterraines et superficielles " et que " l'examen et la validation de ces études constituent un préalable à tout aménagement " ; que la Direction Régionale de l'Environnement (DIREN) de Basse-Normandie a émis, les 12 juillet 2007, 2 juin 2008, 14 novembre 2008 et 26 mars 2009, des avis défavorables au projet, ce dernier avis mentionnant, notamment, que " la proximité du ru du Plessis et le positionnement de la fosse dans la zone de battement de la nappe superficielle amènent à s'interroger sur la préservation durable des eaux superficielles en cas de détérioration des dispositifs constructifs mis en place au niveau de la zone de stockage. Quelles que soient, en la matière, les assurances que le maître d'ouvrage met en avant, dans le contexte d'émergence de la nappe superficielle, rien ne peut garantir sur la durée l'efficience des dispositifs décrits. Dès lors, en cas de faillite desdits systèmes, il s'en suivra un risque de pollution des eaux de surface qu'il sera difficile de maîtriser, surtout au delà de la période de surveillance impartie " ; que la société Guy Dauphin Environnement ne saurait se prévaloir ni de l'avis émis le 9 février 2009 par l'hydrogéologue agréé qui mentionne, sans précision, que " les aménagements prévus pour préserver les eaux souterraines superficielles sont adaptés au contexte géologique du secteur ", ni du rapport du 14 juin 2013 de la société Burgeap qu'elle produit et qui ne répond pas à la question de la pérennité du lit drainant et de la barrière de sécurité passive ;

19. Considérant, au surplus, qu'il résulte de l'instruction, notamment des rapports de l'inspecteur des installations classées et, ainsi que le reconnaît elle-même la société Guy Dauphin Environnement, dans son " Mémoire en réponse n° 2 " aux questions posées par la DRIRE, qu'il existe des incertitudes sur l'impact de l'installation sur la santé du fait de l'absence de connaissances concernant la composition du biogaz et des lixiviats liés à un centre de stockage recevant majoritairement des RBA sans ordures ménagères résultant de l'exploitation du centre de stockage recevant des RBA et des DIB ; que, d'ailleurs, sur ce point, l'inspecteur des installations classées, dans ses rapports des 20 mars et 1er octobre 2009, a proposé la réalisation d'une étude sur la composition tant qualitative que quantitative du biogaz à l'issue de la première année d'exploitation ; qu'enfin, la direction départementale de l'action sanitaire et sociale de l'Orne a émis, les 1er juillet 2008 et 16 juin 2009, des avis défavorables au projet, en précisant que, compte tenu des risques sanitaires, " il était demandé qu'un traitement des lixiviats fasse l'objet d'un traitement dans une filière spécifique conçue pour ce type de déchets " ;

20. Considérant que, pour refuser l'autorisation d'exploiter sollicitée, le préfet de l'Orne, s'est fondé sur ce que " le projet présente, en cas de fuite, un risque d'infiltration et de transfert des lixiviats dans la nappe, notamment après la période d'exploitation ", sur ce que la stabilité du fond de casier est incertaine " avant le rééquilibrage des pressions par le poids des déchets ", sur l'impossibilité de " garantir la pérennité du drain sur plusieurs décennies ", sur ce que " l'évaluation des risques sanitaires de l'étude n'a pas pris en compte le stockage en mélange des RBA et des autres déchets et que l'étude complémentaire n'a pas pu fournir les données nécessaires permettant de garantir un risque acceptable pour l'environnement lorsqu'ils sont mélangés ", sur ce que " l'analyse (...) des effets des installations de ce type sur la santé ne permet pas de garantir un risque sanitaire acceptable pour les populations environnantes " et sur ce qu'il n'existe pas " de retour d'expérience sur l'exploitation d'un site de traitement des déchets dédié à l'enfouissement exclusif de RBA ultime et de déchets industriels non dangereux " ;

