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09/01/2017 | FRANCE | N°15NT03122

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 09 janvier 2017, 15NT03122


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Eco Delta a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler les six arrêtés du 2 décembre 2009 du préfet d'Eure et Loir portant refus de lui délivrer les autorisations de construire les éoliennes qu'elle prévoyait d'implanter sur les territoires des communes de La Bourdinière-Saint Loup, Ermenonville-la Grande et Luplanté, ainsi que la décision du 8 avril 2010 portant rejet du recours gracieux formé contre ces décisions.

Par un jugement n° 001965-1001966-1001967-1001968-1019

69-1001970 du 6 mars 2012, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté cette demande...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Eco Delta a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler les six arrêtés du 2 décembre 2009 du préfet d'Eure et Loir portant refus de lui délivrer les autorisations de construire les éoliennes qu'elle prévoyait d'implanter sur les territoires des communes de La Bourdinière-Saint Loup, Ermenonville-la Grande et Luplanté, ainsi que la décision du 8 avril 2010 portant rejet du recours gracieux formé contre ces décisions.

Par un jugement n° 001965-1001966-1001967-1001968-101969-1001970 du 6 mars 2012, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 12NT01207 du 11 octobre 2013, la Cour, sur appel de la société Eco Delta, a annulé ce jugement, l'ensemble des arrêtés préfectoraux ainsi que la décision en date du 8 avril 2010 par laquelle le préfet avait rejeté son recours gracieux.

Le Conseil d'Etat, sur pourvoi du ministre de l'égalité des territoires et du logement, a annulé le 9 octobre 2015 cet arrêt et renvoyé l'affaire devant la Cour.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 7 mai 2012, complétée par des mémoires enregistrés le 24 avril 2013 et le 8 septembre 2016, la société Eco Delta, représentée par Me A..., demande à la cour, dans le dernier état de ses conclusions :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 6 mars 2012 en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation des décisions de refus de permis de construire n° PC 28 141 07 00002, PC 28 222 06 00004, PC 28 048 06 00010 et PC 28 048 06 00011 du préfet d'Eure et Loir du 2 décembre 2009, et de la décision du 8 avril 2010 portant rejet de son recours administratif, en tant qu'elle concerne les décisions précitées ;

2°) d'annuler les décisions précitées du préfet d'Eure et Loir du 2 décembre 2009 et du 8 avril 2010 ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer les autorisations de construire sollicitées ;

4°) de mettre 5 000 euros à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société Eco Delta soutient que :

- seul un des trois bouquets d'éoliennes prévus par son projet de parc porte atteinte à la conservation des perspectives monumentales de la cathédrale de Chartres ;

- les deux bouquets d'éoliennes situés le plus au Sud ne méconnaissent pas les dispositions de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme ;

- les refus correspondants aux éoliennes n° 5, 6, 7, 11 et 12 ne sont pas justifiés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 février 2013, le ministre de l'égalité des territoires et du logement conclut au rejet de la requête.

Le ministre fait valoir que :

- les décisions du 2 décembre 2009 sont motivées en fait et en droit ;

- le tribunal a bien apprécié l'atteinte à la cathédrale de Chartes en relevant que les éoliennes sont en covisibilité avec elle sur une portion des routes départementales 127-3 et 12-4, et n'a pas entaché son jugement d'une contradiction de motifs ;

- le projet d'éoliennes se situe dans un secteur paysager sensible du fait de la perception visuelle de la cathédrale de Chartres dans le paysage ouvert de la Beauce chartraine ; il se situe dans la zone de sensibilité forte du schéma départemental éolien en ce qui concerne les enjeux de protection de la cathédrale, qui prévoit un rayon de 23 kilomètres autour de l'édifice ; les huit éoliennes, d'une hauteur de 150 m pales comprises, ne sont distantes que de 13 kms de la cathédrale ; l'étude d'impact aborde la problématique liée à la perception de la cathédrale en minimisant la visibilité du monument depuis le périmètre d'étude ;

- le service départemental de l'architecture et du patrimoine, ainsi que la commission départementale de la nature, des paysages et des sites, ont émis des avis négatifs.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Mony,

- les conclusions de M. Durup de Baleine, rapporteur public.

1.Considérant que la société Eco Delta a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler six arrêtés en date du 2 décembre 2009 par lesquels le préfet d'Eure et Loir a refusé de lui délivrer les autorisations de construire nécessaires à l'implantation d'un parc éolien situé sur le territoire des communes de la Bourdinière Saint Loup, Ermenonville la Grande et Luplanté, ainsi que la décision en date du 8 avril 2010 par laquelle le préfet a rejeté son recours administratif contre ces décisions ; que par un jugement en date du 6 mars 2012, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande ; que la Cour, sur appel du pétitionnaire, a, par un arrêt en date du 11 octobre 2013, annulé ce jugement et les décisions litigieuses ; que cet arrêt a lui-même été annulé le 9 octobre 2015 par le Conseil d'Etat, qui a renvoyé l'affaire devant la Cour ; que la société Eco Delta, dans le dernier état de ses conclusions, limite désormais ses conclusions d'appel à la contestation du jugement en tant qu'il a rejeté ses demandes d'annulation des décisions de refus du préfet portant sur les demandes n° PC 28 141 07 00002, PC 28 222 06 00004, PC 28 048 06 00010 et PC 28 048 06 00011.

