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16/07/2015 | FRANCE | N°14PA04205

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 16 juillet 2015, 14PA04205


Vu la requête, enregistrée le 13 octobre 2014, présentée pour Mme B...C..., domiciliée..., par Me A... ; Mme C...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1400485/3-2 du 10 septembre 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 22 octobre 2013 par lequel le préfet de police de Paris a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé son pays de destination ;

2°) d'enjoindre au préfet de police

de lui délivrer une carte de séjour temporaire sous astreinte de 200 euros par ...

Vu la requête, enregistrée le 13 octobre 2014, présentée pour Mme B...C..., domiciliée..., par Me A... ; Mme C...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1400485/3-2 du 10 septembre 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 22 octobre 2013 par lequel le préfet de police de Paris a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé son pays de destination ;

2°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une carte de séjour temporaire sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

3°) à défaut, d'enjoindre au préfet de police de procéder au réexamen de sa situation administrative dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer pendant cet examen une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travailler, sous la même astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 200 euros, au profit de son conseil, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que l'arrêté litigieux est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation et a été pris en méconnaissance des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne et 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 18 juin 2015, présenté par le préfet de police de Paris qui conclut au rejet de la requête ;

Il fait valoir que l'arrêté contesté n'est entaché d'aucune erreur manifeste d'appréciation et n'a pas été pris en méconnaissance des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant, et se réfère pour les autres moyens à ses écritures de première instance ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;

Vu la charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 juin 2015, le rapport de M. Dellevedove, premier conseiller ;

1. Considérant que MmeC..., ressortissante de la République démocratique du Congo née le 15 juin 1984, a déclaré être entrée en France le 15 octobre 2011 ; qu'elle a sollicité le 22 février 2012 un titre de séjour en qualité de réfugiée sur le fondement de l'article L. 314-11.8° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par une décision du 27 septembre 2012, l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA) a refusé de lui reconnaître le statut de réfugié, décision confirmée par une décision du 24 juillet 2013 de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) ; que, par un arrêté en date du 22 octobre 2013, le préfet de police de Paris lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ; que Mme C...relève régulièrement appel du jugement du 10 septembre 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant que Mme C...soutient que les premiers juges n'auraient pas statué sur la " totalité du moyen invoqué " tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'à supposer que la requérante ait entendu ainsi soulever un moyen d'irrégularité du jugement, il ressort des pièces du dossier que les premiers juges ont répondu avec une précision suffisante au moyen susmentionné par une motivation qui rappelle tant les textes applicables que les faits de l'espèce ; qu'ils n'avaient pas à répondre à l'ensemble des arguments présentés à l'appui de ce moyen ; que, dès lors, le jugement n'est entaché à cet égard d'aucun défaut de motivation ni d'omission à statuer ;

Au fond :

3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un État membre de l'Union européenne, d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5 de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) / 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré (...) " ; qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union " ; qu'aux termes du paragraphe 2 de ce même article : " Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ; (...) " ; qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 51 de la Charte : " Les dispositions de la présente Charte s'adressent aux institutions, organes et organismes de l'Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu'aux Etats membres uniquement lorsqu'ils mettent en oeuvre le droit de l'Union. (...) " ; que le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne ; que, toutefois, dans le cas prévu au 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, où la décision faisant obligation de quitter le territoire français est prise concomitamment au refus de délivrance d'un titre de séjour, l'obligation de quitter le territoire français découle nécessairement du refus de titre de séjour ; que le droit d'être entendu n'implique alors pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, dès lors qu'il a pu être entendu avant que n'intervienne la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour ; que lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement ; qu'à l'occasion du dépôt de sa demande, il est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit délivré un titre de séjour et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande ; qu'il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles ; qu'il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux ; que le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de titre de séjour, n'impose pas à l'autorité administrative de mettre l'intéressé à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français qui est prise concomitamment et en conséquence du refus de titre de séjour ;

