La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/09/2015 | FRANCE | N°15PA00470

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 10ème chambre, 29 septembre 2015, 15PA00470


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...B...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision implicite de refus opposée par le préfet de police à sa demande de titre de séjour, décision à laquelle s'est substitué un arrêté en date du 12 juin 2014, par lequel ledit préfet a explicitement rejeté la demande de Mme B..., l'a obligée à quitter le territoire dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel l'intéressée serait reconduite.

Par un jugement n° 1409258/2-2 du 4 décembre 2014

, le Tribunal administratif de Paris a, d'une part, annulé l'arrêté du préfet de police du...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...B...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision implicite de refus opposée par le préfet de police à sa demande de titre de séjour, décision à laquelle s'est substitué un arrêté en date du 12 juin 2014, par lequel ledit préfet a explicitement rejeté la demande de Mme B..., l'a obligée à quitter le territoire dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel l'intéressée serait reconduite.

Par un jugement n° 1409258/2-2 du 4 décembre 2014, le Tribunal administratif de Paris a, d'une part, annulé l'arrêté du préfet de police du 12 juin 2014, et, d'autre part, enjoint au préfet de police de délivrer à Mme B... une carte de séjour temporaire portant la mention

" vie privée et familiale " dans un délai de trois mois à compter de la notification dudit jugement.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 3 février 2015, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1409258/2-2 du 4 décembre 2014 ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme B...devant le Tribunal administratif de Paris ;

Il soutient que :

- la requête de Mme B...présentée devant le tribunal administratif est tardive et, par suite, irrecevable ;

- il n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation sur la situation de Mme B...en refusant de lui délivrer un titre de séjour ;

- s'agissant des autres moyens soulevés par Mme B...en première instance, il entend conserver le bénéfice de ses écritures devant le tribunal administratif.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 juillet 2015, Mme A...B..., représentée par Me Scalbert, demande à la Cour de rejeter la requête et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Mme B...fait valoir que les moyens soulevés par le préfet de police ne sont pas fondés.

Mme B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du

22 mai 2015.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

- le décret n° 2001-492 du 6 juin 2001 ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Mielnik-Meddah ;

- les conclusions de M. Ouardes, rapporteur public ;

- et les observations de Me Scalbert, avocat de MmeB....

1. Considérant que MmeB..., ressortissante marocaine née le 29 août 1995 et entrée en France en 2006 selon ses déclarations, a sollicité la délivrance d'un titre de séjour auprès du préfet de police le 9 juillet 2013 ; qu'une décision implicite de rejet est née le 9 novembre 2013 en raison du silence gardé par le préfet sur cette demande ; que par un arrêté du 12 juin 2014, le préfet de police a explicitement rejeté la demande de titre de séjour de l'intéressée ; que par un jugement du 4 décembre 2014, le Tribunal administratif de Paris, après avoir considéré que cet arrêté s'était substitué à la décision implicite du 9 novembre 2013 l'a annulé et a enjoint au préfet de police de délivrer à Mme B... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de trois mois à compter de la notification dudit jugement et a, en outre, condamné l'Etat à verser à Mme B...la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que par une requête enregistrée à la Cour le 3 février 2015, le préfet de police relève régulièrement appel du jugement précité du

4 décembre 2014 ;

Sur la fin de non recevoir opposée par le préfet de police :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le silence gardé pendant plus de quatre mois sur les demandes de titres de séjour vaut décision implicite de rejet " ; qu'aux termes de l'article 19 de la loi du 12 avril 2000 susvisée : " Toute demande adressée à une autorité administrative fait l'objet d'un accusé de réception délivré dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) Les délais de recours ne sont pas opposables à l'auteur d'une demande lorsque l'accusé de réception ne lui a pas été transmis ou ne comporte pas les indications prévues par le décret mentionné au premier alinéa (...) Le défaut de délivrance d'un accusé de réception n'emporte pas l'inopposabilité des délais de recours à l'encontre de l'auteur de la demande lorsqu'une décision expresse lui a été régulièrement notifiée avant l'expiration du délai au terme duquel est susceptible de naître une décision implicite (...) " ; qu'aux termes de l'article 1er du décret du

