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20/04/2015 | FRANCE | N°14PA03259

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 20 avril 2015, 14PA03259


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E...épouse B...a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 25 juillet 2013 par lequel le préfet du Val-de-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office.

Par un jugement n° 1306979 du 6 juin 2014, le Tribunal administratif de Melun a annulé l'arrêté attaqué, a enjoint au préfet du Val-de-Marne de

délivrer à Mme B...un titre de séjour portant la mention " salarié " dans un délai de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E...épouse B...a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 25 juillet 2013 par lequel le préfet du Val-de-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office.

Par un jugement n° 1306979 du 6 juin 2014, le Tribunal administratif de Melun a annulé l'arrêté attaqué, a enjoint au préfet du Val-de-Marne de délivrer à Mme B...un titre de séjour portant la mention " salarié " dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 25 juillet 2014, le préfet du Val-de-Marne demande à la Cour d'annuler le jugement n° 1306979 du 6 juin 2014 du Tribunal administratif de Melun.

Il soutient que :

S'agissant du bien-fondé du jugement attaqué :

- Mme B...ne remplissait pas les critères de la circulaire du 28 novembre 2012 dès lors qu'elle ne justifie que de dix-sept mois d'activité professionnelle sur les vingt-quatre derniers mois et qu'elle ne réside en France que depuis trois ans ;

- Mme B...ne maîtrise que difficilement la langue française ;

- aucun titre de séjour ne peut lui être accordé à titre exceptionnel dès lors que l'emploi qu'elle exerce n'est pas référencé sur la liste des métiers en tension prévue dans l'arrêté du 18 janvier 2008, que les employeurs de l'intéressée se sont heurtés à un refus lorsqu'ils ont présenté une demande d'autorisation de travail, refus confirmé par le Tribunal administratif de Melun le 17 avril 2013 ;

- le Tribunal administratif de Melun ne pouvait lui enjoindre de délivrer un titre de séjour à Mme B...mais simplement de réexaminer sa situation administrative dès lors que la circulaire du 28 novembre 2012 prévoit que lorsqu'un étranger remplit les critères qu'elle énonce, le service de la main d'oeuvre étrangère doit se prononcer sur la situation de cet étranger ;

S'agissant de la légalité de l'arrêté du 25 juillet 2013 :

- l'auteur de l'acte était compétent en vertu d'une délégation de signature régulièrement publiée ;

- Mme B...ne justifie pas de motifs exceptionnels lui ouvrant droit à une admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile compte-tenu de la courte durée de son séjour en France, de la circonstance que l'emploi qu'elle exerce ne figure pas sur la liste des métiers en tension, qu'elle n'exerce pas un métier en adéquation avec ses compétences et de ce qu'elle n'apporte pas la preuve de la filiation avec les personnes qu'elle déclare être ses parents, dont les titres de séjour ne leur donnent pas vocation à se maintenir durablement en France ;

- il n'a méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile compte-tenu de ce que la cellule familiale qu'elle forme avec son époux, en situation irrégulière, et leur jeune enfant peut se reconstituer dans leur pays d'origine, où elle a vécu la majeure partie de sa vie ;

- compte-tenu du jeune âge de sa fille, née en 2011, aucune violation de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant n'entache la légalité de l'arrêté ;

- Mme B...ne peut se prévaloir de la loi du 12 avril 2000 à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français contestée ;

- la décision de refus d'octroyer un délai de départ volontaire supérieur à trente jours est suffisamment motivée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 novembre 2014, MmeB..., représentée par MeC..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Mme B...soutient que :

- elle remplit bien les critères de la circulaire du 28 novembre 2012, dont elle peut utilement se prévaloir, dès lors qu'elle exerce sans discontinuer une activité professionnelle depuis au moins vingt-quatre mois dont douze consécutifs au cours des douze derniers mois ;

- le préfet n'a pas examiné sa situation au regard de cette circulaire dès lors que ce texte n'est pas visé dans l'arrêté litigieux ;

