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15/05/2017 | FRANCE | N°15NT03560

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 15 mai 2017, 15NT03560


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Cloarec a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 14 février 2014 par laquelle le maire de Quimper a rejeté sa demande tendant à ce que lui soit accordée l'autorisation d'occuper, sur la voie publique, une surface de terrasse supplémentaire devant l'établissement de restauration qu'elle exploite.

Par un jugement n° 1402161 du 16 octobre 2015, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête

et des mémoires, enregistrés le 24 novembre 2015 et les 2 et 13 février et 10 mars 2017, la s...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Cloarec a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 14 février 2014 par laquelle le maire de Quimper a rejeté sa demande tendant à ce que lui soit accordée l'autorisation d'occuper, sur la voie publique, une surface de terrasse supplémentaire devant l'établissement de restauration qu'elle exploite.

Par un jugement n° 1402161 du 16 octobre 2015, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 24 novembre 2015 et les 2 et 13 février et 10 mars 2017, la société Cloarec, représentée par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 16 octobre 2015 ;

2°) d'annuler la décision du maire de Quimper du 14 février 2014 ;

3°) d'enjoindre au maire de Quimper d'examiner à nouveau sa demande dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de condamner la commune de Quimper à lui verser, dans le dernier état de ses écritures, la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier pour défaut de motivation, le tribunal administratif ayant omis de se prononcer sur deux moyens qui n'étaient pas inopérants, tirés de la violation des articles L. 2213-6 du CGCT (code général des collectivités territoriales) et L. 2122-2 du CGPPP (code général de la propriété des personnes publiques) et de la violation du principe de libre concurrence ;

- le jugement attaqué est mal fondé car la décision en litige méconnaît le principe d'égalité des usagers du domaine public et le principe de libre concurrence ;

- l'arrêté municipal du 20 février 2006 portant règlement d'occupation du domaine public par des terrasses et des étalages est illégal au regard de l'article L. 2213-6 GCGT en tant qu'il ne définit pas les conditions auxquelles est soumise la délivrance des permis de stationnement et qu'il ne fixe pas la durée des permis de stationnement ;

- ont été méconnus l'article L. 2213-6 du CGCT et L. 2122-2 du code général de la propriété des personnes publiques, qui imposent que les autorisations de voirie aient un caractère temporaire et qu'elles ne constituent pas une gêne pour la liberté du commerce ;

- le principe de la liberté de commerce et de l'industrie a été méconnu ;

- la décision attaquée méconnaît les dispositions de la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 29 avril 2016 et 7 février 2017, la commune de Quimper, représentée par MeC..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de la société Cloarec au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

L'instruction a été close au 16 mars 2017, date d'émission d'une ordonnance prise en application des dispositions combinées des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.

Un mémoire présenté pour la commune de Quimper a été enregistré le 17 mars 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur ;

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Francfort, président-assesseur,

- les conclusions de M. Durup de Baleine, rapporteur public,

- et les observations de MeB..., représentant la société Claorec, et celles de MeA..., représentant la commune de Quimper.

1. Considérant que la SARL Cloarec exploite rue du Salé à Quimper une crêperie à l'enseigne " Ty Ru " ; que, par arrêté du 25 février 2013, elle a été autorisée à installer sur la place publique dénommée " Place au Beurre ", devant son établissement, une terrasse de 10 m² ; qu'elle a demandé, le 15 janvier 2014, à être autorisée à augmenter l'emprise de cette terrasse ; que, par décision du 14 février 2014, le maire de Quimper a rejeté cette demande ; que la SARL Cloarec relève appel du jugement en date du 16 octobre 2015 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ce refus ;

Sur les conclusions à fins d'annulation :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2213-6 du code général des collectivités territoriales : " Le maire peut, moyennant le paiement de droits fixés par un tarif dûment établi, donner des permis de stationnement ou de dépôt temporaire sur la voie publique, sur les rivières, ports et quais fluviaux et autres lieux publics, sous réserve que cette autorisation n'entraîne aucune gêne pour la circulation, la navigation et la liberté du commerce " ; qu'il résulte de ces dispositions qu'il appartient au maire, dans l'exercice de ses pouvoirs de gestion du domaine public communal, de fixer, tant dans l'intérêt de la sécurité, du bon ordre et de la circulation, que dans celui du domaine public et de son affectation, les conditions auxquelles il entend subordonner la délivrance des permis de stationnement, et notamment les critères de priorité entre les demandeurs, en prenant en considération, le cas échéant, lorsque les dépendances domaniales en cause sont le siège d'activités de production, de distribution ou de services, les diverses règles, telles que la liberté du commerce et de l'industrie ou le droit de la concurrence, dans le cadre desquelles s'exercent ces activités ;

3. Considérant, en premier lieu, que la SARL excipe de l'irrégularité du règlement d'occupation du domaine public par des terrasses et des étalages, résultant d'un arrêté du maire de Quimper du 20 février 2006, au motif que ce texte ne fixe pas la durée des permis de stationnement à délivrer, alors que selon l'article L. 2122-2 du code général de la propriété des personnes publiques " L'occupation ou l'utilisation du domaine public ne peut être que temporaire " ;

4. Considérant que l'illégalité d'un acte administratif, qu'il soit ou non réglementaire, ne peut être utilement invoquée à l'appui de conclusions dirigées contre une décision administrative que si cette dernière a été prise pour son application ou s'il en constitue la base légale ;

