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01/07/2014 | FRANCE | N°12PA05143

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 01 juillet 2014, 12PA05143


Vu la requête, enregistrée le 28 décembre 2012, présentée pour la société Mara Telecom, dont le siège social est sis 5 rue Jeanne d'Arc BP 40022 à Papeete (98713), représentée par son président directeur général en exercice, par la SELARL d'avocats Latournerie Wolfrom et Associés ; La société Mara Telecom demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1200213 du 29 octobre 2012 du Tribunal administratif de la Polynésie Française en tant qu'il n'a pas entièrement fait droit à sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté n° 49/CM du 18 janvier 2012 du consei

l des ministres de la Polynésie française, accordant à la société Pacific Mobile ...

Vu la requête, enregistrée le 28 décembre 2012, présentée pour la société Mara Telecom, dont le siège social est sis 5 rue Jeanne d'Arc BP 40022 à Papeete (98713), représentée par son président directeur général en exercice, par la SELARL d'avocats Latournerie Wolfrom et Associés ; La société Mara Telecom demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1200213 du 29 octobre 2012 du Tribunal administratif de la Polynésie Française en tant qu'il n'a pas entièrement fait droit à sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté n° 49/CM du 18 janvier 2012 du conseil des ministres de la Polynésie française, accordant à la société Pacific Mobile Telecom une autorisation d'utilisation de fréquences (A.U.F.) radioélectriques ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;

3°) de mettre à la charge de la Polynésie française le versement de la somme de

5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 modifiée portant statut d'autonomie de la Polynésie française, ensemble la loi n° 2004-193 du 27 février 2004 complétant le statut d'autonomie de la Polynésie française ;

Vu le code des impôts de la Polynésie française ;

Vu le code des postes et télécommunications en Polynésie française ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 juin 2014 :

- le rapport de M. Romnicianu, premier conseiller,

- les conclusions de M. Ladreyt, rapporteur public ;

1. Considérant que, dans le cadre de l'ouverture à la concurrence du marché polynésien de la téléphonie mobile, la société Mara Telecom SA s'est vu reconnaître, le 17 décembre 2007, la qualité d'opérateur de télécommunication lui permettant d'obtenir une autorisation d'utilisation de fréquences radio-électriques, laquelle lui a été accordée par un arrêté n° 50/CM du 18 janvier 2012 ; qu'ayant cependant constaté que, par l'arrêté n° 49/CM du même jour, une société concurrente dénommée Pacific mobile télécom avait obtenu une autorisation identique pour des fréquences différentes, mais qu'elle avait aussi sollicitée à titre alternatif, la société Mara Telecom a saisi le Tribunal administratif de la Polynésie française d'une demande tendant à l'annulation de ce dernier arrêté ; que par un jugement en date du 29 octobre 2012, ledit tribunal a annulé celui-ci en tant seulement qu'il autorise la société Pacific Mobile Telecom à utiliser des fréquences radioélectriques dans la bande de fréquences GSM-900 ; que la société Mara Telecom interjette régulièrement appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas entièrement fait droit à sa demande ;

Sur les fins de non-recevoir opposées par la société Pacific Mobile Telecom :

2. Considérant qu'il est constant qu'à la date d'enregistrement de sa demande au greffe du Tribunal administratif de la Polynésie française, le 26 avril 2012, la société Mara Telecom justifiait de la qualité d'opérateur de télécommunications, nonobstant les circonstances, à les supposer établies, qu'elle n'aurait pas été en mesure de mettre en place les équipements nécessaires à l'exploitation du réseau de téléphonie mobile prévu, qu'elle n'aurait pas exploité effectivement la licence qui lui avait été précédemment accordée, et enfin qu'elle ne se serait pas acquittée de ses obligations fiscales et réglementaires ; que cette qualité d'opérateur de télécommunications, qui n'était pas caduque dès lors qu'elle avait obtenu une autorisation d'utilisation des fréquences non remise en cause, lui conférait un intérêt suffisant pour contester l'autorisation délivrée à une société concurrente ; que, dès lors, les fins de non-recevoir opposées par la société Pacific Mobile Télécom ne peuvent qu'être écartées ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Considérant que, dans un mémoire enregistré au greffe du tribunal administratif le