- le préfet a méconnu l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile compte-tenu de ce qu'elle réside en France depuis trois ans, est titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée, que ses employeurs se sont acquittés de la taxe à verser à l'OFFII, qu'elle exerce sans discontinuer une activité professionnelle à temps complet depuis plus de vingt-quatre mois et que son métier est en adéquation avec ses compétences ;

- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que l'obligation de quitter le territoire français litigieuse a pour effet de la contraindre à vivre éloignée de sa fille, de son époux et de ses parents, dans son pays d'origine où elle n'a plus vécu depuis l'année 2009 et se trouvera sans attaches familiales ni perspectives professionnelles ;

- le préfet a méconnu l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant dès lors que son arrêté a pour effet de la séparer de sa fille âgée de deux ans, scolarisée en France et qui n'a jamais vécu dans le pays d'origine de ses parents ;

- la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire supérieur à trente jours est insuffisamment motivée ;

- le préfet a commis une erreur de droit en s'estimant lié par le délai de trente jours prévu par les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet n'a pas tenu compte de l'ensemble des éléments de sa situation personnelle, notamment de la présence en France de sa fille et de son emploi, et a méconnu les articles 5 et 7 de la directive européenne n° 2008/115/CE du 16 décembre 2008 ; pour les mêmes raisons, il a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la directive n° 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

- la circulaire NOR INTK1229185C du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 sur les conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière dans le cadre des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt de la Cour était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de ce que l'intéressée ne pouvait se prévaloir des orientations de la circulaire du 28 novembre 2012 (CE 4 février 2015 n° 383267, 383268).

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

M. Marino a présenté son rapport au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. MmeB..., née le 15 février 1987, de nationalité philippine, a sollicité son admission au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 et du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 25 juillet 2013, le préfet du Val-de-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français. Le préfet relève régulièrement appel du jugement du 6 juin 2014 par lequel le Tribunal administratif de Melun a annulé l'arrêté précité.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Pour annuler l'arrêté du 25 juillet 2013 rejetant la demande d'admission au séjour de MmeB..., le Tribunal administratif de Melun a considéré que l'arrêté méconnaissait les lignes directrices énoncées au point 2.2.1 de la circulaire du 28 novembre 2012 relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière.

3. En dehors des cas où il satisfait aux conditions fixées par la loi, ou par un engagement international, pour la délivrance d'un titre de séjour, un étranger ne saurait se prévaloir d'un droit à l'obtention d'un tel titre. S'il peut, à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir formé contre une décision préfectorale refusant de régulariser sa situation par la délivrance d'un titre de séjour, soutenir que la décision du préfet, compte tenu de l'ensemble des éléments de sa situation personnelle, serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, il ne peut utilement se prévaloir des orientations générales que le ministre de l'intérieur a pu adresser aux préfets pour les éclairer dans la mise en oeuvre de leur pouvoir de régularisation. Par suite, c'est à tort que le Tribunal administratif de Melun s'est fondé sur les énonciations de la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 précitée pour annuler l'arrêté du préfet du Val-de-Marne.

4. Toutefois, il appartient à la Cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme B..., devant le Tribunal administratif de Melun et devant la Cour.

Sur la légalité de l'arrêté du 25 juillet 2013 :

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

5. En premier lieu, par un arrêté du 5 février 2013, régulièrement publié au recueil spécial des actes administratifs de la préfecture du Val-de-Marne du même jour, le préfet du Val-de-Marne a accordé à M. D...A..., directeur de l'immigration et de l'intégration, une délégation à l'effet de signer, notamment, les décisions portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et les décisions fixant le pays de destination. Ainsi, et eu égard au caractère réglementaire de cet acte et au caractère suffisant de la publication, Mme B...n'est fondée à soutenir ni que la preuve de cette publication ne serait pas rapportée, ni que l'arrêté contesté aurait été signé par une autorité incompétente.

6. En deuxième lieu, pour les mêmes raisons que celles qui ont été évoquées au point 3, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de la méconnaissance de la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de l'article 27 de la loi du 16 juin 2011 : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) ".

