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11/02/2016 | FRANCE | N°14PA02746

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 11 février 2016, 14PA02746


Vu la procédure suivante :
Par une requête, enregistrée le 20 juin 2014, et des mémoires, enregistrés les 5 novembre 2014, 1er juin 2015 et 22 janvier 2016, la SCI Péguy Hautepierre 13, représentée par le cabinet Parme avocats, demande à la Cour :
1°) d'annuler la décision du 5 mars 2014 par laquelle la Commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) a rejeté son recours contre la décision de la commission départementale d'aménagement commercial de Seine-et-Marne (CDAC) et autorisé la société Centre commercial Francilia à procéder à l'extension de 28 196 m² d

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Vu la procédure suivante :
Par une requête, enregistrée le 20 juin 2014, et des mémoires, enregistrés les 5 novembre 2014, 1er juin 2015 et 22 janvier 2016, la SCI Péguy Hautepierre 13, représentée par le cabinet Parme avocats, demande à la Cour :
1°) d'annuler la décision du 5 mars 2014 par laquelle la Commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) a rejeté son recours contre la décision de la commission départementale d'aménagement commercial de Seine-et-Marne (CDAC) et autorisé la société Centre commercial Francilia à procéder à l'extension de 28 196 m² de l'ensemble commercial " Carré Sénart-Shopping Parc " à Lieusaint pour la porter de 63 683 m² à 91 879 m² ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :- sa requête est recevable : elle a intérêt pour agir et a introduit son recours préalable dans les délais requis ; - la Commission nationale d'aménagement commercial n'a pas disposé d'un dossier de demande lui permettant d'apprécier l'impact prévisible du projet au regard des critères fixés par le législateur ; le dossier présenté était entaché de lacunes notamment en ce qui concerne la réalisation des équipements routiers ou l'occupation des surfaces de vente ;- le projet autorisé par la Commission nationale d'aménagement commercial n'est pas celui décrit dans le dossier de demande ; ces différences caractérisent des modifications substantielles exigeant la formation d'une nouvelle demande, conformément aux dispositions de l'article L. 752-15 du code de commerce ; - plusieurs des motifs retenus par la Commission nationale d'aménagement commercial sont erronés ou indifférents ; - l'extension du " Carré Sénart ", accessible seulement en voiture, loin de toute habitation et du centre de Lieusaint sa commune d'accueil, n'améliore pas significativement l'offre aux consommateurs et générera détournements de clientèle et augmentation du trafic automobile ; - la qualité environnementale du projet et son insertion dans les transports collectifs sont insuffisants.
Par un des mémoires en défense, enregistrés le 14 octobre 2014 et le 16 octobre 2015, la SNC Centre commercial Francilia, représentée par le cabinet AdDen avocats, conclut au rejet de la requête et à ce que le versement la somme de 5 000 euros soit mis à la charge de la société Péguy Hautepierre 13 sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :- le recours de la SCI Péguy Hautepierre 13 est irrecevable faute d'intérêt à agir ; - les motifs retenus par la Commission nationale d'aménagement commercial ne sont ni erronés, ni indifférents ; - la Commission nationale d'aménagement commercial a disposé d'un dossier de demande lui permettant d'apprécier l'impact prévisible du projet au regard des critères fixés par le législateur ; ce dossier est exempt d'erreurs ou de contradictions ; - le projet n'a subi aucune modification substantielle en cours d'instruction, au sens des dispositions de l'article L. 752-15 du code de commerce ; - le projet en litige satisfait aux critères définis par l'article L. 752-6 du code de commerce.

Vu les autres pièces du dossier.
Vu :- le code de commerce ;- le code de l'urbanisme ; - la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :- le rapport de Mme Pellissier, - les conclusions de M. Romnicianu, rapporteur public,- les observations de Me Fresneau pour la société Péguy Hautepierre 13 ;- et les observations de Me Lebeau pour la SNC Centre commercial Francilia.

