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22/03/2017 | FRANCE | N°15PA01115

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 22 mars 2017, 15PA01115


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B...a demandé au Tribunal administratif de la Polynésie française d'annuler la décision du 30 avril 2014 par laquelle le ministre de l'intérieur l'a révoqué de ses fonctions de brigadier de police.

Par un jugement n° 1400411 du 16 décembre 2014, le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et deux mémoires, enregistrés les 16 mars 2015, 4 juin 2015 et

26 août 2016, M. B..., représenté par l

a SCP Monod-Colin-Stoclet, avocats, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 16 décembre 2014 ;
...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B...a demandé au Tribunal administratif de la Polynésie française d'annuler la décision du 30 avril 2014 par laquelle le ministre de l'intérieur l'a révoqué de ses fonctions de brigadier de police.

Par un jugement n° 1400411 du 16 décembre 2014, le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et deux mémoires, enregistrés les 16 mars 2015, 4 juin 2015 et

26 août 2016, M. B..., représenté par la SCP Monod-Colin-Stoclet, avocats, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 16 décembre 2014 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;

- la décision de révocation est insuffisamment motivée ;

- le conseil de discipline a été saisi au terme d'un délai excessif à la suite de la suspension prononcée à son encontre, en méconnaissance de l'article 30 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- il n'y a pas eu de rapport de saisine du conseil de discipline en méconnaissance des dispositions de l'article 2 du décret du 25 octobre 1984 ;

- aucun rapporteur n'a été désigné ;

- l'absence de communication du rapport de saisine, qui ne figurait pas dans le dossier qu'il a consulté, entache la procédure d'irrégularité ;

- il n'est pas établi que le président a fait voter sur chacune des sanctions prévues par les dispositions réglementaires applicables et sur l'absence de proposition de sanction ;

- l'expertise toxicologique est couverte pas le secret de l'instruction ;

- les faits reprochés ne sont pas établis ;

- la sanction infligée est disproportionnée eu égard aux faits reprochés.

Par ordonnance du 2 décembre 2016, la clôture d'instruction a été fixée

au 3 janvier 2017.

Un mémoire en défense, présenté par le ministre de l'intérieur, a été enregistré après clôture le 21 février 2017.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires,

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat,

- le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 modifié relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l'Etat,

- le code de la sécurité intérieure,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Jimenez,

- et les conclusions de M. Cheylan, rapporteur public.

1. Considérant que M.B..., brigadier de police, a été suspendu de ses fonctions par arrêté du 15 mars 2013 du Haut Commissaire de la République en Polynésie française au motif qu'il serait impliqué dans une affaire d'infraction à la législation sur les stupéfiants ; que cette mesure de suspension a été prolongée par arrêté du 5 juillet 2013 ; que lors de sa séance

du 13 mars 2014, le conseil de discipline n'a proposé aucune sanction faute de recueillir l'assentiment d'une majorité de ses membres sur une proposition de sanction ; que par une décision du 30 avril 2014, le ministre de l'intérieur a prononcé la sanction de la révocation à l'encontre de M.B... au motif que l'intéressé " avait consommé, au cours de l'année 2012 et au début de l'année 2013, de la méthamphétamine, substance stupéfiante dont la détention ou la consommation est prohibée ", " qu'il s'était déjà manifesté défavorablement dans le passé pour des faits similaires " et " qu'un tel comportement se révèle incompatible avec la qualité et les fonctions de policier " ; que par un jugement n° 1400411 du 16 décembre 2014, le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté la demande d'annulation de cette sanction ; que M.B... relève appel de ce jugement ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant que M.B... soutient que le jugement attaqué serait insuffisamment motivé au motif que les premiers juges n'auraient pas précisé dans quelles conditions les faits reprochés auraient été rendus publics et auraient été de nature à nuire à la considération portée à la police nationale ; que, toutefois, il ressort de ses écritures de première instance que si

M.B... contestait la matérialité des faits reprochés, il n'invoquait aucun moyen relatif à l'erreur de qualification juridique, de sorte que les premiers juges n'étaient pas tenus d'apporter des précisions sur le caractère fautif de ces faits, et notamment sur la circonstance qu'ils nuisent à la considération portée à la police nationale ; que, dans ces conditions, le jugement attaqué, est suffisamment motivé ;

Sur le bien-fondé de la demande :

En ce qui concerne la légalité externe :

