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10/01/2017 | FRANCE | N°15NT02544

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 10 janvier 2017, 15NT02544


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 4 mars 2013 par laquelle le président du conseil général d'Ille-et-Vilaine l'a licenciée de son emploi d'assistante familiale pour inaptitude et de condamner le département d'Ille-et-Vilaine à lui verser la somme de 15 000 euros au titre du préjudice qu'elle a subi résultant du défaut de reclassement.

Par un jugement n° 1301625 du 11 juin 2015, le tribunal administratif de Rennes a annulé la décision du 4 mars 2013

du président du conseil général d'Ille-et-Vilaine licenciant Mme B... pour inaptit...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 4 mars 2013 par laquelle le président du conseil général d'Ille-et-Vilaine l'a licenciée de son emploi d'assistante familiale pour inaptitude et de condamner le département d'Ille-et-Vilaine à lui verser la somme de 15 000 euros au titre du préjudice qu'elle a subi résultant du défaut de reclassement.

Par un jugement n° 1301625 du 11 juin 2015, le tribunal administratif de Rennes a annulé la décision du 4 mars 2013 du président du conseil général d'Ille-et-Vilaine licenciant Mme B... pour inaptitude et condamné le département d'Ille-et-Vilaine à verser à l'intéressée une somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 6 août 2015, MmeB..., représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 11 juin 2015 en tant qu'il limite l'indemnisation de son préjudice à la somme de 5 000 euros ;

2°) de condamner le département d'Ille-et-Vilaine à lui verser une somme de 30 000 euros en réparation de son préjudice ;

3°) de mettre à la charge du département d'Ille-et-Vilaine le versement d'une somme de 3 000 euros par application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'indemnité de 5 000 euros accordée, qui correspond tout au plus à deux mois de salaires, est manifestement sous-évaluée au regard de son ancienneté de 15 ans ;

- âgée de 61 ans à la date de la décision de licenciement, elle n'a pu prétendre à l'indemnisation de son chômage et s'est trouvée, de ce fait, contrainte de demander la liquidation de ses droits à la retraite alors que 32 trimestres resteront, du fait de l'absence de reclassement, non cotisés ;

- alors qu'elle percevait, à la date de la décision de licenciement, un salaire moyen de 2 502 euros par mois, elle ne perçoit plus désormais qu'une pension de retraite de 1 193 euros, soit une perte de revenus de 1 051 euros pendant 4 ans et une perte de retraite de 162 euros par mois ; son préjudice doit être évalué à 30 000 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 juin 2016, le département d'Ille-et-Vilaine, représenté par le cabinet Coudray, avocat, conclut au rejet de la requête et demande que soit mis à la charge de Mme B...le versement d'une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les conclusions tendant à la majoration de l'indemnisation du préjudice de l'appelante sont irrecevables en tant qu'elles excèdent la somme de 15 000 euros, montant de sa demande en première instance, en l'absence d'aggravation de son préjudice ;

- c'est à tort que les premiers juges ont admis l'existence d'une perte de chance de reclassement de MmeB... ; d'une part, la période de référence est celle comprise entre le 10 janvier 2013, date du 1er avis médical d'inaptitude et le 4 mars 2013, date du licenciement de l'intéressée ; d'autre part, le médecin du travail avait préconisé un reclassement sur un poste ne comportant pas de tâches stressantes ni de garde d'enfants ; enfin, l'emploi précédemment occupé par l'intéressé correspond à un emploi de catégorie C de la filière sociale de la fonction publique territoriale ; le département justifie de l'absence de poste de reclassement correspondant et conforme aux préconisations précitées du médecin du travail sur la période considérée ; au surplus, l'intéressée avait manifesté son intention d'être reclassée sur un poste d'infirmière, ce qui n'était pas possible ;

- dès lors que Mme B...demande exclusivement réparation de son préjudice matériel (impossibilité de travailler jusqu'à 65 ans et d'avoir une meilleure retraite), elle ne pouvait prétendre à aucune indemnisation compte tenu de l'impossibilité démontrée de la reclasser ;

- le département n'entend pas solliciter reconventionnellement la diminution de l'indemnisation accordée en première instance mais s'oppose à ses prétentions en appel.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de l'action sociale et des familles ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 85-1054 du 30 septembre 1985 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Loirat, président-assesseur,

- les conclusions de M. Bréchot, rapporteur public,

- et les observations de MeD..., représentant le département d'Ille-et-Vilaine.

