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16/07/2015 | FRANCE | N°14PA04597

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 16 juillet 2015, 14PA04597


Vu la requête, enregistrée le 12 novembre 2014, présentée pour M. B... A..., demeurant..., par Me C... ; M. A... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1405333/3-3 du 28 octobre 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 20 février 2014 par lequel le préfet de police de Paris lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et de la décision en date du 10 juillet 2013 par laquelle le préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris - direction régionale des entreprises, de la concur

rence, de la consommation, du travail et de l'emploi- (DIRECCTE), a rejeté...

Vu la requête, enregistrée le 12 novembre 2014, présentée pour M. B... A..., demeurant..., par Me C... ; M. A... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1405333/3-3 du 28 octobre 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 20 février 2014 par lequel le préfet de police de Paris lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et de la décision en date du 10 juillet 2013 par laquelle le préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris - direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi- (DIRECCTE), a rejeté sa demande d'autorisation de travail ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions susmentionnées ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une autorisation de travail dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, ou de réexaminer sa situation administrative ;

4°) de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- le jugement fait montre d'une mauvaise appréciation des faits de l'espèce, d'une erreur quant aux fondements invoqués et soutenus devant les premiers juges et d'une contradiction de motifs ;

- le signataire de l'arrêté était incompétent, que l'arrêté est insuffisamment motivé et entaché d'un défaut d'examen particulier de sa situation, d'un vice de procédure, d'une erreur manifeste d'appréciation et a été pris en méconnaissance de la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012, des articles L. 313-4-1, L. 313-10 et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 3-1, 7, 9 et 16 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la décision de refus de titre de séjour est illégale par voie d'exception d'illégalité de la décision de la DIRECCTE ;

Vu le jugement et les décisions attaqués ;

Vu les pièces dont il résulte que la requête a été communiquée au préfet de police de Paris, qui n'a pas présenté d'observations ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée relative à la motivation des actes administratifs ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 juin 2015, le rapport de M. Dellevedove, premier conseiller ;

1. Considérant que M.A..., ressortissant ivoirien né le 1er janvier 1970, déclare être entré en France le 27 mars 2011 ; qu'il est titulaire d'une carte de résident de longue durée-UE délivrée par les autorités italiennes ; qu'il a sollicité le 20 juin 2013 la délivrance d'un titre de séjour mention " salarié " ; que, par une décision en date du 10 juillet 2013, le préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris - direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) - a rejeté sa demande d'autorisation de travail, refus qui a conduit, par un arrêté en date du 20 février 2014, le préfet de police de Paris à lui refuser la délivrance d'un titre de séjour ; que M. A...fait appel du jugement en date du 28 octobre 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux décisions ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant qu'il résulte de l'examen du jugement attaqué que les premiers juges ont effectivement statué sur le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la décision de refus d'autorisation de travail ; que, rejetant la demande dont ils étaient saisis, ils doivent être regardés, en tout état de cause, comme ayant rejeté les conclusions initiales de M. A...dirigées contre cette décision non reprises expressément dans son mémoire en réplique ; que, dans ces conditions, nonobstant la circonstance que, dans leur visa dudit mémoire en réplique, ils ont considéré que l'intéressé avait abandonné ses conclusions tendant à l'annulation de cette décision, le jugement n'est entaché à cet égard d'aucune omission à statuer ou irrégularité ;

3. Considérant que le moyen tiré d'une contradiction dont serait entaché le jugement n'est pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé, et, en tout état de cause, est un moyen relevant, non de l'examen de l'irrégularité du jugement entrepris, mais de son bien-fondé ;

Au fond :

4. Considérant, en premier lieu, que l'arrêté contesté a été signé pour le préfet de police par M. René Burgues, conseiller d'administration de l'intérieur et de l'outre-mer, chef du 9e Bureau, qui disposait à cet effet d'une délégation de signature régulière donnée par un arrêté du 28 août 2013, publié le 3 septembre 2013 au bulletin municipal officiel de la ville de Paris ; que, dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte manque en fait et doit être écarté ;

