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02/02/2016 | FRANCE | N°15PA03728

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 10ème chambre, 02 février 2016, 15PA03728


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C...a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 17 juillet 2015 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a rappelé la décision portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination dont il faisait l'objet, ne lui a pas accordé de délai de départ volontaire et a décidé de le placer en centre de rétention administrative.

Par un jugement n° 1505676/12 du 21 juillet 2015, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif

de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregist...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C...a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 17 juillet 2015 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a rappelé la décision portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination dont il faisait l'objet, ne lui a pas accordé de délai de départ volontaire et a décidé de le placer en centre de rétention administrative.

Par un jugement n° 1505676/12 du 21 juillet 2015, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 2 octobre 2015, M. C..., représenté par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1505676/12 du 21 juillet 2015 ;

2°) d'annuler l'arrêté attaqué ;

3°) de mettre les dépens à la charge du préfet des Hauts-de-Seine ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'arrêté attaqué a été pris en violation de son droit à être entendu issu des dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, du principe général de respect des droits de la défense et de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- l'arrêté attaqué a été pris en violation du droit d'être assisté par un avocat issu de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- l'auteur de la décision attaquée était incompétent ;

- la décision attaquée a été prise en violation de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui prévoit que l'étranger doit être mis en mesure de présenter des observations ;

- la décision attaquée a été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 6 de l'accord franco-algérien dès lors qu'il est entré en France à l'âge de 3 ans, que l'ensemble de sa famille réside régulièrement en France, qu'il n'a plus aucune attache familiale en Algérie et qu'il souffre d'une poliomyélite ;

- la décision fixant le pays de destination est illégale dès lors qu'elle mentionne une reconduite à la frontière vers tout autre pays où le requérant serait légalement admissible.

Par un mémoire en défense enregistré le 30 octobre 2015, le préfet des Hauts-de-Seine conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'il s'en remet à ses écritures de première instance.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

- les arrêts de la Cour de justice de l'Union européenne C-166/13 du 5 novembre 2014 et C-249/13 du 11 décembre 2014 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Pagès a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que M. C...est un ressortissant algérien né le 25 octobre 1972 à Akbou ; que, par un arrêté du 28 août 2014 notifié le 23 septembre suivant, le préfet des

Hauts-de-Seine a assorti d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai trente jours le refus de délivrance d'une carte de résidence sollicitée par l'intéressé ; que, par un arrêté du 17 juillet 2015, le préfet des Hauts-de-Seine, après avoir rappelé que M. C...n'avait pas exécuté sa décision du 28 août 2014 lui faisant obligation de quitter le territoire français, l'a placé en centre de rétention administrative ; que M. C... relève régulièrement appel du jugement du 21 juillet 2015 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 juillet 2015 ;

2. Considérant, en premier lieu, que par un arrêté MCI n° 2014-53 du 16 décembre 2014, régulièrement publié au recueil des actes administratifs des Hauts-de-Seine du 18 décembre 2014, le préfet des Hauts-de-Seine a donné à Mme D...E..., attachée principale, chef de bureau, délégation à l'effet de signer notamment les arrêtés portant décision de placement en centre de rétention administratif en cas d'absence ou d'empêchement d'autorités dont il n'est pas établi qu'elles n'étaient pas absentes ou empêchées lors de la signature de la décision litigieuse ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté attaqué, signé par Mme D...E..., ne peut qu'être écarté ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger : (...) 6° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 551-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision de placement est prise par l'autorité administrative, après l'interpellation de l'étranger ou, le cas échéant, lors de sa retenue aux fins de vérification de son droit de circulation ou de séjour, à l'expiration de sa garde à vue, ou à l'issue de sa période d'incarcération en cas de détention. Elle est écrite et motivée. Elle prend effet à compter de sa notification à l'intéressé. Le procureur de la République en est informé immédiatement. / L'étranger est informé dans une langue qu'il comprend et dans les meilleurs délais qu'à compter de son arrivée au lieu de rétention, il peut demander l'assistance d'un interprète, d'un conseil ainsi que d'un médecin. Il est également informé qu'il peut communiquer avec son consulat et avec une personne de son choix. (...) " ;

4. Considérant, d'une part, que ces dispositions, applicables au présent litige, sont issues des dispositions de la loi du 16 juin 2011, relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité, qui ont procédé à la transposition, dans l'ordre juridique interne, des objectifs de la directive du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants des pays tiers en séjour irrégulier ; que la directive du 16 décembre 2008 encadre de manière détaillée les garanties accordées aux ressortissants des Etats tiers concernés par les décisions d'éloignement ou de rétention, sans toutefois préciser si et dans quelles conditions doit être assuré le respect du droit de ces ressortissants d'être entendus, qui relève des droits de la défense figurant au nombre des droits fondamentaux faisant partie intégrante de l'ordre juridique de l'Union européenne ; que si l'obligation de respecter les droits de la défense pèse en principe sur les administrations des Etats membres lorsqu'elles prennent des mesures entrant dans le champ d'application du droit de l'Union, il appartient aux Etats membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles doit être assuré, pour les ressortissants des Etats tiers en situation irrégulière, le respect du droit d'être entendu ;