1. Considérant que Mme B...exerçait les fonctions d'assistante familiale au sein des services du département d'Ille-et-Vilaine depuis le 17 mars 1998 ; qu'à la suite de faits vécus dans l'exercice de ses fonctions, MmeB..., en état de choc psychologique, a été placée en congé de maladie imputable au service du 16 février 2012 au 8 janvier 2013 ; que le médecin du travail l'a déclarée inapte à l'emploi d'assistante familiale par deux avis des 10 et 25 janvier 2013 ; qu'après des échanges entre les services du département et Mme B...sur la possibilité de son reclassement, le président du conseil général a, finalement, après entretien préalable du 14 février 2013, procédé au licenciement pour inaptitude physique de l'intéressée par une décision du 4 mars 2013 ; que par un jugement du 11 juin 2015, le tribunal administratif de Rennes a annulé ce licenciement, estimant que le département d'Ille-et-Vilaine avait méconnu ses obligations de reclassement, en n'invitant pas l'intéressée à présenter une demande de reclassement et en n'effectuant pas les diligences nécessaires lui incombant à fin de pourvoir au reclassement de la requérante avant son licenciement, et a condamné le département à verser à Mme B... une somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice ; que Mme B...relève appel de ce jugement en tant qu'il limite la réparation de son préjudice à cette somme de 5 000 euros, et demande que cette indemnisation soit portée à la somme de 30 000 euros ;

Sur les conclusions à fin d'indemnisation :

2. Considérant qu'il résulte d'un principe général du droit dont s'inspirent tant les dispositions du code du travail relatives à la situation des salariés qui, pour des raisons médicales, ne peuvent plus occuper leur emploi que les règles statutaires applicables dans ce cas aux fonctionnaires, que, lorsqu'il a été médicalement constaté qu'un agent non titulaire se trouve de manière définitive atteint d'une inaptitude physique à occuper son emploi, il appartient à l'employeur public de le reclasser dans un autre emploi et, en cas d'impossibilité, de prononcer, dans les conditions prévues pour l'intéressé, son licenciement ; que ce principe est applicable en particulier aux agents contractuels de droit public, catégorie dont relevait Mme B... ;

3. Considérant que l'emploi d'assistante familiale occupé par Mme B...au sein des services du département d'Ille-et-Vilaine, en vertu d'un contrat à durée indéterminée, relève des emplois de la catégorie C ; que par suite, bien que l'intéressée soit titulaire d'un diplôme d'Etat d'aide sage-femme et d'infirmière, son reclassement ne pouvait être envisagé, ainsi qu'elle le souhaitait, sur un emploi de catégorie A ou B des filières médicale ou médico-sociale de la fonction publique territoriale ; qu'il ressort en outre des pièces du dossier que le médecin du travail a préconisé que la reprise du travail de l'intéressée s'effectue sur un poste ne comportant pas de tâches stressantes ni de garde d'enfants ; que le département justifie, par la production de tableaux des emplois vacants lors de la période comprise entre le 10 janvier 2013, où l'inaptitude médicale de Mme B...a été constatée, et le 4 mars 2013, date de son licenciement, que seuls deux emplois de catégorie C étaient disponibles à cette période mais qu'ils concernaient l'emploi d'auxiliaire de puériculture, et étaient dès lors incompatibles avec les préconisations du médecin du travail ; que, dans ces conditions, non contredites par la requérante, Mme B...n'est pas fondée à se prévaloir de l'existence d'une perte de chance sérieuse d'avoir pu bénéficier d'un reclassement dans un emploi adapté à ses capacités et d'être maintenue en activité jusqu'à la date légale de sa retraite ; qu'elle n'est, dès lors, pas fondée à solliciter que l'indemnisation accordée par les premiers juges en réparation d'une telle perte de chance soit portée à la somme de 30 000 euros ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir partielle opposée par le département d'Ille-et-Vilaine, que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a limité à la somme de 5 000 euros l'indemnisation du préjudice consécutif à la décision du 4 mars 2013 prononçant son licenciement pour inaptitude médicalement constatée ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

5. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du département d'Ille-et-Vilaine, qui n'a pas la qualité de partie perdante à la présente instance, la somme que Mme B...demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

6. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B...la somme demandée par le département d'Ille-et-Vilaine au titre de ces mêmes frais ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du département d'Ille-et-Vilaine tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...B...et au département d'Ille-et-Vilaine.

Délibéré après l'audience du 20 décembre 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- Mme Loirat, président-assesseur,

- et Mme Rimeu, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 10 janvier 2017.

Le rapporteur,

C. LOIRATLe président,

L. LAINÉ

Le greffier,

V. DESBOUILLONS

La République mande et ordonne au préfet d'Ille-et-Vilaine en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 15NT02544


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 15NT02544
Date de la décision : 10/01/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: Mme Cécile LOIRAT
Rapporteur public ?: M. BRECHOT
Avocat(s) : CABINET COUDRAY CONSEIL et CONTENTIEUX

Origine de la décision
Date de l'import : 24/01/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2017-01-10;15nt02544 ?
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