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07/05/2015 | FRANCE | N°13PA03447

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 07 mai 2015, 13PA03447


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 3 septembre 2013 et 15 novembre 2013, présentés pour Mme C... D..., demeurant..., par la SCP Masse-Dessen-Thouvenin-Coudray, avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; Mme D...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°s1104673/14 et 1106664/14 en date du 1er juillet 2013 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de la décision du 4 février 2011, par laquelle le président du conseil général du Val-

de-Marne a refusé de la réintégrer, de la décision du 15 avril 2011 rejet...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 3 septembre 2013 et 15 novembre 2013, présentés pour Mme C... D..., demeurant..., par la SCP Masse-Dessen-Thouvenin-Coudray, avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; Mme D...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°s1104673/14 et 1106664/14 en date du 1er juillet 2013 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de la décision du 4 février 2011, par laquelle le président du conseil général du Val-de-Marne a refusé de la réintégrer, de la décision du 15 avril 2011 rejetant son recours gracieux et de la décision la plaçant à la retraite pour invalidité ;

2°) d'annuler les décisions contestées ;

3°) d'ordonner une mesure d'expertise afin de déterminer si elle est définitivement inapte à l'exercice de fonctions au sein de l'administration ;

4°) d'enjoindre au président du conseil général du Val-de-Marne de procéder à sa réintégration dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, et sous astreinte de 300 euros par jour de retard ;

5°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au président du conseil général du Val-de-Marne de procéder à un nouvel examen de sa demande de réintégration dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, et sous astreinte de 300 euros par jour de retard ;

6°) de mettre à la charge du département du Val-de-Marne une somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et une somme de 35 euros sur le fondement de l'article R. 761-1 du même code ;

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'irrégularité en ce qu'il ne pouvait être pris par un juge statuant seul, les décisions en litige ayant trait à la sortie du service au sens du 2° de l'article R. 222-13 du code de justice administrative ; la minute du jugement n'a pas été signée en méconnaissance de l'article R. 741-8 du code de justice administrative ;

- elle a de fait été placée à la retraite pour invalidité dès lors qu'elle percevait une pension de retraite en sorte que les conclusions tendant à l'annulation de cette décision étaient recevables ; le juge ne pouvait rejeter ses conclusions sans l'avoir invitée au préalable à régulariser sa demande en lui demandant de communiquer cette décision ou de fournir une explication sur les raisons quant aux raisons de l'absence de production de celle-ci ;

- elle n'était pas dans un état de santé tel qu'elle ait dû être regardée comme incapable de reprendre ses fonctions ; c'est à tort que l'administration a refusé de la réintégrer dès lors qu'elle était apte à reprendre ses fonctions à l'issue de son congé de longue durée ; il appartenait au département de la placer en disponibilité d'office au terme de son congé ;

- M. B...et Mme A...n'étaient pas compétents pour signer les décisions contestées dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'ils aient reçu une délégation de signature ou de compétence, régulièrement publiée, pour le faire ;

- la décision qui a rejeté sa demande de réintégration n'est pas suffisamment motivée ;

- la décision prononçant son admission à la retraite a été prise en méconnaissance du principe général du respect des droits de la défense dès lors qu'elle n'a pas été mise à même de présenter ses observations orales ou écrites avant son prononcé ; elle n'a pas eu la possibilité de demander la communication de son dossier individuel avant la décision refusant sa réintégration ;

Vu le jugement et les décisions attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 19 juin 2014, présenté par le département du

Val-de-Marne, qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que :

- les décisions contestées ont été prises par une autorité compétente ;

- les décisions plaçant un agent en disponibilité d'office à l'expiration de ses droits à congé de maladie ne doivent pas être motivées ; les décisions contestées sont suffisamment motivées ;

- les avis des comité médical départemental et comité médical supérieur et de la commission de réforme établissent l'inaptitude définitive de l'agent à l'exercice de toutes fonctions ;

- les conclusions de la requête dirigées contre la décision de mise à la retraite d'office pour invalidité sont irrecevables faute pour Mme D...d'avoir produit cette décision ; en première instance, elle entendait en réalité contester les décisions des 4 février et 15 avril 2011 reconnaissant son inaptitude définitive à toutes fonctions et la plaçant en disponibilité d'office ; sa seconde requête ayant le même objet que la première, c'est à bon droit que le juge l'a rejetée ;

- le moyen tiré de la méconnaissance du principe du respect des droits de la défense, qui relève d'une cause juridique distincte de ceux soulevés par la requérante en première instance, doit être écarté comme irrecevable ; en tout état de cause, la requérante a été invitée dans différents courriers à prendre contact avec le service gestionnaire pour toute information concernant son dossier de retraite et a ainsi été mise à même de prendre connaissance de son dossier préalablement à sa radiation des cadres pour invalidité ;