21. Considérant que, compte tenu du contexte hydrogéologique particulier du site et de ce qui a été dit aux points 17 à 19, le projet doit être regardé comme présentant des risques pour la santé, la sécurité, la salubrité publique, et pour la protection de la nature et de l'environnement ; qu'il ne résulte pas de l'instruction, et en l'absence de tout élément relatif, notamment, aux conditions de stabilité dans le temps du lit drainant et de la barrière de sécurité passive, que ces risques pouvaient être prévenus, ainsi que le prescrit l'article L. 512-1 du code de l'environnement, par des mesures appropriées ; que, par suite, eu égard à la nature et à la gravité de ces risques, le préfet de l'Orne, en se fondant sur les motifs mentionnés au point 20, n'a pas commis d'illégalité ; que ces seuls motifs sont de nature à justifier légalement le refus d'exploiter opposé par son arrêté du 13 janvier 2010 à la demande présentée par la société Guy Dauphin Environnement ;

22. Considérant, en deuxième lieu et d'une part, qu'aux termes de l'article L. 515-12 du code de l'environnement : " Afin de protéger les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1, les servitudes prévues aux articles L. 515-8 à L. 515-11 peuvent être instituées sur des terrains pollués par l'exploitation d'une installation, sur l'emprise des sites de stockage de déchets ou dans une bande de 200 mètres autour de la zone d'exploitation, ou sur l'emprise des sites d'anciennes carrières ou autour de ces sites sur des surfaces dont l'intégrité conditionne le respect de la sécurité et de la salubrité publiques (...). Ces servitudes peuvent, en outre, comporter la limitation ou l'interdiction des modifications de l'état du sol ou du sous-sol, la limitation des usages du sol, du sous-sol et des nappes phréatiques, ainsi que la subordination de ces usages à la mise en oeuvre de prescriptions particulières, et permettre la mise en oeuvre des prescriptions relatives à la surveillance du site. (...) " ;

23. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 9 de l'arrêté du 9 septembre 1997 susvisé : " La zone à exploiter doit être implantée et aménagée de telle sorte que : / - son exploitation soit compatible avec les autres activités et occupations du sol environnantes ; / - elle ne génère pas de nuisances qui ne pourraient faire l'objet de mesures compensatoires suffisantes et qui mettraient en cause la préservation de l'environnement et la salubrité publique. / Elle doit être à plus de 200 mètres de la limite de propriété du site, sauf si l'exploitant apporte des garanties équivalentes en termes d'isolement par rapport aux tiers sous forme de contrats, de conventions ou servitudes couvrant la totalité de la durée de l'exploitation et de la période de suivi du site " ; qu'en application de ces dispositions, la bande des 200 mètres est établie par rapport à la limite de la zone à exploiter ;

24. Considérant que les règles mentionnées aux points 22 et 23 ont pour objet de faire respecter une distance d'éloignement de 200 mètres entre la zone à exploiter et toute autre installation, habitation ou immeuble habituellement occupé par des tiers en vue, notamment, de réduire les accidents et pollutions de toute nature et disposent à cet égard que les exploitants pourront satisfaire à cette obligation soit en installant cette zone au moins à cette distance par rapport à la limite de leur propriété, soit en apportant la garantie que cette distance sera respectée pendant toute la durée de l'exploitation et du suivi du site par l'effet de contrats, conventions ou servitudes ;

25. Considérant qu'il est constant que la zone d'exploitation longe, sur sa partie ouest, la ligne de chemin de fer Paris-Granville dont il n'est pas contesté qu'elle assure le transport de voyageurs ainsi que le transport de marchandises, et dont le ministre soutient sans être contredit qu'elle est susceptible de transporter des déchets nucléaires ; que l'emprise, sur les parcelles AP n° 20 et AR n° 24, de cette voie ferrée, laquelle présente le caractère d'une autre installation au sens et pour l'application de ces règles, est incluse dans le périmètre de protection de 200 mètres autour de la zone d'exploitation ; que si, contrairement à ce que le préfet de l'Orne a indiqué dans son arrêté du 13 janvier 2010, des servitudes conventionnelles peuvent grever le domaine public en application de l'article L. 2122-4 du code général de la propriété des personnes publiques, et en particulier le domaine public ferroviaire, la société SNCF s'est opposée, le 12 mars 2007, à l'institution de toute servitude grevant ce domaine public en raison des risques d'incendie et de fumée de l'installation incompatibles avec son affectation domaniale ; que la société Guy Dauphin Environnement n'a fait état ni d'une servitude conventionnelle ni d'autres conventions conclues avec les autorités ferroviaires compétentes ; qu'il résulte, au surplus, de l'instruction, notamment du schéma intitulé " Modélisation des limites des flux thermiques de référence pour les effets sur l'homme ", figurant, page 82, dans l'étude de dangers jointe à la demande d'autorisation, qu'en cas d'incendie, un flux thermique supérieur à 3kW/m2, qui constitue le seuil des effets irréversibles pour l'homme, s'étend hors des limites de propriété de la société Guy Dauphin Environnement jusqu'à la voie ferrée ; que, dans ces conditions, à défaut pour la société Guy Dauphin Environnement d'apporter, ainsi que l'exigent les dispositions précitées, des garanties équivalentes à l'instauration de cette bande des 200 mètres, ces dispositions faisaient obstacle à la délivrance de l'autorisation d'exploiter sollicitée ;

