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23/11/2015 | FRANCE | N°15PA00193

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 23 novembre 2015, 15PA00193


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 25 septembre 2013 du préfet de police, ensemble la décision, prise sur recours hiérarchique, du ministre de l'intérieur en date du 18 novembre 2013 refusant d'abroger l'arrêté d'expulsion pris à son encontre le 18 juillet 2008.

Par un jugement n° 1316899/7-3 du 29 décembre 2014, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 15 janv

ier 2015, appuyée de pièces complémentaires enregistrées au greffe de la Cour le 14 mai 2015 et...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 25 septembre 2013 du préfet de police, ensemble la décision, prise sur recours hiérarchique, du ministre de l'intérieur en date du 18 novembre 2013 refusant d'abroger l'arrêté d'expulsion pris à son encontre le 18 juillet 2008.

Par un jugement n° 1316899/7-3 du 29 décembre 2014, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 15 janvier 2015, appuyée de pièces complémentaires enregistrées au greffe de la Cour le 14 mai 2015 et le 22 septembre 2015 et par un mémoire en réplique enregistré le 29 septembre 2015 et un nouveau mémoire enregistré le 22 octobre 2015, M. A..., représenté par Me Pouly, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1316899/7-3 du 29 décembre 2014 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision de refus du préfet de police en date du 25 septembre 2013, ensemble la décision, prise sur recours hiérarchique, du ministre de l'intérieur en date du 18 novembre 2013 confirmant ledit refus ;

3°) d'enjoindre au préfet de police d'abroger l'arrêté d'expulsion du 18 juillet 2008 ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le tribunal administratif n'a pas répondu au moyen qui concluait à la requalification de la décision attaquée, laquelle impliquait qu'elle soit soumise au régime juridique de l'édiction des arrêtés d'expulsion, et non au régime juridique des décisions portant sur les demandes d'abrogation ; le jugement attaqué est ainsi entaché d'irrégularité ;

- la décision de refus d'abrogation est entachée d'un vice de procédure dès lors que le préfet de police était tenu de saisir la commission départementale d'expulsion en vertu de l'article L. 524-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision de refus d'abrogation méconnaît les dispositions de l'article L. 521-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; en effet, il est père d'un enfant français dont il établit contribuer à l'entretien et à l'éducation ;

- la décision de refus est entachée d'une erreur d'appréciation ; en effet, il ne représente plus une menace à l'ordre public ;

- la décision de refus a porté à son droit au respect de la vie privée et familiale protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales compte tenu des buts en vue desquels elle a été prise dès lors qu'il a un enfant français né sur le territoire français et qu'il participe effectivement à son entretien et à son éducation.

Par un mémoire en défense enregistré le 25 septembre 2015 et des mémoires enregistrés le 2 octobre 2015 et le 27 octobre 2015, le préfet de police conclut au rejet de la requête au motif qu'aucun des moyens invoqués par M. A...n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Luben,

- les conclusions de M. Sorin, rapporteur public,

- et les observations de Me Pouly, avocat de M. A....

Considérant ce qui suit :

Sur la régularité du jugement attaqué :

1. Dans sa requête de première instance, le requérant soutenait que le refus d'abrogation devait être regardé comme constituant une nouvelle décision d'expulsion se substituant à la première, que la commission d'expulsion aurait donc dû être saisie préalablement, et que faute d'une telle saisine, la décision attaquée était entachée d'un vice de procédure. En estimant qu'il résultait des dispositions de l'article L. 524-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui disposent que " (...) Lorsque la demande d'abrogation est présentée à l'expiration d'un délai de cinq ans à compter de l'exécution effective de l'arrêté d'expulsion, elle ne peut être rejetée qu'après avis de la commission prévue à l'article L. 522-1, devant laquelle l'intéressé peut se faire représenter ", que l'obligation de saisine préalable de la commission d'expulsion ne s'applique qu'en cas d'exécution effective de l'arrêté d'expulsion, qu'il est constant que le requérant s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français à la suite de l'arrêté d'expulsion prononcé contre lui et que, dès lors, le moyen tiré du défaut de saisine pour avis de la commission d'expulsion doit être écarté, les premiers juges ont, implicitement mais nécessairement, écarté l'argumentation du requérant tendant à ce que la décision litigieuse de refus d'abrogation d'un arrêté d'expulsion soit regardée comme une nouvelle décision d'expulsion pour faire application du régime juridique régissant les décisions d'abrogation d'arrêtés d'expulsion. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué n'aurait pas répondu à un moyen et serait ainsi entaché d'irrégularité.