- si elle s'estime apte à la reprise de son activité, il lui est loisible de recourir à la procédure prévue par l'article 35 du décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 et de saisir la commission de réforme qui émettra un avis sur son aptitude ;

Vu les mémoires enregistrés les 26 et 31 mars 2015, présentés pour MmeD..., qui conclut aux mêmes fins que la requête ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu, au cours de l'audience publique du 9 avril 2015 :

- le rapport de Mme Coiffet, président,

- les conclusions de M. Lemaire, rapporteur public,

- et les observations de Me Crusoé, avocat de MmeD... ;

1. Considérant que MmeD..., employée depuis 1988 par le département du

Val-de-Marne en qualité d'assistante de service social et titularisée à compter du mois de décembre 1989 dans le grade d'assistante sociale, a bénéficié d'un congé de longue maladie du 25 février 2003 au 24 février 2004, puis d'un congé de longue durée qui a été prolongé jusqu'à la fin de l'année 2006 ; que, par un avis du 5 novembre 2004, le comité médical départemental l'a déclarée définitivement inapte à l'exercice de ses fonctions ; qu'à l'issue de son congé de longue maladie, elle a, dans le cadre d'une procédure de reclassement initiée par son employeur, été placée au centre de documentation du musée d'art contemporain du Val-de-Marne pour y exercer des fonctions d'aide documentaliste ; qu'elle a, ensuite, obtenu un nouveau congé de longue durée du 20 octobre 2008 au 19 décembre 2009 ; que, par un avis du 2 avril 2010, confirmé le 30 novembre 2010 par le comité médical supérieur, le comité médical départemental a constaté l'inaptitude physique définitive de Mme D...à l'exercice de toutes fonctions ; que le président du conseil général du Val-de-Marne a alors prononcé, suivant un arrêté du 21 avril 2010, la mise en disponibilité d'office de Mme D... à compter du 20 décembre 2009 ; qu'il lui a indiqué, dans un courrier du 4 février 2011, qu'il entendait suivre l'avis du comité médical supérieur du 30 novembre 2010 s'opposant à sa réintégration ; que le 17 juin 2011, Mme D...a saisi le Tribunal administratif de Melun d'une première demande tendant à l'annulation de cette décision et de la décision du 15 avril 2011 rejetant son recours gracieux ; que, par une seconde requête, enregistrée au greffe du tribunal le 6 septembre 2011, Mme D...a contesté la légalité de la décision la plaçant à la retraite d'office pour invalidité ; qu'elle fait appel du jugement du 1er juillet 2013 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun a, après avoir joint les deux instances, rejeté ses demandes ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 222-13 du code de justice administrative : " Le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il désigne à cette fin et ayant atteint au moins le grade de premier conseiller ou ayant une ancienneté minimale de deux ans statue en audience publique et après audition du rapporteur public ...:/ ...2° Sur les litiges relatifs à la situation individuelle des fonctionnaires ou agents de l'Etat et des autres personnes ou collectivités publiques, ainsi que des agents ou employés de la Banque de France, à l'exception de ceux concernant l'entrée au service, la discipline et la sortie du service (...) " ;

3. Considérant, d'une part, que la demande de Mme D...tendant à l'annulation de la décision la plaçant à la retraite pour invalidité est relative à la sortie du service des fonctionnaires au sens du 2° de l'article R. 222-13 du code de justice administrative ; que, d'autre part, les décisions par lesquelles le département du Val-de-Marne a décidé de maintenir MmeD..., dans l'attente de l'instruction de son dossier de retraite pour invalidité, en disponibilité d'office, se rattachent directement à la décision prononçant sa mise à la retraite pour invalidité, en sorte que le litige soumis par Mme D...au tribunal doit être regardé comme étant, dans son entier, relatif à la sortie du service de l'agent ; que ce litige n'est pas au nombre de ceux qui, en application des dispositions précitées de l'article R. 222-13 code de justice administrative, peuvent être tranchés par un juge statuant seul, mais devait faire l'objet d'un jugement rendu par une formation collégiale ; que la requérante est dès lors fondée à soutenir que la composition de la formation de jugement est irrégulière ; qu'il y a lieu, par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, d'annuler le jugement attaqué ;

4. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les demandes présentées par Mme D...devant le Tribunal administratif de Melun ;

Sur les fins de non-recevoir opposées par le département du Val-de-Marne :

5. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que, par une décision du président du Conseil général du Val-de-Marne du 3 février 2012, antérieure au jugement attaqué, Mme D...a été admise à faire valoir ses droits à la retraite et a été radiée des cadres de la fonction publique territoriale à compter du 1er février 2012 ; que, par suite, le département du

