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31/07/2015 | FRANCE | N°14PA02893

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 10ème chambre, 31 juillet 2015, 14PA02893


Vu la requête, enregistrée le 2 juillet 2014, présentée par le préfet de police qui demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1402805/1-1 du 4 juin 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a d'une part, annulé son arrêté du 24 janvier 2014 rejetant la demande de carte de séjour de M. A... et faisant obligation à l'intéressé de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant son pays de destination, et, d'autre part, lui a enjoint de délivrer à M. A...un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entr

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Vu la requête, enregistrée le 2 juillet 2014, présentée par le préfet de police qui demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1402805/1-1 du 4 juin 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a d'une part, annulé son arrêté du 24 janvier 2014 rejetant la demande de carte de séjour de M. A... et faisant obligation à l'intéressé de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant son pays de destination, et, d'autre part, lui a enjoint de délivrer à M. A...un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans un délai de deux mois à compter de la notification de ce jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A...devant le Tribunal administratif de Paris ;

Il soutient que :

- c'est à tort que le Tribunal administratif de Paris a estimé que son arrêté du 24 janvier 2014 a porté une atteinte à la vie privée et familiale de M.A..., au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- ces stipulations ne sauraient avoir pour objet ni pour effet de permettre à un étranger de choisir son pays de résidence ;

- M. A...a été condamné pénalement à de multiples reprises de 2008 à 2013 pour des faits graves et répétés, notamment pour violence commise en réunion et conduite de véhicule sans permis sous l'empire d'un état alcoolique en récidive, si bien que sa présence sur le territoire constitue une menace pour l'ordre public ;

- c'est conscient du caractère répété des infractions pénales commises et de la particulière précarité de sa situation administrative que M. A...a entendu fonder une famille ;

- rien ne s'oppose à ce que M. A...poursuive avec sa compagne et leur fille leur vie familiale en Chine où il a vécu jusqu'à l'âge de seize ans et où, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal administratif, ses parents et son frère résident d'après ses propres déclarations, étant précisé qu'il pourra y exercer sa profession de cuisiner ;

- la durée de résidence de M. A...ne constitue pas par elle même une considération humanitaire ou un motif exceptionnel justifiant la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- au regard de la gravité et du caractère répété des infractions pénales commises par

M.A..., et conformément à la jurisprudence, l'arrêté attaqué ne saurait être regardé comme portant une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ;

- le préfet de police entend conserver le bénéfice de ses écritures de première instance en ce qui concerne les autres moyens soulevés par M. A...devant le Tribunal administratif de Paris ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu la mise en demeure adressée le 13 avril 2015 à M.A..., en application de l'article

R. 612-3 du code de justice administrative, et l'avis de réception de cette mise en demeure ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 juillet 2015 :

- le rapport de Mme Mielnik-Meddah, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Ouardes, rapporteur public ;

1. Considérant que M.A..., né en 1986 à Zhejiang, en Chine, est entré en France selon ses déclarations en septembre 2002 à l'âge de seize ans et y réside depuis lors d'une manière continue ; qu'il vit en concubinage avec une compatriote en situation régulière avec laquelle il a eu un enfant née en France le 27 mai 2013 ; qu'il a obtenu un certificat d'aptitude professionnelle (CAP) " cuisine " dans l'académie de Caen en 2005 ; qu'il s'est vu délivrer une première carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " valable du 2 août 2005 au

