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05/05/2015 | FRANCE | N°13PA04844

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 05 mai 2015, 13PA04844


Vu la requête, enregistrée le 30 décembre 2013, présentée pour l'association syndicale du Front de Seine, dont le siège est 27-31 rue Robert de Flers à Paris (75015), représentée par sa présidente en exercice, par Me Fayat ; l'association syndicale du Front de Seine demande à la Cour :

1º) d'annuler le jugement n° 1013085/7-2 du 31 octobre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant, d'une part, à la condamnation solidaire de la société Sempariseine et de la ville de Paris à lui verser la somme de 600 000 euros, assortie des intérêt

s au taux légal, en réparation du préjudice financier résultant de la pri...

Vu la requête, enregistrée le 30 décembre 2013, présentée pour l'association syndicale du Front de Seine, dont le siège est 27-31 rue Robert de Flers à Paris (75015), représentée par sa présidente en exercice, par Me Fayat ; l'association syndicale du Front de Seine demande à la Cour :

1º) d'annuler le jugement n° 1013085/7-2 du 31 octobre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant, d'une part, à la condamnation solidaire de la société Sempariseine et de la ville de Paris à lui verser la somme de 600 000 euros, assortie des intérêts au taux légal, en réparation du préjudice financier résultant de la prise en charge des dépenses afférentes à l'entretien de l'ouvrage-dalle Beaugrenelle, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint au conseil de Paris de prendre une délibération portant révision du cahier des charges général de rénovation du sous-secteur dalle en date du 10 octobre 1969 afin de supprimer la clause instituant la quote-part dalle due par les copropriétaires, et a mis à sa charge le versement à la société Sempariseine de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de condamner solidairement la société Sempariseine et la ville de Paris à verser à ses membres la somme de 600 000 euros, sauf à parfaire, assortie des intérêts au taux légal à compter du dépôt de la requête, au titre du préjudice financier résultant de la prise en charge financière d'une partie des dépenses afférentes à l'entretien de l'ouvrage-dalle Beaugrenelle, ainsi que des intérêts capitalisés ;

3°) d'enjoindre au conseil de Paris, statuant en qualité de conseil municipal, de prendre une délibération portant révision du cahier des charges général de rénovation du sous-secteur dalle, et particulièrement de son article 37, dans un délai de six mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 250 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge solidaire de la société Sempariseine et de la ville de Paris le versement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle renvoie à l'ensemble de ses moyens soulevés en première instance et soutient que :

- en raison d'un mode de calcul erroné, les copropriétaires des tours supportent des dépenses relatives à l'entretien des espaces de l'ouvrage-dalle ouverts au public qu'ils ne devraient pas supporter en application des dispositions du cahier des charges du 10 octobre 1969 et qui incombent à la ville de Paris ;

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que l'entretien des espaces libres du sol artificiel de l'ouvrage-dalle ouverts au public était à sa charge en application des stipulations du cahier des charges dès lors que la délibération du conseil de Paris des 15 et 16 mai 2006 a décidé de maintenir en vigueur le cahier des charges, après avoir constaté l'achèvement de l'opération de rénovation du secteur Beaugrenelle en résiliant les conventions d'aménagement, et a approuvé la convention de compensation de charges d'ouverture au public en décidant de maintenir ouvert au public les espaces libres de l'ouvrage-dalle situés au niveau des sols artificiels et naturels, en plafonnant à 500 000 euros hors taxes la participation financière de la ville de Paris à l'entretien des espaces ouverts au public ;

- le préjudice subi résulte de l'application de la convention de compensation de charges qui a transféré le coût d'ouverture au public des espaces en cause aux copropriétaires des tours, la participation financière de la ville de Paris ne couvrant pas la totalité du coût de l'entretien des espaces ouverts au public ; il trouve ainsi son origine dans une décision de la ville de Paris ;

- c'est à tort que le tribunal administratif a estimé que les espaces ouverts au public de l'ouvrage-dalle ne constituent pas un ouvrage public dès lors qu'il résulte de la convention de compensation de charges approuvée par la délibération du conseil de Paris des 15 et 16 mai 2006 que la ville de Paris contribue financièrement à l'entretien de l'ouvrage-dalle en raison de son affectation à l'utilité publique et que si la société Sempariseine est propriétaire de l'ouvrage, celui-ci est affecté à un but d'intérêt général, son entretien étant pour partie assumé par la ville de Paris qui assure sa surveillance, au titre de la préservation de la sécurité publique ;

- le maintien de l'ouverture au public des espaces libres du sol artificiel de l'ouvrage-dalle après la fin de l'opération de rénovation caractérise une décision de la ville de Paris d'affectation de ces espaces à l'usage direct du public ; ainsi, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, l'entretien de ces espaces est donc assuré par la société Sempariseine pour le compte de la ville de Paris ; la finalité des espaces libres formant le sol artificiel de l'ouvrage-dalle étant d'être à l'usage direct du public, la circonstance qu'ils ne représentent qu'une part réduite de la superficie totale de l'ouvrage-dalle étant sans incidence sur la qualification d'ouvrage public ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 19 août 2014, présenté pour la société Sempariseine, par Me A...et Me Ceccarelli-Le Guen, qui conclut au rejet de la requête et à ce que le versement de la somme de 5 000 euros soit mis à la charge de l'association syndicale du Front de Seine sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle fait valoir que :

