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08/10/2015 | FRANCE | N°14PA00018

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 08 octobre 2015, 14PA00018


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Atelier Nord a demandé au tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie de condamner la commune de Pouembout à lui verser la somme de 3 481 800 francs CFP au titre de factures impayées émises pour le règlement de prestations exécutées en vue de la réalisation de logements de fonction à l'usage des instituteurs.

Par un jugement n° 1200359 du 30 octobre 2013, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a condamné la commune de Pouembout à payer à la société Atelier Nord la somm

e de 1 361 000 francs CFP.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Atelier Nord a demandé au tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie de condamner la commune de Pouembout à lui verser la somme de 3 481 800 francs CFP au titre de factures impayées émises pour le règlement de prestations exécutées en vue de la réalisation de logements de fonction à l'usage des instituteurs.

Par un jugement n° 1200359 du 30 octobre 2013, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a condamné la commune de Pouembout à payer à la société Atelier Nord la somme de 1 361 000 francs CFP.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 2 janvier 2014, la société Atelier Nord, représentée par la Selarl Calexis, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie du 30 octobre 2013 en tant que les premiers juges ont limité le montant de la condamnation prononcée à l'encontre de la commune de Pouembout à la somme de 1 361 000 francs CFP ;

2°) de condamner la commune de Pouembout à lui verser la somme de 3 481 800 francs CFP au titre des factures impayées ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Pouembout le versement de la somme de 300 000 francs CFP sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle est liée par un engagement contractuel avec la commune qui est tenue de régler les prestations réalisées ;

- le bon de commande n'étant revêtu d'aucune signature, le cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés de fournitures courantes et de service (CCAG-FCS) ne lui est pas opposable ;

- les dispositions de l'article 34.1 du CCAG-FCS ne lui sont pas opposables, dès lors qu'aucun différend n'a pu faire courir le délai de trente jours mentionné par ces dispositions, le maître d'ouvrage n'ayant jamais contesté la bonne exécution des prestations ;

- il est sollicité le paiement du montant des prestations réalisées jusqu'à la phase de réception, conformément aux stipulations du devis signé et du bon de commande détaillant les phases d'exécution des prestations ;

- les factures ont été remises à la commune dans le respect de l'article 8.1 du CCAG-FCS ;

- l'absence de contestation des décomptes présentés vaut acceptation de la part de la commune ;

- le dossier des ouvrages exécutés a été remis à la commune le 18 septembre 2013.

Par un mémoire en défense, enregistré le 31 juillet 2014, la commune de Pouembout, représentée par MeA..., conclut au rejet de la requête, demande, par la voie de l'appel incident, à être mise hors de cause et conclut à la mise à la charge de cette société du versement de la somme de 400 000 francs CFP au titre des frais exposés en première instance et non compris dans les dépens et de la même somme au titre des frais de même nature exposés en appel.

Elle fait valoir que :

- la requête d'appel est irrecevable, dès lors qu'elle ne comporte aucune critique du jugement attaqué et est identique au mémoire introductif de première instance, une telle irrecevabilité étant insusceptible d'être couverte en cours d'instance ;

- la forclusion prévue par l'article 34.1 du CCAG-FCS est opposable à l'entreprise dès lors que ces dispositions étaient applicables puisque le marché y fait référence ;

- la société n'a pas présenté de mémoire de réclamation dans le délai d'un mois courant à compter de l'apparition du différend, c'est-à-dire le 30 avril 2012, date à laquelle elle a exigé que ses factures soient payées sans délai ;

- l'entreprise a sollicité implicitement mais nécessairement un acompte sur la prestation commandée ;

- elle n'a toutefois pas produit, à la date du jugement contesté, le dossier des ouvrages exécutés ;

- face à l'impossibilité pour le maître d'ouvrage de payer des situations intermédiaires, compte tenu de la nature du marché conclu, l'entreprise est à même de solliciter le paiement du solde final dans le cadre de la procédure d'admission des prestations, qui pourra donner lieu à l'application de pénalités ;

- l'entreprise ne saurait demander la réformation d'un jugement sur la base d'un élément, à savoir le dossier des ouvrages exécutés, qu'elle a fourni postérieurement à celui-ci ;

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 ;

- la loi n° 99-210 du 19 mars 1999 ;

- la délibération n° 136/CP du 1er mars 1967 portant réglementation des marchés publics ;

- la délibération n° 64/CP du 10 mai 1989 fixant les cahiers des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux et aux marchés publics de fournitures courantes et services passés en application de la délibération modifiée n° 136 du 1er mars 1967 ;

- le code de justice administrative dans sa version applicable en Nouvelle-Calédonie.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme d'Argenlieu,

- et les conclusions de M. Cantié, rapporteur public.

