Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C...A...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 20 août 2013 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office à la frontière à l'expiration de ce délai.
Par un jugement n° 1316343/3-3 du 11 mars 2014, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête sommaire et deux mémoires complémentaires, enregistrés le 11 et 23 juillet 2014 et le 19 mars 2015, MmeA..., représentée par MeB..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1316343/3-3 du 11 mars 2014 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du préfet de police du 20 août 2013 ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 20 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son avocat au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.
Mme A...soutient que :
En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :
- le jugement attaqué n'est pas suffisamment motivé ;
- les premiers juges ont omis de viser et de répondre au moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
En ce qui concerne le bien-fondé du jugement attaqué :
- l'arrêté critiqué est entaché d'un vice de procédure ;
- cet arrêté est entaché d'un défaut de motivation et d'examen approfondi de sa situation personnelle ;
- cet arrêté est entaché d'une erreur de fait, d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- cet arrêté est entaché d'une erreur de droit en ce que le préfet de police s'est cru, à tort, lié par l'avis du médecin, chef du service médical de la préfecture de police ;
- le préfet de police a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet de police a entaché l'arrêté querellé d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- le préfet de police a méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ainsi que les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 31 mars 2015, le préfet de police conclut au rejet de la requête et soutient qu'aucun des moyens invoqué n'est fondé.
Mme A...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 mai 2014 du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Par décision du président de la formation de jugement, le rapporteur public a été dispensé, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bonneau-Mathelot ;
- et les observations de MeB..., représentant MmeA....
1. MmeA..., de nationalité malienne, a sollicité le 26 novembre 2012 un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 20 août 2013, le préfet de police a opposé un refus à sa demande de titre de séjour et a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français à destination de son pays d'origine. Mme A...relève appel du jugement du 11 mars 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il ressort de la demande introductive d'instance sommaire présentée par Mme A... devant le Tribunal administratif de Paris qu'elle avait invoqué le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qu'elle n'avait pas expressément abandonné dans le mémoire complémentaire qu'elle avait, par la suite, produit. Les premiers juges n'ont pas répondu à ce moyen, qui n'était pas inopérant. Par suite et sans qu'il soit nécessaire d'examiner l'autre moyen relatif à la régularité du jugement attaqué, Mme A...est fondée à soutenir que ce dernier est entaché d'irrégularité et à en demander l'annulation.
3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme A...devant le Tribunal administratif de Paris et sur le surplus de ses conclusions devant la Cour.
Sur les conclusions à fin d'annulation dirigées contre l'arrêté du 20 août 2013 :
4. En premier lieu, l'arrêté contesté, qui vise les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, fait mention de ce que l'état de santé de Mme A...nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité, qu'elle peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, qu'aucune atteinte n'est portée aux droits de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale dès lors qu'elle réside en France étant célibataire et sans charges de famille, qu'elle n'atteste pas être dénuée de toute attache familiale dans son pays d'origine et qu'elle doit quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Il mentionne, en outre, que Mme A... n'établit pas être exposée en cas de retour dans son pays d'origine à des traitements contraires aux stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Ainsi, l'arrêté en litige, qui comporte l'ensemble des considérations de fait et de droit sur lesquelles il se fonde, n'est pas de nature à révéler que le préfet de police n'aurait pas procédé à l'examen approfondi de la situation de Mme A.... Par suite, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de l'insuffisance de motivation et du défaut d'examen complet de la situation personnelle de l'intéressée.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / [...] ; / 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée ".
