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15/06/2015 | FRANCE | N°14PA02947

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 15 juin 2015, 14PA02947


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée SEDNA a demandé au Tribunal administratif de Paris, d'une part, d'annuler la décision implicite par laquelle la direction régionale et interdépartementale de l'équipement et de l'aménagement de l'Ile-de-France a rejeté sa réclamation du 4 juin 2012 relative à une demande d'indemnisation de son préjudice, d'autre part, de condamner l'Etat à lui verser une somme de 226 743,66 euros assortie des intérêts contractuels au taux de 2,71% à compter du 19 juillet 2012,

eux-mêmes capitalisés, en réparation du préjudice que lui a causé l'inexécution p...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée SEDNA a demandé au Tribunal administratif de Paris, d'une part, d'annuler la décision implicite par laquelle la direction régionale et interdépartementale de l'équipement et de l'aménagement de l'Ile-de-France a rejeté sa réclamation du 4 juin 2012 relative à une demande d'indemnisation de son préjudice, d'autre part, de condamner l'Etat à lui verser une somme de 226 743,66 euros assortie des intérêts contractuels au taux de 2,71% à compter du 19 juillet 2012, eux-mêmes capitalisés, en réparation du préjudice que lui a causé l'inexécution partielle du lot n° 1 du marché du 24 juin 2008 ayant pour objet le " Prolongement de la Francilienne (A 104) au nord-ouest de l'Ile-de-France - Etudes et procédures préalables à la déclaration d'utilité publique ".

Par un jugement n° 1217712/3-3 du 6 mai 2014, le Tribunal administratif de Paris a condamné l'Etat à verser à la société Actis Mandataires Judiciaires, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Sedna, une somme de 7 682,89 euros assortie des intérêts à compter du 19 juillet 2012, eux-mêmes capitalisés.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 7 juillet 2014 sous forme dématérialisée, la Selarl Actis Mandataires Judiciaires, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Sedna, représentée par la SCP J. Barthélémy - O. Matuchansky - L.A..., demande à la Cour :

1°) de réformer ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 6 mai 2014 en tant qu'il a limité à 7 682,89 euros la somme que l'Etat a été condamné à lui verser et n'a procédé que dans cette mesure à l'annulation de la décision implicite de rejet de sa réclamation ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 227 502 euros toutes taxes comprises, assortie des intérêts contractuels à compter du 19 juillet 2012, eux-mêmes capitalisés à compter du 19 juillet 2013 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier pour méconnaissance de la procédure contradictoire prévue à l'article L. 5 du code de justice administrative ;

- contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, la résiliation de fait ici en cause n'est pas assimilable, quant à ses conséquences indemnitaires, à une résiliation explicite prévue à l'article 31.2 du cahier des clauses administratives générales " fournitures courantes et services " dès lors qu'elle a contraint le titulaire du marché à maintenir, en définitive en vain, ses moyens à disposition du pouvoir adjudicateur ;

- le montant de l'indemnisation doit correspondre à son manque à gagner au titre de la partie du marché non exécutée, soit 227 502 euros TTC - à titre subsidiaire, l'application des stipulations de l'article 31.2 du CCAG FCS entraînerait la condamnation de l'Etat à lui verser 18 979 euros HT (22 774,80 euros TTC), soit 4% de la fraction du prix du marché non exécutée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 mars 2015, le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie conclut au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident, à ce que la Cour ne le condamne au versement d'aucune somme ;

Il soutient que :

- le jugement, qui se fonde sur l'article 31.2 du CCAG FCS que les parties n'ont pas invoquées, ne méconnaît pas le principe du contradictoire dès lors que les parties disposaient des pièces du marché ;

- contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, le marché en cause était bien un marché à bons de commande sans minimum, ni maximum, le montant de 579 475 euros HT ne figurant pas dans les pièces contractuelles du marché et ne pouvant pas être regardé comme un maximum ;

- ce marché n'a pas été résilié de fait, mais est arrivé à échéance à l'issue de 4 ans conformément à l'article 77 du code des marchés publics et aux pièces contractuelles après la décision de prolongation d'un an en date du 24 juin 2011, de sorte que le cocontractant n'a droit à aucune indemnisation au titre d'un prétendu manque à gagner procédant de ce que les commandes n'ont pas atteint 579 475 euros.

Par ordonnance du 24 mars 2015, la clôture de l'instruction a été fixée au 20 avril 2015.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le décret n°77-699 du 27 mai 1977 modifié approuvant le cahier des clauses administratives générales alors applicable aux marchés publics de fournitures courantes et de services ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Auvray,

- les conclusions de Mme Vrignon, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., représentant la société Actis Mandataires Judiciaires et la société Sedna.