1er août 2006 par le préfet du Calvados régulièrement renouvelé jusqu'au refus qui lui a été opposé par l'arrêté du 23 novembre 2011 du préfet de police ; qu'ayant sollicité son admission au séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, par arrêté du 24 janvier 2014, le préfet de police a rejeté sa demande et a assorti sa décision d'une obligation de quitter le territoire français en fixant le pays de renvoi en dépit de l'avis favorable de la commission du titre de séjour ; que, par jugement du 4 juin 2014, le Tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté, a enjoint au préfet de police de délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement ; que le préfet de police relève régulièrement appel de ce jugement ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que pour refuser le titre de séjour sollicité par M.A..., le préfet de police a fait valoir que si l'intéressé séjourne en France de façon habituelle depuis plus de dix ans, il a été condamné pour de multiples infractions entre 2008 et 2013 ; que comme le mentionne l'arrêté du 24 janvier 2014, le tribunal correctionnel de Paris, par un jugement du 10 mars 2008, a condamné M. A... à une peine d'emprisonnement avec sursis d'un mois pour s'être rendu coupable de violence commise en réunion suivie d'incapacité n'excédant pas huit jours et dégradation grave du bien d'autrui commise en réunion ; que les dégradations du bien d'autrui à l'origine de cette condamnation, qui ont eu lieu le 15 avril 2007 dans un débit de boissons, ont concerné dix verres, six tasses à café et une vitre ; que le même tribunal, par un deuxième jugement du 30 septembre 2008, a condamné M. A... à 500 euros d'amende pour s'être rendu coupable, au cours dudit mois, de détention, usage illicite et acquisition non autorisée de stupéfiants, à savoir de l'ecstasy et de la kétamine, ainsi que de détention frauduleuse de faux document administratif, à savoir un permis de conduire international ; que la même juridiction a, le 8 juillet 2009, condamné M. A... à 400 euros d'amende et à une suspension de permis de six mois pour conduite sous l'empire d'un état alcoolique, puis, le 12 mai 2011, à 50 jours-amende à 10 euros à titre principal avec annulation de son permis de conduire et interdiction de solliciter la délivrance d'un nouveau permis pendant dix mois, pour récidive de conduite de véhicule sans permis sous l'empire d'un état alcoolique et enfin, le 19 février 2013, à trois mois d'emprisonnement pour conduite d'un véhicule à moteur malgré l'annulation judiciaire de son permis de conduire ;

4. Considérant, toutefois, que nonobstant les infractions pénales commises par M. A..., et alors même que la peine, privative de liberté, mais qui, néanmoins, ne figure pas sur le bulletin numéro 2 délivré le 19 avril 2013, a été prononcée en février 2013, soit à peine un an avant l'édiction de l'arrêté préfectoral en litige, la plupart des condamnations qui lui ont été infligées sont relativement légères ; que, dans ces conditions, la présence de M. A...sur le territoire ne peut être regardée comme constituant une menace pour l'ordre public ; que, d'autre part, l'intéressé est entré en France en 2002 à l'âge de 16 ans, qu'y résidant depuis lors de manière continue, il y exerce, après avoir obtenu un CAP en 2005, le métier de cuisinier au sein du même restaurant depuis 2008, s'y acquitte de cotisations d'impôt sur le revenu et y vit en concubinage avec une compatriote en situation régulière sur le territoire français, dont il a eu une fille, née le 27 mai 2013 ; qu'ainsi, dans les circonstances particulières de l'espèce, et alors même que M. A...a déclaré aux services de la préfecture de police avoir ses parents et un frère en Chine, la décision litigieuse a porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise ; que, dans ces conditions, c'est à bon droit que le Tribunal administratif de Paris a estimé, pour l'annuler, que l'arrêté en litige refusant à M. A...la délivrance d'un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire a méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté en date du 24 janvier 2014 refusant à M. A...la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête du préfet de police est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B...A....

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 3 juillet 2015 à laquelle siégeaient :

M. Krulic, président,

Mme Mielnik-Meddah, premier conseiller,

Mme Amat, premier conseiller,

Lu en audience publique le 31 juillet 2015.

Le rapporteur,

A. MIELNIK-MEDDAH

Le président,

J. KRULIC

Le greffier,

C. DABERT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice, à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 14PA02893


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 10ème chambre
Numéro d'arrêt : 14PA02893
Date de la décision : 31/07/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. KRULIC
Rapporteur ?: Mme Anne MIELNIK-MEDDAH
Rapporteur public ?: M. OUARDES

Origine de la décision
Date de l'import : 11/08/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2015-07-31;14pa02893 ?
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