5. Considérant, en deuxième lieu, que, contrairement à ce que soutient le requérant, l'arrêté contesté comporte l'exposé des motifs de fait et de droit qui en constituent le fondement et que le préfet s'est livré à un examen particulier de la situation personnelle et familiale de l'intéressé ; que, dès lors, les moyens tirés de l'insuffisante motivation de l'arrêté litigieux et du défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ne peuvent qu'être écartés ;

6. Considérant, en troisième lieu, qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'impose la notification de la décision de refus d'autorisation de travail au ressortissant étranger pour l'emploi duquel son employeur a sollicité la délivrance de cette autorisation de travail ; que M. A...n'est, par suite, pas fondé à soutenir que l'arrêté préfectoral du 20 février 2014 lui refusant la délivrance d'une carte de séjour " salarié " serait entaché d'un vice de procédure dès lors que la décision d'autorisation de travail ne lui a pas été notifiée ;

7. Considérant, en quatrième lieu, que M. A...n'établit pas avoir présenté une demande de titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de police, qui n'y était nullement tenu, aurait, d'office, accepté d'examiner sa situation sur un tel fondement ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions ne peut qu'être écarté comme inopérant ;

8. Considérant, en cinquième lieu, que les énonciations de la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière dans le cadre des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne constituent pas des lignes directrices dont les intéressés peuvent utilement se prévaloir devant le juge ; que, par suite, M. A...n'est pas fondé à soutenir que le préfet de police aurait entaché sa décision d'illégalité en ne prenant pas en compte les énonciations de cette circulaire dépourvue de caractère réglementaire ;

9. Considérant, en sixième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-4-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger titulaire de la carte de résident de longue durée-CE définie par les dispositions communautaires applicables en cette matière et accordée dans un autre Etat membre de l'Union européenne qui justifie de ressources stables et suffisantes pour subvenir à ses besoins et, le cas échéant, à ceux de sa famille ainsi que d'une assurance maladie obtient, sous réserve qu'il en fasse la demande dans les trois mois qui suivent son entrée en France et sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée : (...) 5° Une carte de séjour temporaire portant la mention de l'activité professionnelle pour laquelle il a obtenu l'autorisation préalable requise, dans les conditions définies, selon le cas, aux 1°, 2° ou 3° de l'article L. 313-10 (...) " ; que l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " La carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée : 1° A l'étranger titulaire d'un contrat de travail visé conformément aux dispositions de l'article L. 341-2 du code du travail. Pour l'exercice d'une activité professionnelle salariée dans un métier et une zone géographique caractérisés par des difficultés de recrutement et figurant sur une liste établie au plan national par l'autorité administrative, après consultation des organisations syndicales d'employeurs et de salariés représentatives, l'étranger se voit délivrer cette carte sans que lui soit opposable la situation de l'emploi sur le fondement du même article L. 341-2 (...) " ; qu'enfin, aux termes de l'article L. 5221-2 du code du travail reprenant les dispositions de l'article L. 341-2 de ce même code : " Pour entrer en France en vue d'y exercer une profession salariée, l'étranger présente : 1° Les documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur ; 2° Un contrat de travail visé par l'autorité administrative ou une autorisation de travail " ; qu'aux termes de l'arrêté du 18 janvier 2008 relatif à la délivrance, sans opposition de la situation de l'emploi, des autorisations de travail aux étrangers non ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse : " La situation de l'emploi ou l'absence de recherche préalable de candidats déjà présents sur le marché du travail n'est pas opposable à une demande d'autorisation de travail présentée pour un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse souhaitant exercer une activité professionnelle dans un métier et une zone géographique caractérisés par des difficultés de recrutement et figurant sur la liste annexée au présent arrêté " ;

