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16/06/2015 | FRANCE | N°14PA03179

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 16 juin 2015, 14PA03179


Vu la requête, enregistrée le 21 juillet 2014, présentée par le préfet de police de Paris qui demande à la Cour :

1º) d'annuler le jugement n° 1402361/2-3 du 17 juin 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a prononcé l'annulation de son arrêté du 19 septembre 2013 refusant l'admission au séjour de M. B...A..., obligeant celui-ci à quitter le territoire français et fixant le pays à destination duquel il peut être reconduit d'office et lui a enjoint de réexaminer la situation de M. A...dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement ;


2°) de rejeter la demande présentée par M. A...devant le Tribunal administ...

Vu la requête, enregistrée le 21 juillet 2014, présentée par le préfet de police de Paris qui demande à la Cour :

1º) d'annuler le jugement n° 1402361/2-3 du 17 juin 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a prononcé l'annulation de son arrêté du 19 septembre 2013 refusant l'admission au séjour de M. B...A..., obligeant celui-ci à quitter le territoire français et fixant le pays à destination duquel il peut être reconduit d'office et lui a enjoint de réexaminer la situation de M. A...dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A...devant le Tribunal administratif de Paris ;

Il soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que le moyen tiré de l'absence de saisine de la commission du titre de séjour était fondé ; en effet, comme l'a jugé la Cour dans un arrêt n° 13PA00274 du 5 février 2014, M. A...ne justifie pas d'une résidence habituelle en France de plus de dix ans ; les pièces fournies ne permettent pas d'établir sa présence en France au cours des années 2007, 2008, 2009 et 2010 ;

- ainsi qu'il a été dit en première instance, les autres moyens de M. A...ne sont pas fondés ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 26 janvier 2015, présenté pour

M. B...A...par MeC..., qui conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'État du versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il fait valoir que le moyen invoqué par le préfet de police n'est pas fondé et renvoie à ses écritures de première instance s'agissant des autres moyens invoqués au soutien de sa demande ;

Vu la décision 2014/042162 du 21 novembre 2014 par laquelle la section Cour administrative d'appel du bureau d'aide juridictionnelle de Paris a admis M. A...au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention entre le Gouvernement de la République française et Gouvernement de la République du Mali sur la circulation et le séjour des personnes, signée à Bamako le

26 septembre 1994 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 juin 2015 :

- le rapport de M. Cantié, premier conseiller,

- et les observations de Me Charles, avocat de M.A... ;

1. Considérant que M.A..., ressortissant malien né en 1968, entré en France le 20 avril 2000 selon ses déclarations, a sollicité en 2011 son admission au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par jugement du 18 décembre 2012, le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté en date du 24 août 2012 par lequel le préfet de police de Paris avait rejeté la demande de M. A...et obligé ce dernier à quitter le territoire et a enjoint au préfet de police de réexaminer la situation de l'intéressé ; que, statuant en exécution de cette injonction, le préfet de police a, par arrêté du 19 septembre 2013, refusé l'admission au séjour de M. A...et l'a obligé à quitter le territoire en fixant le pays de renvoi ; que, par arrêt en date du 5 février 2014, la Cour a annulé les articles 1er à 3 du jugement du 18 décembre 2012 du Tribunal administratif de Paris et a rejeté la demande présentée devant ce tribunal par M.A... ; que le préfet de police relève appel du jugement en date du 17 juin 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a prononcé l'annulation de son arrêté du 19 septembre 2013 et lui a enjoint de réexaminer la situation de M. A...dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 312-1 du même code: " Dans chaque département, est instituée une commission du titre de séjour (...) " ;

