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29/09/2015 | FRANCE | N°14PA01518

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 10ème chambre, 29 septembre 2015, 14PA01518


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS Sloveg a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des rappels d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée, ainsi que de l'amende prévue par l'article 1759 du code général des impôts, dont le paiement lui est réclamé au titre de l'année 2008, en qualité de solidaire de la société PEP 75, sur le fondement de l'article 1724 quater du même code.

Par un jugement n° 1303097/1-3 du 7 février 2014, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa dema

nde.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregist...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS Sloveg a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des rappels d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée, ainsi que de l'amende prévue par l'article 1759 du code général des impôts, dont le paiement lui est réclamé au titre de l'année 2008, en qualité de solidaire de la société PEP 75, sur le fondement de l'article 1724 quater du même code.

Par un jugement n° 1303097/1-3 du 7 février 2014, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 7 avril 2014 et

26 juin 2015, la SAS Sloveg représentée par Me A... et MeB..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1303097/1-3 du 7 février 2014 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge sollicitée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- en s'abstenant de l'informer de la procédure diligentée à l'encontre de la SARL PEP 75 et en lui communiquant la proposition de rectification qui a été notifiée à celle-ci seulement dans le cadre de la décision de rejet de sa réclamation contentieuse, au surplus un an et demi après sa demande initiale, l'administration a méconnu les droits de la défense et le principe du contradictoire ;

- c'est à tort que l'administration a mis en oeuvre à son encontre la procédure de solidarité prévue à l'article 1724 quater du code général des impôts dès lors qu'en qualité d'entrepreneur principal elle possédait, dès la première facturation et pendant toute la durée du contrat, tous les documents obligatoires que la SARL PEP 75 était en mesure de lui fournir compte tenu de sa date de création ;

- la circulaire DILTI du 31 décembre 2005 dresse la liste des documents à fournir pour une société commerciale créée depuis plus d'un an, ce qui n'était pas le cas de la société PEP 75 lors de la conclusion du contrat de sous-traitance ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 septembre 2014, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Le ministre des finances et des comptes publics fait valoir que les moyens soulevés par la société Sloveg ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Mielnik-Meddah,

- et les conclusions de M. Ouardes, rapporteur public.

1. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SARL PEP 75, immatriculée au registre du commerce et des sociétés le 29 janvier 2008, a réalisé en vertu d'un contrat cadre de sous-traitance signé le 15 janvier 2008, et jusqu'au 31 décembre de la même année, des travaux pour le compte de la société Sloveg exerçant une activité de maitre d'oeuvre dans le secteur du bâtiment ; que la société PEP 75 a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration lui a notifié le 17 septembre 2010 les rectifications d'impôt sur les sociétés, les rappels de taxe sur la valeur ajoutée ainsi que les majorations correspondantes opérés, selon la procédure de taxation d'office, respectivement au titre de l'année 2008 et de la période allant du 1er janvier 2008 au 30 avril 2009 ; que l'administration a également estimé que les sommes résultant des rehaussements des résultats imposables à l'impôt sur les sociétés constituaient des revenus distribués et en l'absence de réponse à la demande de désignation des bénéficiaires de ces distributions, a mis à la charge de la société l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts ; que cette société a en outre fait l'objet d'un procès-verbal en date du 28 juin 2010 constatant des faits de travail dissimulé ; qu'à défaut de paiement des impositions et de l'amende par la société PEP 75, le comptable public, sur le fondement de l'article 1724 quater du code général des impôts alors applicable, a émis en dernier lieu des avis de mise en recouvrement le 25 mai 2011 constituant les titres exécutoires nécessaires pour réclamer à la société Sloveg, en sa qualité de débiteur solidaire de la société PEP 75, le paiement des impositions et de l'amende dues par cette dernière et à due proportion du chiffre d'affaires réalisé avec elle ; que la société Sloveg a présenté une réclamation contestant la mise en oeuvre par le comptable de la solidarité de paiement prévue par les dispositions de l'article 1724 quater du code général des impôts ; que la société Sloveg, après avoir en vain demandé la décharge des impositions et majorations dont le paiement lui a été réclamé en sa qualité de débiteur solidaire de la société PEP 75 sur le fondement de l'article 1724 quater du code général des impôts, relève appel du jugement en date du 7 février 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;

Sur le non-respect des droits de la défense et du principe du contradictoire :

2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 1724 quater du code général des impôts, issu du décret du 1er avril 2008 portant incorporation au code général des impôts de divers textes modifiant et complétant certaines dispositions de ce code, qui reprend, en substance, dans ce code, des dispositions législatives elles-mêmes issues de l'ordonnance du 12 mars 2007 relative au code du travail (partie législative) : " Toute personne qui ne procède pas aux vérifications prévues à l'article L. 8222-1 du code du travail ou qui a été condamnée pour avoir recouru directement ou par personne interposée aux services de celui qui exerce un travail dissimulé est, conformément à l'article L. 8222-2 du même code, tenue solidairement au paiement des sommes mentionnées à ce même article dans les conditions prévues à l'article L. 8222-3 du code précité " ;