6. Mme A...prétend qu'à la suite d'une intervention chirurgicale, pratiquée le 25 octobre 2012, et consistant en une dérivation gastro-jeunale pour obésité morbide, son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que le traitement et le suivi dont elle a besoin et qui présente un caractère pluridisciplinaire ne peuvent qu'être assurés en France. Il ressort, toutefois, de l'arrêté en litige que, pour rejeter la demande de l'intéressée, le préfet de police s'est, notamment, fondé sur l'avis du 25 janvier 2013 du médecin, chef du service médical de la préfecture de police, qui a estimé que l'absence de toute prise en charge médicale ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'une prise en charge appropriée était disponible dans le pays d'origine de la requérante. Les certificats médicaux produits par MmeA..., très peu circonstanciés, ainsi que le courrier du 29 novembre 2012 établi par le docteur Guenzi à l'attention d'un de ses confrères et faisant mention d'un suivi en consultation de chirurgie digestive ainsi qu'avec une nutritionniste afin de surveiller l'apparition de complications post-chirurgicales et de maîtriser son alimentation, ne permettent pas de contredire l'avis du médecin, chef du service médical de la préfecture de police, compte tenu des termes particulièrement succincts dudit courrier quant à la surveillance de Mme A...qui ne précisent pas la nature des risques auxquels ils se réfèrent. En outre, le document versé au dossier par l'intéressée, relatif aux complications susceptibles de survenir consécutivement à un " by-pass ", ne permet pas, eu égard à son caractère général, d'établir qu'elle risquerait de développer de telles complications. De même, le document produit, relatif à la situation sanitaire au Mali, n'est pas susceptible de remettre en cause l'avis du médecin chef sur la question de la possibilité d'avoir accès à un suivi adapté en nutrition et en chirurgie au Mali. Dans ces circonstances, il n'est pas établi que le défaut de suivi médical entraînerait pour l'intéressée des conséquences d'une exceptionnelle gravité, ni, au surplus, qu'elle ne pourrait bénéficier d'un tel suivi en cas de retour dans son pays. Par suite, Mme A...n'est pas fondée à soutenir que le préfet de police, dont rien n'établit qu'il se serait cru lié par l'avis émis par le médecin, chef du service médical de la préfecture de police, aurait entaché l'arrêté querellé d'erreurs de fait, de droit et d'appréciation et qu'il aurait méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en estimant que son état de santé ne pouvait justifier son admission au séjour même pour des raisons humanitaires exceptionnelles.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; / 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
8. Si Mme A...fait valoir que l'arrêté contesté aurait pour effet de l'éloigner des possibilités de traitements qui lui sont vitaux, cette circonstance ne saurait être utilement invoquée à l'appui du moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées. Mme A..., qui n'établit résider en France que depuis l'année 2012, est célibataire et sans charges de famille et ne se prévaut d'aucune attache privée sur le territoire français et n'établit pas qu'elle serait particulièrement bien insérée dans la société française. De plus, elle n'établit pas être dépourvue de toute attache familiale dans son pays d'origine où elle a elle-même vécu jusqu'à ses 25 ans. Par suite, l'arrêté contesté n'a pas porté au droit de Mme A...au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée compte tenu des buts en vue desquels il a été pris. Ainsi, le préfet de police n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
9. En quatrième lieu, Mme A...n'ayant sollicité son admission au séjour que sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de police n'était pas tenu d'examiner sa demande au regard des dispositions du 7° de cet article. Il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance de ces dernières dispositions doit être écarté comme inopérant.
10. En cinquième lieu, il résulte de ce qui précède que le préfet de police n'était pas tenu de saisir la commission du titre de séjour de la situation de MmeA..., qui n'était pas au nombre des étrangers auxquels un titre de séjour devait être délivré de plein droit. Par suite, le préfet de police n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
11. En sixième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / [...] ; / 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé ; / [...] ". Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 6, un tel moyen ne peut qu'être écarté.
12. En dernier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
13. Mme A...soutient que le préfet de police a méconnu les stipulations précitées, eu égard à la privation du traitement médical et des soins nécessaires qui résulterait pour elle de son renvoi dans son pays d'origine. Ainsi qu'il a été précédemment dit, l'intéressée n'établit pas être dans l'impossibilité de bénéficier d'un traitement approprié à sa pathologie au Mali. Elle n'est, par suite, pas fondée à soutenir qu'elle encourrait des risques, au sens de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en cas de retour dans ce pays.
14. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le préfet de police a rejeté sa demande. Par suite, les conclusions qu'elle a présentées devant le Tribunal administratif de Paris tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 août 2003 doivent être rejetées ainsi que celles à fin d'injonction et d'astreinte et celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. De même que les conclusions présentées devant la Cour administrative d'appel doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Paris n° 1316343/3-3 en date du 11 mars 2014 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme A...devant le Tribunal administratif de Paris ainsi que ses conclusions présentées en appel sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 18 janvier 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Luben, président,
- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller,
- Mme Bernard, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 1er février 2016.
Le rapporteur,
S. BONNEAU-MATHELOT
Le président,
I. LUBEN
Le greffier,
Y. HERBER
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 14PA03050