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31/07/2015 | FRANCE | N°14PA01896

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 31 juillet 2015, 14PA01896


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...D...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 18 octobre 2013 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il serait reconduit d'office à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 1316685 du 27 mars 2014, le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du préfet de police du 18 octobre 2013 et enjoint au p

réfet de délivrer à M. D... un titre de séjour portant la mention " vie privée et famili...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...D...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 18 octobre 2013 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il serait reconduit d'office à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 1316685 du 27 mars 2014, le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du préfet de police du 18 octobre 2013 et enjoint au préfet de délivrer à M. D... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ".

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 28 avril 2014, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1316685 du 27 mars 2014 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. D...devant le Tribunal administratif de Paris.

Il soutient que :

- le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant est inopérant à l'encontre d'un refus de délivrance d'un titre de séjour dès lors que cette décision n'implique pas, par elle-même, l'éloignement du territoire de l'étranger ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas contraire à ces mêmes stipulations dans la mesure notamment où, d'une part, M. D...n'établit pas la réalité de la vie commune avec la mère de son enfant, d'autre part, il n'établit pas participer à l'entretien et à l'éducation de son enfant, enfin, à supposer l'existence d'une vie commune, il ne fait état d'aucune circonstance particulière rendant impossible la poursuite de la vie familiale en République démocratique du Congo.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 mars 2015, M.D..., représenté par MeC..., demande à la Cour :

1°) de rejeter la requête du préfet de police ;

2°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une carte de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans le même délai de quinze jours et sous la même astreinte ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par le préfet de police ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- le code de justice administrative.

Par décision du président de la formation de jugement, le rapporteur public a été dispensé, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Mme Dhiver a présenté son rapport au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Le préfet de police relève appel du jugement du 27 mars 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a, d'une part, annulé son arrêté du 18 octobre 2013 refusant de délivrer à M.D..., ressortissant de la République démocratique du Congo, un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, d'autre part, lui a enjoint de délivrer à l'intéressé un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ".

2. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.

3. M.D..., entré en France en 2004, est le père d'un enfant né en France le 6 juillet 2006. La mère de cet enfant, également ressortissante de la République démocratique du Congo, a aussi une autre enfant, de nationalité française, née le 13 juin 2011. Pour juger que l'arrêté du 18 octobre 2013 méconnaît le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, les premiers juges ont estimé que M. D... participait à l'entretien et à l'éducation de son fils Dieumerci, que la mère de cet enfant, MmeB..., avait vocation à rester en France et que l'exécution de l'arrêté impliquait nécessairement une séparation de la cellule familiale.

4. M. D...et Mme B...se sont séparés en 2011, année au cours de laquelle Mme B...a donné naissance à un enfant de nationalité française, Grâce. Si

M. D...a soutenu en première instance que cette séparation n'avait été que de courte durée, il ressort des pièces du dossier, notamment des fiches qu'ils ont complétés en préfecture en vue d'obtenir un titre de séjour, que les intéressés demeuraient toujours à des adresses distinctes en 2012 et 2013 et que Mme B...a indiqué le 14 mai 2012, à l'appui de sa demande de titre, vivre en concubinage avec un autre ressortissant congolais. Aucun document versé au dossier par M. D...ne fait apparaître que, comme il le soutient, il aurait repris une vie commune avec MmeB.... Pour justifier de ce qu'il contribue à l'entretien et à l'éducation de son fils, l'intimé a principalement produit des pièces anciennes, datant pour certaines de la période antérieure à la séparation et pour les autres de 2011, au demeurant de faible valeur probante. Il produit aussi un certificat du médecin du centre médico-psychologique où Dieumerci a été suivi qui, ne portant que sur la période d'avril 2011 à octobre 2012, ne permet pas d'attester que l'intimé continuait à s'occuper de son fils à la date de la décision litigieuse, tout comme l'attestation de la directrice d'école maternelle. Le seul élément récent est l'attestation de la directrice d'école primaire qui, eu égard aux termes très généraux dans lesquels elle est rédigée, ne suffit pas à établir que M. D... participe effectivement à l'éducation de son fils. En outre, à supposer que la communauté de vie ait reprise entre M. D...et MmeB..., il ne ressort pas des pièces du dossier que l'état de santé de Dieumerci serait d'une gravité telle qu'il devrait nécessairement rester en France pour se faire soigner, ni même qu'il ferait toujours l'objet d'un suivi pédopsychiatrique. Il n'est par ailleurs ni démontré ni même allégué que le père de Grâce exercerait un droit de visite régulier sur son enfant et participerait à son éducation. Dans ces conditions, à supposer même que M. D... vit à nouveau avec sa compagne, rien ne s'oppose à ce que le couple puisse reconstituer la cellule familiale en République démocratique du Congo où Mme B...a par ailleurs quatre enfants, dont deux mineurs à la date de la décision contestée. Par suite, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, le préfet de police n'a pas méconnu le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Il est donc fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a annulé son arrêté du 18 octobre 2013 pour ce motif.

