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08/10/2013 | FRANCE | N°12PA03069

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 10ème chambre, 08 octobre 2013, 12PA03069


Vu la requête, enregistrée le 16 juillet 2012, présentée pour La Poste, dont le siège est au 44 Boulevard de Vaugirard à Paris cedex (75757), par Me B... ; La Poste demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1003577/2 du 16 mai 2012 par lequel le Tribunal administratif de Melun a fait droit à la demande de M. A...D...en annulant la décision du 24 mars 2010 par laquelle le directeur du centre courrier de La Poste a prononcé la sanction du blâme à son encontre ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. D...devant le Tribunal administratif de Melun ;

3°) de mettre à la charge de M. D...une somme de 3 000 euros au titre de l'article...

Vu la requête, enregistrée le 16 juillet 2012, présentée pour La Poste, dont le siège est au 44 Boulevard de Vaugirard à Paris cedex (75757), par Me B... ; La Poste demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1003577/2 du 16 mai 2012 par lequel le Tribunal administratif de Melun a fait droit à la demande de M. A...D...en annulant la décision du 24 mars 2010 par laquelle le directeur du centre courrier de La Poste a prononcé la sanction du blâme à son encontre ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. D...devant le Tribunal administratif de Melun ;

3°) de mettre à la charge de M. D...une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

Vu la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 ;

Vu le décret n° 82-447 du 28 mai 1982 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 septembre 2013 :

- le rapport de M. Paris, rapporteur,

- les conclusions de M. Ouardes, rapporteur public,

- et les observations de Me C...représentant La Poste ;

1. Considérant que par une décision du 24 mars 2010, le directeur du centre courrier de Vitry-sur-Seine a infligé la sanction du blâme à M.D..., agent titulaire de La Poste exerçant les fonctions de facteur, au motif que l'intéressé, qui avait refusé de procéder à la distribution de la partie " sécable " de sa tournée, avait récidivé des faits qui lui avaient été reprochés le 3 mars, sans tenir compte des observations écrites qui avaient alors été adressées, et en refusant d'obtempérer aux instructions données par sa hiérarchie ; que M. D...a alors saisi le Tribunal administratif de Melun d'une demande tendant à l'annulation de cette décision ; que La Poste relève appel du jugement du 16 mai 2012 par lequel le tribunal a fait droit à cette demande ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant que La Poste soutient que le jugement attaqué est irrégulier, faute pour celui-ci de viser la note en délibéré adressée au greffe du tribunal par télécopie le 7 mai 2012 ;

3. Considérant qu'il résulte des dispositions des articles R. 613-1 à R. 613-3 du code de justice administrative que lorsque, postérieurement à la clôture de l'instruction, le juge est saisi d'un mémoire émanant de l'une des parties à l'instance, et conformément au principe selon lequel, devant les juridictions administratives, le juge dirige l'instruction, il lui appartient, dans tous les cas, de prendre connaissance de ce mémoire avant de rendre sa décision, ainsi que de le viser sans l'analyser ;

4. Mais considérant que s'il ressort des pièces du dossier de premier instance que La Poste a produit un mémoire complémentaire, par télécopie parvenue au greffe du tribunal le 7 mai 2012, cette note en délibéré n'a pas été authentifiée par son auteur avant la date de lecture du jugement par la production d'un exemplaire dûment signé de cette note ou l'apposition au greffe de la juridiction de sa signature au bas de ce document ; qu'en l'absence d'une telle authentification, le défaut de visa de la note produite par télécopie n'entache pas d'irrégularité le jugement attaqué ;

Sur la légalité de la décision attaquée :

5. Considérant que M. D...soutient qu'il n'a pas été entendu dans le cadre de la procédure disciplinaire dont il a fait l'objet, en méconnaissance de l'article 26 du règlement intérieur de la Poste ;

6. Considérant qu'aux termes de l'article 29 de la loi du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de La Poste et à France Télécom : " Les personnels de La Poste et de France Télécom sont régis par des statuts particuliers, pris en application de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, qui comportent des dispositions spécifiques dans les conditions prévues aux alinéas ci-après, ainsi qu'à l'article 29-1 " ; qu'aux termes de l'article 29 de la loi susvisée du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale " ; qu'aux termes de l'article 19 de cette même loi : " (...) Le fonctionnaire à l'encontre duquel une procédure disciplinaire est engagée a droit à la communication de l'intégralité de son dossier individuel et de tous les documents annexes et à l'assistance de défenseurs de son choix. L'administration doit informer le fonctionnaire de son droit à communication du dossier (...) " ; qu'aux termes de l'article 26 de l'instruction du 31 août 2009 portant règlement intérieur de La Poste, publiée au bulletin officiel des ressources humaines de La Poste sous la référence CORP-DRHRS-2009-0159 : " Aucune sanction disciplinaire ne peut être infligée à un fonctionnaire titulaire ou stagiaire ou à un agent contractuel de droit public sans que l'agent ait été au préalable entendu et invité à prendre connaissance de son dossier. (...) La procédure est conduite dans les conditions prévues par les textes législatifs, réglementaires et conventionnels " ;