3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 8222-2 du code du travail : " Toute personne qui méconnaît les dispositions de l'article L. 8222-1, ainsi que toute personne condamnée pour avoir recouru directement ou par personne interposée aux services de celui qui exerce un travail dissimulé, est tenue solidairement avec celui qui a fait l'objet d'un procès-verbal pour délit de travail dissimulé : / 1° Au paiement des impôts, taxes et cotisations obligatoires ainsi que des pénalités et majorations dus par celui-ci au Trésor ou aux organismes de protection sociale ; / (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 8222-3 du même code : " Les sommes dont le paiement est exigible en application de l'article L. 8222-2 sont déterminées à due proportion de la valeur des travaux réalisés, des services fournis, du bien vendu et de la rémunération en vigueur dans la profession " ; et qu'aux termes de l'article R. 8222-5 dudit code reprenant intégralement les obligations prévues à l'article R. 324-4 du code du travail abrogé le 1er mai 2008 : " La personne qui contracte, lorsqu'elle n'est pas un particulier répondant aux conditions fixées par l'article D. 8222-4, est considérée comme ayant procédé aux vérifications imposées par l'article L.8222-1 si elle se fait remettre par son cocontractant, lors de la conclusion et tous les six mois jusqu'à la fin de son exécution : / 1° Dans tous les cas, les documents suivants : / a) Une attestation de fourniture de déclarations sociales émanant de l'organisme de protection sociale chargé du recouvrement des cotisations et des contributions sociales incombant au cocontractant et datant de moins de six mois ; / b) Une attestation sur l'honneur du cocontractant du dépôt auprès de l'administration fiscale, à la date de l'attestation, de l'ensemble des déclarations fiscales obligatoires et le récépissé du dépôt de déclaration auprès d'un centre de formalités des entreprises lorsque le cocontractant n'est pas tenu de s'immatriculer au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers et n'est pas en mesure de produire les documents mentionnés au a ou au b du 2° du présent article. / 2° Lorsque l'immatriculation du cocontractant au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers est obligatoire ou lorsqu'il s'agit d'une profession réglementée, l'un des documents suivants : / a) Un extrait de l'inscription au registre du commerce et des sociétés (K ou K bis) ; / b) Une carte d'identification justifiant de l'inscription au répertoire des métiers ; / c) Un devis, un document publicitaire ou une correspondance professionnelle, à condition qu'y soient mentionnés le nom ou la dénomination sociale, l'adresse complète et le numéro d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers ou à une liste ou un tableau d'un ordre professionnel, ou la référence de l'agrément délivré par l'autorité compétente ; / d) Un récépissé du dépôt de déclaration auprès d'un centre de formalités des entreprises pour les personnes en cours d'inscription. / 3° Lorsque le cocontractant emploie des salariés, une attestation sur l'honneur établie par ce cocontractant, à la date de signature du contrat et tous les six mois jusqu'à la fin de l'exécution du contrat, de la réalisation du travail par des salariés employés régulièrement au regard des articles L. 320, L. 143-3 et R. 143-2 " ;

4. Considérant que si le débiteur solidaire de l'impôt ou des cotisations sociales ainsi que des pénalités et majorations afférentes n'est pas officiellement informé de l'existence d'une procédure d'établissement de l'impôt ou des cotisations ou d'infliction d'une pénalité au débiteur principal, il doit cependant bénéficier de garanties lui permettant de contester tant la régularité de la procédure à l'issue de laquelle l'impôt, les cotisations, les pénalités ou les majorations sont mis à la charge du redevable principal que le bien-fondé et l'exigibilité des impôts, taxes et cotisations obligatoires ainsi que des pénalités et majorations y afférentes au paiement solidaire desquels il est tenu ;

5. Considérant que le principe du respect des droits de la défense n'imposait pas à l'administration d'informer préalablement à l'émission des avis de mise en recouvrement la société Sloveg de l'existence d'une procédure de rectification de l'impôt à la charge du débiteur principal, ni, comme l'a jugé à juste titre le tribunal administratif, de la mise en cause de sa solidarité en tant que donneur d'ouvrage ayant recouru directement ou par personne interposée aux services de celui qui exerce un travail dissimulé, alors que cette mise en cause pouvait être contestée par la voie contentieuse ;

