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19/05/2015 | FRANCE | N°13PA01895

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 19 mai 2015, 13PA01895


Vu la requête, enregistrée le 21 mai 2013, présentée pour la société Hôtel Contact Services, dont le siège est 31 boulevard Gabriel Péri à Champigny-sur-Marne (94500), par Me A... ; la société Hôtel Contact Services demande à la Cour :

1º) d'annuler le jugement n° 1005642/8 du 20 mars 2013 du Tribunal administratif de Melun en tant que, par ce jugement, celui-ci a limité à la somme totale de 102 802,87 euros le montant de l'indemnité mise à la charge du département du Val-de-Marne au titre des services fournis en matière d'hébergement d'urgence au cours des année

s 2008 et 2009 ;

2°) de condamner le département du Val-de-Marne à lui vers...

Vu la requête, enregistrée le 21 mai 2013, présentée pour la société Hôtel Contact Services, dont le siège est 31 boulevard Gabriel Péri à Champigny-sur-Marne (94500), par Me A... ; la société Hôtel Contact Services demande à la Cour :

1º) d'annuler le jugement n° 1005642/8 du 20 mars 2013 du Tribunal administratif de Melun en tant que, par ce jugement, celui-ci a limité à la somme totale de 102 802,87 euros le montant de l'indemnité mise à la charge du département du Val-de-Marne au titre des services fournis en matière d'hébergement d'urgence au cours des années 2008 et 2009 ;

2°) de condamner le département du Val-de-Marne à lui verser la somme de 392 626 euros assortie des intérêts au taux légal et des intérêts capitalisés ;

3°) de mettre à la charge du département du Val-de-Marne le versement de la somme de 16 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- son appel n'est pas tardif ;

- eu égard aux justificatifs produits, elle est fondée à obtenir, sur le fondement de la responsabilité extracontractuelle de la personne publique, le versement de la totalité du montant sollicité ; les factures émanant des hôtels sont un moyen de preuve suffisant des dépenses engagées dès lors que ces documents ont été rattachés à ses propres factures transmises au département ; le montant réclamé doit être admis en l'absence de toute contestation de la réalité et du montant des prestations réalisées ; le département n'a pas produit le décompte des sommes déjà réglées ; elle n'a commis aucune faute et ne peut être privée de sa marge bénéficiaire ; le département était libre de s'adresser à un autre prestataire ; celui-ci n'a toujours pas passé de marché public formalisé afin d'assurer l'hébergement d'urgence ; elle est donc fondée à prétendre au paiement du montant total des factures ; subsidiairement, il est demandé de retenir une marge nette inférieure au taux de 15 % qui intègre ses frais généraux, ses débours et la rémunération de son personnel ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 23 octobre 2013, présenté pour le département du Val-de-Marne, représenté par le président du conseil général en exercice, par le cabinet d'avocats Richer et Associés Droit Public, qui conclut au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident, à l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a retenu sa responsabilité et au rejet de la demande indemnitaire présentée par la société Hôtel Contact Services, et demande que le versement de la somme de 3 000 euros soit mis à la charge de cette société sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il fait valoir que :

- la requête est irrecevable, dès lors qu'elle est dépourvue de tout moyen d'appel ;

- la seule question posée est celle d'un éventuel enrichissement de la personne publique ;

- la société, qui ne disposait pas des capacités de trésorerie qui lui auraient permis de préfinancer les dépenses alléguées, ne produit pas les télécopies de confirmation des réservations qui seules permettraient de vérifier la réalité de ses allégations ; les factures émises par la société elle-même, qui n'a produit aucune attestation émanant d'un expert-comptable ou d'un commissaire aux comptes, sont dépourvues de valeur probante et la véracité des notes d'hôtel produites est invérifiable ;

- les premiers juges ont omis de relever l'absence de correspondance entre le nom des personnes qui auraient été hébergées selon la société et le nom des bénéficiaires de la mission Hébergement Logement du conseil général ; la société n'est pas fondée à obtenir le remboursement de frais d'assistance à des bénéficiaires d'autres missions, telles que celles du pôle " enfance famille ou du pôle " action sociale et solidarité " ;

- en tout état de cause, c'est à bon droit que le tribunal administratif a limité le montant de la condamnation, la société n'ayant jamais justifié du paiement des factures produites et donc établi la réalité du préjudice allégué ; aucune attestation émanant d'un expert-comptable ne vient confirmer les dires de la société sur le taux de la marge qu'aurait dégagée celle-ci ;