- la requête d'appel est irrecevable, dès lors que le mandat pour ester en justice produit par l'appelante est irrégulier ;

- la demande de l'association est irrecevable dès lors qu'elle ne justifie pas d'un intérêt pour agir, dans la mesure où le préjudice invoqué est sans lien avec les intérêts collectifs qu'elle défend, et qu'elle n'a pas qualité pour agir au nom et pour le compte de ses membres en l'absence de mandat spécial ; elle ne peut, même sur la base d'un mandat spécial, solliciter le versement d'une indemnisation qui doit revenir à ses membres ;

- l'ouvrage-dalle en cause ne constitue pas un ouvrage public ; cet ouvrage n'est pas à l'origine du préjudice allégué ; en tout état de cause, aucun préjudice anormal et spécial n'est établi ;

- la demande d'injonction doit être rejetée, dès lors que la demande indemnitaire est irrecevable et, en tout état de cause, que la ville de Paris ne dispose pas du pouvoir de modifier le cahier des charges en cause ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 3 septembre 2014, présenté pour la ville de Paris, représentée par son maire en exercice, par la SELAS LLC et Associés, qui conclut au rejet de la requête et à ce que le versement de la somme de 3 000 euros soit mis à la charge de l'association syndicale du Front de Seine sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle fait valoir que :

- la demande de l'association est irrecevable, dès lors que l'association ne justifie pas d'un mandat spécial de l'ensemble des copropriétaires dont elle dit représenter les intérêts ;

- les premiers juges ont relevé à bon droit l'incompétence de la juridiction administrative, dès lors que l'ouvrage en cause ne constitue pas un ouvrage public et n'appartient pas au domaine public ;

- le préjudice allégué n'est pas indemnisable ; les copropriétaires ont, dès leur arrivée, accepté la contrainte financière en question, en toute connaissance de cause ; en tout état de cause, le préjudice allégué n'est pas établi et ne présente pas un caractère anormal et spécial ;

- la demande d'injonction doit être rejetée, par voie de conséquence du rejet de la demande indemnitaire de l'association et dès lors, en tout état de cause, qu'elle ne dispose pas du pouvoir de modifier le cahier des charges en cause ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 2 avril 2015, présenté pour l'association syndicale du Front de Seine, par Me Fayat, qui confirme ses précédentes écritures ;

Elle soutient, en outre, que :

- elle justifie d'un mandat régulier l'autorisant à interjeter appel ;

- le rejet de ses demandes lui donne qualité pour faire appel ;

- son objet social lui confère un intérêt pour agir ;

- elle dispose d'un mandat spécial pour agir au nom de ses membres ;

- l'aide accordée par la ville de Paris à la Sempariseine doit être qualifiée de subvention constitutive d'une libéralité contraire aux dispositions de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;

- la double imposition résultant de la prise en charge des frais en cause est constitutive d'un préjudice, réel, personnel, anormal et spécial qui est imputable à la ville de Paris ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 15 avril 2015, présentée pour l'association syndicale du Front de Seine, par Me Fayat ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 avril 2015 :

- le rapport de M. Cantié, premier conseiller,

- les conclusions de M. Rousset, rapporteur public,

- et les observations de Me Fayat, avocat de l'association syndicale du Front de Seine, celles de Me Moritz, avocat de la ville de Paris et celles de Me Ceccarelli-Le Guen, avocat de la société Sempariseine ;

1. Considérant que, par délibération des 15 et 16 mai 2006, le conseil de Paris, après avoir constaté l'achèvement de l'opération de rénovation urbaine du secteur Beaugrenelle, dans le 15ème arrondissement de Paris, confiée à la société d'économie mixte d'équipement et d'aménagement du XVème arrondissement (SEMEA XV) par une convention du 10 avril 1962, modifiée par deux avenants des 16 mai 1969 et 11 juin 1970, a mis fin à cette convention en fixant la date de clôture comptable de l'opération au 1er janvier 2006, a transféré à la ville de Paris l'assiette foncière des baux à construction consentis pour la réalisation de tours et d'immeubles de logements, de parcelles affectées à des logements locatifs sociaux ainsi que de divers équipements publics ou sportifs construits sur l'ouvrage-dalle et a décidé que la SEMEA XV conserverait la propriété de l'ouvrage-dalle Beaugrenelle et de son assiette foncière, sans contrepartie financière, ainsi que la propriété de l'assiette foncière des baux à construction consentis pour la réalisation des immeubles de bureaux et de commerces, construits sur l'ouvrage-dalle, dont la valeur de délaissement a été fixée à un million d'euros ; que, par une autre délibération, adoptée les mêmes jours, le conseil de Paris a décidé de la passation avec la SEMEA XV d'une convention de compensation de charges d'ouverture au public de la dalle Beaugrenelle et a défini les modalités de calcul de cette compensation financière annuelle d'un montant forfaitaire ; que, par lettres du 16 août 2010, l'association syndicale du Front de Seine, dont les membres sont, selon ses statuts, des syndicats de copropriétaires d'immeubles d'habitation du Front de Seine, a respectivement demandé à la société Sempariseine, qui s'est substituée à la SEMEA XV, et à la ville de Paris, de lui verser la somme de 600 000 euros au titre du préjudice financier résultant de la prise en charge d'une partie des dépenses afférentes à l'entretien de l'ouvrage-dalle Beaugrenelle ; qu'elle relève appel du jugement en date du 31 octobre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant, d'une part, à la condamnation solidaire de la société Sempariseine et de la ville de Paris à lui verser la somme réclamée de