Considérant ce qui suit :
1. Par une décision du 25 octobre 2013, la commission départementale d'aménagement commercial de Seine-et-Marne a autorisé un projet d'extension du " Carré Sénart " implanté sur le territoire de la commune de Lieusaint. La SCI Péguy Hautepierre 13, propriétaire d'un local commercial exploité par l'enseigne Maxxilot dans la zone de chalandise du projet, demande l'annulation de la décision du 5 mars 2014 par laquelle la Commission nationale d'aménagement commercial a rejeté son recours contre cette autorisation et autorisé l'extension de 28 196 m² de l'ensemble commercial " Carré Sénart-Shopping Parc ", portant sa surface totale de 63 683 m² à 91 879 m².
Sur la légalité de la décision attaquée
En ce qui concerne la procédure et la composition du dossier :
2. En premier lieu, la SCI Peguy Hautepierre 13 estime que certaines des énonciations de l'autorisation du 5 mars 2014, telles la présence sur le site de cheminements cyclables ou piétonniers, la certification " BREEAM " du centre existant ou la description de la façade du projet sont des " motifs indifférents ". Cette circonstance n'est pas de nature à entraîner l'illégalité de cette autorisation qui est suffisamment motivée au regard des critères prévus par l'article L. 752-6 du code du commerce.
3. En deuxième lieu, la SCI Péguy Hautepierre 13 soutient que le projet a subi une modification substantielle en cours d'instruction, ce qui imposait une nouvelle demande en application des dispositions de l'article L. 752-15 du code de commerce qui prévoit : " L'autorisation d'exploitation commerciale (...) est accordée par mètre carré de surface de vente. Une nouvelle demande est nécessaire lorsque le projet, en cours d'instruction ou dans sa réalisation, subit des modifications substantielles dans la nature du commerce ou des surfaces de vente. Il en est de même en cas de modification de la ou des enseignes désignées par le pétitionnaire (...) ".
4. D'une part, il est constant que la commission départementale a autorisé, le 25 octobre 2013, un projet d'extension de 28 196 m² du " Carré Sénart " afin de porter sa surface totale de 40 539 m² à 68 735 m², alors que la commission nationale a pris en compte, dans la surface initiale du centre commercial, celle du " Shopping Parc " attenant et a ainsi autorisé, par la décision litigieuse du 5 mars 2014, une extension de 28 196 m² de l'ensemble commercial " Carré Sénart-Shopping Parc ", portant sa surface totale de 63 683 m² à 91 879 m². Cette différence de présentation ne correspond cependant pas à une modification du projet d'extension, qui est identique devant les deux commissions. De plus, le " Shopping parc " a été présenté dès le dossier initial de septembre 2013 comme appartenant au même " pôle commercial " que le " Carré Sénart " et tant la superficie et la structure des commerces qu'il accueille que le flux de véhicules qu'il génère ont été analysés dans le dossier de demande (pages 88 et suivantes, 175 et suivantes).
5. D'autre part, le dossier initial de septembre 2013 mentionnait (page 11) deux magasins de plus de 2 500 m², deux de 1 000 m² à 2 500 m² et 15 magasins de 300 m² à 1 000 m², soit la même répartition que celle figurant dans l'autorisation délivrée. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le nombre des boutiques de moins de 300 m² (49) ainsi que la surface totale qu'elles occupent (6 354 m²) aurait été modifié de façon significative en cours d'instruction.
6. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 752-15 du code de commerce ne saurait être accueilli.
7. En troisième lieu, la SCI Péguy Hautepierre fait grief à la Commission nationale d'aménagement commercial d'avoir statué au vu d'un dossier incomplet ou inexact ne prenant pas en compte toute les implications du projet. Il ressort cependant des pièces du dossier que le dossier de demande composé en septembre 2013 pour être soumis à la commission départementale, complété du " mémoire technique complémentaire " daté du 24 février 2014 et actualisant et clarifiant certains points de la demande, ont permis à la commission nationale, dont la décision s'est substituée à celle de la commission départementale, d'être suffisamment éclairée sur les divers points du projet, notamment sur la nature et la répartition des surfaces de vente, le secteur d'activité ou l'enseigne des commerces, les plantations et l'impact du projet sur les flux de circulation routière. Si sur ce dernier point la lecture de l'étude de trafic réalisée par un cabinet spécialisé est rendue complexe par le grand nombre de variables prises en compte, qui tiennent à l'existence de nombreux projets déjà autorisés ou prévus dans la zone et à l'évolution générale de la circulation à proximité et aux détournements de flux que peuvent entraîner les aménagements projetés, le dossier complémentaire de février 2014 synthétise suffisamment les éléments de cette étude pour permettre aux membres de la commission nationale de se prononcer en toute connaissance de cause sur l'impact du projet et les aménagements prévus, dont les modalités de réalisation et de financement étaient suffisamment précisées.
En ce qui concerne l'appréciation de la commission nationale :