Vu l'ordonnance en date du 23 décembre 2014 fixant, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, la clôture de l'instruction au 15 janvier 2015, à 12 heures ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 mai 2015 :

- le rapport de M. Cantié, premier conseiller,

- les conclusions de M. Rousset, rapporteur public,

- et les observations de Me Colombet, avocat du département du Val-de-Marne ;

1. Considérant que, par courrier du 7 mai 2010, le conseil de la société Hôtel Contact Services a mis en demeure le président du conseil général du Val-de-Marne de régler à sa cliente la somme de 392 626 euros au titre de prestations d'hébergement fournies au cours des années 2008 et 2009 ; que, dans une lettre de réponse du 8 juin 2010, la responsable de la mission " Hébergement Logement " du département du Val-de-Marne a indiqué, en joignant à cette lettre un tableau récapitulatif des paiements émis du 1er janvier 2008 au 31 mai 2010 en faveur de la société Hôtel Contact Services, qu'un mandat global d'un montant de 180 493,50 euros avait été émis le 17 décembre 2009 au titre des " impayés " de l'année 2008, que le surplus des sommes réclamées au titre de ladite année, qui semblait correspondre aux participations non réglées par les familles hébergées, ne pouvait être pris en charge par le département et qu'en l'absence de transmission des accords de prise en charge données par la mission " Hébergement Logement ", aucun paiement ne pouvait intervenir au titre de l'année 2009 ; que, par une requête enregistrée le 6 août 2010, la société Hôtel Contact Services a demandé au Tribunal administratif de Melun de condamner le département du Val-de-Marne à lui verser la somme de 392 626 euros assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation ; que, par jugement du 20 mars 2013, le tribunal administratif, après avoir relevé l'existence d'un marché public non formalisé conclu entre le département du Val-de-Marne et la société requérante et écarté l'application de ce contrat en raison de son invalidité, a considéré que la faute commise par l'entreprise s'opposait à ce qu'elle recherchât la responsabilité quasi-délictuelle du département mais a condamné ce dernier, sur le fondement de l'enrichissement sans cause, à verser à celle-ci la somme de 102 802,87 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 6 août 2010 et de la capitalisation des intérêts à compter de la date du 6 août 2011, et a mis à la charge du département la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que la société Hôtel Contact Services relève appel de ce jugement en tant qu'il a limité le montant de la condamnation du département du Val-de-Marne à la somme de 102 802,87 et demande que celui-ci soit condamnée à lui verser la somme de 392 626 euros initialement réclamée ; que le département du Val-de-Marne demande, par la voie de l'appel incident, la réformation du jugement en tant qu'il l'a condamné à régler la somme de 102 802,87 euros ;

Sur la fin de non-recevoir :

2. Considérant que, contrairement à ce que soutient le département du Val-de-Marne, la requête formée par la société Hôtel Contact Services comporte des moyens d'appel ; que, par suite, la fin de non-recevoir doit être écartée ;

Au fond :

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et en particulier d'une note interne du 13 juillet 2006 adressée aux responsables de circonscription par le directeur adjoint de l'enfance et des actions éducatives au sein des services du département du Val-de-Marne, que ledit département a décidé de recourir aux services proposés par la société Hôtel Contact Services afin d'assurer l'hébergement d'urgence de familles prises en charge ; que cette société s'était engagée à respecter certains tarifs, à rencontrer les familles lors de l'entrée dans l'hôtel en leur faisant signer un règlement d'occupation et à récupérer la participation laissée à la charge de chaque famille ; qu'il ressort de la même note que la société prestataire devait être saisie téléphoniquement par les travailleurs sociaux pour connaître les disponibilités et opérer les réservations et qu'une confirmation écrite de la réservation devait être faxée le jour même ; que le département a rémunéré la société Hôtel Contact Services, en particulier au titre de l'année 2008, du fait des réservations opérées pour la mission " Hébergement Logement " du département, créée au cours de ladite année ; que les parties, qui ne contestent pas en cause d'appel l'existence d'un marché public non formalisé qui a été relevée par le tribunal administratif, ne soutiennent pas que c'est à tort que celui-ci, après avoir estimé que ce contrat n'était pas valide, a jugé que la responsabilité contractuelle du département du Val-de-Marne ne pouvait être recherchée ;