3. Considérant que, pour établir sa présence habituelle en France au cours de l'année 2008, M. A...s'est borné à produire quatre bulletins de paie émanant de la Sarl TSB basée à Paris au titre des mois de septembre à décembre 2008, sans toutefois fournir aucun contrat de travail ; qu'en l'absence d'autres documents se rapportant à l'année 2008, l'intéressé ne peut être regardé comme ayant résidé effectivement sur le territoire au cours de ladite année au sens des dispositions précitées ; qu'eu égard à cette rupture dans la continuité du séjour en France de M.A..., et sans qu'il soit nécessaire d'examiner les documents produits au titre des autres années, c'est à bon droit que le préfet de police a estimé que l'intéressé n'établissait pas résider habituellement en France depuis plus de dix ans ; que, dès lors, le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont accueilli, pour annuler l'arrêté attaqué, le moyen tiré de l'absence de saisine de la commission du titre de séjour ;

4. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A...;

5. Considérant, en premier lieu, que l'arrêté attaqué fait mention des motifs de droit et de fait qui constituent le fondement du refus d'admission au séjour de M.A... ; qu'il ressort des pièces du dossier que le préfet de police a procédé à un examen effectif de l'ensemble des éléments caractérisant la situation de l'intéressé, alors portés à sa connaissance ; que, par suite, les moyens tirés de l'insuffisante motivation du refus d'admission au séjour et de l'absence d'examen de la demande de M. A...manquent en fait et doivent être écartés ;

6. Considérant, en deuxième lieu, qu'ainsi qu'il a été dit au point 3, M. A...n'établit pas qu'il résidait en France de façon habituelle depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté attaqué ; qu'ainsi le moyen tiré de l'erreur de fait doit être écarté ;

7. Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des énonciations de l'arrêté contesté que le préfet de police ne s'est pas cru tenu par la seule circonstance que M. A...ne démontrait pas résider en France depuis plus de dix ans pour refuser son admission au séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que

M.A..., qui se prévaut de son insertion sociale sans toutefois fournir de justifications suffisantes, n'a produit aucun élément caractérisant l'existence d'une circonstance humanitaire ou d'un motif exceptionnel justifiant son admission exceptionnelle au séjour ; que, dès lors, il n'est pas fondé à soutenir que le préfet de police aurait entaché sa décision d'erreur de droit ou d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code précité ;

8. Considérant, en quatrième et dernier lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) " ;

9. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A...est célibataire et sans charge de famille et n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales au Mali, où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de 22 ans ; qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, son séjour en France a connu une rupture au cours de l'année 2008 ; que l'intéressé ne justifie pas d'efforts particuliers d'intégration caractérisant l'enracinement d'une vie privée en France ; que, dans ces conditions, le refus d'admission au séjour de M. A...et l'obligation de quitter le territoire prise sur son fondement n'ont pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte excessive au regard des buts d'intérêt public poursuivis par l'autorité administrative et ne sont entachés d'aucune erreur manifeste dans l'appréciation de leurs conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé ; qu'il suit de là que M. A...n'est pas fondé à soutenir que ces mesures ont été prises en méconnaissance des stipulations et dispositions précitées et seraient entachées d'une telle erreur ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à demander l'annulation du jugement du 17 juin 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a prononcé l'annulation de son arrêté du 19 septembre 2013 et lui a enjoint de réexaminer la situation de M. A...dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement, et le rejet de la demande présentée par M. A...devant ce tribunal ;

11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une quelconque somme au titre des frais non compris dans les dépens qu'aurait exposés M.A..., qui bénéficie de l'aide juridictionnelle totale ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1402361/2-3 du 17 juin 2014 du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A...devant le Tribunal administratif de Paris est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées par M. A...sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B...A....

Copie en sera transmise au préfet de police de Paris.

Délibéré après l'audience du 2 juin 2015, à laquelle siégeaient :

- Mme Coënt-Bochard, président de chambre,

- M. Dellevedove, premier conseiller,

- M. Cantié, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 16 juin 2015.

Le rapporteur,

C. CANTIÉLe président,

E. COËNT-BOCHARD

Le greffier,

A. LOUNIS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 14PA03179


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 14PA03179
Date de la décision : 16/06/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme COËNT-BOCHARD
Rapporteur ?: M. Christophe CANTIE
Rapporteur public ?: M. ROUSSET
Avocat(s) : BOUDJELLAL

Origine de la décision
Date de l'import : 25/06/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2015-06-16;14pa03179 ?
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