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16/06/2015 | FRANCE | N°14PA03664

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 16 juin 2015, 14PA03664


Vu la requête, enregistrée le 12 août 2014, présentée par le préfet des Hauts-de-Seine, qui demande à la Cour :

1º) d'annuler le jugement n° 1405213/12 du 7 juin 2014 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun en tant que, par ce jugement, celui-ci a prononcé l'annulation de son arrêté du 3 juin 2014 plaçant M. E...B...A...en rétention administrative pour l'exécution de l'obligation de quitter le territoire prise le 7 janvier 2014 et a mis à la charge de l'État le versement à Me Bati, avocat de M. B...A..., de la somme de 1 000 euros su

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Vu la requête, enregistrée le 12 août 2014, présentée par le préfet des Hauts-de-Seine, qui demande à la Cour :

1º) d'annuler le jugement n° 1405213/12 du 7 juin 2014 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun en tant que, par ce jugement, celui-ci a prononcé l'annulation de son arrêté du 3 juin 2014 plaçant M. E...B...A...en rétention administrative pour l'exécution de l'obligation de quitter le territoire prise le 7 janvier 2014 et a mis à la charge de l'État le versement à Me Bati, avocat de M. B...A..., de la somme de 1 000 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B...A...devant le Tribunal administratif de Melun ;

Il soutient que :

- c'est à tort que le premier juge a estimé que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions des articles L. 551-1 et L. 562-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile était fondé ; en effet, M. B...A...n'a pas présenté son passeport, ni aucun autre document d'identité lors de son interpellation ; de plus, il a manifesté sa volonté de ne pas se conformer à la décision d'éloignement et ne disposait pas d'une adresse certaine et stable ; qu'il ne justifiait donc pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque qu'il se soustraie à cette décision ;

- les autres moyens invoqués en première instance ne peuvent être accueillis ; en effet, les moyens tirés de l'incompétence de l'auteur de l'acte et du défaut d'examen sérieux de la situation particulière de l'intéressé manquent en fait ; les moyens tirés de l'erreur de fait et de l'erreur manifeste d'appréciation ne sont pas fondés ; les moyens tirés de l'absence de saisine du médecin de l'agence régionale de santé et de la violation des articles 6-1 et 6-7 de l'accord franco-algérien sont inopérants ; le moyen tiré de l'erreur de droit n'est pas fondé dès lors que l'intéressé n'a fait état d'aucun élément de nature à établir que son état de santé s'opposerait à son placement en rétention ou à son éloignement ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu la mise en demeure adressée le 7 janvier 2015, sur le fondement de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, à M. B...A..., qui n'a pas présenté de mémoire en défense ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 juin 2015, le rapport de

M. Cantié, premier conseiller ;

1. Considérant que, par arrêté du 7 janvier 2014, le préfet des Hauts-de-Seine a refusé l'admission au séjour de M. B...A..., ressortissant algérien né le 8 avril 1975, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai d'un mois et a fixé le pays à destination duquel il peut être renvoyé ; que, postérieurement à l'interpellation de l'intéressé, le préfet a, par arrêté du 3 juin 2014, placé M. B...A...en rétention administrative pour l'exécution de la mesure d'éloignement prise à son encontre ; qu'il relève appel du jugement du 7 juin 2014 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun en tant que, par ce jugement, celui-ci a prononcé l'annulation de ce dernier arrêté et a mis à la charge de l'État le versement à Me Bati, avocat de

M. B...A..., de la somme de 1 000 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article

L. 561-2, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger : (...) 6° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé (...) " ; que selon l'article L. 561-2 du même code : " Dans les cas prévus à l'article L. 551-1, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné au II de l'article L. 511-1, qu'il se soustraie à cette obligation. (...) " ; qu'au sens et pour l'application des dispositions de l'article L. 561-2 du code précité, la notion de garanties de représentation effectives, suffisantes pour prévenir un risque de fuite, doit être appréciée au regard des conditions de résidence et de logement de l'étranger, et au regard, notamment, de la possession ou non de documents d'identité ou de voyage en cours de validité ou encore du respect ou non, par l'étranger, des décisions prises à son encontre et des obligations lui incombant en matière de police des étrangers ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, lors de son interpellation, M. B...A...n'a présenté aucun document d'identité ou de voyage en cours de validité ; qu'il a déclaré, lors de son audition, qu'il s'opposait à son retour dans son pays d'origine ; que le préfet des Hauts-de-Seine soutient, sans être démenti, que si l'intéressé a déclaré être hébergé chez un tiers, ce dernier serait lui-même hébergé dans un foyer ; que, dans ces conditions,

M. B...A...ne justifiait pas d'un domicile effectif ; que, par suite, alors même que l'intéressé a produit une attestation qui établirait que son passeport était en cours de renouvellement, c'est à bon droit que le préfet a estimé que M. B...A...ne présentait pas de garanties de représentation effectives ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet des Hauts-de-Seine est fondé à soutenir que c'est à tort que le premier juge a accueilli le moyen tiré de l'erreur d'appréciation pour annuler l'arrêté du 3 juin 2014 plaçant M. B...A...en rétention administrative ;

5. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B...A...à l'encontre de cet arrêté ;

6. Considérant, en premier lieu, que Mme D...C..., attachée, chef du bureau des examens spécialisés et de l'éloignement au sein de la direction de l'immigration et de l'intégration de la préfecture des Hauts-de-Seine, bénéficiait d'une délégation, prévue par arrêté MCI n° 2014-16 du 24 mars 2014 du préfet des Hauts-de-Seine, publié le 26 mars suivant au recueil des actes administratifs de la préfecture, l'habilitant à signer les décisions de placement en rétention des étrangers faisant l'objet d'une mesure d'éloignement ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté manque en fait et doit être écarté ;

7. Considérant, en deuxième lieu, que l'arrêté contesté comporte les motifs de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision de placement en rétention de M. B...A...; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas examiné la situation particulière de l'intéressé avant de le placer en rétention administrative ; que, par suite, les moyens tirés de l'insuffisante motivation des mesures contestées et du défaut d'examen de la situation de

M. B...A...doivent être écartés ;

8. Considérant, en troisième lieu, que, contrairement à ce que soutient M. B...A..., il ne résulte d'aucun principe ni d'aucun texte que le préfet serait tenu de consulter un médecin de l'agence régionale de santé avant de placer un étranger en situation irrégulière en rétention administrative ; qu'en l'espèce, il ressort de l'avis émis le 3 juin 2014 par un médecin de l'Assistance-Publique - Hôpitaux de Paris, qui a examiné M. B...A...en lui prescrivant un traitement adapté, que l'état de santé de ce dernier n'était pas incompatible avec sa garde à vue dans les locaux de la police ; que M. B...A...ne produit aucun élément démontrant que la pathologie dont il souffre faisait obstacle à son placement en rétention pour les besoins de l'exécution de la mesure d'éloignement pris à son encontre ; que, par suite, il n'est pas fondé à soutenir que le préfet des Hauts-de-Seine a entaché son arrêté d'erreur de droit, ni qu'il a méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales proscrivant les traitements inhumains ou dégradants ;

9. Considérant, en quatrième lieu, qu'il ressort des motifs énoncés ci-dessus et de la circonstance, résultant des pièces du dossier, que M. B...A...s'est maintenu sur le territoire après l'expiration délai de départ volontaire prescrit le 7 janvier 2014 par l'autorité administrative que le moyen tiré de l'erreur de fait ne peut qu'être écarté ;

10. Considérant, en cinquième et dernier lieu, qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : 1) au ressortissant algérien, qui justifie par tout moyen résider en France depuis plus de dix ans ou plus de quinze ans si, au cours de cette période, il a séjourné en qualité d'étudiant (...) 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays. (...) " ;

11. Considérant que M. B...A...invoque, par la voie de l'exception, la violation des stipulations précitées par l'obligation de quitter le territoire pour l'exécution de laquelle a été prise la mesure de placement en rétention litigieuse ; que, toutefois, il ne produit aucun élément probant permettant de considérer qu'il résidait habituellement en France depuis plus de dix ans à la date de la mesure d'éloignement, ni de remettre en cause le sens de l'avis émis le 12 décembre 2013 par le médecin de l'agence régionale de santé, qui a estimé que l'intéressé pouvait suivre un traitement approprié à sa pathologie dans son pays d'origine ; que ces moyens ne peuvent donc qu'être écartés ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet des Hauts-de-Seine est fondé à demander l'annulation du jugement du 7 juin 2014 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun en tant que, par ce jugement, celui-ci a annulé son arrêté en date du 3 juin 2014 plaçant M. B...A...en rétention administrative et a mis à la charge de l'État le versement à Me Bati, avocate de l'intéressé, de la somme de 1 000 euros au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

DÉCIDE :

Article 1er : La demande présentée par M. B...A...devant le Tribunal administratif de Melun tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 3 juin 2014 du préfet des Hauts-de-Seine plaçant l'intéressé en rétention administrative et à ce que le versement de la somme de 1 800 euros soit mis à la charge de l'État au titre des frais exposés et non compris dans les dépens est rejetée.

Article 2 : Le jugement n° 1405213/12 du 7 juin 2014 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. E...B...A....

Copie en sera transmise au préfet des Hauts-de-Seine.

Délibéré après l'audience du 2 juin 2015, à laquelle siégeaient :

- Mme Coënt-Bochard, président de chambre,

- M. Dellevedove, premier conseiller,

- M. Cantié, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 16 juin 2015.

Le rapporteur,

C. CANTIÉLe président,

E. COËNT-BOCHARD

Le greffier,

A. LOUNIS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 14PA03664


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Restrictions apportées au séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : Mme COËNT-BOCHARD
Rapporteur ?: M. Christophe CANTIE
Rapporteur public ?: M. ROUSSET

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Date de la décision : 16/06/2015
Date de l'import : 25/06/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 14PA03664
Numéro NOR : CETATEXT000030748762 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2015-06-16;14pa03664 ?
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