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22/03/2017 | FRANCE | N°15NT02569

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 22 mars 2017, 15NT02569


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiées (SAS) Gras Savoye a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la décision du 25 avril 2014 par laquelle l'inspecteur du travail de la 3ème section de l'unité territoriale du Loiret de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) du Centre a refusé l'autorisation de procéder au licenciement pour motif économique de MmeD....

Par un jugement n° 1402437 du 25 juin 2015, le tribunal

administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiées (SAS) Gras Savoye a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la décision du 25 avril 2014 par laquelle l'inspecteur du travail de la 3ème section de l'unité territoriale du Loiret de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) du Centre a refusé l'autorisation de procéder au licenciement pour motif économique de MmeD....

Par un jugement n° 1402437 du 25 juin 2015, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés les 14 août 2015, 21 août 2015 et 13 décembre 2016, la société Gras Savoye SAS, représentée par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 25 juin 2015 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 25 avril 2014 ;

3°) de l'autoriser à procéder au licenciement de Mme D...pour les motifs énoncés dans sa demande d'autorisation du 3 mars 2014 ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision contestée est insuffisamment motivée ;

- l'inspecteur du travail a méconnu le principe du contradictoire ;

- le motif économique invoqué justifie le licenciement.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 janvier 2016, Mme B...D..., représentée par MeA..., conclut au rejet de la requête présentée par la société Gras Savoye SAS et à ce que la société requérante soit condamnée à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par la société Gras Savoye ne sont pas fondés et ajoute que :

- la société n'a pas satisfait à son obligation de reclassement dès lors que les postes qui lui ont été proposés ne correspondaient pas à sa qualification ou étaient éloignés géographiquement ; elle n'a pas respecté les critères d'ordre de licenciement ;

- le lien entre la demande d'autorisation de licenciement et l'exercice de ses mandats représentatifs est établi.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 mars 2017, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social conclut au rejet de la requête.

Il s'en rapporte au mémoire produit en première instance par la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi Centre.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Gélard,

- les conclusions de Mme Piltant, rapporteur public,

- et les observations de MeF..., substituant MeC..., représentant la société Gras Savoye SAS, et de MeE..., substituant MeA..., représentant MmeD....

1. Considérant que la société par actions simplifiées (SAS) Gras Savoye, qui est spécialisée dans le courtage en assurance, dispose d'un établissement à Ormes dans le Loiret qui est en charge de la direction des institutions financières et ingénierie de distribution et d'une partie des services de la direction des systèmes d'information ; que cette société est une entité du groupe Gras Savoye et Cie ; que la société Gras Savoye SAS a annoncé, au cours de l'année 2012, la mise en place d'un projet de réorganisation de l'entreprise, puis adopté un plan de sauvegarde de l'emploi en 2013 visant à supprimer des postes dans l'ensemble de ses établissements dont plus d'une trentaine sur le site d'Ormes ; qu'elle a, dans ce cadre, sollicité, le 3 mars 2014, l'autorisation de licencier MmeD..., employée au sein de l'établissement d'Ormes en qualité d' " expert métier gestion ", en arguant de la nécessité de sauvegarder la compétitivité du groupe auquel elle appartient ; que Mme D...détient les mandats de membre titulaire du comité d'établissement, délégué du personnel titulaire, délégué syndical, représentant syndical au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, membre titulaire du comité central commun de l'unité économique et sociale ( CCCUES) et membre du comité d'entreprise européen ; que l'inspecteur du travail de la 3ème section du Loiret a refusé d'accorder l'autorisation de licenciement par une décision du 25 avril 2014, au motif que la réalité du motif économique n'était pas établie dans le secteur d'activité du courtage en assurance au sein du groupe ; que la société Gras Savoye SAS relève appel du jugement du 25 juin 2015 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant, en premier lieu, que si la société Gras Savoye SAS soutient que le refus de l'inspecteur du travail serait insuffisamment motivé, la décision contestée énonce les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, tirées notamment de l'absence de réalité du motif économique invoqué par la société au soutien de sa demande ; que, par suite, et alors même que l'inspecteur du travail se serait appuyé sur certaines pièces du dossier qui lui avaient été communiquées et notamment sur le rapport de l'expert-comptable désigné par le CCCUES et aurait rappelé l'avis émis par les représentants du personnel, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision contestée ne peut qu'être écarté ;