6 juin 2001 susvisé : " L'accusé de réception prévu par l'article 19 de la loi du 12 avril 2000 susvisée comporte les mentions suivantes : 1° La date de réception de la demande et la date à laquelle, à défaut d'une décision expresse, celle-ci sera réputée acceptée ou rejetée (...) L'accusé de réception indique si la demande est susceptible de donner lieu à une décision implicite de rejet ou à une décision implicite d'acceptation. Dans le premier cas, l'accusé de réception mentionne les délais et les voies de recours à l'encontre de la décision. Dans le second cas, il mentionne la possibilité offerte au demandeur de se voir délivrer l'attestation prévue à l'article 22 de la loi du 12 avril 2000 susvisée " ; qu'aux termes de l'article 5 de la loi du 11 juillet 1979 susvisée : " Une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation. Toutefois, à la demande de l'intéressé, formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande (...) " ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme B...a formé une demande de titre de séjour auprès du préfet de police le 9 juillet 2013 ; que cette demande n'a pas fait l'objet d'un accusé de réception comportant les indications exigées par l'article 1er du décret précité du 6 juin 2001 ; qu'ainsi la décision implicite de rejet née le 9 novembre 2013 en raison du silence gardé par le préfet sur cette demande n'était pas devenue définitive, ni le

24 avril 2014, date à laquelle Mme B...a sollicité auprès du préfet de police la communication des motifs de cette décision implicite, ni le 6 juin 2014, date à laquelle Mme B...a formé un recours contentieux contre ce rejet implicite devant le Tribunal administratif de Paris ; que la circonstance que le 12 juin 2014 le préfet de police a pris un arrêté refusant à Mme B...la délivrance d'un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français, décision expresse, reste sans incidence sur la recevabilité de la requête en excès de pouvoir de Mme B...devant le Tribunal administratif de Paris, en tant qu'elle était dirigée contre une décision implicite de rejet ; qu'il suit de là que le préfet de police n'est pas fondé à opposer à Mme B...la fin de non recevoir tirée de la tardiveté de sa demande de première instance ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

4. Considérant que, si le silence gardé par l'administration fait naître une décision implicite de rejet qui peut être déférée au juge de l'excès de pouvoir, une décision explicite de rejet intervenue postérieurement, qu'elle fasse suite ou non à une demande de communication des motifs de la décision implicite présentée en application des dispositions de l'article 5 de la loi du 11 juillet 1979, se substitue à la première décision ; qu'il en résulte que des conclusions à fin d'annulation de cette première décision doivent être regardées comme dirigées contre la seconde et que, dès lors, celle-ci ne peut être utilement contestée au motif que l'administration aurait méconnu ces dispositions en ne communiquant pas au requérant les motifs de sa décision implicite dans le délai d'un mois qu'elles lui impartissent ; qu'il résulte de ce qui précède que c'est à bon droit, et sans se méprendre sur la portée des conclusions de la requête, susvisée, que le tribunal a regardé comme dirigées contre la décision explicite du 12 juin 2014 les conclusions présentées contre la décision implicite antérieure ;

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme B...est entrée en France en 2006 à l'âge de onze ans pour y rejoindre son père titulaire d'une carte de résident valable jusqu'au 3 août 2019 ; que le 19 décembre 2008, elle a bénéficié d'un document de circulation pour étranger mineur valable jusqu'au 28 mars 2013 ; qu'elle a été régulièrement et continûment scolarisée en France de septembre 2006 jusqu'à la décision en litige lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, sauf pour l'année scolaire 2009/2010 durant laquelle elle était rentrée et a été scolarisée au Maroc en raison de l'état de santé de sa mère ; que tant ses bulletins scolaires que les nombreuses attestations de ses professeurs produits au dossier attestent de sa motivation, du sérieux de son travail et de sa volonté d'intégration dans la société française ; qu'à la date de l'arrêté attaqué, Mme B...était inscrite en classe de terminale " sciences de la vie et de la terre " ; que dans ces conditions, alors même que Mme B...s'est absentée du territoire pendant plus d'un an à compter de l'été 2009 et aurait quitté ultérieurement la France à une date inconnue pour y retourner le 8 novembre 2012, ainsi que cela ressort de son passeport, c'est à juste titre que les premiers juges ont considéré que le préfet de police a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de son arrêté du 12 juin 2014 sur la situation personnelle de l'intéressée ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de police n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 12 juin 2014 refusant la délivrance à Mme B...d'un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours à compter de sa notification ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

7. Considérant que Mme B...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Scalbert, avocat de MmeB..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Scalbert de la somme de 1 500 euros ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête du préfet de police est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à Me Scalbert la somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du

10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme A...B.... Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 15 septembre 2015, à laquelle siégeaient :

M. Krulic, président de chambre,

M. Auvray, président assesseur,

Mme Mielnik-Meddah, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 29 septembre 2015.

Le rapporteur,

A. MIELNIK-MEDDAHLe président,

J. KRULIC

Le greffier,

C. DABERT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

''

''

''

''

2

N° 15PA00470


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 10ème chambre
Numéro d'arrêt : 15PA00470
Date de la décision : 29/09/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. KRULIC
Rapporteur ?: Mme Anne MIELNIK-MEDDAH
Rapporteur public ?: M. OUARDES
Avocat(s) : SCALBERT

Origine de la décision
Date de l'import : 09/10/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2015-09-29;15pa00470 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award