La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/06/2015 | FRANCE | N°14PA04392

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 16 juin 2015, 14PA04392


Vu la requête, enregistrée le 27 octobre 2014, présentée par le préfet des Hauts-de-Seine qui demande à la Cour :

1º) d'annuler le jugement n° 1407626/12 du 27 août 2014 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun en tant que, par ce jugement, celui-ci a prononcé l'annulation de ses décisions en date du 23 août 2014 portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire à M. A... D...et placement en rétention administrative de l'intéressé pour l'exécution d'une obligation de quitter le territoire prise le même jour, et a mis à la char

ge de l'État la somme de 800 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du ...

Vu la requête, enregistrée le 27 octobre 2014, présentée par le préfet des Hauts-de-Seine qui demande à la Cour :

1º) d'annuler le jugement n° 1407626/12 du 27 août 2014 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun en tant que, par ce jugement, celui-ci a prononcé l'annulation de ses décisions en date du 23 août 2014 portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire à M. A... D...et placement en rétention administrative de l'intéressé pour l'exécution d'une obligation de quitter le territoire prise le même jour, et a mis à la charge de l'État la somme de 800 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de rejeter la demande tendant à l'annulation de ces décisions et à la mise à la charge de l'État de la somme de 800 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens présentée par M. D...devant le Tribunal administratif de Melun ;

Il soutient que :

- c'est à tort que le premier juge a estimé que le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté était fondé ; en effet, M. B...était habilité à signer au nom du préfet les mesures litigieuses par arrêté du 11 novembre 2013 portant délégation de signature ; il n'est pas établi, ni même allégué, que l'intéressé n'était pas chargé d'assurer la permanence de fin de semaine ;

- les autres moyens invoqués par M. D...ne sont pas fondés ; en effet, les décisions contestées sont suffisamment motivées ; il existait un risque que l'intéressé se soustraie à la mesure d'éloignement, dès lors qu'il était entré irrégulièrement en France et n'avait pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; la mesure de placement en rétention n'est entachée d'aucune erreur de droit, ni d'erreur d'appréciation ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu la mise en demeure adressée le 7 janvier 2015, sur le fondement de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, à M.D..., qui n'a pas présenté de mémoire en défense ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le traité sur l'Union européenne ;

Vu la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

Vu la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 juin 2015, le rapport de M. Cantié, premier conseiller ;

1. Considérant que M.D..., ressortissant brésilien né le 6 juin 1983, a été interpellé le 22 août 2014 ; que, par arrêté du 23 août 2014, le préfet des Hauts-de-Seine a obligé l'intéressé à quitter le territoire sans délai, en fixant le pays de renvoi, et l'a placé en rétention administrative ; que, par jugement en date du 27 août 2014, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun, statuant en application des dispositions des II et III de l'article L. 512-1 du code de justice administrative, a prononcé l'annulation des décisions, contenues dans l'arrêté préfectoral, portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire à M. D...et placement en rétention de l'intéressé ; que le préfet des Hauts-de-Seine relève appel de ce jugement en tant que le tribunal administratif a annulé ces décisions et a mis à la charge de l'État la somme de 800 euros au titre des frais exposés par M. D...et non compris dans les dépens ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de l'arrêté MCI n° 2013-79 du 11 novembre 2013 du préfet des Hauts-de-Seine, portant délégation de signature à M. C...B..., sous-préfet d'Antony, publié le même jour au recueil des actes administratifs de la préfecture des Hauts-de-Seine : " Délégation est donnée à Monsieur C...B..., sous-préfet, à l'effet de signer tous arrêtés, décisions, actes et corrrespondances en toutes matières se rapportant à l'administration ainsi qu'à la coordination des services extérieurs de l'Etat dans le département lorsqu'il est désigné par le Préfet pour assurer les permanences de nuit ou de fin de semaine, les jours fériés ou les jours de fermeture des services, à l'exception des: / - mesures de réquisition prises en application de la loi du 11 juillet 1938, / - déclinatoires de compétence, / - arrêtés de conflits, - arrêté attributifs de subvention. " ; que ces dispositions, qui sont suffisamment précises, donnaient à M. B...compétence pour signer, dans le cadre d'une permanence, un arrêté obligeant un étranger séjournant irrégulièrement sur le territoire à le quitter sans délai, mentionnant le pays de destination et plaçant l'intéressé en rétention administrative pour les besoins de l'exécution de cette mesure ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M.B..., sous-préfet d'Antony, a signé l'arrêté attaqué le samedi 23 août 2014 ; que la signature apposée sur cet acte est précédée de la mention " Le Sous-Préfet de permanence " ; qu'aucun texte ni aucun principe n'impose la formalisation de la décision préfectorale désignant un sous-préfet pour assurer une permanence de fin de semaine ; que M. D...n'a fait état d'aucun élément permettant de douter que M. B... avait été désigné par le préfet des Hauts-de-Seine pour assurer la permanence concernant la journée du samedi 23 août 2014 ; que, dans ces conditions, compte tenu des effets de l'arrêté du 11 novembre 2013 portant délégation de signature, M. B...était habilité à signer l'arrêté contesté, obligeant M. D...à quitter le territoire sans délai, fixant le pays de renvoi et plaçant l'intéressé en rétention administrative ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet des Hauts-de-Seine est fondé à soutenir que c'est à tort que le premier juge a accueilli, pour annuler les décisions du 23 août 2014 portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire à M. D...et placement en rétention administrative de celui-ci, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté comportant ces deux mesures ;

5. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. D...à l'encontre des mêmes décisions ;