4. Considérant qu'en l'espèce, la seule circonstance, invoquée par Mme C...que le préfet de police, qui lui a refusé la délivrance du titre de séjour sollicité en assortissant cette décision d'une obligation de quitter le territoire français, ne l'a pas, préalablement à l'édiction de la mesure d'éloignement, de sa propre initiative, expressément informé qu'en cas de rejet de sa demande de titre de séjour, elle serait susceptible d'être contrainte de quitter le territoire français en l'invitant à formuler ses observations sur cette éventualité, n'est pas, eu égard à ce qui a été dit au point 3, de nature à permettre de regarder l'intéressée comme ayant été privée de son droit à être entendue, notamment énoncé au paragraphe 2 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; qu'ainsi l'arrêté contesté n'a méconnu ni le principe général du droit communautaire relatif au respect des droits de la défense ni le droit à une bonne administration consacré à l'article 41 de cette charte ;

5. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales: " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

6. Considérant que, si Mme C...fait valoir la vie privée et familiale qu'elle mène depuis son entrée en France en 2011 auprès de son compagnon, également ressortissant de la République démocratique du Congo, et de leur deux enfants, nés en 2008 et 2012, il ressort des pièces du dossier que son entrée en France est récente, que sa vie maritale n'est pas établie ni, d'ailleurs, la régularité du séjour du père de ses enfants ; qu'elle n'est pas dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine où réside sa fratrie et où elle a vécu au moins jusqu'à l'âge de 27 ans.; qu'ainsi, rien ne s'oppose à ce que la cellule familiale se reconstitue dans le pays d'origine du couple ; que, dans ces conditions, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce et eu égard aux effets d'une mesure de refus d'admission au séjour assortie d'une obligation de quitter le territoire, la décision litigeuse n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; que dès lors, l'arrêté contesté n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que les mêmes circonstances ne sont pas de nature à faire regarder l'arrêté litigieux comme entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée ;

7. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention susvisée relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;

8. Considérant que MmeC..., qui ne démontre pas avoir une vie commune avec le père de ses enfants, n'établit pas ni même n'allègue, que ceux-ci ne pourraient pas la suivre au Congo, l'aîné, encore en bas-âge, pouvant y poursuivre sa scolarité ; qu'elle n'établit pas davantage que le père contribue à l'entretien et à l'éducation de ses enfants ; que, dès lors, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et alors même que le préfet de police n'a pas visé la disposition précitée, Mme C...n'est pas fondée à soutenir que l'intérêt supérieur des ses enfants aurait été méconnu ;

9. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes du dernier alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (...) " ; qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants " ;

10. Considérant que Mme C...fait valoir qu'elle risque d'être exposée à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour au Congo en raison des persécutions qu'elle dit y avoir déjà subies par les services de la présidence de son pays ; que, toutefois, l'intéressée, qui a vu sa demande d'admission au statut de réfugié rejetée, n'apporte, au soutien de ses allégations relatives aux risques que comporterait pour elle le retour dans son pays d'origine, aucun élément suffisamment probant pour établir la réalité de risques auxquels elle serait personnellement exposée et susceptibles de faire obstacle à sa reconduite à destination de son pays d'origine ; que, dans ces conditions, Mme C...n'établit pas que les stipulations de l'article 3 de la convention précitée et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile auraient été méconnues ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête Mme C...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...C...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police de Paris.

Délibéré après l'audience du 30 juin 2015, à laquelle siégeaient :

- Mme Coënt-Bochard, président de chambre,

- M. Dellevedove, premier conseiller,

- M. Cantié, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 16 juillet 2015.

Le rapporteur,

E. DELLEVEDOVELe président,

E. COËNT-BOCHARDLe greffier,

A. LOUNIS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 14P04205


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 14PA04205
Date de la décision : 16/07/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme COËNT-BOCHARD
Rapporteur ?: M. Ermès DELLEVEDOVE
Rapporteur public ?: M. ROUSSET
Avocat(s) : PIEROT

Origine de la décision
Date de l'import : 30/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2015-07-16;14pa04205 ?
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