4 octobre 2012, la société Mara Télécom avait soulevé le moyen tiré de ce que la société Pacific Mobile Telecom avait perdu la qualité d'opérateur de télécommunications au cours de l'instruction de sa demande d'autorisation d'utilisation de fréquences radio-électriques ; que le tribunal administratif a omis de se prononcer sur ce moyen, qui n'était pas inopérant ; que, par suite, sans qu'il soit besoin de statuer sur l'autre motif d'irrégularité invoqué, le jugement attaqué doit être annulé ;

4. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la société Mara Telecom devant le Tribunal administratif de la Polynésie

française ;

Sur la demande présentée par la société Mara Telecom devant le Tribunal administratif de la Polynésie française :

5. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article A 212-10-10 du code des postes et télécommunications en Polynésie française : " Dans un délai d'un mois à compter de la date limite de dépôt des demandes, le service effectue un bilan précis et circonstancié des demandes des opérateurs et constate l'existence éventuelle d'une rareté des fréquences dans les bandes de fréquence considérées. / La rareté relative des fréquences s'apprécie au regard des trois critères suivants : - le spectre disponible, - la quantité de fréquences à attribuer à chaque opérateur, - et le nombre d'opérateurs intéressés. / Le bilan est remis au ministre chargé des télécommunications qui le présente au conseil des ministres. Les opérateurs qui ont déposé un dossier reçoivent notification de ce bilan. / Si le bilan permet d'établir que la rareté n'est pas avérée, il n'est pas nécessaire que soit engagée une procédure de sélection formelle. La procédure d'autorisation d'utilisation des fréquences peut être conduite au fil de l'eau, dans les conditions fixées au B) ci-après / Si le bilan confirme que la rareté des fréquences est avérée, la procédure de sélection est engagée dans les conditions au C) ci-après. " ;

6. Considérant que la société requérante soutient que l'arrêté contesté n'a pas été précédé d'un bilan précis et circonstancié des demandes des opérateurs établi par l'agence de règlementation du numérique (ARN) dans le délai réglementaire ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier qu'un bilan a été dressé, le 20 janvier 2011, par le service des postes et télécommunications, dont les attributions ont été reprises par l'agence de règlementation du numérique (ARN), crée par arrêté du 27 septembre 2011, et a été communiqué à la requérante par courrier du 21 mars 2011 ; que, contrairement à ce que soutient celle-ci, ce bilan comportait l'ensemble des éléments prescrits par les dispositions sus rappelées ; qu'en outre, conformément aux prescriptions ci-dessus, ce bilan, daté du 20 janvier 2011, a été établi dans le délai d'un mois à compter de la date limite de dépôt des demandes de fréquences, soit en l'espèce le

31 décembre 2010 ; qu'ainsi, ce premier moyen manque en fait et doit par suite être écarté ;

7. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article A 212-10-12 du code des postes et télécommunications en Polynésie française : " Quand le bilan prévu à l'article A 212-10-10 établit que la rareté des fréquences est avérée, une procédure d'appréciation des demandes est conduite, dans le strict respect des dispositions du code des postes et télécommunications, dans les conditions énoncées ci-après 2°) au terme de la procédure, il est fait obligation à l'agence de réglementation du numérique de transmettre le compte rendu motivé des travaux menés et des résultats obtenus, au ministre chargé des télécommunications " ; que l'article A 212-10-13 du même code fixe les modalités de la procédure d'appréciation, au terme de laquelle l'ARN émet, en se fondant sur les critères de sélection devant être retenus, tels que notamment l'offre de services, l'offre tarifaire, les relations avec les abonnés et les utilisateurs du service, le dimensionnement, l'ampleur et la rapidité du déploiement du réseau, qui sont eux-mêmes pondérés pour l'établissement d'une notation globale de la valeur de chaque candidature, un avis motivé qu'elle transmet au ministre chargé des télécommunications ;

8. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et plus particulièrement du bilan précité établi le 20 janvier 2011, qu'il n'existait plus à cette date aucune fréquence disponible dans la bande d'accueil GSM-900, toutes les fréquences étant déjà partagées entre deux opérateurs, la société Tikiphone et la société Digicel Tahiti, et que, ainsi que le relevait expressément ce bilan, la rareté était établie pour ces fréquences ; que, par suite, la procédure de sélection par l'ARN prévue aux articles A 212-10-12 et A 212-10-13 du code des postes et télécommunications en Polynésie française, qui constituait une formalité substantielle eu égard aux exigences de libre concurrence et de transparence, devait être mise en oeuvre ; qu'il est constant que l'arrêté contesté a attribué les fréquences dans la sous-bande GSM-900 à la suite d'une procédure dite au " fil de l'eau " et non selon la procédure d'appréciation prévue par les dispositions précitées en cas de rareté ; que dès lors, la société Mara Telecom est fondée à soutenir que l'autorisation d'utilisation des fréquences dans la sous-bande GSM-900 attribuée à la société Pacific Mobile Telecom est entachée d'un vice de procédure ;

9. Considérant, toutefois, que, s'agissant de la bande de fréquences UMTS 2100, la rareté n'étant pas avérée, la procédure dite au " fil de l'eau " a pu être légalement utilisée pour l'attribution de cette autorisation ;

10. Considérant que, compte tenu des modalités d'instruction des demandes d'autorisation d'utilisation des fréquences, instituées par les dispositions susrappelées du code des postes et télécommunications en Polynésie française, ainsi que de la nature et de la portée des autorisations pouvant être accordées, relatives, les unes et les autres, à l'utilisation de gammes de fréquences déterminées, les dispositions d'un arrêté accordant une telle autorisation pour une bande ou une sous bande de fréquence sont divisibles de celles d'un même arrêté accordant une autorisation pour une autre gamme de fréquences ; que, par suite, les dispositions de l'arrêté litigieux accordant à la société Pacific Mobile Telecom une autorisation d'utilisation de fréquences dans la bande de fréquences GSM-900 étant divisibles de celles lui accordant une autorisation d'utilisation de fréquences dans la bande de fréquences UMTS 2100, ledit arrêté doit être regardé comme entaché d'illégalité en tant seulement qu'il autorise la société Pacific Mobile Telecom à utiliser des fréquences dans la bande de fréquences GSM-900 ;

11. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article A 212-10-8-III du code des postes et télécommunications de la Polynésie française : " Pour les réseaux ouverts au public, l'autorisation d'utilisation des fréquences ne peut être accordée qu'aux opérateurs de télécommunications titulaires d'une autorisation d'établissement et d'exploitation d'un réseau ouvert au public." ; qu'il est constant que, à la date de l'arrêté litigieux, la société Pacific Mobile Telecom était titulaire d'une licence d'opérateur de télécommunications autorisé à établir et exploiter un réseau ouvert au public, qui lui avait été conférée par l'arrêté n° 2127/CM du conseil des ministres en date du 23 novembre 2010 ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées ne peut qu'être écarté ;