10. Considérant que le requérant invoque, par voie d'exception, l'illégalité de la décision de refus d'autorisation de travail du 10 juillet 2013 ; que, toutefois, l'emploi de chauffeur routier ne figure pas sur la liste annexée à l'arrêté susvisé du 18 janvier 2008 ; qu'il ressort des données statistiques de Pôle emploi que les demandes d'emploi de chauffeur-routier en Ile-de-France étaient au nombre de 8 860 pour 4 501 offres, ce qui ne permet pas de qualifier la zone géographique considérée comme caractérisée à cet égard par des difficultés de recrutement ; qu'il ressort également des pièces du dossier que, si la société 2Dia Transport qui souhaite procéder à l'embauche de M.A..., a effectivement déposé une annonce sur le site de Pôle Emploi en vue de recruter un chauffeur poids-lourd, au moins deux curriculums vitae produits remplissent les critères posés par cette offre d'emploi alors qu'il résulte du curriculum vitae de M. A...qu'il ne remplit pas les critères de l'offre d'emploi déposée par la société 2Dia, notamment celui nécessitant 2 ans d'expérience sur le poste de chauffeur de poids lourd ; qu'enfin, si la société 2Dia fait valoir que M. A...parle italien, cette exigence n'apparaît pas dans l'offre d'emploi déposée auprès de Pôle Emploi ; que, dans ces conditions, les moyens tirés de la méconnaissance des articles L. 313-4-1 et L. 313-10.1° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés ;

11. Considérant, en septième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir d'ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et des libertés d'autrui " ;

12. Considérant que M. A...se prévaut de la vie familiale qu'il mène en France avec son épouse et ses trois enfants ; que, toutefois, son épouse séjourne irrégulièrement sur le territoire ; que le requérant n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où réside sa mère ; que la circonstance que les ainés de ses enfants, âgés de 14 et 7 ans à la date de l'arrêté litigieux sont scolarisés en France ne suffit pas à faire obstacle à ce que la cellule familiale se reconstitue dans son pays d'origine ou en Italie, l'intéressé étant titulaire d'une carte de séjour " résident longue durée UE " délivrée par les autorités italiennes le 30 septembre 2010 et à durée de validité illimitée ; que, dans ces conditions, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce et eu égard aux effets d'une mesure de refus d'admission au séjour, l'arrêté susvisé n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que, dès lors, l'arrêté contesté n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que ces mêmes circonstances ne sont pas de nature à faire regarder l'arrêté litigieux comme entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé ;

13. Considérant, en huitième lieu, que, d'une part, M. A...ne saurait utilement se prévaloir des articles 7 et 9 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, dépourvus d'effet direct ; que, d'autre part, la décision en litige, qui n'a ni pour objet, ni pour effet de séparer M. A...de ses enfants dès lors qu'aucun obstacle ne s'oppose à ce qu'il reconstitue sa vie familiale en Italie ou dans son pays d'origine, ne saurait être regardée comme portant atteinte, à cet égard, à l'intérêt supérieur des ses enfants en méconnaissance des articles 3-1 et 16 de cette convention ;

14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 30 juin 2015, à laquelle siégeaient :

- Mme Coënt-Bochard, président de chambre,

- M. Dellevedove, premier conseiller,

- M. Cantié, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 16 juillet 2015.

Le rapporteur,

E. DELLEVEDOVELe président,

E. COËNT-BOCHARDLe greffier,

A. LOUNIS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 14PA04597


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Emploi des étrangers - Mesures individuelles - Titre de travail.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : Mme COËNT-BOCHARD
Rapporteur ?: M. Ermès DELLEVEDOVE
Rapporteur public ?: M. ROUSSET
Avocat(s) : SHEBABO

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Date de la décision : 16/07/2015
Date de l'import : 30/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 14PA04597
Numéro NOR : CETATEXT000030912325 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2015-07-16;14pa04597 ?
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