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10/01/2017 | FRANCE | N°16PA02496

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 10 janvier 2017, 16PA02496


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Promouvoir et l'association Action pour la dignité humaine ont demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 21 août 2015 par laquelle la ministre de la culture et de la communication a accordé au film " Bang Gang (une histoire d'amour moderne) " un visa d'exploitation avec interdiction aux moins de douze ans, sans avertissement.

Par un jugement n° 1600685/5-1 du 15 juillet 2016, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.

Procédure devant la C

our :

Par une requête, enregistrée le 1er août 2016, l'association Promouvoir et...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Promouvoir et l'association Action pour la dignité humaine ont demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 21 août 2015 par laquelle la ministre de la culture et de la communication a accordé au film " Bang Gang (une histoire d'amour moderne) " un visa d'exploitation avec interdiction aux moins de douze ans, sans avertissement.

Par un jugement n° 1600685/5-1 du 15 juillet 2016, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 1er août 2016, l'association Promouvoir et l'association Action pour la dignité humaine, représentées par MeA..., demandent à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 15 juillet 2016 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler le visa d'exploitation du 21 août 2015 en tant qu'il n'est pas accompagné d'une interdiction aux moins de 18 ans ou, à titre subsidiaire, en tant qu'il interdit seulement le film aux moins de 12 ans, sans avertissement ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- le jugement du tribunal administratif est entaché d'erreur de droit en ce qu'il " se focalise sur la question de la présence de scènes à caractère pornographique ", sans s'attacher à la manière dont un enfant de douze ans peut percevoir un tel film, pour examiner s'il doit ou non être autorisé aux moins de douze ans ;

- les pratiques sexuelles représentées sont de nature à porter atteinte aux principes de protection de la jeunesse, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 211-1 du code du cinéma et de l'image animée ;

- le visa d'exploitation méconnaît les dispositions des articles 227-23 et 227-24 du code pénal puisque le film comporte une représentation de mineurs dans des scènes à caractère sexuel.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 octobre 2016, la ministre de la culture et de la communication, représentée par la SCP Piwnica etB..., avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, demande à la Cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) de mettre à la charge de l'association Promouvoir et de l'association Action pour la dignité humaine le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 27 octobre 2016, la clôture de l'instruction a été fixée au 25 novembre 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du cinéma et de l'image animée ;

- le code pénal ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Niollet,

- les conclusions de M. Baffray, rapporteur public,

- les observations de MeA..., pour l'association Promouvoir et l'association Action pour la dignité humaine,

- et les observations de MeB..., pour le ministre de la culture et de la communication.

1. Considérant que, par une décision du 21 août 2015, la ministre de la culture et de la communication a, au vu de l'avis émis par la commission de classification des oeuvres cinématographiques, accordé au film " Bang Gang (une histoire d'amour moderne) " un visa d'exploitation, assorti d'une interdiction de diffusion aux mineurs de douze ans, sans avertissement, au motif qu'il comporte " de très nombreuses scènes sexuelles et de consommation de stupéfiants et d'alcool susceptibles de heurter la sensibilité du jeune public " ; qu'à la suite de la sortie du film en salles, le 13 janvier 2016, l'association Promouvoir et l'association Action pour la dignité humaine ont demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler cette décision ; qu'elles font appel du jugement du 15 juillet 2016 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 211-1 du code du cinéma et de l'image animée : " La représentation cinématographique est subordonnée à l'obtention d'un visa d'exploitation délivré par le ministre chargé de la culture. / Ce visa peut être refusé ou sa délivrance subordonnée à des conditions pour des motifs tirés de la protection de l'enfance et de la jeunesse ou du respect de la dignité humaine (...) " ; qu'aux termes de l'article

R. 211-10 du même code : " Le ministre chargé de la culture délivre le visa d'exploitation cinématographique aux oeuvres ou documents cinématographiques (...) destinés à une représentation cinématographique, après avis de la commission de classification des oeuvres cinématographiques (...) " ; que l'article R. 211-11 du même code dispose : " Le visa d'exploitation cinématographique vaut autorisation de représentation publique des oeuvres ou documents sur tout le territoire de la France métropolitaine et des départements et régions d'outre-mer (...) " ; que selon l'article R. 211-12 : " Le visa d'exploitation cinématographique s'accompagne de l'une des mesures de classification suivantes : / 1° Autorisation de la représentation pour tous publics ; / 2° Interdiction de la représentation aux mineurs de douze ans ; / 3° Interdiction de la représentation aux mineurs de seize ans ; / 4° Interdiction de la représentation aux mineurs de dix-huit ans sans inscription sur la liste prévue à l'article

