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05/01/2017 | FRANCE | N°15PA02778

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 05 janvier 2017, 15PA02778


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du

13 juin 2013 par laquelle l'inspectrice du travail de Melun a autorisé l'association Adapei 77 à la licencier, d'annuler la décision implicite née du silence du ministre chargé du travail sur le recours hiérarchique formé contre la décision de l'inspectrice du travail.

Mme B...a également demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 13 juin 2013 par laquelle l'inspectrice du travail de Me

lun a autorisé l'association Adapei 77 à la licencier, d'annuler la décision implicite ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du

13 juin 2013 par laquelle l'inspectrice du travail de Melun a autorisé l'association Adapei 77 à la licencier, d'annuler la décision implicite née du silence du ministre chargé du travail sur le recours hiérarchique formé contre la décision de l'inspectrice du travail.

Mme B...a également demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 13 juin 2013 par laquelle l'inspectrice du travail de Melun a autorisé l'association Adapei 77 à la licencier, d'annuler la décision implicite née du silence du ministre chargé du travail sur le recours hiérarchique formé contre la décision de l'inspectrice du travail ainsi que la décision du 21 février 2014 portant motivation de cette décision implicite.

Par un jugement nos 1400916, 1404031 du 13 mai 2015, le Tribunal administratif de Melun a rejeté ces deux demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 15 juillet 2015, 17 septembre et

4 novembre 2016, MmeB..., représentée par MeC..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement nos 1400916, 1404031 du 13 mai 2015 du Tribunal administratif de Melun ;

2°) de faire droit à ses conclusions de première instance ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens de l'instance.

Elle soutient que :

- l'inspectrice du travail a méconnu le principe du contradictoire lors de son enquête ;

- la consultation du comité d'entreprise n'a pas eu lieu ;

- la délai séparant sa mise à pied de sa demande de licenciement est excessif ;

- la décision de l'inspectrice du travail autorisant le licenciement est irrégulière en ce qu'elle ne vise pas l'ensemble des mandats exercés par la salariée ;

- la décision autorisant le licenciement a méconnu les stipulations de la Convention collective nationale de travail des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966 ;

- les décisions attaquées sont entachées d'erreur d'appréciation.

Par mémoires, enregistrés les 4 février et 21 septembre 2016, l'association Adapei 77 représentée par MeD..., conclut au rejet de la requête, à ce que la somme de 6 000 euros soit mise à la charge de Mme B...sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.

Elle soutient que :

- le principe du contradictoire a été respecté dès lors que l'inspectrice du travail a transmis à Mme B...l'ensemble des pièces produites par l'association Adapei 77 à l'appui de sa demande d'autorisation de licenciement ;

- l'absence d'indication d'un mandat extérieur à l'association et dont l'existence n'avait pas été révélée à cette dernière ne saurait entacher d'irrégularité la décision du 13 juin 2013 ;

- les stipulations de la convention collective nationale de travail des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966 ont été respectées ;

- les faits de harcèlement moral exercés par Mme B...étant en l'espèce établis, ils constituent une faute suffisamment grave pour justifier son licenciement.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- la décision du Conseil constitutionnel n°2012-242 QPC du 14 mai 2012 ;

- la convention collective nationale de travail des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique du 8 décembre 2016 :

- le rapport de Mme Pena ;

- les conclusions de Mme Delamarre, rapporteur public ;

- et les observations de MeC..., représentant les intérêts de Mme B...et de MeA..., représentant les intérêts de l'association Adapei 77.

Deux notes en délibéré respectivement présentées par l'association Adapei 77 et par Mme B...ont été enregistrées les 14 et 15 décembre 2016.

1. Considérant que Mme E...B..., employée depuis le 1er octobre 1987 au sein de l'association Adapei 77 en qualité de conseillère technique a exercé, à compter de 1999, les fonctions de directrice générale adjointe puis à été nommée, par le conseil d'administration, directrice générale de l'association en 2003 ; que, par ailleurs, elle était titulaire d'un mandat de conseiller prud'homal et d'un mandat d'administratrice de l'URSSAF Seine-et-Marne ; qu'alertée au mois de février 2013 par une salariée des pratiques managériales et attitudes dégradantes dont MmeB... aurait fait preuve, la présidente de l'association a entamé une procédure en vue de la licencier ; que la première demande d'autorisation de licenciement pour faute a été rejetée le 19 mars 2013 par l'inspectrice du travail, motif pris que les faits allégués étaient insuffisamment étayés ; que, saisie d'une nouvelle demande, l'inspectrice du travail a, par décision du 13 juin 2013, accordé l'autorisation sollicitée aux motifs qu'une grande partie des faits reprochés étaient établis et suffisamment graves pour justifier son licenciement et qu'aucun lien entre la demande de licenciement et son mandat ne pouvait être retenu ; que le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a, par une décision implicite née le 2 décembre 2013 rejeté le recours hiérarchique formé par l'intéressée contre la décision du 13 janvier précédent ; que Mme B...relève appel du jugement du 13 mai 2015 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux décisions ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :

2. Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, et notamment de conseiller prud'homme, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail ; que, lorsque leur licenciement est envisagé, celui-ci ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou avec leur appartenance syndicale ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, le cas échéant, au ministre compétent de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ;