Sur la légalité des décisions du préfet de police en date du 25 septembre 2013 et du ministre de l'intérieur en date du 18 novembre 2013 :

2. M. A..., ressortissant tunisien, a été condamné à plusieurs reprises par le Tribunal correctionnel de Paris, notamment pour des faits de violence en réunion, de violence et de transport, détention, offre ou détention et acquisition non autorisés de stupéfiants. Par un arrêté du 18 juillet 2008, le préfet de police a prononcé son expulsion du territoire français. M. A...a demandé l'abrogation de l'arrêté d'expulsion précité. Par une décision du 25 septembre 2013, le préfet de police a rejeté sa demande. Le ministre de l'intérieur par une décision en date du 18 novembre 2013 prise sur recours hiérarchique, a confirmé ce rejet. M. A... relève appel du jugement du 29 décembre 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 524-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'arrêté d'expulsion peut à tout moment être abrogé. Lorsque la demande d'abrogation est présentée à l'expiration d'un délai de cinq ans à compter de l'exécution effective de l'arrêté d'expulsion, elle ne peut être rejetée qu'après avis de la commission prévue à l'article L. 522-1, devant laquelle l'intéressé peut se faire représenter ". Ces dispositions impliquent que, pour être obligatoirement entendu par la commission d'expulsion, l'étranger concerné se soit effectivement soumis, pendant cinq années consécutives, à la mesure d'expulsion dont il était l'objet, ou si une mesure d'assignation à résidence a été prise à son encontre, après un délai de cinq ans suivant l'exécution de cette mesure. Il ressort des pièces du dossier que M.A..., qui s'est maintenu sur le territoire français, n'a pas exécuté l'arrêté d'expulsion pris à son encontre. Il suit de là que la demande d'abrogation de la mesure d'expulsion le frappant pouvait être rejetée sans être soumise à la commission prévue à l'article L. 522-1 du code précité. Le moyen tiré du vice de procédure ne peut dès lors qu'être écarté.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 521-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'expulsion que si cette mesure constitue une nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat ou la sécurité publique et sous réserve que les dispositions de l'article L. 521-3 n'y fassent pas obstacle : 1° L'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins un an ". Si ces dispositions font obstacle à ce que, postérieurement à leur entrée en vigueur, une mesure d'expulsion puisse être prise à l'encontre d'un étranger se trouvant dans l'un des cas qu'elles définissent, elles n'ont en revanche pas pour objet d'ouvrir droit à l'abrogation d'une mesure d'expulsion antérieurement prise à l'encontre d'un étranger, fût-il dans l'un de ces cas, ni de définir les critères au vu desquels l'autorité administrative doit se prononcer pour abroger une telle mesure d'expulsion. Ainsi, M. A...n'est pas fondé à soutenir que la décision portant refus d'abrogation de l'arrêté d'expulsion dont il a fait l'objet méconnaîtraient ces dispositions.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 524-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sans préjudice des dispositions de l'article L. 524-1, les motifs de l'arrêté d'expulsion donnent lieu à un réexamen tous les cinq ans à compter de la date d'adoption de l'arrêté. L'autorité compétente tient compte de l'évolution de la menace pour l'ordre public que constitue la présence de l'intéressé en France, des changements intervenus dans sa situation personnelle et familiale et des garanties de réinsertion professionnelle ou sociale qu'il présente, en vue de prononcer éventuellement l'abrogation de l'arrêté (...) ". Il résulte de ces dispositions et de celles de l'article L. 524-1 précitées que lorsqu'il entend exercer le pouvoir que lui confère les dispositions de l'article L. 524-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, d'abroger ou de maintenir un arrêté d'expulsion, le ministre ou le préfet compétent doivent procéder à un examen individuel du comportement de l'étranger à l'effet de déterminer si, d'après l'ensemble de son comportement, sa présence sur le territoire présente ou continue de présenter une menace pour l'ordre public.