1. Considérant que, dans le cadre du prolongement de la Francilienne au Nord-Ouest de Paris, la direction régionale et interdépartementale de l'équipement et de l'aménagement d'Ile-de-France (DRIEA IdF) a attribué le 24 juin 2008 au groupement solidaire composé des sociétés Sedna, In Situa et Breston, dont la société Sedna était mandataire, le lot n° 1 d'un marché à bons de commande relatif aux " Etudes et procédures préalables à la déclaration d'utilité publique - Assistance au maître d'ouvrage en matière de communication, ingénierie réglementaire, management de projet, impression et distribution ", d'une durée initiale de trois ans, prolongée d'un an par courrier de la DRIEA IdF en date du 24 juin 2011 ; que la société Sedna a formé, le 4 juin 2012, une réclamation tendant à la condamnation de la DRIEA IdF à lui verser la somme de 226 743,66 euros en réparation du préjudice que lui a causé l'inexécution de la majeure partie du marché du fait de l'absence de commandes concernant certaines des prestations prévues au contrat ; que la DRIEA IdF ayant rejeté sa demande indemnitaire, la Sedna a saisi le Tribunal administratif de Paris le 4 octobre 2012 qui, par le jugement attaqué par la société Actis Mandataires Judiciaires ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Sedna placée en liquidation judiciaire par jugement en date du 18 octobre 2012 du Tribunal de commerce de Paris, n'a condamné l'Etat qu'à lui verser une somme, en principal, de 7 682,89 euros ; que, par la voie de l'appel incident, le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie demande à la Cour de réformer ce jugement en tant qu'il a condamné l'Etat à verser au liquidateur judiciaire de la société Sedna une somme de 7 682,89 euros ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant que la société Actis Mandataires Judiciaires soutient que les premiers juges ont méconnu les exigences de la procédure contradictoire pour avoir fondé leur décision sur des stipulations du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés de fournitures courantes et de services (CCAG FCS), en l'espèce son article 31.2, qu'aucune des parties n'avait invoquées, sans même inviter ces dernières à présenter leurs observations sur ces stipulations ;

3. Considérant, toutefois, que les parties ont, devant le tribunal, débattu sur le terrain de la responsabilité contractuelle, avec ou sans faute, du pouvoir adjudicateur, du fait que les commandes passées au groupement n'avaient pas atteint le montant de 579 475 euros hors taxes ; qu'en réglant le litige qui lui était soumis en faisant précisément application des stipulations du marché, au nombre desquelles figure notamment l'article 31.2 du CCAG FCS, qui prévoit une indemnité de résiliation, le tribunal n'a pas méconnu le principe du contradictoire, dès lors d'une part, que, dans ses écritures de première instance, la requérante a, à titre subsidiaire, invoqué " une résiliation unilatérale partielle du marché ", d'autre part, que la décision du 19 août 2013 du directeur régional et interdépartemental de l'équipement et de l'aménagement d'Ile-de-France de ne pas suivre l'avis du Comité consultatif de règlement amiable, qui mentionne expressément l'article 31.2 du CCAG FCS, a été produite devant le tribunal par la société Sedna elle-même ; que la critique de la requérante tenant à l'inexacte application des stipulations de cet article par le tribunal ressortit, quant à elle, au bien-fondé du jugement attaqué ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

4. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 77 du code des marchés publics dans sa version alors applicable : " Un marché à bons de commande est un marché conclu avec un ou plusieurs opérateurs économiques et exécuté au fur et à mesure de l'émission de bons de commande (...) Il peut prévoir un minimum et un maximum en valeur ou en qualité ou être conclu sans minimum ni maximum (...) La durée des marchés à bons de commande ne peut dépasser quatre ans, sauf dans des cas exceptionnels dûment justifiés (...) " ;

5. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 2 du cahier des clauses particulières commun à tous les lots : "Par dérogation à l'article 3.11 du CCAG, les pièces constitutives du marché (lot) sont les suivantes par ordre de priorité : A- Pièces particulières : - l'acte d'engagement (AE) et ses annexes éventuelles (...) ;- le présent cahier des clauses particulières et ses annexes éventuelles, valant cahier des clauses administratives particulières et cahier des clauses techniques particulières au sens de l'article 13 du CMP (...);- le programme de la mission (PM) et ses annexes ; la liste des prix ; - les bons de commande émis au titre du présent marché (...) " ;

6. Considérant, en premier lieu, que pour affirmer que, par le marché en cause, le pouvoir adjudicateur s'était engagé à commander au groupement dont elle était mandataire un montant HT de 579 475 euros, dont la requérante soutient qu'il n'a été honoré qu'à hauteur de 105 000 euros HT, tandis que le directeur régional et interdépartemental de l'équipement et de l'aménagement d'Ile-de-France fait état, dans la décision susmentionnée du 19 août 2013, d'un montant HT de 387 402,71 euros, dont 175 724,67 euros HT pour la société In Situa, la requérante se prévaut des mentions de la dernière page du document contractuel intitulé " liste des prix " et des stipulations de l'avenant n° 1 du 11 août 2009 ;