3. Considérant que, pour autoriser le licenciement, l'inspectrice du travail a retenu un comportement fautif lié à des pratiques managériales ayant eu pour conséquence une altération de la santé mentale des salariés de l'association, un comportement fautif lié à des manquements constatés dans le cadre des relations collectives de travail, enfin, un comportement fautif lié à de graves manquements à ses obligations contractuelles et conventionnelles, notamment des carences de gestion ;

4. Considérant, en premier lieu, qu'au soutien du premier grief qu'elle reproche à MmeB..., l'association Adapei 77 fait valoir que les témoignages recueillis par l'inspectrice du travail dans le cadre de son enquête présentent une certaine concordance, dépeignant ainsi une attitude froide voire agressive de l'intéressée envers ses collègues générant une ambiance de travail stressante, une absence d'accompagnement et de retour sur le travail fourni, des propos dévalorisants voire humiliants ou encore des réflexions négatives non constructives sur le travail effectué ; que l'association fait également valoir que l'importance du " turn over " des collaborateurs ou secrétaires placés en contact professionnel direct avec MmeB..., les certificats médicaux produits attestant de la dépression de certains d'entre eux, ou encore la démission d'autres, témoignent d'un tel climat anxiogène, voire d'une mise en danger de la santé au travail de salariés se sentant démotivés et ayant perdu confiance en eux ; que, toutefois, et quand bien même l'attitude de Mme B...vis-à-vis de ses collaborateurs ou subalternes n'aurait pas toujours été exempte de tout reproche ni ses pratiques managériales toujours adaptées aux diverses situations rencontrées, il n'en demeure pas moins que toutes les plaintes dont elle a fait l'objet sont contemporaines du déclenchement de la procédure de licenciement ou postérieures à celle-ci, que les qualités professionnelles de Mme B...ont été jusque là reconnues et valorisées, et que l'ensemble des pièces du dossiers évoque davantage une ambiance générale de travail dégradée à compter de l'année 2011 témoignant avant tout de difficultés relationnelles croissantes et de divergences de points de vue entre la requérante et la présidente de l'association ; que, dès lors, les faits de harcèlement moral reprochés ne sont pas en l'espèce suffisamment établis ;

5. Considérant, en deuxième lieu, que s'il est également fait grief à la requérante d'être à l'origine d'un certain nombre de manquements dans le cadre des relations collectives de travail, notamment de n'avoir pas permis de favoriser la communication au sein de l'association et d'avoir conservé dans son bureau plusieurs courriers, documents ainsi qu'un chèque destinés à la présidente durant sa période de mise à pied, il n'est non seulement pas démontré que lesdits documents n'auraient pas été postérieurement transmis à leur destinataire, mais en outre, et ainsi que le fait valoir MmeB..., il entrait dans ses attributions de filtrer, compte tenu de leur objet, les différentes demandes adressées à la présidence provenant tant d'organismes extérieurs que des salariés de l'association ;

6. Considérant, en troisième et dernier lieu, qu'à l'appui du dernier des trois griefs reprochés à MmeB..., l'inspectrice du travail se borne à relever un règlement presque intégral d'une facture à une société en l'absence de réalisation définitive de la prestation de service commandée ; que cependant, en l'absence d'autres manquements de même nature, un tel agissement ne saurait à lui seul suffire à qualifier le comportement de l'intéressée de " fautif lié à de graves manquements à ses obligations contractuelles et conventionnelles, notamment des carences de gestion " ;

7. Considérant qu'il s'ensuit que les différents faits reprochés à MmeB..., tant pris isolément que dans leur ensemble, n'étant pas susceptible de constituer une faute d'une gravité suffisante de nature à justifier son licenciement pour motif disciplinaire, les deux décisions contestées de l'inspectrice du travail et du ministre chargé du travail accordant à son employeur l'autorisation de la licencier sont entachées d'une erreur d'appréciation ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme B...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation des deux décisions contestées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de MmeB..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que l'association Adapei 77 demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'association Adapei 77 une somme de 3 000 euros à verser à Mme B...au titre de ces mêmes frais ;

Sur les dépens :

10. Considérant qu'aucun frais n'a été exposé par les parties au titre des dépens ; que, par suite, leurs conclusions en ce sens doivent être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Melun du 13 mai 2015, la décision de l'inspectrice du travail de Melun du 13 juin 2013 ainsi que celle, implicite, du ministre chargé du travail rejetant le recours hiérarchique formé par Mme B...sont annulés.

Article 2 : L'association Adapei 77 versera la somme de 3 000 euros à Mme B...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions de l'association Adapei 77 présentées sur le fondement de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme B...est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E...B..., à l'association Adapei 77 et au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Délibéré après l'audience du 8 décembre 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Bouleau, premier vice-président,

- Mme Julliard, premier conseiller,

- Mme Pena, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 5 janvier 2017.

Le rapporteur,

E. PENALe président,

M. BOULEAU

Le greffier,

E. MOULIN

La République mande et ordonne au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 10PA03855

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N° 15PA02778


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: M. Francis POLIZZI
Rapporteur public ?: Mme DELAMARRE
Avocat(s) : CABINET PIERRE NAITALI

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Date de la décision : 05/01/2017
Date de l'import : 17/01/2017

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 15PA02778
Numéro NOR : CETATEXT000033858791 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-01-05;15pa02778 ?
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