1. Considérant que le maire de la commune de Pouembout (Nouvelle-Calédonie) a signé, le 8 octobre 2008, avec le représentant de la société Atelier Nord un devis chargeant celle-ci de missions de maîtrise d'oeuvre de type M3 pour la réalisation de logements de fonction à l'usage des instituteurs, pour un montant forfaitaire de 5 550 000 francs CFP hors taxes ; que, par une lettre du 30 avril 2012, la société Atelier Nord a demandé au maire de la commune de lui verser la somme de 3 481 800 francs CFP au titre de factures restées impayées, émises pour le règlement des prestations exécutées sur la base de ce devis, lesquelles correspondent aux phases 3 à 8 du projet ; que, face au refus du maire de faire droit à sa demande, l'entreprise a sollicité auprès du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie la condamnation de la commune de Pouembout à lui verser ladite somme ; qu'elle relève appel du jugement du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie du 30 octobre 2013 en tant que celui-ci a limité le montant de la condamnation prononcée à l'encontre de la commune de Pouembout à la somme de 1 361 000 francs CFP correspondant aux phases 3 à 5 ; que la commune de Pouembout demande, par la voie de l'appel incident, à être mise hors de cause ;

Sur la fin de non-recevoir opposée à la requête d'appel par la commune :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. / L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours. " ;

3. Considérant que, contrairement à ce que soutient la commune de Pouembout, la requête d'appel de la société Atelier Nord ne se borne pas à reproduire la demande introduite devant le tribunal administratif ; qu'elle comporte l'exposé des faits et des moyens venant au soutien des conclusions soumises à la Cour ; que, par suite, cette fin de non-recevoir opposée par la commune de Pouembout doit être écartée ;

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la commune de Pouembout a émis unilatéralement un document intitulé " bon de commande " portant la date du 1er mars 2013 et détaillant sur huit phases les éléments de la mission confiée à la société Atelier Nord, ainsi que la rémunération correspondant à chacune d'elles ; que, toutefois, le devis signé par le maire le 8 octobre 2008, qui a le caractère d'un contrat souscrit au nom de la commune, ne prévoit pas que la commande des prestations de maîtrise d'oeuvre, dont il précise le montant pour chacune des missions confiées à l'entreprise, dépend de l'émission ultérieure d'un bon de commande par le maire ; que ce " bon de commande ", qui se borne à reprendre les énonciations figurant sur le contrat, et dont il n'est en tout état de cause pas établi qu'il ait été notifié à l'entreprise, est dépourvu de toute valeur contractuelle ; que, dès lors, s'il comporte la mention : " Le présent bon de commande s'exécutera prioritairement aux dispositions du cahier des clauses administratives générales (CCAG) fournitures et services ", les dispositions prévues par ce cahier des clauses administratives générales, approuvé par la délibération susvisée du 10 mai 1989, n'étaient pas applicables aux rapports entre les parties ; qu'il suit de là que la commune de Pouembout n'est pas fondée à se prévaloir de la forclusion prévue par les dispositions de l'article 34.1 de ce CCAG ;

Sur le règlement par la commune du solde du marché de maîtrise d'oeuvre :

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que si la commune de Pouembout invoque une exécution défaillante, incomplète et fortement retardée des prestations réalisées, elle n'apporte aucun élément précis sur ces points, alors qu'il est constant que les factures correspondant aux phases n° 1 et n° 2 figurant sur le bon de commande de 2013 détaillant le contrat pour des sommes de 786 000 francs CFP et 1232 000 francs CFP ont été acquittées et que, s'agissant des prestations relatives aux phases n° 3 à n° 8 du même bon de commande, la commune n'apporte pas, par les pièces versées, la preuve des manquements allégués et reconnait même avoir été rendue destinataire, le 18 septembre 2013, soit avant le jugement attaqué, du dossier des ouvrages exécutés (DOE), lequel correspond à la huitième et dernière phase du projet ; que la commune ne peut par ailleurs invoquer la déduction de pénalités de retard dès lors que le contrat applicable n'en prévoit pas ; que, par suite, la société Atelier Nord, qui doit être regardée comme ayant exécuté la totalité des prestations de maîtrise d'oeuvre prévues par le contrat signé le 8 octobre 2008, est en droit obtenir le paiement par la commune de l'ensemble du montant des honoraires contractuellement prévus, soit la somme de 3 481 800 francs CFP correspondant au montant cumulé resté impayé des factures détaillant les missions exécutées au titre des phases n° 3 à n° 8 ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu de porter de 1 361 000 francs CFP à 3 481 800 francs CFP le montant de la somme due par la commune de Pouembout à la société Atelier Nord et de réformer en ce sens le jugement attaqué du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie ; que, par voie de conséquence, l'appel incident formé par la commune de Pouembout doit être rejeté ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société Atelier Nord, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement d'une quelconque somme au titre des frais exposés par la commune de Poumebout, tant en première instance qu'en appel, et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Pouembout le versement d'une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la société Atelier Nord et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La somme de 1 361 000 francs CFP que la commune de Pouembout a été condamnée à verser à la société Atelier Nord par jugement du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie n° 1200359 du 30 octobre 2013 est portée à 3 481 800 francs CFP.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie n° 1200359 du 30 octobre 2013 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er ci-dessus.

Article 3 : La commune de Pouembout versera à la société Atelier Nord la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : L'appel incident formé par la commune de Pouembout et ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Atelier Nord et à la commune de Pouembout.

Délibéré après l'audience du 22 septembre 2015, à laquelle siégeaient :

- M. Even, président de chambre,

- Mme Hamon, président assesseur,

- Mme d'Argenlieu, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 8 octobre 2015.

Le rapporteur,

L. d'ARGENLIEULe président,

B. EVEN

Le greffier,

A-L. CALVAIRELa République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 14PA00018


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 14PA00018
Date de la décision : 08/10/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-05-01-01-02 Marchés et contrats administratifs. Exécution financière du contrat. Rémunération du co-contractant. Prix. Rémunération des architectes et des hommes de l'art.


Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: Mme Lorraine D'ARGENLIEU
Rapporteur public ?: M. CANTIE
Avocat(s) : ELMOSNINO

Origine de la décision
Date de l'import : 21/10/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2015-10-08;14pa00018 ?
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