3. Considérant, en premier lieu, que M.B... reprend en appel les moyens qu'il invoquait en première instance, tirés de l'absence de rapport de saisine du conseil de discipline et de désignation d'un rapporteur, de la méconnaissance de l'article 8 du décret n° 84-961 n° du

25 octobre 1984 et de la violation du secret de l'instruction ; que, par un jugement motivé, les premiers juges ont écarté l'argumentation développée par M.B... à l'appui de chacun de ces moyens ; qu'il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par le Tribunal administratif de la Polynésie française aux points 2, 5, 7, 8, 9 et 10 du jugement attaqué, d'écarter les moyens ainsi articulés devant la Cour par le requérant, qui reproduit en appel l'essentiel de ses écritures de première instance, sans présenter aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation qu'il avait développée devant le tribunal, ni produire de nouvelles pièces ou éléments probants de nature à remettre en cause le bien-fondé du jugement ;

4. Considérant, en deuxième lieu, que la révocation litigieuse comporte l'énoncé des considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement ; qu'elle est, par suite, suffisamment motivée ;

5. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 30 de la loi n° 83-634 : " En cas de faute grave commise par un fonctionnaire, qu'il s'agisse d'un manquement à ses obligations professionnelles ou d'une infraction de droit commun, l'auteur de cette faute peut être suspendu par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire qui saisit, sans délai, le conseil de discipline. Le fonctionnaire suspendu conserve son traitement (...) sa situation doit être définitivement réglée dans le délai de quatre mois. Si à l'expiration de ce délai aucune décision n'a été prise par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire, l'intéressé, sauf s'il est l'objet de poursuites pénales est rétabli dans ses fonctions " ; qu'aucun texte n'enferme dans un délai déterminé l'exercice de l'action disciplinaire ; que, si les dispositions précitées limitent les conséquences de la suspension d'un fonctionnaire, elles n'ont pas pour objet ou pour effet d'encadrer le délai de l'action disciplinaire exercée par l'autorité compétente ; que, par suite, la circonstance qu'en l'espèce le conseil de discipline a été saisi onze mois après la mesure de suspension édictée à l'encontre de M. B...n'est pas de nature à entacher d'irrégularité la procédure disciplinaire engagée à l'égard de ce dernier ;

6. Considérant, en dernier lieu, d'une part, qu'aux termes de l'article 2 du décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 : " L'organisme siégeant en Conseil de discipline (...) est saisi par un rapport émanant de l'autorité ayant pouvoir disciplinaire ou d'un chef de service déconcentré ayant reçu délégation de compétence à cet effet. / Ce rapport doit indiquer clairement les faits reprochés au fonctionnaire et préciser les circonstances dans lesquelles ils se sont produits. " ; que, d'autre part, aux termes de l'article 19 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 : " (...) Le fonctionnaire à l'encontre duquel une procédure disciplinaire est engagée a droit à la communication de l'intégralité de son dossier individuel et de tous les documents annexes et à l'assistance de défenseurs de son choix. L'administration doit informer le fonctionnaire de son droit à communication du dossier. (...) " ; qu'aux termes de l'article 1er du décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 : " L'administration doit dans le cas où une procédure disciplinaire est engagée à l'encontre d'un fonctionnaire informer l'intéressé qu'il a le droit d'obtenir la communication intégrale de son dossier individuel et de tous les documents annexes et la possibilité de se faire assister par un ou plusieurs défenseurs de son choix. (...) " ;

7. Considérant qu'il résulte tant des dispositions précitées que du principe général de respect des droits de la défense que l'agent à l'encontre duquel une procédure disciplinaire est engagée doit être mis en mesure de consulter, préalablement à la séance du conseil de discipline, le rapport indiquant les faits qui lui sont reprochés et les circonstances dans lesquelles ils se sont produits ; que, s'il n'est pas contesté qu'en l'espèce M. B...n'a pas été mis en mesure de consulter le rapport de saisine du conseil de discipline avant la séance du 13 mars 2014, il ressort des pièces du dossier que les faits qui lui sont reprochés ont été portés à sa connaissance dans le cadre des mesures de suspension prononcées les 15 mars et 5 juillet 2013 et dans la lettre de convocation devant la commission administrative paritaire siégeant en conseil de discipline, laquelle mentionne expressément les faits reprochés, à savoir la " consommation de produits stupéfiants (méthamphétamine) constatée par une double analyse toxicologique " ; que par ailleurs, il est constant que M. B...a eu accès à son dossier ; que, dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'absence de communication du rapport de saisine, lequel ne contenait aucun élément nouveau dont M. B...n'aurait pas eu connaissance auparavant, aurait exercé une influence sur le sens de la décision prise ou aurait privé l'intéressé d'une garantie ; que, par suite, ce moyen doit être écarté ;