6. Il ressort des pièces du dossier que M. A...s'est rendu coupable notamment de violence en réunion suivie d'incapacité temporaire de travail supérieure à huit jours, de violence suivie d'incapacité temporaire de travail supérieure à huit jours, d'infractions à la législation sur les stupéfiants, de dégradation d'un bien appartenant à autrui, de refus par le conducteur d'un véhicule d'obtempérer à une sommation de s'arrêter et de recel de vol. S'il se prévaut de témoignages de moralité et de certificats de travail afin d'établir son insertion professionnelle et sociale et fait valoir que les plaintes déposées par son épouse à son encontre, notamment pour violences et menaces de mort, ont été classées sans suite le 19 avril 2013, ces éléments ne suffisent pas à établir qu'il ne représenterait plus une menace pour l'ordre public, alors qu'il a persisté dans son comportement délictueux postérieurement à l'arrêté d'expulsion et a ainsi été condamné le 21 octobre 2010 pour des faits de violence suivie d'incapacité temporaire de travail supérieure à huit jours. Par suite, eu égard à la gravité des faits ayant motivé l'arrêté d'expulsion et à la répétition des actes de violence commis par M.A..., le préfet de police n'a pas entaché sa décision d'une erreur d'appréciation en estimant que la présence de celui-ci sur le territoire français constituait toujours une menace pour l'ordre public en France.

7. En dernier lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

8. M. A...fait valoir qu'il a épousé une ressortissante française le 30 avril 2010 et qu'il est le père d'un enfant français né le 30 mai 2010. Toutefois, alors qu'à la suite de leur séparation, la garde de sa fille a été confiée à la mère par un jugement du 14 septembre 2011, M. A... n'établit pas, par la simple production de deux mandats de cent euros versés de manière aléatoire sur le compte bancaire de la mère et de trois tickets de caisse pour des vêtements, des chaussures et des jouets, participer effectivement à son entretien et à son éducation. En outre, s'il établit résider en France depuis de nombreuses années auprès de ses parents et de son frère de nationalité française, il n'établit pas l'intensité des liens qu'il entretient avec eux, alors qu'il ne conteste pas ne pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où résident deux de ses soeurs et où il a lui-même vécu plusieurs années. Par ailleurs, s'il produit de nombreux certificats et contrats de travail, il ne justifie pas d'une intégration professionnelle particulière, le caractère variable et la durée des emplois occupés démontrant même une certaine instabilité professionnelle.

9. Dans ces conditions, en l'absence de justifications suffisantes de l'intensité de la vie personnelle et familiale de l'intéressé sur le territoire français et eu égard au caractère répétitif du comportement délictueux, M. A...n'est pas fondé à soutenir que la décision portant rejet de sa demande d'abrogation a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par les stipulations précitées une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 9 novembre 2015, à laquelle siégeaient :

- M. Luben, président,

- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller,

- Mme Bernard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 23 novembre 2015.

Le président-rapporteur,

I. LUBENL'assesseur le plus ancien,

S. BONNEAU-MATHELOT

Le greffier,

Y. HERBERLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 15PA00193


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 15PA00193
Date de la décision : 23/11/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03-04 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour. Motifs.


Composition du Tribunal
Président : M. LUBEN
Rapporteur ?: M. Ivan LUBEN
Rapporteur public ?: M. SORIN
Avocat(s) : POULY

Origine de la décision
Date de l'import : 02/12/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2015-11-23;15pa00193 ?
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