7. Considérant qu'une autorité administrative est tenue de se conformer aux règles de procédure à caractère réglementaire qu'elle a elle-même édictées, aussi longtemps qu'elle ne les a pas abrogées ; que, il est vrai, il ne résulte d'aucune des dispositions de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ou d'aucun principe général du droit qu'un agent devant faire l'objet d'une sanction du premier groupe doive être, au préalable, invité à présenter des observations orales ; que, toutefois, sans qu'y fasse obstacle la circonstance qu'elles disposent que la procédure disciplinaire est conduite dans les conditions prévues, notamment, par les textes législatifs, les dispositions qui viennent d'être rappelées de l'article 26 du règlement intérieur de La Poste, qui prévoient qu' " aucune sanction " ne peut être infligée sans que l'agent n'ait été au préalable " entendu " ont clairement entendu faire bénéficier les fonctionnaires titulaires ou stagiaires ou les agents contractuels de droit public de La Poste de la garantie supplémentaire de présenter des observations orales, y compris lorsque ceux-ci se voient infliger une sanction du premier groupe ; qu'eu égard aux termes mêmes de cet article, selon lequel l'agent doit avoir été au préalable entendu " et " invité à prendre connaissance de son dossier, cette garantie ne se confond pas avec celle tenant à la possibilité pour l'agent à l'encontre duquel une procédure disciplinaire est engagée d'avoir communication de l'intégralité de son dossier individuel et de tous les documents annexes ; qu'il appartient par suite à La Poste de se conformer à cette règle de procédure ;

8. Considérant, d'une part, que, le 3 mars 2010, le supérieur hiérarchique de M. D...a constaté que celui-ci n'avait pas effectué la distribution de la " partie sécable " qui lui avait été attribuée, correspondant à l'obligation faite aux facteurs titulaires, dans le cadre de l'organisation du travail dite " facteur d'avenir " issue d'un accord du 20 avril 2009, d'assurer une partie de la tournée d'un facteur absent ; que M. D...a été invité, le même jour, à produire des explications écrites sur ce manquement, ce qu'il a fait en soulignant que la réalisation de sa propre tournée l'avait conduit à dépasser son horaire normal de travail et que La Poste refusait de le rémunérer pour les heures supplémentaires nécessaires à la distribution de la partie sécable ; que le directeur du centre courrier de Vitry-sur-Seine, après avoir reçu M. D...en entretien, a adressé à celui-ci un courrier lui demandant d'assurer la distribution de la partie sécable, faute de quoi il s'exposerait à une retenue d'un trentième sur son traitement ; que le lendemain, soit le 4 mars 2010, M. D...n'a pas, non plus, effectué la distribution de la partie sécable qui lui était dévolue et a formulé les mêmes observations en réponse à la demande d'explications écrites qui lui a été faite ; qu'il ne ressort ainsi pas des pièces du dossier que, lors de l'entretien et des échanges contradictoires qui se sont déroulés les 3 et 4 mars 2010, M.D..., qui avait seulement été informé de ce qu'il encourait, le cas échéant, une retenue d'un trentième de son traitement, ait été informé de ce qu'il était susceptible de faire l'objet de la sanction du blâme et que, dans cette perspective, il ait été entendu et invité à prendre connaissance de son dossier ;

9. Considérant, d'autre part, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que M. D... ait été invité à présenter des observations orales par le courrier du 19 mars 2010, par lequel le directeur du centre courrier de Vitry-sur-Seine a informé l'intéressé qu'il était susceptible d'encourir la sanction du blâme, ou postérieurement à ce courrier ; qu'il est constant, en outre, que la décision de sanction litigieuse du 24 mars 2010 est intervenue avant la date du 25 mars 2010, date qui marquait la fin du délai laissé par ce même courrier du 19 mars à M. D...pour prendre connaissance de son dossier ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui vient d'être dit aux points 6 et 7 que M. D... n'a pas été utilement mis à même de bénéficier des garanties prévues par l'article 26 du règlement intérieur de La Poste avant l'édiction de la sanction du blâme qui lui a été infligée ; que cette sanction a, par suite, été prise à l'issue d'une procédure irrégulière ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que La Poste n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a annulé la décision du 24 mars 2010 par laquelle le directeur du centre courrier de Vitry-sur-Seine a infligé à M. D...la sanction du blâme ; qu'il y a lieu, par voie de conséquence, de faire droit à concurrence de 1 500 euros aux conclusions présentées par M. D...sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que ces mêmes dispositions font obstacle, en revanche, à ce que la somme que demande La Poste au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens soit mise à la charge de M. D...qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de La Poste est rejetée.

Article 2 : La Poste versera à M. D...une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à La Poste et à M. A... D....

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N° 12PA03069


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 10ème chambre
Numéro d'arrêt : 12PA03069
Date de la décision : 08/10/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LOOTEN
Rapporteur ?: M. Timothée PARIS
Rapporteur public ?: M. OUARDES
Avocat(s) : MARCHAIS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2013-10-08;12pa03069 ?
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