En ce qui concerne la légalité interne :

8. Considérant, en premier lieu, que M. B...conteste avoir consommé des stupéfiants ; qu'il se prévaut notamment d'un jugement correctionnel du 19 avril 2016 par lequel il a été relaxé des faits de détention et d'usage de stupéfiants au bénéfice du doute ; que si les faits constatés par le juge pénal s'imposent à l'administration comme au juge administratif, la même autorité ne saurait s'attacher aux motifs d'un jugement de relaxe tirés de ce que les faits reprochés ne sont pas établis ou de ce qu'un doute subsiste sur leur réalité ; qu'il appartient, dans ce cas, au juge administratif d'apprécier si les mêmes faits sont suffisamment établis et, dans l'affirmative, s'ils justifient l'application d'une sanction administrative ; qu'en l'espèce, il est constant qu'un rapport d'expertise établi le 9 mars 2013 par le service de toxicologie du centre hospitalier de Limoges indique que M. B...présentait un taux de 1,66 ng/mg de méthamphétamine sur les prélèvements capillaires effectués le 16 février 2013 ; qu'un second rapport d'expertise le 31 mai 2013 réalisé dans le cadre de l'information judiciaire a mis " en évidence la présence de méthamphétamine à l'état de trace " sur les prélèvements capillaires effectués le 18 mars 2013 ; que, d'une part, il ressort de ce rapport que l'expert judiciaire s'est prononcé " en faveur d'une consommation occasionnelle de méthamphétamine par

M.B... " ; que, d'autre part, contrairement aux allégations du requérant, cette dernière expertise, réalisée sur des prélèvements effectués un mois après ceux ayant servi à l'établissement du premier rapport d'expertise, ne saurait remettre en cause les précédents résultats, alors même qu'elle indique un taux inférieur de méthamphétamine et ne contient aucune précision sur la procédure de " décontamination des échantillons " avant analyse ; que la circonstance, au demeurant non établie que des prélèvements sanguins et urinaires n'auraient révélé aucun élément en faveur d'une consommation de produits stupéfiants, ne saurait, en elle-même, remettre en cause la validité des conclusions des rapports d'expertise ; que, par suite, ces deux expertises sont suffisantes pour tenir pour établi que M. B...a consommé de la méthamphétamine ; que, dès lors, M. B...n'est pas fondé à contester la matérialité des faits reprochés ;

9. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article R. 434-12 du code de la sécurité intérieure : " Le policier (...) ne se départ de sa dignité en aucune circonstance. En tout temps, dans ou en dehors du service, (...) il s'abstient de tout acte (...) ou comportement de nature à nuire à la considération portée à la police nationale (...). Il veille à ne porter, par la nature de ses relations, aucune atteinte à leur crédit ou à leur réputation. " ; que les faits reprochés à M.B..., qui sont de nature à nuire à la considération portée à la police nationale, constituent une faute justifiant une sanction disciplinaire, alors même qu'ils n'auraient pas été rendus publics ; qu'eu égard au comportement de M. B...qui a déjà fait l'objet le

6 décembre 2005 d'une exclusion temporaire de douze mois, dont neuf mois avec sursis, pour avoir consommé des produits stupéfiants peu de temps après sa titularisation, la révocation infligée n'apparaît pas disproportionnée au regard de la gravité de la faute commise, nonobstant la circonstance que la manière de servir de M. B...aurait été par ailleurs satisfaisante ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B...et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 8 mars 2017, à laquelle siégeaient :

- Mme Appèche, président,

- M. Magnard, premier conseiller,

- Mme Jimenez, premier conseiller.

Lu en audience publique le 22 mars 2017.

Le rapporteur,

J. JIMENEZLe président assesseur,

En application de l'article R. 222-26 du code

de justice administrative

S. APPECHE

Le greffier,

S. DALL'AVA

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 15PA01115


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 15PA01115
Date de la décision : 22/03/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme APPECHE
Rapporteur ?: Mme Julia JIMENEZ
Rapporteur public ?: M. CHEYLAN
Avocat(s) : SCP MONOD - COLIN - STOCLET

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-03-22;15pa01115 ?
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