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02/02/2016 | FRANCE | N°15PA02650

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 10ème chambre, 02 février 2016, 15PA02650


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...A..., épouseD..., a demandé au Tribunal administratif de Melun, d'une part, d'annuler l'arrêté du 16 mai 2014 par lequel le préfet du Val-de-Marne a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination, d'autre part, d'enjoindre à cette même autorité de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " sous astreinte de 50 euros par jour de retard ou, à

titre subsidiaire et sous la même astreinte, de la munir d'une autorisation prov...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...A..., épouseD..., a demandé au Tribunal administratif de Melun, d'une part, d'annuler l'arrêté du 16 mai 2014 par lequel le préfet du Val-de-Marne a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination, d'autre part, d'enjoindre à cette même autorité de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " sous astreinte de 50 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire et sous la même astreinte, de la munir d'une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, de troisième part, de justifier du retrait de son signalement sur le fichier des personnes recherchées dans un délai de trente jours, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1404949/3 du 18 juin 2015, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 6 juillet 2015, MmeA..., épouseD..., représentée par Me Lerein, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1404949/3 du 18 juin 2015 du Tribunal administratif de Melun ;

2°) d'annuler cet arrêté préfectoral du 16 mai 2014 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " avec autorisation de travail sous astreinte de 50 euros par jour de retard si les décisions contestées sont annulées pour des motifs de fond ;

4°) d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail sous astreinte de 50 euros par jour de retard si les décisions contestées sont annulées pour des motifs de forme ;

5°) d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne de justifier, dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard, du retrait du signalement dont elle fait l'objet dans le fichier des personnes recherchées ;

6°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 600 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la décision contestée, en tant qu'elle a trait au refus de titre de séjour sollicité sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, est insuffisamment motivée ;

- cette décision est entachée d'erreur de droit et d'erreur de fait tant au regard des dispositions de l'article L. 313-14 que de celles, combinées, du 4° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 313-12 du code précité, ainsi que d'une erreur manifeste d'appréciation.

La requête a été communiquée au préfet du Val-de-Marne, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

MmeA..., épouseD..., a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 25 septembre 2015 du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le décret n° 2010-569 du 28 mai 2010 relatif au fichier des personnes recherchées ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Auvray ;

- et les conclusions de M. Ouardes, rapporteur public.

1. Considérant que MmeA..., ressortissante marocaine née le 3 mars 1977 à Ain Jemaa, a sollicité, à titre principal, le renouvellement du titre de séjour qu'elle avait obtenu en qualité d'épouse E...et, à titre subsidiaire, la délivrance d'une carte de séjour temporaire sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que l'intéressée relève appel du jugement du 18 juin 2015 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 16 mai 2014 par lequel le préfet avait refusé de faire droit à sa demande, lui avait fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace à l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état-civil (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 313-12 du même code : " (...) Le renouvellement de la carte de séjour délivrée au titre du 4° de l'article L. 313-11 est subordonné au fait que la communauté de vie n'ait pas cessé, sauf si elle résulte du décès du conjoint français. Toutefois, lorsque l'étranger a subi des violences conjugales de la part de son conjoint et que la communauté de vie a été rompue, l'autorité administrative ne peut procéder au retrait du titre de séjour de l'étranger et peut en accorder le renouvellement (...) " ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et, notamment, de la décision contestée du 16 mai 2014 que, pour refuser à Mme A...le renouvellement de son titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-12 du code précité, le préfet du Val-de-Marne a estimé que si l'intéressée alléguait avoir mis fin à la communauté de vie avec son époux en raison de violences conjugales, " les éléments produits sont déclaratifs et ne sauraient lui permettre d'attester de la réalité de ces allégations " ;

4. Considérant que Mme A...a été mise en possession d'un premier titre de séjour en qualité de conjointe d'un ressortissant français, valable du 13 novembre 2012 au 12 novembre 2013, après avoir contracté mariage le 14 janvier 2012 à Champigny-sur-Marne avec M. C...D..., de nationalité française, né le 1er janvier 1949 à Casablanca ;