Val-de-Marne n'est pas fondé à soutenir que la demande de la requérante tendant à l'annulation de la décision prononçant sa mise à la retraite pour invalidité serait irrecevable car dirigée contre une décision inexistante ;

6. Considérant, en second lieu, que Mme D...a produit la décision qu'elle conteste du 3 février 2012 prononçant sa mise à la retraite pour invalidité ; que, par suite la fin de non-recevoir tirée du défaut de production de cette décision doit également être écartée ;

Sur la légalité des décisions contestées du président du conseil général du

Val-de-Marne :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :

7. Considérant que MmeD..., qui souffre de troubles psychiques, a été déclarée définitivement inapte à l'exercice de toutes fonctions par le comité médical départemental puis par le comité médical supérieur dans leurs avis respectifs du 2 avril 2010 et du 30 novembre 2010 ; que la commission de réforme, saisie du dossier de MmeD..., a, le 23 mai 2011, également émis un avis favorable à la mise à la retraite d'office de l'intéressée pour invalidité ; qu'il résulte, toutefois, des nombreux certificats médicaux produits par la requérante, qui sont rédigés en des termes circonstanciés, et en particulier d'un rapport médical très détaillé établi le 27 août 2013 par un médecin psychiatre, dont une copie a été communiquée au département du Val-de-Marne qui a pu ainsi en critiquer utilement les mentions, qu'à la date des décisions contestées, l'état de santé de Mme D...s'était, grâce à une prise en charge médicale adaptée, considérablement amélioré et qu'elle était en mesure d'exercer une activité professionnelle ; que Mme D...a d'ailleurs obtenu à l'issue de l'année universitaire 2010, une licence en arts, lettre et langues, mention " arts du spectacle et audiovisuel ", puis l'année suivante une licence en droit, économie et gestion, mention " information et communication ", et qu'en 2012, elle a été admise par une commission d'équivalence à s'inscrire en licence de médiation culturelle et communication ; qu'elle a également, au cours des années considérées, effectué des stages professionnels et qu'elle a donné satisfaction dans les différents emplois qu'elle a occupés ; que, dans ces conditions, en estimant que l'état de santé de Mme D...la rendait définitivement inapte à l'exercice de toutes fonctions et en maintenant l'intéressée en disponibilité d'office pour ce motif, puis en prononçant sa mise à la retraite pour invalidité, le président du conseil général du Val-de-Marne a entaché ses décisions d'une erreur d'appréciation ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la demande d'expertise présentée par MmeD..., que celle-ci est fondée à demander l'annulation des décisions du 4 février 2011, du 15 avril 2011 et du 3 février 2012 du président du conseil général du Val-de-Marne ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

9. Considérant qu'eu égard au motif d'annulation ci-dessus retenu, le présent arrêt implique nécessairement qu'il soit enjoint au président du conseil départemental du Val-de-Marne de prononcer la réintégration de Mme D...dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a toutefois pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les dépens :

10. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de faire droit aux conclusions de Mme D...tendant à ce que le département du Val-de-Marne supporte la charge de la contribution pour l'aide juridique ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du département du Val-de-Marne le versement de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme D...et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement susvisé du 1er juillet 2013 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun est annulé.

Article 2 : Les décisions des 4 février 2011, 15 avril 2011 et 3 février 2012 du président du conseil général du Val-de-Marne sont annulées.

Article 3 : Il est enjoint au président du conseil départemental du Val-de-Marne de prononcer la réintégration de Mme D...dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : Le département du Val-de-Marne versera à Mme D...une somme de 1 535 euros au titre des dispositions des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme D...est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... D..., au département du Val-de-Marne et au préfet du Val-de-Marne.

Délibéré après l'audience du 9 avril 2015, à laquelle siégeaient :

- M. Formery, président de chambre,

- Mme Coiffet, président assesseur,

- M. Vincelet, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 7 mai 2015.

Le rapporteur,

V. COIFFETLe président,

S.-L. FORMERY

Le greffier,

S. CHALBOT-SANTT

La République mande et ordonne au préfet du Val-de-Marne en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 13PA03447


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 13PA03447
Date de la décision : 07/05/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-03-01-01 Fonctionnaires et agents publics. Entrée en service. Conditions générales d'accès aux fonctions publiques. Aptitude physique à exercer.


Composition du Tribunal
Président : M. FORMERY
Rapporteur ?: Mme Valérie COIFFET
Rapporteur public ?: M. LEMAIRE
Avocat(s) : SCP MASSE-DESSEN, THOUVENIN, COUDRAY

Origine de la décision
Date de l'import : 11/06/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2015-05-07;13pa03447 ?
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