5. Considérant que le refus opposé à la société Cloarec est fondé, d'une part, sur ce qu'elle disposait déjà d'une permission de stationnement sur la place au Beurre et, d'autre part, à défaut d'emprise supplémentaire disponible sur cette place, sur l'absence d'intérêt général à procéder à une nouvelle répartition des emprises occupées au même emplacement par trois autres établissements de restauration, selon des permissions de stationnement en cours d'exécution, le maire indiquant toutefois " une nouvelle répartition des emprises entre établissements pourra se faire au gré des changements d'attributaires des autorisations " ; qu'il en résulte, d'une part, que le refus en litige n'a pas été pris pour l'application du règlement du 20 février 2006 qui régit les conditions de délivrance des autorisations d'occupation du domaine public et, d'autre part, que ce règlement ne constitue pas la base légale de ce refus ; que par suite la SARL Cloarec ne saurait utilement invoquer l'illégalité des dispositions de ce règlement municipal ;

6. Considérant, en deuxième lieu, que la SARL Cloarec soutient qu'en renvoyant une nouvelle répartition des terrasses à un hypothétique changement des exploitants, la commune de Quimper a commis une erreur de droit au regard des articles L. 2213-6 du code général des collectivités territoriales et L. 2122-2 du code général de la propriété des personnes publiques, lesquels imposent que les autorisations de voirie aient un caractère temporaire et qu'elles ne constituent pas une gêne pour la liberté du commerce ; qu'une telle argumentation ne peut qu'être écartée dès lors que la possibilité, envisagée par le maire de Quimper dans sa lettre du 14 février 2014, de procéder à une nouvelle répartition des emplacements à l'occasion d'un changement d'exploitant, ne constitue pas une décision faisant grief à la société requérante ;

7. Considérant, en troisième lieu, que l'autorité chargée de la gestion du domaine public peut autoriser une personne privée à occuper une dépendance de ce domaine ou à l'utiliser en vue d'y exercer une activité économique, à la condition que cette occupation ou cette utilisation soit compatible avec son affectation et sa conservation ; que la décision de refuser une telle autorisation, que l'administration n'est jamais tenue d'accorder, n'est pas susceptible, par elle-même, de porter atteinte à la liberté du commerce et de l'industrie, dont le respect implique, d'une part, que les personnes publiques n'apportent pas aux activités de production, de distribution ou de services exercées par des tiers des restrictions qui ne seraient pas justifiées par l'intérêt général et proportionnées à l'objectif poursuivi et, d'autre part, qu'elles ne puissent prendre elles-mêmes en charge une activité économique sans justifier d'un intérêt public ;

8. Considérant qu'en refusant à la SARL Cloarec l'extension de la permission de voirie dont elle disposait aux motifs, d'une part, qu'une autorisation lui avait été récemment accordée et d'autre part que l'agrandissement de son emplacement ne pouvait se faire qu'au détriment des titulaires de telles permissions, malgré l'absence de faute de leur part, le maire de Quimper, qui a pris en compte l'intérêt de l'ensemble des commerçants concernés et non seulement l'intérêt particulier de la société requérante, n'a pas porté une atteinte excessive à la liberté de l'industrie et du commerce ; que dès lors que le maire de Quimper ne s'est pas fondé, pour décider du refus en litige, sur des critères étrangers à l'intérêt de la gestion du domaine public communal dont il a la charge, la SARL Cloarec ne saurait utilement invoquer une atteinte au principe d'égalité, alors que ses concurrents, qui bénéficient d'autorisations d'occupation du domaine public communal en cours d'exécution dont la requérante demande en réalité l'abrogation, ne sont pas dans une situation identique à la sienne ;

9. Considérant, en quatrième lieu, que la société Cloarec invoque la méconnaissance des dispositions de l'article 12 de la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006 relatives aux services dans le marché intérieur, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne dans sa décision sur l'affaire C-458/14 du 14 juillet 2016 ; que, selon cette dernière décision, les dispositions invoquées de la directive s'opposent à une mesure nationale qui prévoit la prorogation automatique des autorisations en cours sur le domaine maritime et lacustre et destinées à l'exercice d'activités touristico-récréatives, en l'absence de toute procédure de sélection entre les candidats potentiels ; que ce moyen ne peut qu'être écarté dès lors qu'il résulte des pièces du dossier, et notamment du règlement municipal du 20 février 2006 déjà mentionné, que les autorisations antérieurement délivrées aux autres commerçants de la place ont un caractère précaire et révocable ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SARL Cloarec n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, lequel n'est entaché d'aucun défaut de motivation, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

11. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par la SARL Cloarec, n'implique aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par le requérant ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Quimper, qui n'a pas dans la présente instance la qualité de partie perdante, la somme que demande la société requérante au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SARL Cloarec le versement à la commune de Quimper d'une somme de 1 000 euros au même titre ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SARL Cloarec est rejetée.

Article 2 : La SARL Cloarec versera à la commune de Quimper une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à notifié à la SARL Cloarec et à la commune de Quimper.

Délibéré après l'audience du 28 avril 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Lenoir, président de chambre,

- M. Francfort, président-assesseur,

- Mme Massiou, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 15 mai 2017.

Le rapporteur,

J. FRANCFORTLe président,

H. LENOIR

Le greffier,

F. PERSEHAYE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 15NT03560


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 15NT03560
Date de la décision : 15/05/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LENOIR
Rapporteur ?: M. Jérôme FRANCFORT
Rapporteur public ?: M. DURUP de BALEINE
Avocat(s) : SELARL SAOUT et GALIA

Origine de la décision
Date de l'import : 02/11/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2017-05-15;15nt03560 ?
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