26. Considérant qu'il résulte des développements qui précèdent, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de leurs tierces oppositions, que les associations requérantes sont fondées à soutenir qu'il ne pouvait, pour les motifs susmentionnés, être délivrée à la société Guy Dauphin Environnement l'autorisation d'exploiter qu'elle sollicitait ;

27. Considérant, en troisième lieu, qu'il y a lieu toutefois d'examiner les moyens soulevés par la société Guy Dauphin Environnement dans sa demande devant le tribunal administratif de Caen tendant à l'annulation de cet arrêté du 13 janvier 2010 du préfet de l'Orne et auxquels il n'aurait pas déjà été répondu ;

28. Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction que la société Guy Dauphin Environnement a reçu, conformément aux dispositions de l'article R. 512-25 du code de l'environnement, au moins huit jours avant la séance du 7 décembre 2009 du conseil départemental de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques (CODERST), au cours de laquelle a été examinée sa demande d'autorisation, un exemplaire des propositions favorable au projet de l'inspection des installations classées ; que ces propositions ont, également, été envoyées aux membres du CODERST ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que la proposition de refus du préfet adressée au conseil départemental et le projet de refus notifié à la société Guy Dauphin Environnement en application des dispositions de l'article R. 512-26 du code de l'environnement auraient été, ainsi qu'elle l'a fait valoir, " manifestement forgés pour les besoins de la cause, à l'insu du service instructeur réglementairement seul compétent " et seraient " constitutifs (...) de faux administratifs " ; que, par suite, et alors que le préfet n'était pas tenu de suivre les propositions de l'inspection des installations classées, la décision litigieuse n'est pas entachée d'un vice de procédure ;

29. Considérant, d'autre part, que si la société Guy Dauphin Environnement souligne " la longueur particulièrement inhabituelle de l'instruction " de sa demande, " le fait qu'il ait été systématiquement passé outre aux avis et propositions de l'inspection des installations classées ", " le fait que la décision de refus (...) faisait apparemment l'objet d'un consensus préétabli " ou encore la diffusion du refus avant qu'il ne lui soit notifié, ces éléments ne suffisent pas à démontrer que le préfet de l'Orne aurait agi dans le seul but d'écarter un projet susceptible de concurrencer celui présenté par une autre société dans le département et que la décision de refus du préfet serait entachée d'un détournement de pouvoir ;

30. Considérant, en dernier lieu, que la demande d'autorisation présentée par la société Guy Dauphin Environnement porte sur le centre de stockage de déchets litigieux et sur une plate-forme de tri de déchets ; qu'il ressort des pièces du dossier que cette plate-forme, d'une capacité annuelle maximale de 47 500 tonnes, doit, à concurrence de 20 000 tonnes, accueillir des déchets industriels non dangereux, 50 % de ces déchets présentant un caractère ultime et étant dirigés vers le centre de stockage, des ferrailles, à hauteur de 25 000 tonnes et des déchets d'équipement électrique et électronique, à concurrence de 2 500 tonnes ; qu'il résulte de l'instruction que si le fonctionnement de la plate-forme de tri n'est ainsi, selon le dossier de demande d'autorisation d'exploiter, qu'en partie lié à celui du centre de stockage de déchets, son exploitation est en réalité inséparable de celle du centre de stockage, dès lors que, dans une proportion significative, les déchets triés, ne pouvant être valorisés, sont destinés à être acheminés vers le centre de stockage ; que, par suite, ce centre de tri n'est pas dissociable du centre de stockage ;

31. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, compte tenu de l'ensemble des motifs énoncés précédemment, notamment au point 21, le projet déposé par la société Guy Dauphin Environnement doit être regardé comme ne présentant pas les garanties requises pour qu'il puisse être autorisé ;

32. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, que l'association Nonant Environnement, d'une part, les associations France Nature Environnement et " Zero Waste France, d'autre part, sont fondées à demander que le jugement du 18 février 2011 par lequel le tribunal administratif de Caen a annulé l'arrêté du 13 janvier 2010 du préfet de l'Orne, a accordé à cette société l'autorisation d'exploiter qu'elle sollicitait et l'a renvoyée devant le préfet de l'Orne pour que soient fixées les conditions de l'exploitation autorisée, soit déclaré non avenu ; que les conclusions de la société Guy Dauphin Environnement tendant à l'annulation de cet arrêté doivent être rejetées ;

Sur les conclusions de la société Guy Dauphin Environnement tendant à la délivrance d'une autorisation d'exploiter provisoire :

33. Considérant qu'eu égard aux développements qui précédent, ces conclusions ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les requêtes n°s 14NT01747 et 14NT02421 :

Sur la fin de non-recevoir opposée à la demande de première instance dirigée contre l'arrêté du 12 juillet 2011 du préfet de l'Orne portant création de servitudes d'utilité publique autour du centre de stockage exploité par la société Guy Dauphin Environnement sur le territoire de la commune de Nonant-le-Pin :

34. Considérant qu'eu égard à l'objet social, rappelé au point 8, de l'association Nonant Environnement, celle-ci justifie d'un intérêt à contester l'arrêté préfectoral du 12 juillet 2011 portant création de servitudes d'utilité publique autour du centre de stockage de déchets non dangereux ultimes et du centre de tri de déchets industriels banals, de métaux ferreux et non ferreux et de déchets d'équipements électroniques et électriques de Nonant-le-Pin ; que, par suite, la fin de non-recevoir opposée à la demande de première instance ne peut qu'être écartée ;

Sur les arrêtés du 12 juillet 2011 du préfet de l'Orne :

35. Considérant que, d'une part, le présent arrêt déclare non avenu le jugement du tribunal administratif de Caen annulant l'arrêté du 13 janvier 2010 du préfet de l'Orne refusant d'autoriser la société Guy Dauphin Environnement à exploiter un centre de stockage de déchets et un centre de tri sur le territoire de la commune de Nonant-le-Pin, accordant à cette société l'autorisation d'exploiter qu'elle sollicitait et la renvoyant devant le préfet de l'Orne pour que soient fixées les conditions de l'exploitation autorisée et rejette les conclusions de la société tendant à l'annulation de cet arrêté ; que, par suite, l'arrêté préfectoral du 12 juillet 2011 fixant les conditions d'exploitation du centre de stockage de déchets non dangereux ultimes et du centre de tri de déchets industriels banals, de métaux ferreux et non ferreux et de déchets d'équipement électroniques et électriques, pris en exécution de ce jugement, doit être annulé par voie de conséquence ;

36. Considérant que, d'autre part, la société Guy Dauphin Environnement n'étant pas autorisée à exploiter le centre de stockage de Nonant-le-Pin, l'arrêté préfectoral du 12 juillet 2011 portant création de servitudes d'utilité publique autour du centre de stockage, doit également être annulé par voie de conséquence ;

37. Considérant que, dès lors, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité des jugements attaqués, l'association Nonant Environnement est fondée à soutenir que c'est à tort que, par les jugements des 29 avril 2014 et 15 juillet 2014, le tribunal administratif de Caen a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés préfectoraux ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative :

En ce qui concerne la requête n° 12NT02190 :

38. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans cette instance, le versement de la somme que l'association Nonant Environnement demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que ces dispositions font, également, obstacle à ce que soit mis à la charge de l'association Nonant Environnement, qui n'est pas la partie perdante dans cette instance, le versement de la somme que la société Guy Dauphin Environnement demande au titre des frais de même nature qu'elle a exposés ; qu'enfin, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces dispositions, de mettre à la charge de la société Guy Dauphin Environnement le versement à l'association Nonant Environnement de la somme de 6 000 euros qu'elle demande au titre de ces mêmes frais ainsi que le remboursement à cette association de la somme de 35 euros qu'elle a acquittée au titre de la contribution pour l'aide juridique ;

En ce qui concerne la requête n° 14NT02461 :

39. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans cette instance, le versement de la somme que l'association France Nature Environnement et l'association " Zero Waste France " demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que ces dispositions font, également, obstacle à ce que soit mis à la charge des associations France Nature Environnement et " Zero Waste France, qui ne sont pas la partie perdante dans cette instance, le versement de la somme que la société Guy Dauphin Environnement demande au titre des frais de même nature qu'elle a exposés ;

En ce qui concerne les requêtes n° 14NT01747 et n° 14NT02421 :

40. Considérant, d'une part, qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, le versement de la somme que l'association Nonant Environnement demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que, d'autre part, ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'association Nonant Environnement, qui n'est pas la partie perdante dans ces instances, le versement de la somme que la société Guy Dauphin Environnement demande au titre des frais de même nature qu'elle a exposés ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'ordonnance n° 1102136 du 5 juin 2012 du président de la troisième chambre du tribunal administratif de Caen et le jugement n° 1400045 du 29 avril 2014 du tribunal administratif de Caen sont annulés.

Article 2 : Les tierces oppositions formées par l'association Nonant Environnement, l'association France Nature Environnement et l'association Centre national d'information indépendante sur les déchets, désormais dénommée " Zero Waste France ", sont admises.

Article 3 : Le jugement n° 1000405 du 18 février 2011 par lequel le tribunal administratif de Caen a annulé, à la demande de la société Guy Dauphin Environnement, l'arrêté du 13 janvier 2010 du préfet de l'Orne refusant d'autoriser cette société à exploiter un centre de stockage de déchets non dangereux ultimes et un centre de tri de déchets industriels banals, de métaux ferreux et non ferreux et de déchets d'équipements électroniques et électriques sur le territoire de la commune de Nonant-le-Pin (Orne), a accordé à cette société l'autorisation d'exploiter qu'elle sollicitait et l'a renvoyée devant le préfet de l'Orne pour que soient fixées les conditions de l'exploitation ainsi autorisée est déclaré non avenu.

Article 4 : La demande présentée par la société Guy Dauphin Environnement devant le tribunal administratif de Caen tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 janvier 2010 du préfet de l'Orne et ses conclusions présentées devant la cour administrative d'appel tendant à ce que lui soit délivrée une autorisation d'exploiter provisoire sont rejetées.

Article 5 : Le jugement n° 1400045 du 29 avril 2014 et le jugement n°s 1102138-1300158-1300217 du 15 juillet 2014 du tribunal administratif de Caen, l'arrêté du 12 juillet 2011 du préfet de l'Orne fixant les conditions d'exploitation du centre de stockage de déchets non dangereux ultimes et du centre de tri de déchets industriels banals, de métaux ferreux et non ferreux et de déchets d'équipement électroniques et électriques de Nonant-le-Pin et l'arrêté du 12 juillet 2011 du préfet de l'Orne portant création de servitudes d'utilité publique autour du centre de stockage sont annulés.

Article 6 : La société Guy Dauphin Environnement versera à l'association Nonant Environnement une somme de 6 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi qu'une somme de 35 euros en application de l'article R. 761-1 du même code.

Article 7 : Les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par l'association Nonant Environnement, par l'association France Nature Environnement et l'association " Zero Waste France ", et par la société Guy Dauphin Environnement sont, sous réserve de l'article 6, rejetées.

Article 8 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Nonant Environnement, à l'association France Nature Environnement, à l'association " Zero Waste France ", à la société Guy Dauphin Environnement et à la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, en charge des relations internationales sur le climat.

Copie en sera adressée, pour information, à la préfète de l'Orne.

Délibéré après l'audience du 17 mai 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Bachelier, président de la cour,

- M. Millet, président assesseur,

- Mme Buffet, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 20 mai 2016 à 14H00.

Le rapporteur,

C. BUFFET Le président,

G. BACHELIER

Le greffier,

S. BOYERE

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N°s 12NT02190-14NT02461-14NT01747-14NT02421


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BACHELIER
Rapporteur ?: Mme Catherine BUFFET
Rapporteur public ?: M. DELESALLE
Avocat(s) : CASSIN

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Date de la décision : 20/05/2016
Date de l'import : 17/06/2016

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 12NT02190
Numéro NOR : CETATEXT000032571135 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2016-05-20;12nt02190 ?
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