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24/05/2017 | FRANCE | N°16NT00496

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 24 mai 2017, 16NT00496


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Institut pour la Socialisation, l'Intégration et le Soin (IPSIS) a demandé au tribunal administratif d'Orléans de condamner la commune d'Orléans à lui payer la somme de 1 000 000 euros en réparation de ses préjudices résultant de la faute commise par la commune en mettant fin à la convention signée le 4 février 2013 relative aux actions de prévention spécialisée sur le territoire d'Orléans.

Par un jugement n° 1500707 du 3 décembre 2015, le tribunal administratif d'Orléans a

rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 8 févr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Institut pour la Socialisation, l'Intégration et le Soin (IPSIS) a demandé au tribunal administratif d'Orléans de condamner la commune d'Orléans à lui payer la somme de 1 000 000 euros en réparation de ses préjudices résultant de la faute commise par la commune en mettant fin à la convention signée le 4 février 2013 relative aux actions de prévention spécialisée sur le territoire d'Orléans.

Par un jugement n° 1500707 du 3 décembre 2015, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 8 février 2016, l'association Institut pour la Socialisation, l'Intégration et le Soin (IPSIS), représentée par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 3 décembre 2015 ;

2°) de condamner la commune d'Orléans à lui verser une somme de 1 000 000 d'euros ;

3°) de mettre à la charge de la commune d'Orléans la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé car il ne s'est pas prononcé sur la question de la responsabilité contractuelle de la commune et de l'exécution loyale par celle-ci de ses obligations, alors que la question lui était posée ;

- la commune a commis une faute engageant sa responsabilité contractuelle en résiliant la convention du 4 février 2013 car la délibération du 21 décembre 2012 approuvant le projet de convention et prévoyant le versement de la subvention a créé à son profit un droit à l'attribution de cette subvention et aucune clause de la convention conclue ne permettait la résiliation de celle-ci en cas d'arrêt du financement départemental ;

- la résiliation par la commune d'Orléans n'est pas motivée par un défaut d'exécution de ses obligations contractuelles, elle ne répond pas à un motif d'intérêt général, donc elle constitue une faute contractuelle de la commune d'Orléans engageant la responsabilité de celle-ci à son égard ;

- le retrait de la délégation accordée par le département du Loiret à la commune d'Orléans est une circonstance extérieure au contrat, et quand bien même la commune n'aurait elle pas commis de faute, la résiliation lui ouvre droit à indemnisation ; à supposer que la commune n'ait pas commis de faute, la résiliation devrait alors être regardée comme fondée sur un motif d'intérêt général, ce qui lui ouvrirait droit à indemnisation ;

- l'association requérante a dû mettre en place une structure dédiée pour l'exécution des missions confiées par la convention, sur laquelle la commune d'Orléans exerce un contrôle étroit en vertu de l'article 2.3 de la convention, et les licenciements des salariés sont la conséquence directe de la résiliation de la convention conclue avec la commune d'Orléans ;

- les conditions d'application des dispositions de l'article L. 1224-3 du code du travail sont sans incidence.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 31 mai et 12 octobre 2016 et le 20 mars 2017, la commune d'Orléans demande à la cour de rejeter la requête, ou à titre subsidiaire d'ordonner une expertise à l'effet de déterminer l'existence et le quantum des préjudices subis par l'association et par la commune d'Orléans, et en tout état de cause de mettre à la charge de la requérante la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est tardive ;

- la demande devant le tribunal administratif d'Orléans était irrecevable dès lors que la seconde réclamation indemnitaire, identique, n'a pu rouvrir le délai de recours contentieux ;

- la commune d'Orléans n'a pas commis de faute, elle était tenue, en raison du retrait par le département du Loiret de la délégation de compétence accordée à la ville en matière de prévention spécialisée, de résilier la convention du 4 février 2013 conclue avec l'association IPSIS pour l'exercice de l'activité déléguée ;

- la requérante ne justifie au surplus d'aucun lien de causalité direct entre le préjudice qu'elle invoque et la résiliation de la convention du 4 février 2013 ; alors que l'association requérante oeuvre en matière de prévention spécialisée depuis 2004, elle n'établit pas que ses personnels auraient été recrutés spécialement pour l'exécution de la convention relative à l'exercice des missions de prévention spécialisée ; l'association ne peut utilement se prévaloir de l'avenant n°3 du 14 décembre 2012 à la convention tripartite conclue entre le département, la commune d'Orléans et IPSIS ni davantage exciper d'un principe d'équité ;