Sur les conclusions en annulation :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme : " Le permis de construire peut être refusé ou n'être accordé que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales. " ;

3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que, si les constructions projetées portent atteinte aux paysages naturels avoisinants, l'autorité administrative compétente peut refuser de délivrer le permis de construire sollicité ou l'assortir de prescriptions spéciales ; que, pour rechercher l'existence d'une atteinte à un paysage naturel de nature à fonder le refus de permis de construire ou les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de ce permis, il lui appartient d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site naturel sur lequel la construction est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le projet litigieux prend la forme d'un parc éolien constitué de trois bouquets de deux ou trois aérogénérateurs chacun, situés au Sud de Chartres, dont la cathédrale est inscrite au patrimoine mondial de l'UNESCO, sur le territoire des communes de la Bourdinière Saint Loup, Ermenonville la Grande et Luplanté; qu'aucun de ces aérogénérateurs n'est toutefois effectivement situé dans la " zone de sensibilité majeure " de la cathédrale de Chartres " définie par le schéma éolien départemental d'Eure et Loir ; que la société Eco Delta se borne désormais à contester la légalité des refus d'autorisation de construire opposé aux éoliennes composant les deux bouquets situés le plus au Sud de Chartres, situé en " zone de sensibilité forte " du schéma départemental éolien qui ne prohibe cependant l'implantation d'éoliennes dans se secteur que s'il existe une situation de covisibilité avec la cathédrale de Chartres ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, notamment des nombreux photomontages composant le volet paysager de l'étude d'impact et son complément figurant au dossier de demande d'autorisation de construire et dont la fiabilité n'est pas sérieusement remise en cause par l'administration, que ces éoliennes, qui ne sont pas situées dans un des cônes de covisibilité potentielle identifiés par cette étude, offriraient elles mêmes, fût-ce d'un point de vue théorique, des vues sur la cathédrale de Chartres à l'origine d'une covisibilité et risquant ainsi de porter atteinte à une perspective offerte sur cette dernière ; que l'architecte des Bâtiments de France, chef du service départemental de l'architecture et du patrimoine d'Eure et Loire a, au surplus, émis le 20 avril 2009 un avis favorable pour ces six installations, son avis défavorable ne portant que sur les trois autres aérogénérateurs situés plus au Nord ; que, dès lors, les six aérogénérateurs composant les deux bouquets éoliens situés le plus au Sud ne peuvent ainsi, dans les conditions qui viennent d'être rappelées, être regardés comme portant une atteinte excessive à la perspective offerte sur la cathédrale de Chartres ; que, par suite, c'est à tort que le préfet d'Eure et Loir a, en se fondant sur les dispositions de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme, refusé de délivrer à la société Eco Delta les autorisations de construire correspondant à ces six éoliennes ;

5. Considérant que, pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun des autres moyens soulevés par la société requérante n'est susceptible de fonder les annulations qu'elle réclame ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Eco Delta est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation des refus opposés par le préfet d'Eure et Loir à ses demandes d'autorisation de construire référencées PC 28 141 07 00002, PC 28 222 06 00004, PC 28 048 06 00010 et PC 28 048 06 00011 ;

Sur les conclusions en injonction :

7. Considérant que le présent arrêt annule les décisions par lesquels le préfet d'Eure- et-Loir a refusé de délivrer à la société Eco Delta les six autorisations de construire mentionnées aux points 1 et 6 ; qu'il y a lieu, eu égard au motif d'annulation retenu, d'enjoindre au préfet de délivrer ces autorisations dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt ;

Sur les conclusions relatives à l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au profit de la société Eco Delta au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 6 mars 2012 est annulé en tant qu'il rejette les conclusions relatives aux décisions référencées PC 28 141 07 00002, PC 28 222 06 00004, PC 28 048 06 00010 et PC 28 048 06 00011.

Article 2 : Il est enjoint au préfet d'Eure-et-Loir de délivrer à la société Eco Delta les autorisations de construire référencées PC 28 141 07 00002, PC 28 222 06 00004, PC 28 048 06 00010 et PC 28 048 06 00011 dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à la société Eco Delta une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Eco Delta et au ministre du logement et de l'habitat durable. Une copie sera transmise au Préfet d'Eure-et-Loir.

Délibéré après l'audience du 16 décembre 2016, où siégeaient :

- M. Lenoir, président,

- M. Mony, premier conseiller,

- Mme Massiou, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 9 janvier 2017.

Le rapporteur,

A. MONYLe président,

H. LENOIR

Le greffier,

C. GOY

2

N°15NT03122


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 15NT03122
Date de la décision : 09/01/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LENOIR
Rapporteur ?: M. Arnaud MONY
Rapporteur public ?: M. DURUP de BALEINE
Avocat(s) : SELARL GENESIS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 26/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2017-01-09;15nt03122 ?
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