12. Considérant, en quatrième lieu, que la société requérante soutient que l'arrêté litigieux repose sur une erreur d'appréciation des caractéristiques spécifiques du marché polynésien des télécommunications mobiles, en attribuant des fréquences à la société Pacific Mobile Telecom malgré l'étroitesse de ce marché ; que, toutefois, à supposer opérant ce moyen invoqué à l'appui de conclusions dirigées contre l'arrêté litigieux autorisant la société Pacific Mobile Telecom à utiliser les fréquences radioélectriques sur l'ensemble du territoire de la Polynésie française pour certaines bandes de fréquences, et non contre l'arrêté n° 2127/CM du conseil des ministres en date du 23 novembre 2010 lui conférant la qualité d'opérateur de télécommunications, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'auteur de l'arrêté litigieux, qui était tenu de concourir à la réalisation de l'objectif d'ouverture de ce marché, aurait apprécié de façon inexacte les répercussions possible de l'octroi de l'autorisation à la société Pacific Mobile Télécom sur les autres opérateurs titulaires d'une autorisation d'utilisation des fréquences, compte tenu notamment de la répartition entre ces opérateurs des zones d'activité et du potentiel d'accroissement de ce marché ;

13. Considérant, en cinquième lieu, que la société requérante invoque une rupture d'égalité entre, d'une part, les anciens opérateurs, dont elle fait partie, soumis aux articles

LP. 339-1 et LP. 339-2 du code des impôts de la Polynésie française, dans leur version antérieure à la loi de pays n° 2011-27 du 26 septembre 2011, tenus d'acquitter le droit d'accès forfaitaire sur une période de 3 années à compter de la date d'obtention de leur licence et, d'autre part, les nouveaux opérateurs, dont fait partie la société Pacific Mobile Telecom, soumis aux articles

LP. 339-1 et LP. 339-2 du code des impôts de la Polynésie française, dans leur version issue de la loi de pays n° 2011-27 du 26 septembre 2011, qui bénéficient d'une facilité de paiement dès lors qu'ils peuvent acquitter ledit droit sur une période de 9 années à compter de cette même date ; que, toutefois, à supposer caractérisée cette violation du principe d'égalité devant l'impôt, ladite violation a pour origine l'entrée en vigueur de la loi de pays n° 2011-27 du

26 septembre 2011, laquelle détermine intégralement le fait générateur et les modalités de paiement du droit d'accès forfaitaire, mais n'est nullement imputable à l'arrêté litigieux, dénué d'objet fiscal et procédant d'une législation indépendante de la loi fiscale ; qu'en outre, et en tout état de cause, la disparité de régime fiscal invoquée par la société requérante tient, non pas à la date de délivrance de l'AUF, mais à la date de délivrance de la licence d'opérateur de télécommunications ; qu'il s'ensuit que le moyen sus-rappelé tiré de la violation du principe d'égalité, est inopérant invoqué à l'appui d'une demande d'annulation de l'arrêté litigieux, et ne peut dès lors qu'être écarté ;

14. Considérant, en sixième lieu, que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;

15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Mara Telecom n'est fondée à demander l'annulation de l'arrêté n° 49/CM du 18 janvier 2012 du conseil des ministres de la Polynésie française accordant à la société Pacific Mobile Télécom une autorisation d'utilisation de fréquences qu'en tant seulement qu'il autorise la société Pacific Mobile Telecom à utiliser des fréquences dans la gamme GSM-900 ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

16. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'accueillir favorablement les conclusions présentées par la société Mara Telecom, la société Pacific Mobile Télécom et le gouvernement de la Polynésie française au titre des dispositions de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative ;

D ÉC I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1200213 du 29 octobre 2012 du Tribunal administratif de la Polynésie Française est annulé.

Article 2 : L'arrêté n° 49/CM du 18 janvier 2012 du conseil des ministres de la Polynésie Française, accordant à la société Pacific Mobile Télécom une autorisation d'utilisation de fréquences radio est annulé en tant qu'il autorise cette société à utiliser des fréquences dans la sous bande GSM-900.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la société Mara Telecom est rejeté.

Article 4 : Les conclusions de la Polynésie française présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Les conclusions de la société Pacific Mobile Télécom présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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N° 12PA05143


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 12PA05143
Date de la décision : 01/07/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MILLE
Rapporteur ?: M. Michel ROMNICIANU
Rapporteur public ?: M. LADREYT
Avocat(s) : SCP LATOURNERIE WOLFROM et ASS.

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2014-07-01;12pa05143 ?
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