7. Considérant, toutefois, qu'il résulte clairement des stipulations de l'acte d'engagement qui, en vertu de l'article 2 du cahier des clauses particulières, l'emporte sur les autres pièces contractuelles, que le marché en cause était un marché à bons de commande tel que défini à l'article 77 du code des marchés publics ; que la rubrique intitulée " minimum-maximun " était renseignée avec la mention " sans objet " ; que s'il est exact que l'avenant n° 1 du 11 août 2009 porte les mentions : " montant initial du marché HT : 579 475 euros " et " nouveau montant du marché HT : 579 475 euros ", il ressort de l'article 1er de cet avenant qu'il a pour seul objet " de contractualiser aux plan financier et technique des prestations nouvelles ", ce que l'article 2 explicite en indiquant que " compte tenu du fait que le marché est à bons de commande et du calendrier actuel de l'opération, le présent avenant n'a pas de conséquence financière. Les seules modifications concernant la liste des prix pour laquelle les prix définis ci-dessous sont ajoutés : Prix 1.2.a : veille et conseil stratégique en dehors des périodes d 'exposition médiatique du maître d'ouvrage (...) Prix 1.2.b : plus-value au prix 1.2 pour réactivation rapide du conseil stratégique suite au lancement d'une phase nouvelle de communication pour le maître d'ouvrage (...) " ; qu'il suit de là que cet avenant, qui a ainsi pour seul objet de modifier la liste des prix en y adjoignant les prix 1.2.a et 1.2.b, ne peut être regardé comme constituant ou révélant un engagement du pouvoir adjudicateur de commander aux membres du groupement des fournitures courantes et des services pour un montant minimum de 579 475 euros HT, somme qui, s'agissant d'un marché à bons de commande qui, selon les éléments produits par l'appelante elle-même, s'est traduit par l'émission de 20 bons entre 2008 et 2012, ne pourrait être regardée que comme constituant un maximum et en aucun cas un minimum, ainsi que le relève le ministre intimé ;

8. Considérant, en second lieu, qu'il est constant, d'une part, que le terme du marché en cause, initialement fixé au 1er juillet 2011, a été reporté d'un an par décision du 24 juin 2011, d'autre part, que ce marché a fait l'objet d'une réception sans réserves par décision du 6 juillet 2012, avec effet au 1er juillet 2012, du directeur régional et interdépartemental de l'équipement et de l'aménagement d'Ile-de-France ; que, dans ces conditions, et alors même qu'à cette dernière date, le pouvoir adjudicateur n'avait pas commandé aux membres du groupement des fournitures courantes et des services correspondant à un montant HT de 579 475 euros, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que, pour ce motif, la DRIEA IdF devrait être regardée comme ayant prononcé, de fait, la résiliation partielle du marché ; qu'en outre la circonstance, invoquée par l'appelante, tirée de ce que la DRIEA IdF n'a pas accédé à la demande de la société Sedna, formulée le 2 mars 2012, de déclarer sans suite le nouvel appel d'offres lancé le 21 décembre 2011 et de prolonger de deux ans le délai d'exécution du marché, qui d'ailleurs eût alors excédé la durée de quatre ans prévue à l'article 77 du code des marchés publics, n'est pas davantage de nature à établir que la DRIEA IdF aurait procédé à une résiliation partielle de fait du marché qui, au contraire, est allé jusqu'à son terme étant de surcroît précisé que des bons de commande ont été émis en 2012 ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu d'accueillir les conclusions d'appel incident tendant à rejeter, dans leur totalité, les prétentions indemnitaires présentées par la société Actis Mandataires Judiciaires ; que, par suite, le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris l'a condamné à verser à la société Actis Mandataires Judiciaires, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Sedna, la somme, en principal, de 7 682,89 euros ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat qui n'est pas, en la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que réclame la société Actis Mandataires Judiciaires au titre des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1217712/3-3 en date du 6 mai 2014 du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La demande présentée devant le tribunal administratif par la société Actis Mandataires Judiciaires ès qualités de liquidateur de la société Sedna, ainsi que ses conclusions d'appel tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Actis Mandataires Judiciaires ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Sedna et au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.

Délibéré après l'audience du 1er juin 2015 à laquelle siégeaient :

Mme Fuchs Taugourdeau, président,

M. Auvray, président assesseur,

Mme Petit, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 15 juin 2015.

Le rapporteur,

B. AUVRAYLe président,

O . FUCHS TAUGOURDEAU

Le greffier,

P. TISSERAND

La République mande et ordonne au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition certifiée conforme.

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N° 14PA02947


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-05-01 Marchés et contrats administratifs. Exécution financière du contrat. Rémunération du co-contractant.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : Mme FUCHS TAUGOURDEAU
Rapporteur ?: M. Brice AUVRAY
Rapporteur public ?: Mme VRIGNON-VILLALBA
Avocat(s) : SCP BARTHELEMY-MATUCHANSKY-VEXLIARD

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Date de la décision : 15/06/2015
Date de l'import : 25/06/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 14PA02947
Numéro NOR : CETATEXT000030754857 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2015-06-15;14pa02947 ?
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