4. Considérant que l'entrepreneur dont le contrat est entaché de nullité peut prétendre, sur un terrain quasi-contractuel, au remboursement de celles de ses dépenses qui ont été utiles à la collectivité envers laquelle il s'était engagé ; que les fautes éventuellement commises par l'intéressé antérieurement à la signature du contrat sont sans incidence sur son droit à indemnisation au titre de l'enrichissement sans cause de la collectivité, sauf si le contrat a été obtenu dans des conditions de nature à vicier le consentement de l'administration, ce qui fait obstacle à l'exercice d'une telle action ; que dans le cas où la nullité du contrat résulte d'une faute de l'administration, l'entrepreneur peut en outre, sous réserve du partage de responsabilités découlant le cas échéant de ses propres fautes, prétendre à la réparation du dommage imputable à la faute de l'administration ; qu'à ce titre il peut demander le paiement des sommes correspondant aux autres dépenses exposées par lui pour l'exécution du contrat et aux gains dont il a été effectivement privé par sa nullité, notamment du bénéfice auquel il pouvait prétendre, si toutefois l'indemnité à laquelle il a droit sur un terrain quasi-contractuel ne lui assure pas déjà une rémunération supérieure à celle que l'exécution du contrat lui aurait procurée ;

5. Considérant que, pour établir la réalité des dépenses exposées à la demande du département du Val-de-Marne au cours des années 2008 et 2009, la société Hôtel Contact Services se borne à produire des factures établies par ses soins et des notes émanant d'établissements hôteliers ; que l'entreprise ne produit pas les télécopies de confirmation de réservations prévues par la note interne du 13 juillet 2006 qu'elle a elle-même communiquée à l'appui de ses écritures, ni aucun autre document qui permettrait de démontrer qu'elle a été effectivement saisie de demandes de prestations d'hébergement par les services ou les préposés du département du Val-de-Marne ; qu'en l'absence de tout commencement de preuve sur ce point, sa demande tendant au prononcé d'une expertise est dépourvue d'utilité ; que, dans ces conditions, la société Hôtel Contact Services, qui ne critique pas les termes de la lettre du 8 juin 2010 en ce qui concerne le paiement de prestations au titre de l'année 2008 et la réalité de participations laissées à la charge des familles, n'établit pas avoir exposé, à la demande de la personne publique, des dépenses utiles à celle-ci qui n'auraient pas déjà fait l'objet d'un paiement tant pour l'année 2008 que pour l'année 2009 ; qu'elle n'est donc pas fondée à obtenir une indemnisation sur le fondement de l'enrichissement sans cause de l'administration, ni, en tout état de cause, au titre des dépenses non utiles et des gains manqués sur le terrain de la responsabilité quasi-délictuelle ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le département du Val-de-Marne est fondé à soutenir que c'est tort que les premiers juges ont estimé que sa responsabilité était engagée et à demander, par voie de conséquence, l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il l'a condamné à indemniser la société requérante ; qu'il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter la requête de la société Hôtel Contact Services et sa demande présentée devant le Tribunal administratif de Melun ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge du département du Val-de-Marne qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une quelconque somme au titre des frais exposés par la société Hôtel Contact Services et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Hôtel Contact Services le versement au département du Val-de-Marne d'une quelconque somme sur le fondement des mêmes dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1005642/8 en date du 20 mars 2013 du Tribunal administratif de Melun est annulé.

Article 2 : La requête de la société Hôtel Contact Services et la demande présentée par cette société devant le Tribunal administratif de Melun sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions présentées par le département du Val-de-Marne sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Hôtel Contact Services et au département du Val-de-Marne.

Délibéré après l'audience du 5 mai 2015, à laquelle siégeaient :

- Mme Coënt-Bochard, président de chambre,

- M. Dellevedove, premier conseiller,

- M. Cantié, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 19 mai 2015.

Le rapporteur,

C. CANTIÉLe président,

E. COËNT-BOCHARD

Le greffier,

A. LOUNISLa République mande et ordonne au préfet du Val-de-Marne en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 13PA01895


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-05-01-02 Marchés et contrats administratifs. Exécution financière du contrat. Rémunération du co-contractant. Indemnités.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : Mme COËNT-BOCHARD
Rapporteur ?: M. Christophe CANTIE
Rapporteur public ?: M. ROUSSET
Avocat(s) : PITON

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Date de la décision : 19/05/2015
Date de l'import : 13/06/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 13PA01895
Numéro NOR : CETATEXT000030675384 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2015-05-19;13pa01895 ?
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