600 000 euros, assortie des intérêts au taux légal, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint au conseil de Paris de prendre une délibération portant révision du cahier des charges de rénovation du sous-secteur dalle en date du 10 octobre 1969 afin de supprimer la clause instituant la quote-part dalle due par les copropriétaires, et a mis à sa charge le versement à la société Sempariseine la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

Sur la demande visant la société Sempariseine :

2. Considérant que l'association syndicale du Front de Seine, dont l'objet statutaire est notamment " de vérifier le bien-fondé des charges imputées à ses membres au titre de l'ouvrage-dalle et des parkings ", sollicite l'indemnisation du préjudice résultant de la prise en charge par ses membres, depuis l'intervention des délibérations précitées du conseil de Paris des 15 et 16 mai 2006, des dépenses relatives à l'entretien des espaces de l'ouvrage-dalle Beaugrenelle qui sont ouverts au public ; que l'obligation assignée aux acquéreurs de droits de construire ou de droits d'usage de rembourser chaque année au propriétaire de l'ouvrage-dalle une quote-part des dépenses d'utilisation et d'entretien de cet ouvrage résulte des stipulations de l'article 37 du cahier des charges général du 10 octobre 1969 portant sur la rénovation du secteur Beaugrenelle, sous-secteur dalle ; que la demande indemnitaire visant la société Sempariseine, devenue propriétaire de l'ouvrage-dalle, concerne ainsi les rapports de droit privé existants entre cette personne morale de droit privé et les copropriétaires membres de l'association requérante ; que, dès lors, cette demande relève, quel que soit le fondement juridique invoqué, de la seule compétence des tribunaux de d'ordre judiciaire ; que c'est à bon droit que les premiers juges ont rejeté cette demande comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître ;

Sur la demande visant la ville de Paris :

3. Considérant qu'il résulte des dispositions combinées des articles R. 431-2 et R. 431-5 du code de justice administrative que les parties peuvent se faire représenter devant la juridiction administrative par un avocat, par un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ou par une association agréée au titre des articles L. 141-1, L. 611-1, L. 621-1 ou L. 631-1 du code de l'environnement ;

4. Considérant que l'association syndicale du Front de Seine, qui ne s'est prévalue d'aucun préjudice personnel, ne saurait se substituer à ses membres pour obtenir la réparation des dommages que ceux-ci auraient subis individuellement ; que si elle a produit devant le tribunal administratif des mandats établis par certains de ses membres, elle n'est pas au nombre des mandataires habilités à représenter des parties devant le juge administratif ; qu'ainsi, et en tout état de cause, l'association est dépourvue de toute qualité pour rechercher la responsabilité de la ville de Paris pour le compte de ses membres ; que, par suite, elle n'est pas fondée à se plaindre de ce que le tribunal administratif a rejeté sa demande indemnitaire dirigée contre ladite ville ainsi que, par voie de conséquence, sa demande, qui doit être regardée comme présentée sur le fondement des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative, tendant à ce qu'il enjoint au conseil de Paris, statuant en qualité de conseil municipal, de prendre une délibération portant révision du cahier des charges général de rénovation du sous-secteur dalle, et particulièrement de son article 37 ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

5. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge des intimés, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, le versement d'une quelconque somme au titre des frais exposés par l'association syndicale du Front de Seine et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées au titre des mêmes dispositions par la société Sempariseine et la ville de Paris ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de l'association syndicale du Front de Seine est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la société Sempariseine et la ville de Paris sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association syndicale du Front de Seine, à la société Sempariseine et à la ville de Paris.

Délibéré après l'audience du 14 avril 2015, à laquelle siégeaient :

- Mme Coënt-Bochard, président de chambre,

- Mme Sanson, président-assesseur,

- M. Cantié, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 5 mai 2015.

Le rapporteur,

C. CANTIÉLe président,

E. COËNT-BOCHARD

Le greffier,

A.-L. CALVAIRELa République mande et ordonne au préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 13PA04844


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 13PA04844
Date de la décision : 05/05/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Compétence - Répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction - Compétence déterminée par un critère jurisprudentiel - Contrats - Contrats de droit privé.

Procédure - Introduction de l'instance - Qualité pour agir.


Composition du Tribunal
Président : Mme COËNT-BOCHARD
Rapporteur ?: M. Christophe CANTIE
Rapporteur public ?: M. ROUSSET
Avocat(s) : SELAS LLC ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2015-05-05;13pa04844 ?
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