- la somme demandée de 1 000 000 euros, correspondant aux indemnités de licenciement versées à 21 salariés, n'est pas exclusivement attribuable à la résiliation de la convention conclue avec la commune d'Orléans, l'arrêt de l'activité de la structure Opelia 45 est également causé par la résiliation des conventions conclues avec les communes de Saint-Jean-de-Bray et Fleury-les-Aubrais, elle-même également consécutive au retrait de la délégation du département du Loiret, ainsi qu'à l'arrêt de l'activité de l'établissement IPSIS services ; cette somme est, en tout état de cause, disproportionnée et ne saurait correspondre à un préjudice existant ;

- au surplus, il apparaît que ce préjudice a donné lieu à réparation par le département du Loiret, qui a inscrit au budget 2016 de Opelia 45 la somme de 484 365,58 euros de charges de rémunération, dont 123 769,50 euros d'indemnités de licenciement.

Par ordonnance du 27 février 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 27 mars 2017 à 12 heures.

Un mémoire, présenté pour l'association IPSIS, a été enregistré le 27 mars 2017 et n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code civil ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Loirat,

- les conclusions de M. Bréchot, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., représentant l'association IPSIS, et de MeB..., représentant la commune d'Orléans.

1. Considérant que, par une convention tripartite du 7 octobre 2009, le département du Loiret, la commune d'Orléans et l'association institut pour la Socialisation, l'Intégration et le Soin (IPSIS) ont fixé les conditions d'exercice de la mission de prévention spécialisée prévue par les dispositions de l'article L. 121-2 du code de l'action sociale et des familles et défini les conditions de participation financière de la commune, celle-ci versant à titre de subvention 20% de la participation financière accordée par le département ; que cette convention, conclue pour une durée de deux ans, jusqu'au 31 décembre 2010, a été prorogée par trois avenants successifs jusqu'au 31 décembre 2012 ; que par une convention du 28 février 2012, conclue pour une durée d'un an avec tacite reconduction dans une limite de trois ans, le département a délégué à la commune d'Orléans la compétence en matière de prévention spécialisée et prévu la mise en place d'un opérateur de prévention, le financement du dispositif par le département à hauteur de 75% et le principe de subventionnement par la commune en fonction du coût estimé ; que la commune d'Orléans a conclu, le 4 février 2013, une convention avec l'association IPSIS pour la mise en oeuvre des missions de prévention et d'accompagnement des jeunes en difficultés sociales, familiales, scolaires ou psychologiques dans les quartiers de l'Argonne, la Source et des Blossières ; que cette convention, conclue pour une durée de deux ans courant jusqu'au 31 décembre 2014, prévoyait que le département assurait la tarification de l'opérateur, en vertu des dispositions de l'article R. 314-1 du code de l'action sociale et des familles, au vu des états financiers transmis par l'opérateur et son article 3.2 stipulait que : " La subvention de la ville à l'opérateur correspondant à ses missions définies par la présente convention est plafonnée à 660 000 euros au maximum en 2013. / Elle est fixée chaque année dans le cadre du budget de la ville en accord avec le département du Loiret " ; que la commune d'Orléans a, par une lettre du 6 août 2013, informé l'association IPSIS de l'intention du président du conseil général du Loiret de retirer la délégation de compétence en matière de prévention spécialisée à compter du 31 décembre 2013 ; que par lettre du 30 octobre 2013, le maire d'Orléans a informé l'association que le département avait décidé de mettre un terme à son intervention dans le domaine de la prévention spécialisée à compter du 31 décembre 2013, qu'il avait dénoncé la convention de délégation de compétence passée avec la ville et indiqué à la ville qu'il ne verserait plus aucun financement au titre de cette compétence et que compte tenu de ces circonstances, il était justifié qu'il soit mis fin à la convention du 4 février 2013 ; qu'enfin, par un nouveau courrier RAR du 16 décembre 2013 adressé à l'association IPSIS, le maire d'Orléans a constaté la caducité de la convention du 4 février 2013 et l'a dénoncée avec effet au 31 décembre 2013 ; que par la présente requête, l'association IPSIS relève appel du jugement du 3 décembre 2015 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande de condamnation de la commune d'Orléans à lui verser une somme de 1 000 000 euros en réparation des préjudices consécutifs à cette " résiliation anticipée " de la convention du 4 février 2013 ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant que le tribunal pouvait, sans que son jugement soit insuffisamment motivé, rejeter la demande indemnitaire de l'association en se fondant uniquement sur le défaut de lien de causalité entre le préjudice et le fait générateur invoqué, tenant à l'irrégularité de la " résiliation anticipée " de la convention du 4 février 2013, dès lors que ce seul motif suffit à écarter toute possibilité d'indemnisation alors même que la commune aurait commis une faute ; que l'association IPSIS n'est par suite pas fondée à soutenir que le jugement serait irrégulier au motif qu'il ne s'est pas prononcé sur la question de la responsabilité contractuelle de la commune et de l'exécution loyale par celle-ci de ses obligations ;