3. Considérant, en deuxième lieu, que si la société Gras Savoye SAS fait valoir que le principe du caractère contradictoire de l'enquête menée par l'inspecteur du travail aurait été méconnu, il ressort des pièces du dossier, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, que l'élément tiré de ses bons résultats récents et du gain de nouveaux contrats, porté à la connaissance de l'inspecteur du travail par voie de presse et non soumis à l'intéressée dans le cadre de l'enquête contradictoire, n'a été retenu par l'administration que pour conforter son analyse en complément des autres pièces déterminantes du dossier qui, elles, avaient été soumises au contradictoire ; que, par suite, le moyen doit être écarté ;

4. Considérant, en dernier lieu, qu'en vertu des dispositions du code du travail, le licenciement d'un salarié protégé, qui bénéficie, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'il représente, d'une protection exceptionnelle, est subordonné à une autorisation de l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande d'autorisation de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement, en tenant compte notamment de la nécessité des réductions envisagées d'effectifs et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié dans l'entreprise ou au sein du groupe auquel appartient cette dernière ; que si la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise peut constituer un tel motif, c'est à la condition que soit établie une menace pour la compétitivité de l'entreprise, laquelle s'apprécie, lorsque l'entreprise appartient à un groupe, au niveau du secteur d'activité dont relève l'entreprise en cause au sein du groupe ;

5. Considérant que si la société requérante soutient que toute perte de compétitivité au niveau des filiales nationales a un impact déterminant sur l'ensemble du groupe qui réalise les 3/4 de son chiffre d'affaires en France, il résulte de ce qui a été dit au point précédent que l'ensemble des résultats du groupe Gras Savoye et Cie doit être pris en compte pour apprécier la réalité du motif économique invoqué ; qu'ainsi, la société Gras Savoye SAS ne peut utilement se prévaloir de ce que sa situation économique en France se serait dégradée sur la période couvrant les années 2009 à 2013 sans tenir compte de la situation du groupe au niveau mondial ;

6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, notamment des bilans et comptes de résultats produits par la société, que le chiffre d'affaires du groupe est passé de 533,4 millions d'euros en 2009 à 555,10 millions en 2012 puis 492,3 millions d'euros en 2013 ; que le résultat d'exploitation est, quant à lui, passé de 45,5 millions d'euros en 2009 à 15,5 millions d'euros en 2013 ; que, toutefois, en se bornant à produire devant le juge d'appel, les comptes consolidés du groupe pour 2013 et les prévisions pour 2014 au travers du rapport d'analyse réalisé par la société Ecodia, la société Gras Savoye SAS ne justifie pas les menaces alléguées sur la compétitivité du groupe dans son unique secteur d'activité ; que si la société requérante, qui ne peut utilement se prévaloir des dispositions de la circulaire DGT n° 07-2012 du 30 juillet 2012 du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social qui est dépourvue de tout caractère règlementaire, se prévaut par ailleurs de la forte pression concurrentielle du secteur d'activité du courtage en assurance, les documents produits au dossier ne révèlent pas de positionnement défavorable du groupe par rapport à des entreprises concurrentes du même secteur ; que, dans ces conditions, l'inspecteur du travail a pu estimer sans commettre d'erreur d'appréciation que la société Gras Savoye France n'établissait pas la réalité du motif économique qui fondait sa demande d'autorisation de licenciement de Mme D... ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Gras Savoye SAS n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande ; qu'elle n'est, en tout état de cause, pas fondée à demander à la cour de l'autoriser à procéder au licenciement de MmeD... ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que la société Gras Savoye SAS demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société Gras Savoye SAS le versement à Mme D...de la somme de 1 500 euros au titre des mêmes frais ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Gras Savoye SAS est rejetée.

Article 2 : La société Gras Savoye SAS versera à Mme B...D...la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Gras Savoye SAS, au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social et à Mme B...D....

Délibéré après l'audience du 7 mars 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Pérez, président de chambre,

- M. Millet, président-assesseur,

- Mme Gélard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 22 mars 2017.

Le rapporteur,

V. GELARDLe président,

A. PEREZ

Le greffier,

S. BOYERE

La République mande et ordonne au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 15NT02569


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: Mme Valérie GELARD
Rapporteur public ?: Mme PILTANT
Avocat(s) : PEROL RAYMOND KHANNA ET ASSOCIES

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Date de la décision : 22/03/2017
Date de l'import : 31/03/2017

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 15NT02569
Numéro NOR : CETATEXT000034272368 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2017-03-22;15nt02569 ?
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