5. Considérant que la requérante, qui déclare avoir fui le domicile conjugal, produit une plainte déposée le 3 juillet 2013 pour violences physiques quotidiennes exercées par son mari, un certificat médical établi le 7 octobre 2013 par lequel un médecin généraliste atteste avoir examiné le 7 mars 2013 MmeA..., qui lui avait alors fait part de violences conjugales dont elle avait été victime à plusieurs reprises, et indique qu'il l'avait alors mise en contact avec des associations et adressée à une assistance sociale, ainsi qu'une main courante enregistrée le 12 novembre 2013 dans laquelle la requérante se plaint que son mari poste des photos intimes la concernant depuis le mois de septembre 2013, faits pour lesquels l'intéressée a ensuite porté plainte le 11 juin 2014 ; qu'en outre, il ressort des pièces du dossier qu'après avoir fui le domicile conjugal, Mme A...a obtenu une domiciliation administrative auprès de Tremplin 94, association venant en aide aux femmes victimes de violences conjugales, et qu'elle a introduit une requête en divorce le 28 janvier 2014 ; que, dans ces conditions, MmeA..., par ailleurs titulaire d'un contrat de travail à temps partiel et à durée indéterminée depuis le 17 octobre 2013, est fondée à soutenir qu'en ne lui renouvelant pas sa carte de séjour temporaire sur le fondement du 4° de l'article L. 313-12 du code précité, le préfet du Val-de-Marne a commis une erreur manifeste d'appréciation; que l'intéressée est dès lors fondée à demander l'annulation de la décision du 16 mai 2014 portant refus de renouvellement de son titre de séjour et, par voie de conséquence, l'annulation des décisions subséquentes contenues dans l'arrêté du même jour ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme A...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

7. Considérant, en premier lieu, qu'eu égard au motif d'annulation retenu, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement, en application des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, qu'il soit enjoint au préfet du Val-de-Marne de délivrer à Mme A... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction de l'astreinte demandée ;

8. Considérant, en second lieu, qu'aux termes du IV de l'article 2 du décret susvisé du 28 mai 2010 : " Peuvent également être inscrits dans le fichier à l'initiative des autorités compétentes : (...) 5° Les étrangers faisant l'objet d'une obligation de quitter le territoire français non exécutée, en application du I de l'article L. 511-1 ou de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (...) " ; qu'aux termes de l'article 9 de ce décret : " En application du dernier alinéa de l'article 41 de la loi du 6 janvier 1978 susvisée, les droits d'accès et de rectification s'exercent directement auprès du ministre de l'intérieur (direction centrale de la police judiciaire) pour les données mentionnées aux 1° à 3° de l'article 3 du présent décret et concernant : (...) 2° Les personnes mentionnées (...) au IV de l'article 2 du présent décret " ;

9. Considérant qu'outre que Mme A...n'établit pas avoir fait l'objet d'un signalement au fichier des personnes recherchées, dont le ministre de l'intérieur est responsable, il lui appartient, en toute hypothèse, de saisir l'autorité compétente pour exercer son droit d'accès et de rectification conformément aux dispositions précitées de l'article 9 du décret du 28 mai 2010 ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

10. Considérant que Mme A...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que par suite, son conseil peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce et sous réserve que Me Lerein, avocate de MmeA..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 000 euros au profit de cet avocat au titre des frais exposés à l'occasion du présent litige et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Melun du 18 juin 2015 et l'arrêté du 16 mai 2014 du préfet du Val-de-Marne sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Val-de-Marne de délivrer à Mme A...une carte de séjour

temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me Lerein une somme de 1 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette dernière renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A...est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...A..., épouseD..., au ministre de l'intérieur et au préfet du Val-de-Marne.

Délibéré après l'audience du 19 janvier 2016 à laquelle siégeaient :

M. Auvray, président de la formation de jugement,

Mme Mielnik-Meddah, premier conseiller,

M. Pagès, premier conseiller,

Lu en audience publique le 2 février 2016.

L'assesseur le plus ancien,

A. MIELNIK-MEDDAH

Le président-rapporteur,

B. AUVRAY

Le greffier,

C. DABERT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice, à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 15PA02650


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 10ème chambre
Numéro d'arrêt : 15PA02650
Date de la décision : 02/02/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335 Étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. AUVRAY
Rapporteur ?: M. Brice AUVRAY
Rapporteur public ?: M. OUARDES
Avocat(s) : SELARL LFMA

Origine de la décision
Date de l'import : 12/02/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2016-02-02;15pa02650 ?
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