Sur les conclusions à fin d'indemnisation :

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 121-2 du code de l'action sociale et des familles : " Dans les zones urbaines sensibles et dans les lieux où se manifestent des risques d'inadaptation sociale le département participe aux actions visant à prévenir la marginalisation et à faciliter l'insertion ou la promotion sociale des jeunes et des familles, qui peuvent prendre une ou plusieurs des formes suivantes : / 1° Actions tendant à permettre aux intéressés d'assurer leur propre prise en charge et leur insertion sociale ; / 2° Actions dites de prévention spécialisée auprès des jeunes et des familles en difficulté ou en rupture avec leur milieu ; / 3° Actions d'animation socio-éducatives ; / 4° Actions de prévention de la délinquance. / Pour la mise en oeuvre des actions mentionnées au 2° ci-dessus, le président du conseil général habilite des organismes publics ou privés dans les conditions prévues aux articles L. 313-8, L. 313-8-1 et L. 313-9 " ;

4. Considérant que, compte tenu des dispositions précitées du code de l'action sociale et des familles qui confient au département les missions de prévention spécialisée en faveur des jeunes en difficultés, la convention du 28 février 2012 par laquelle le département du Loiret a délégué à la commune d'Orléans sa compétence en ce domaine et la convention du 4 février 2013 par laquelle la commune d'Orléans a confié à l'association IPSIS l'exécution des missions de prévention spécialisée sur le territoire communal, forment un ensemble contractuel unique ; que si la convention du 4 février 2013 ne prévoyait sa fin, dans ses articles 5.4.1 à 5.4.3, que par non renouvellement ou par résiliation, d'une part, en cas de non respect de ses obligations par l'opérateur, d'autre part, en cas de faillite ou insolvabilité notoire du même opérateur, il résulte de l'économie générale des relations contractuelles sus-décrites que la résiliation par le département du Loiret, à compter du 31 décembre 2013, de la convention par laquelle il a délégué sa compétence en matière de prévention spécialisée à la commune d'Orléans a entraîné la caducité de plein droit à cette même date de la convention du 4 février 2013 par laquelle la commune d'Orléans a confié à l'association IPSIS l'exécution des missions de prévention spécialisée ainsi déléguées ; que, dans ces conditions, la requérante n'établit pas que la commune d'Orléans aurait commis une faute dans l'exécution des stipulations contractuelles ;

5. Considérant que dès lors que l'impossibilité dans laquelle l'association IPSIS s'est trouvée de poursuivre l'exécution de la convention relative aux activités de prévention et d'accompagnement des jeunes en difficultés sociales, familiales, scolaires ou psychologiques dans les quartiers de l'Argonne, la Source et des Blossières, trouve son origine directe dans le retrait de la délégation de compétence que le département du Loiret avait consentie à la commune d'Orléans en ce domaine et non dans un choix de la commune de mettre fin par anticipation, fût-ce pour un motif d'intérêt général, à la convention relative à ces activités, l'association IPSIS ne peut se prévaloir d'un droit à indemnisation résultant, en vertu des règles générales applicables aux contrats administratifs, d'une résiliation pour motif d'intérêt général ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non recevoir opposées par la commune d'Orléans, que l'association IPSIS n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune d'Orléans, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme demandée par l'association IPSIS au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'association IPSIS la somme demandée par la commune d'Orléans au titre de ces mêmes frais ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de l'association Institut pour la Socialisation, l'Intégration et le Soin (IPSIS) est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune d'Orléans tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Institut pour la Socialisation, l'Intégration et le Soin (IPSIS), à la commune d'Orléans et au département du Loiret.

Délibéré après l'audience du 9 mai 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- Mme Loirat, président-assesseur,

- Mme Rimeu, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 24 mai 2017.

Le rapporteur,

C. LOIRATLe président,

L. LAINÉ

Le greffier,

V. DESBOUILLONS

La République mande et ordonne au préfet du Loiret en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 16NT00496


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 16NT00496
Date de la décision : 24/05/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: Mme Cécile LOIRAT
Rapporteur public ?: M. BRECHOT
Avocat(s) : GONAND

Origine de la décision
Date de l'import : 06/06/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2017-05-24;16nt00496 ?
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