8. En présence d'une demande de régularisation présentée sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Dans cette hypothèse, il appartient à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel que par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour.

9. Mme B...ne réside en France que depuis le mois de juillet 2010, soit trois ans à la date de l'arrêté en litige. Si elle fait valoir qu'elle est titulaire d'un diplôme d'infirmière obtenu à l'Université de Laguna (Philippines) et qu'elle travaille sans discontinuité en qualité de garde d'enfants depuis le mois de mars 2011, il ressort des pièces du dossier qu'elle n'a antérieurement à son embauche exercé que pendant deux mois des fonctions de puéricultrice. Ainsi, elle ne justifie pas de compétences qui la qualifient particulièrement pour le métier qu'elle exerce, en dépit de la satisfaction qu'elle donne à ses employeurs. En outre, si Mme B...soutient vivre en France avec son époux, également ressortissant philippin, ce dernier ne réside pas régulièrement sur le territoire français. Enfin, la requérante ne conteste pas s'exprimer difficilement en français, ainsi qu'il est mentionné dans son dossier d'admission exceptionnelle, en dépit des efforts qu'elle déploie depuis son arrivée en France pour améliorer sa maîtrise de la langue. Dans ces conditions, et compte tenu notamment de la durée brève de son activité professionnelle et de son séjour sur le territoire français, Mme B...ne justifie pas de motifs exceptionnels au sens des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le préfet du Val-de-Marne n'a pas méconnu ces dispositions en refusant de l'admettre exceptionnellement au séjour.

10. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile susvisé : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée (...) ".

11. Ainsi qu'il a été dit au point 9, Mme B...ne peut se prévaloir d'une résidence habituelle en France que de trois ans à la date de l'arrêté contesté et elle n'établit pas que son époux résiderait régulièrement en France. Dans ces conditions, et compte-tenu du très jeune âge de l'enfant du couple à la date de l'arrêté en litige, aucun obstacle ne s'oppose à ce que la cellule familiale se reconstitue aux Philippines. Par ailleurs, si Mme B...soutient vivre en France auprès de ses parents, il ressort des pièces du dossier que sa mère ne réside régulièrement sur le territoire national que sous couvert d'un visa touristique de longue durée qui ne lui donne pas vocation à y demeurer une fois expiré. En outre, Mme B...ne conteste pas ne pas être dépourvue de toute attache familiale dans son pays d'origine où réside sa soeur et où elle-même a vécu jusqu'à l'âge de 21 ans au moins. Enfin, en dépit de son activité professionnelle, MmeB..., qui ne maîtrise qu'avec difficultés la langue française, n'établit pas être particulièrement bien intégrée dans la société française. Ainsi, l'arrêté contesté n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts pour lesquels il a été pris. Par suite, le préfet du Val-de-Marne n'a méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de l'admettre au séjour. Pour les mêmes raisons, le préfet n'a pas entaché son arrêté d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de Mme B....

12. En cinquième lieu, aux termes de l'article 3-1° de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990, publiée par décret du 8 octobre 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

13. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date de l'arrêté contesté, la fille de Mme B..., née le 9 mars 2011, n'était âgée que de deux ans et n'était pas encore scolarisée. Compte-tenu de la situation administrative des parents de cette fillette, rien ne fait obstacle à ce que la cellule familiale se reconstitue au Philippines, ainsi qu'il a été dit au point 11. Par suite, la décision contestée n'a pas été prise en méconnaissance des stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

14. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour qui lui a été opposée au soutien de ses conclusions en annulation dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français.

15. En deuxième lieu, d'une part, aux termes de l'article 12 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 susvisée : " 1. Les décisions de retour et, le cas échéant, les décisions d'interdiction d'entrée ainsi que les décisions d'éloignement sont rendues par écrit, indiquent leurs motifs de fait et de droit et comportent des informations relatives aux voies de recours disponibles. (...) ". D'autre part, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 qui a notamment procédé à la transposition, dans l'ordre juridique interne, des dispositions de la directive précitée : " I. L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / (...) / 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré. / (...) / La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I, sans préjudice, le cas échéant, de l'indication des motifs pour lesquels il est fait application des II et III. / (...) / II. Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours. / (...) ".