8. L'autorisation d'aménagement commercial ne peut être refusée que si, eu égard à ces effets, le projet compromet la réalisation des objectifs prévus par la loi. Il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles se prononcent sur un projet d'exploitation commerciale soumis à autorisation en application de l'article L. 752-1 du code de commerce, d'apprécier la conformité de ce projet aux objectifs prévus à l'article 1er de la loi du 27 décembre 1973 et à l'article L. 750-1 du code de commerce, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du même code. Cet article prévoit que la commission " se prononce sur les effets du projet en matière d'aménagement du territoire, de développement durable et de protection des consommateurs. Les critères d'évaluation sont : / 1° En matière d'aménagement du territoire : / a) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et de montagne ; / b) L'effet du projet sur les flux de transport ; / c) Les effets découlant des procédures prévues aux articles L. 303-1 du code de la construction et de l'habitation et L. 123-11 du code de l'urbanisme ; / 2° En matière de développement durable : / a) La qualité environnementale du projet ; / b) Son insertion dans les réseaux de transports collectifs ".
9. En premier lieu, le centre commercial " Carré Sénart-Shopping Parc " est situé dans une zone à fort potentiel de densification selon le schéma directeur de la région d'Ile-de-France. Il a connu une augmentation du nombre de ses visiteurs d'environ 6 % entre 2006 et 2013 alors que la population de la zone de chalandise a progressé de 8,73 % entre 1999 et 2011. Les produits offerts à la vente par les magasins du projet litigieux, exerçant principalement leur activité dans les secteurs de l'équipement de la personne et de la maison, ne sont pas concurrents mais complémentaires de ceux vendus dans les magasins du centre-ville de Lieusaint. Par ailleurs, le projet est desservi par l'autoroute A5, quatre lignes de bus dont une ligne Tzen 1 en site propre, reliant la gare RER de Lieusaint-Moissy à la gare RER de Corbeil-Essonnes et est accessible par les modes de transport doux, grâce à l'aménagement de trottoirs, de passages protégés et de pistes cyclables. La réalisation des aménagements routiers nécessaires à l'absorption des flux de circulation générés par le projet peut être considérée comme suffisamment certaine à la date de la décision attaquée dès lors que leur réalisation incombe à l'établissement public d'aménagement de la ville nouvelle de Sénart qui s'était engagé à les réaliser en sa qualité d'aménageur de la ZAC du Carré, sous le contrôle des collectivités locales compétentes qui avaient donné leur accord. Ainsi le moyen tiré de ce que le projet compromettrait l'objectif d'aménagement du territoire doit être écarté.
10. En deuxième lieu, le projet d'extension se fera sur des parcelles déjà imperméabilisées. Le pétitionnaire, qui doit respecter la " réglementation thermique 2012 ", a prévu la réalisation d'aménagements permettant l'optimisation de la gestion des déchets, des eaux pluviales et la maîtrise des consommations énergétiques. Le projet prévoit un éclairage naturel important, l'installation de pompes à chaleur avec récupérateur d'énergie, la mise en place de dispositifs de ventilation naturelle et de réduction de la consommation d'eau. Le parti pris architectural et paysager, qui prévoit notamment la construction d'une verrière s'intégrant au bâtiment existant, ainsi que la plantation de 71 arbres à haute tige supplémentaires, permettra une insertion satisfaisante du projet dans son environnement. L'ensemble sera accessible par les transports en commun et les modes de déplacements doux. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de l'objectif de développement durable ne peut être accueilli.
11. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir opposée par la SNC Centre commercial Francilia, que la SCI Péguy Hautepierre 13 n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision attaquée.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que demande la société Péguy Hautepierre au titre des frais de procédure qu'elle a exposés soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante.
13. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Péguy Hautepierre, sur le fondement des mêmes dispositions, une somme de 2 000 euros à verser à la SNC Centre commercial Francilia au titre des frais qu'elle a exposés pour sa défense.

DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SCI Péguy Hautepierre 13 est rejetée. Article 2 : La SCI Péguy Hautepierre 13 versera à la SNC Centre commercial Francilia une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Péguy Hautepierre 13, à la Commission nationale d'aménagement commercial et à la SNC Centre commercial Francilia.
Délibéré après l'audience du 28 janvier 2016, à laquelle siégeaient :
- Mme Pellissier, président de chambre,- M. Gouès, premier conseiller,- Mme Amat, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 11 février 2016.
L'assesseur le plus ancien,S. GOUESLe président rapporteur,S. PELLISSIER Le greffier,E. CLEMENTLa République mande et ordonne au ministre de l'écologie du développement durable et de l'énergie en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
''''''''3N° 14PA02746


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 14PA02746
Date de la décision : 11/02/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68 Urbanisme et aménagement du territoire.


Composition du Tribunal
Président : Mme PELLISSIER
Rapporteur ?: Mme Sylvie PELLISSIER
Rapporteur public ?: M. ROMNICIANU
Avocat(s) : ADDEN AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 16/04/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2016-02-11;14pa02746 ?
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