5. Considérant, ainsi que la Cour de justice de l'Union européenne l'a jugé dans ses arrêts C-166/13 et C-249/13 des 5 novembre et 11 décembre 2014, que le droit d'être entendu préalablement à l'adoption d'une décision de retour implique que l'autorité administrative mette le ressortissant étranger en situation irrégulière à même de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur l'irrégularité du séjour et les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité s'abstienne de prendre à son égard une décision de retour et de recourir à un conseil juridique pour bénéficier de l'assistance de ce dernier lors de son audition par cette autorité ; qu'il n'implique toutefois pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français ou sur la décision le plaçant en rétention dans l'attente de l'exécution de la mesure d'éloignement, dès lors qu'il a pu être entendu sur l'irrégularité du séjour ou la perspective d'éloignement ;

6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. C...a fait l'objet d'un refus de titre de séjour et d'une obligation de quitter le territoire français par un arrêté du 28 août 2014 ; que cette décision est devenue définitive ; qu'il ressort des procès-verbaux dressés le 17 juillet 2015 à 6h50 et à 9h45, qu'à la suite d'une interpellation le 17 juillet 2015 à 6h50, il a été interrogé par un agent de police judicaire sur sa situation et qu'à cette occasion il a reconnu ne pas être en possession de titre de séjour ; que les vérifications au fichier national des étrangers a révélé qu'il faisait l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière notifiée ; que, de ce fait, il a été invité à se rendre dans les locaux de la préfecture des Hauts-de-Seine pour être présenté à l'officier de police judiciaire ; qu'il ressort du procès-verbal d'audition, dressé par un agent de la préfecture des Hauts-de-Seine et signé par l'appelant, qu'il a fait état de sa situation familiale et administrative en présence d'un avocat ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la décision de le placer en rétention administrative aurait été prise en méconnaissance du principe général du droit d'être entendu, qui est au nombre des principes fondamentaux du droit de l'Union européenne, doit être écarté comme manquant en fait ;

7. Considérant, d'autre part, qu'il résulte des dispositions susvisées que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution de la décision par laquelle l'autorité administrative place l'étranger en rétention administrative à la suite d'une obligation de quitter le territoire français devenue définitive à laquelle l'intéressé s'est soustrait ; que, par suite, l'article 24 de la loi susvisée du 12 avril 2000, qui fixe les règles générales de procédure applicables aux décisions devant être motivées en vertu de la loi du 11 juillet 1979, ne saurait être utilement invoqué par M.C..., à l'encontre de la décision de le placer en rétention administrative ;

8. Considérant, enfin, qu'il résulte de ce qui a été dit au point 6 que le principe général des droits de la défense ne peut, en tout état de cause, être regardé comme ayant été méconnu ;

9. Considérant, en troisième lieu, que la décision attaquée ne constitue pas une mesure de " remise aux autorités compétentes d'un autre Etat membre " ; que, par suite, l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne lui est pas applicable et le moyen tiré de la violation de ces dispositions ne peut qu'être rejeté ;

10. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

11. Considérant qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et droit d'asile : " A moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger : (...) 6° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé (...) " ;

12. Considérant que la décision attaquée, qui se borne à rappeler les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français du 28 août 2014, devenues définitives, ne constitue pas une nouvelle décision de refus de titre de séjour ni d'éloignement, en l'absence d'un changement dans les circonstances de droit ou de fait ; que, par suite, le moyen doit être regardé comme étant dirigé à l'encontre de la seule décision en litige de placement en rétention administrative ; que, compte tenu de la durée limitée de la rétention administrative, la décision attaquée n'a pas porté atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale de M. C... une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

13. Considérant, en cinquième lieu, que la décision attaquée ne constitue pas une nouvelle décision de refus de titre de séjour ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié qui fixe les conditions de délivrance et de renouvellement du certificat de résidence aux ressortissants algériens ne peut qu'être écarté ;

14. Considérant, en dernier lieu, que si M. C...entend contester la légalité de la décision fixant le pays à destination duquel il pourra être reconduit, cette décision a été prise concomitamment à la décision portant obligation de quitter le territoire français du 28 août 2014 et est, par suite, devenue définitive ;

15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ; qu'enfin, ses conclusions tendant à ce que les dépens soient mis à la charge de l'Etat sont sans objet, faute de dépens dans la présente instance, et ne peuvent donc qu'être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet des Hauts-de-Seine.

Délibéré après l'audience du 19 janvier 2016, à laquelle siégeaient :

M. Auvray, président de la formation de jugement,

Mme Mielnik-Meddah, premier conseiller,

M. Pagès, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 2 février 2016.

Le rapporteur,

D. PAGES Le président,

B. AUVRAY

Le greffier,

C. DABERT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 15PA03728


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 10ème chambre
Numéro d'arrêt : 15PA03728
Date de la décision : 02/02/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. AUVRAY
Rapporteur ?: M. Dominique PAGES
Rapporteur public ?: M. OUARDES
Avocat(s) : SELARL GARCIA et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 12/02/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2016-02-02;15pa03728 ?
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