16. Lorsqu'une obligation de quitter le territoire français assortit un refus de séjour, lequel, par nature, déclare implicitement illégal le séjour de l'étranger en France, la motivation de cette mesure se confond avec celle du refus de titre de séjour dont elle découle nécessairement et n'implique pas, par conséquent, dès lors que ce refus est lui-même motivé, de mention spécifique pour respecter les exigences de l'article 12 de la directive précitée. Par suite, les dispositions susmentionnées du 3° de l'article L. 511-1-I du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne sont pas incompatibles avec les objectifs de ladite directive. En l'espèce, la décision portant refus de titre de séjour, qui indique qu'elle est assortie d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, est suffisamment motivée en droit et en fait. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'obligation de quitter le territoire doit être écarté.

17. En troisième lieu, aux termes de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " 1. Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions, organes et organismes de l'Union. / 2. Ce droit comporte notamment : a) le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement soit prise à son encontre (...) ". Le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne. Cependant le droit d'être entendu n'implique pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français prise concomitamment et en conséquence du refus de titre de séjour dès lors qu'il a pu être entendu avant que n'intervienne la décision refusant de lui délivrer un tel titre. Lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, l'étranger ne peut ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation utile. La requérante n'établit pas qu'elle aurait été empêchée de présenter des observations orales ou écrites préalablement au refus de séjour qui lui a été opposé. Ainsi, elle n'est pas fondée à soutenir que son droit à être entendu résultant de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne aurait été méconnu.

18. En quatrième lieu, pour les mêmes raisons que celles exposées aux points 11 et 13, il y a lieu d'écarter les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant et de l'erreur manifeste d'appréciation dont le préfet du Val-de-Marne aurait entaché l'obligation de quitter le territoire français opposée à MmeB....

En ce qui concerne la décision fixant à trente jours de départ volontaire octroyé à MmeB... :

19. Aux termes de l'article 5 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 susvisée : " Lorsqu'ils mettent en oeuvre la présente directive, les États membres tiennent dûment compte: a) de l'intérêt supérieur de l'enfant, b) de la vie familiale, c) de l'état de santé du ressortissant concerné d'un pays tiers, et respectent le principe de non-refoulement. ". Aux termes de son article 7 : " 1. La décision de retour prévoit un délai approprié allant de sept à trente jours pour le départ volontaire, sans préjudice des exceptions visées aux paragraphes 2 et 4. Les États membres peuvent prévoir dans leur législation nationale que ce délai n'est accordé qu'à la suite d'une demande du ressortissant concerné d'un pays tiers. Dans ce cas, les États membres informent les ressortissants concernés de pays tiers de la possibilité de présenter une telle demande. (...) / 2. Si nécessaire, les États membres prolongent le délai de départ volontaire d'une durée appropriée, en tenant compte des circonstances propres à chaque cas, telles que la durée du séjour, l'existence d'enfants scolarisés et d'autres liens familiaux et sociaux. (...) ". Aux termes du paragraphe II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours. (...) ".

20. En premier lieu, les dispositions précitées de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 n'ont pas pour objet, ni pour effet d'imposer, d'une part, une obligation de motiver le choix du délai de départ, d'autre part, la mise en place, par les Etats membres qui ont choisi d'assortir d'office leurs décisions de retour d'un délai approprié, d'une procédure préalable informant les étrangers de la possibilité pour eux de présenter une demande d'octroi d'un délai. Il est constant que Mme B...n'a pas sollicité l'octroi d'un délai de départ volontaire supérieur à trente jours. Elle ne peut donc utilement faire valoir que le préfet du Val-de-Marne aurait dû préciser les motifs de droit et de fait justifiant le refus d'octroi d'un tel délai. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 susvisée ne peut qu'être écarté.

21. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, notamment de la motivation de l'arrêté en litige, que, pour prendre sa décision, le préfet du Val-de-Marne se serait cru en situation de compétence liée pour fixer à trente jours le délai de départ volontaire dont dispose MmeB.... Il ne ressort pas non plus des termes de l'arrêté que le préfet n'aurait pas pris en compte les éléments tirés de la situation personnelle de l'intéressée pour fixer ledit délai, notamment son statut de mère d'un enfant en bas âge né sur le territoire national et l'emploi qu'elle exerce, circonstances dont il est fait mention dans l'arrêté. Les moyens tirés de la méconnaissance par le préfet de du Val-de-Marne de l'étendue de sa propre compétence et du défaut d'examen approfondi de la situation personnelle de Mme B...ne peuvent donc qu'être écartés.

22. En troisième lieu, si les dispositions précitées de l'article 7 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 imposent qu'il soit tenu compte, afin de fixer le délai de départ volontaire approprié, des circonstances propres à chaque cas telles que la durée du séjour, l'existence d'enfants scolarisés et d'autres liens familiaux et sociaux, il ressort des pièces du dossier que Mme B...ne résidait en France que depuis trois ans et que sa fille n'était pas scolarisée à la date de la décision contestée. En outre, son époux, ressortissant philippin en situation irrégulière, a également vocation à retourner dans leur pays d'origine. Ainsi, MmeB..., qui se borne à faire valoir que l'emploi qu'elle exerce ne lui permet pas de quitter le territoire français au terme d'un délai de trente jours sans mentionner les difficultés auxquelles elle serait alors confrontée, n'est pas fondée à soutenir que le préfet de du Val-de-Marne a méconnu les dispositions précitées des articles 5 et 7 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 et entaché son arrêté d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

23. En dernier lieu, aux termes de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix. L'autorité administrative n'est pas tenue de satisfaire les demandes d'audition abusives, notamment par leur nombre, leur caractère répétitif ou systématique. Les dispositions de l'alinéa précédent ne sont pas applicables : 1° En cas d'urgence ou de circonstances exceptionnelles ; 2° Lorsque leur mise en oeuvre serait de nature à compromettre l'ordre public ou la conduite des relations internationales ; 3° Aux décisions pour lesquelles des dispositions législatives ont instauré une procédure contradictoire particulière ".

24. Par les dispositions de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises les décisions portant obligation de quitter le territoire français, ainsi que les décisions qui l'accompagnent, telle la décision fixant le pays de destination. Par suite, l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ne saurait être utilement invoqué à l'encontre de la décision litigieuse. Il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance de cet article doit être écarté.

25. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Val-de-Marne est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a annulé son arrêté du 25 juillet 2013 refusant de délivrer un titre de séjour à Mme B...et l'obligeant à quitter le territoire dans le délai de trente jours. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions tendant à l'annulation de cet arrêté n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions aux fins d'injonction présentées par Mme B...doivent être rejetées. Enfin, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante en la présente instance, verse à Mme B... la somme qu'elle demande au titre des frais qu'elle a exposés non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Melun n° 1306979 en date du 6 juin 2014 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme E...épouse B...devant le Tribunal administratif de Melun est rejetée.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'intérieur et à Mme E...épouseB....

Copie en sera adressée au préfet du Val-de-Marne.

Délibéré après l'audience du 7 avril 2015 à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président,

- M. Marino, président assesseur,

- Mme Dhiver, premier conseiller.

Lu en audience publique le 20 avril 2015.

Le rapporteur,

Y. MARINO

Le président,

J. LAPOUZADE

Le greffier,

A. CLEMENT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 14PA03259


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 14PA03259
Date de la décision : 20/04/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03-04 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour. Motifs.


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: M. Yves MARINO
Rapporteur public ?: M. SORIN
Avocat(s) : CABINET BOURG-ROCHICCIOLI

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2015-04-20;14pa03259 ?
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