6. Considérant, en premier lieu, que l'arrêté contesté comporte les motifs de droit et de fait qui constituent le fondement des décisions portant refus d'accorder à M. D...un délai de départ volontaire et placement de celui-ci en rétention administrative ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas examiné la situation particulière de l'intéressé avant de le placer en rétention administrative ; que, par suite, les moyens tirés de l'insuffisante motivation des mesures contestées et du défaut d'examen de la situation de M. D...doivent être écartés ;

7. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours. Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français: / (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour (...) " ;

8. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. D...n'a pas justifié de son entrée régulière sur le territoire et n'a pas sollicité de titre de séjour ; que, dès lors, il se trouvait dans un des cas où, en application du a) du 3° du II de l'article L. 511-1 du code précité, le risque de soustraction à la mesure d'éloignement est présumé ; que si l'intéressé se prévaut de l'exercice en France d'une activité salariée depuis 2007 et de sa vie maritale avec une ressortissante bulgare établie sur le territoire depuis plus de dix ans, les pièces qu'il a produit devant le tribunal administratif ne suffisent pas à corroborer ces allégations ; qu'en tout état de cause, il ressort des pièces du dossier que M. D...a présenté aux autorités de police une fausse carte d'identité portugaise et a indiqué, lors de son audition, s'opposer à son retour dans son pays d'origine ; que, dans ces conditions, le risque de fuite doit être regardé comme établi ; que, dès lors, les moyens tirés du défaut de base légale et de l'erreur manifeste d'appréciation dont serait entachée la mesure de refus d'octroi d'un départ volontaire doivent être écartés ;

9. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger : (...) 6° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé (...) " ; que selon l'article L. 561-2 du même code : " Dans les cas prévus à l'article L. 551-1, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné au II de l'article L. 511-1, qu'il se soustraie à cette obligation. (...) " ; qu'au sens et pour l'application des dispositions de l'article L. 561-2 du code précité, la notion de garanties de représentation effectives, suffisantes pour prévenir un risque de fuite, doit être appréciée au regard des conditions de résidence et de logement de l'étranger, et au regard, notamment, de la possession ou non de documents d'identité ou de voyage en cours de validité ou encore du respect ou non, par l'étranger, des décisions prises à son encontre et des obligations lui incombant en matière de police des étrangers ;

10. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. D...est entré irrégulièrement en France et s'y est maintenu plusieurs années sans solliciter la délivrance d'un titre de séjour ; qu'il a produit une fausse carte d'identité lors de son interpellation ; que s'il soutient disposer d'un domicile effectif en qualité de colocataire d'un appartement situé sur le territoire de la commune du Blanc-Mesnil, il ne l'établit pas ; que, dans ces conditions, c'est sans commettre d'erreur d'appréciation que le préfet des Hauts-de-Seine a estimé, au regard de l'ensemble des circonstances de l'espèce, que le placement en rétention administrative de M. D...était la seule mesure de nature à prévenir le risque que celui-ci se soustraie à l'obligation de quitter le territoire sans délai prise à son encontre ; qu'il suit de là que les moyens tiré de l'erreur d'appréciation et de la violation des dispositions de L. 561-2 du code précité doivent être écartés ;

11. Considérant, en quatrième lieu, que M. D...n'a pas fait état d'éléments de fait ou de droit qui, s'ils avaient été communiqués au préfet avant à la signature de l'arrêté, auraient pu conduire ce dernier à retenir une appréciation différente des faits de l'espèce ; que, par suite, il n'est pas fondé à soutenir qu'il a été effectivement privé de la possibilité de présenter des observations avant son placement en rétention ;

12. Considérant, en cinquième et dernier lieu, qu'aucun principe ni aucun texte ne fait obstacle à ce que le préfet place en rétention administrative un étranger interpellé à raison de faits autres que l'irrégularité de sa situation au regard du droit de séjourner en France ; que, dès lors, M. D... ne peut utilement soutenir que la procédure ayant précédé son placement en rétention serait irrégulière en raison du comportement déloyal de l'administration ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet des Hauts-de-Seine est fondé à demander l'annulation du jugement du 27 août 2014 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun en tant que, par ce jugement, celui-ci a prononcé l'annulation de ses décisions en date du 23 août 2014 portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire à M. D... et placement en rétention administrative de l'intéressé, et a mis à la charge de l'État la somme de 800 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et le rejet de la demande présentée par M. D...devant le tribunal administratif ;

DÉCIDE :

Article 1er : La demande présentée par M. D...devant le Tribunal administratif de Melun tendant à l'annulation des décisions en date du 23 août 2014 du préfet des Hauts-de-Seine refusant de lui accorder un délai de départ volontaire et portant placement en rétention administrative et à ce que le versement de la somme de 800 soit mis à la charge de l'Etat au titre des frais exposés et non compris dans les dépens est rejetée.

Article 2 : Le jugement n° 1407626/12 du 27 août 2014 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A...D....

Copie en sera transmise au préfet des Hauts-de-Seine.

Délibéré après l'audience du 2 juin 2015, à laquelle siégeaient :

- Mme Coënt-Bochard, président de chambre,

- M. Dellevedove, premier conseiller,

- M. Cantié, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 16 juin 2015.

Le rapporteur,

C. CANTIÉLe président,

E. COËNT-BOCHARD

Le greffier,

A. LOUNIS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

''

''

''

''

2

N° 14PA04392


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 14PA04392
Date de la décision : 16/06/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme COËNT-BOCHARD
Rapporteur ?: M. Christophe CANTIE
Rapporteur public ?: M. ROUSSET

Origine de la décision
Date de l'import : 25/06/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2015-06-16;14pa04392 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award