5. Il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. D...devant le Tribunal administratif de Paris et devant elle-même.

6. En premier lieu, l'arrêté contesté vise notamment l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il précise que M. D...ne remplit pas les conditions prévues pour l'obtention d'un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il n'est pas en mesure de justifier de la réalité de son ancienneté sur le territoire, qu'il n'atteste pas de l'intensité d'une vie privée et familiale établie sur le territoire, qu'il ne peut justifier de la réalité et de l'ancienneté d'une vie commune avec la mère de son enfant né en France et de nationalité congolaise, qu'il ne justifie pas subvenir aux besoins de son enfant, et, enfin, qu'il n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales à l'étranger. Ainsi, l'arrêté contesté énonce les considérations de droit et de fait qui fondent la décision portant refus de titre de séjour. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision doit donc être écarté.

7. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. D...n'a pas sollicité une régularisation à titre exceptionnel de son séjour. Saisi d'une demande de titre de séjour sur le seul fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de police n'était pas tenu d'examiner d'office si l'intéressé remplissait les conditions prévues par l'article L. 313-14 du même code.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

9. Ainsi qu'il a été dit au point 4, M. D...n'établit pas vivre en concubinage avec la mère de son enfant, ni participer à l'entretien et à l'éducation de cet enfant. Dans ces conditions, la décision portant refus de titre de séjour n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

10. En quatrième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en refusant de délivrer un titre de séjour à M.D..., le préfet de police aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressé.

11. En cinquième lieu, en dehors des cas où il satisfait aux conditions fixées par la loi, ou par un engagement international, pour la délivrance d'un titre de séjour, un étranger ne saurait se prévaloir d'un droit à l'obtention d'un tel titre. S'il peut, à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir formé contre une décision préfectorale refusant de régulariser sa situation par la délivrance d'un titre de séjour, soutenir que la décision du préfet, compte tenu de l'ensemble des éléments de sa situation personnelle, serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, il ne peut utilement se prévaloir des orientations générales que le ministre de l'intérieur a pu adresser aux préfets pour les éclairer dans la mise en oeuvre de leur pouvoir de régularisation. Par suite, M. D...ne peut utilement se prévaloir des énonciations de la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière pour soutenir qu'il remplit les critères fixés par cette circulaire.

12. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés précédemment, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni celles paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Elle n'est pas non plus entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

13. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 18 octobre 2013. Par voie de conséquence, les conclusions de M. D...aux fins d'injonction et d'astreinte et celles qu'il présente sur le fondement de l'article L. 761-1 ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1316685 du 27 mars 2014 du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. D...devant le Tribunal administratif de Paris est rejetée, ainsi que ses conclusions d'appel.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A...D....

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 22 juin 2015 à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président de chambre,

- M. Marino, président assesseur,

- Mme Dhiver, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 31 juillet 2015.

Le rapporteur,

M. DHIVERLe président,

J. LAPOUZADE

Le greffier,

A. CLEMENT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 14PA01896


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03-04 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour. Motifs.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: Mme Martine DHIVER
Rapporteur public ?: M. SORIN
Avocat(s) : AUCHER-FAGBEMI

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Date de la décision : 31/07/2015
Date de l'import : 13/08/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 14PA01896
Numéro NOR : CETATEXT000030982795 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2015-07-31;14pa01896 ?
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