L. 311-2, lorsque l'oeuvre ou le document comporte des scènes de sexe non simulées ou de très grande violence mais qui, par la manière dont elles sont filmées et la nature du thème traité, ne justifient pas une telle inscription ; / 5° Interdiction de la représentation aux mineurs de dix-huit ans avec inscription de l'oeuvre ou du document sur la liste prévue à l'article L. 311-2 " ;

3. Considérant en premier lieu, qu'il ressort de son visionnage que le film " Bang Gang (une histoire d'amour moderne) " décrit l'histoire d'un groupe d'adolescents qui organise un jeu de hasard, " bang gang ", consistant en des relations sexuelles collectives ; que si ce film comporte de nombreuses scènes à caractère sexuel, elles sont filmées de manière lointaine ou voilée par une succession de plans brefs, et ne peuvent être qualifiées de scènes de sexe non simulées au sens des dispositions précitées des 4° et 5° de l'article R. 211-12 du code du cinéma et de l'image animée ; que l'effet d'incitation qu'elles pourraient susciter chez de jeunes spectateurs, est contrebalancé par le message d'alerte du réalisateur, révélé par la fin du film, quant aux conséquences pernicieuses de telles pratiques ; que dans ces conditions, la ministre de la culture et de la communication a pu, sans entacher sa décision d'erreur d'appréciation au regard des dispositions précitées des articles L. 211-1 et R. 211-12 du code du cinéma et de l'image animée, attribuer à ce film, un visa d'exploitation comportant une interdiction limitée aux mineurs de douze ans ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 227-23 du code pénal : " Le fait, en vue de sa diffusion, de fixer, d'enregistrer ou de transmettre l'image ou la représentation d'un mineur lorsque cette image ou cette représentation présente un caractère pornographique est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende. Lorsque l'image ou la représentation concerne un mineur de quinze ans, ces faits sont punis même s'ils n'ont pas été commis en vue de la diffusion de cette image ou représentation. (...) " ; qu'aux termes de l'article 227-24 du même code : " Le fait soit de fabriquer, de transporter, de diffuser par quelque moyen que ce soit et quel qu'en soit le support un message à caractère violent, incitant au terrorisme, pornographique ou de nature à porter gravement atteinte à la dignité humaine ou à inciter des mineurs à se livrer à des jeux les mettant physiquement en danger, soit de faire commerce d'un tel message, est puni de trois ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende lorsque ce message est susceptible d'être vu ou perçu par un mineur (...) " ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui vient d'être dit que si ce film comporte de nombreuses scènes à caractère sexuel, elles ne peuvent être considérées comme présentant un caractère pornographique ou portant atteinte à la dignité humaine ; que par suite, sa diffusion dans les conditions régies par le visa d'exploitation contesté, ne peut constituer une violation des dispositions précitées du code pénal ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'association Promouvoir et l'association Action pour la dignité humaine ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que l'association Promouvoir et l'association Action pour la dignité humaine demandent au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la ministre de la culture et de la communication, présentées sur le fondement des même dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de l'association Promouvoir et de l'association Action pour la dignité humaine est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la ministre de la culture et de la communication, présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Promouvoir, à l'association Action pour la dignité humaine, à la ministre de la culture et de la communication, à la société Manekli Films et à la société Borsalinos Productions Copie en sera adressée au Centre national du cinéma et de l'image animée.

Délibéré après l'audience du 13 décembre 2016, à laquelle siégeaient :

- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,

- M. Niollet, président-assesseur,

- Mme Petit, premier conseiller.

Lu en audience publique le 10 janvier 2017.

Le rapporteur,

J-C. NIOLLETLe président,

O. FUCHS-TAUGOURDEAU

Le greffier,

A-L. CHICHKOVSKY PASSUELLO

La République mande et ordonne au ministre de la culture et de la communication en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 16PA02496


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 16PA02496
Date de la décision : 10/01/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Arts et lettres - Cinéma.

Police - Polices spéciales - Police du cinéma (voir : Arts et lettres).


Composition du Tribunal
Président : Mme FUCHS TAUGOURDEAU
Rapporteur ?: M. Jean-Christophe NIOLLET
Rapporteur public ?: M. BAFFRAY
Avocat(s) : BONNET

Origine de la décision
Date de l'import : 31/01/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-01-10;16pa02496 ?
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