6. Considérant en outre, comme l'a également jugé le tribunal administratif, que les avis de mise en recouvrement notifiés à la société Sloveg pour obtenir le paiement d'une partie des impositions et majorations mises à la charge de sa sous-traitante sur le fondement de l'article 1724 quater du code général des impôts comportent les indications nécessaires à la connaissance des sommes qui font l'objet de ces avis, ainsi que la référence à la proposition de rectification et à la lettre de motivation des pénalités adressées à la société PEP 75, dont il n'est pas contesté qu'elles ont été jointes à la décision du 17 janvier 2013 par laquelle l'administration a rejeté la réclamation préalable de la société requérante ; que si la requérante fait valoir à juste titre que le secret professionnel auquel sont soumis les agents des impôts en vertu des dispositions de l'article L. 103 du livre des procédures fiscales n'est pas, s'agissant du débiteur solidaire de l'impôt, opposable à celui-ci dans la mesure où les pièces couvertes par le secret sont utiles à l'exercice de son droit de réclamation, dans la limite de la solidarité prononcée à son encontre, il résulte de l'instruction qu'ont été portées à sa connaissance les pièces nécessaires à l'exercice de ses droits, et notamment le procès-verbal constatant les faits de travail dissimulé établi le 28 juin 2010 ; que la société Sloveg n'établit pas, ni même n'allègue que l'administration fiscale aurait refusé de lui communiquer, en dépit de sa demande, des éléments de la procédure diligentée à l'encontre de la société PEP 75 ; qu'ainsi alors même que la proposition de rectification adressée à la SARL PEP 75 ne lui a été communiquée que lors de la notification le 17 janvier 2013 de la décision portant rejet de sa propre réclamation, la société Sloveg a été mise à même de contester, avant même la saisine du juge de l'impôt, le bien-fondé et l'exigibilité des impôts ainsi que des pénalités et majorations y afférentes au paiement solidaire desquels elle est tenue sur le fondement de l'article 1724 quater du code général des impôts ; qu'elle n'est, dès lors, pas fondée à soutenir qu'auraient été méconnus les droits de la défense et le principe du contradictoire quant à la procédure engagée à l'encontre de la SARL PEP 75 ;

Sur la solidarité :

7. Considérant que l'administration a engagé la responsabilité solidaire de la société Sloveg au paiement des impositions et amende dues par la SARL PEP 75 au motif que l'intéressée n'avait pu justifier disposer de façon simultanée, pour la période du 2 janvier au 14 octobre 2008, de l'ensemble des pièces requises, conformément aux dispositions précitées du code du travail ; que la société Sloveg fait valoir qu'elle détenait, dès la première facturation, soit le 29 février 2008, l'ensemble des documents obligatoires et ce pendant toute la durée du contrat ; que, toutefois, il résulte de l'instruction que si elle détenait une attestation d'immatriculation de la société PEP 75, inscrite le 29 janvier 2008 au registre du commerce et des sociétés, auprès de l'organisme chargé du recouvrement des cotisations et contributions sociales à compter du 5 février 2008, elle n'a justifié de la production de l'attestation de fourniture de déclarations sociales visée au a) du 1° des articles R. 324-4 et D. 8222-5 précités, qu'à compter du 15 octobre 2008, soit, en tout état de cause, après l'expiration du délai de six mois suivant la conclusion du contrat au terme duquel elle était tenue d'en disposer ; qu'elle s'est, en outre abstenue de renouveler, au terme de ce même délai, la demande d'attestation sur l'honneur, mentionnée au b) du 1° des articles précités et de celle visée au 3°, dont la durée de validité ne pouvait, en vertu des dispositions réglementaires précitées, excéder six mois ; que la circulaire du 31 décembre 2005 dont se prévaut la société requérante ne l'exonérait pas de l'obligation de demander à la société cocontractante la remise de ces différents documents et attestations ; que pour ces motifs, et sans qu'il soit besoin de prendre en considération les documents prévus au 2° des articles R. 324-4 et D. 8222-5 précités dès lors que ceux prévus au 1° doivent être demandés auprès de la société cocontractante dans tous les cas, l'administration était fondée à engager, sur le fondement de l'article 1724 quater précité du code général des impôts, la responsabilité solidaire du donneur d'ordre avec le sous-traitant, et à mettre à la charge de la société Sloveg, selon les modalités prévues à l'article L. 8222-3 du code du travail, une quote-part des impositions dues par la société PEP 75 à compter du 29 février 2008 ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Sloveg n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que les conclusions de sa requête tendant à l'annulation dudit jugement et à la décharge des impositions litigieuses ne peuvent, par suite, qu'être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la société Sloveg est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Sloveg et au ministre des finances et des comptes publics. Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris (Pôle fiscal de Paris centre et services spécialisés).

Délibéré après l'audience du 15 septembre 2015 à laquelle siégeaient :

M. Krulic, président de chambre,

M. Auvray, président assesseur,

Mme Mielnik-Meddah, premier conseiller,

Lu en audience publique le 29 septembre 2015.

Le rapporteur,

A. MIELNIK-MEDDAH

Le président,

J. KRULIC

Le greffier,

C. DABERT

La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice, à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 14PA01518


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 10ème chambre
Numéro d'arrêt : 14PA01518
Date de la décision : 29/09/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-01-05-02 Contributions et taxes. Généralités. Recouvrement. Paiement de l'impôt.


Composition du Tribunal
Président : M. KRULIC
Rapporteur ?: Mme Anne MIELNIK-MEDDAH
Rapporteur public ?: M. OUARDES
Avocat(s) : CHAINTRIER AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 09/10/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2015-09-29;14pa01518 ?
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