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20/06/2017 | FRANCE | N°16PA01319

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 20 juin 2017, 16PA01319


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...B...a saisi le Tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à l'annulation de la décision verbale du 3 septembre 2014 par laquelle la directrice de l'école nationale de commerce de Paris (ENC), dite ENC Bessières, a subordonné son accès à l'établissement au retrait de son voile, et du rejet de son recours gracieux.

Par un jugement n° 1426145/2-1 du 16 février 2016, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, e

nregistrée le 18 avril 2016, Mme B...représentée par MeC..., demande à la Cour :

1°) d'annul...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...B...a saisi le Tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à l'annulation de la décision verbale du 3 septembre 2014 par laquelle la directrice de l'école nationale de commerce de Paris (ENC), dite ENC Bessières, a subordonné son accès à l'établissement au retrait de son voile, et du rejet de son recours gracieux.

Par un jugement n° 1426145/2-1 du 16 février 2016, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 18 avril 2016, Mme B...représentée par MeC..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Paris n° 1426145/2-1 du

16 février 2016 ;

2°) d'annuler la décision verbale du 3 septembre 2014, ainsi que le rejet de son recours gracieux ;

3°) de mettre à la charge de l'administration le versement d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'une omission à statuer ;

- la décision attaquée est entachée d'une erreur de droit dès lors que l'ENC Bessières n'entre pas dans le champ d'application de l'article L. 141-5-1 du code de l'éducation ;

- la décision attaquée porte atteinte à la liberté de culte, à la liberté de conscience et à la liberté d'expression ;

- la décision attaquée constitue une discrimination à son égard, réprimée par les dispositions des articles 225-1 et 225-2 du code pénal.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 février 2017, la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche conclut au rejet de la requête.

Elle soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Constitution du 4 octobre 1958 ;

- la loi n° 59-49 du 3 février 1953 ;

- la loi n° 2004-228 du 15 mars 2004 encadrant, en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics ;

- la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 ;

- le décret n° 59-57 du 6 janvier 1959 portant réforme de l'enseignement public ;

- l'arrêté du 20 juin 1957 ;

- le code de l'éducation ;

- le code pénal ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme d'Argenlieu,

- et les conclusions de Mme Oriol, rapporteur public.

1. Considérant que par une décision verbale du 3 septembre 2014, la directrice de l'école nationale de commerce de Paris (ENC), dite ENC Bessières a indiqué à Mme B...que son accès aux cours était subordonné au retrait de son voile ; que, par une lettre du 5 septembre 2014,

Mme B...a exercé un recours gracieux à l'encontre de cette décision ; que, par une décision expresse du 8 septembre 2014, la directrice de l'ENC Bessières a rejeté ce recours gracieux ; que, par un jugement du 16 février 2016, dont Mme B...relève appel, le Tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de l'intéressée tendant à l'annulation de la décision verbale du

3 septembre 2014 et le rejet de son recours gracieux ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'à l'appui de ses conclusions en annulation formulées en première instance, Mme B...a soutenu que les décisions en litige étaient irrégulières dans la mesure où elles n'avaient pas été précédées de la mise en oeuvre d'une procédure disciplinaire en application des articles D. 511-30 et suivants du code de l'éducation ; que dès lors que ces décisions ne constituent pas des sanctions, le moyen ainsi soulevé était inopérant ; que, toutefois, dans la mesure où ce moyen n'a pas été visé par les premiers juges, ceux-ci, en omettant d'y répondre, ont entaché leur jugement d'irrégularité ;

3. Considérant, par suite, qu'il y a lieu d'annuler le jugement dont il est relevé appel et de statuer immédiatement, par la voie de l'évocation, sur la demande présentée par

MmeB... devant le Tribunal administratif de Paris ;

Sur la légalité de la décision du 3 septembre 2014 :

4. Considérant qu'aux termes de l'article 10 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 : " Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, mêmes religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la loi " ; qu'aux termes de l'article 1er de la Constitution du 4 octobre 1958 : " La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances... " ; que le principe de la laïcité de l'enseignement public, qui résulte notamment des dispositions précitées et qui est l'un des éléments de la laïcité de l'Etat et de la neutralité de l'ensemble des services publics, impose que l'enseignement soit dispensé dans le respect de cette neutralité par les programmes et par les enseignants, et de la liberté de conscience de ceux qui les suivent ;

5. Considérant, en premier lieu, que Mme B...invoque en appel les moyens déjà présentés devant le tribunal administratif tirés de l'atteinte portée par les décisions attaquées à la liberté de culte, à la liberté de conscience et à la liberté d'expression et de ce qu'elles constitueraient une discrimination réprimée par les dispositions des articles 225-1 et 225-2 du code pénal sans apporter aucun élément nouveau susceptible de remettre en cause l'analyse et la motivation que les premiers juges ont à bon droit porté sur les mérites de sa demande sur ces points ; que, dès lors, ces moyens doivent être écartés par adoption des motifs retenus par les premiers juges ;

6. Considérant, en second lieu, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 141-5-1 du code de l'éducation, dans sa rédaction issue de la loi n° 2004-228 du 15 mars 2004 encadrant, en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics : " Dans les écoles, collèges et lycées publics, le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent une appartenance religieuse est interdit. Le règlement intérieur rappelle que la mise en oeuvre d'une procédure disciplinaire est précédée d'un dialogue avec l'élève " ; que, d'autre part, aux termes de l'article 4 de la loi susvisée du 3 février 1953 : " Deux écoles nationales d'enseignement technique sont créées dans le département de la Seine. Un arrêté pris par le ministre chargé de l'enseignement technique fixera la date de leur ouverture " ; que, par ailleurs, aux termes d'un arrêté du 20 juin 1957 : " L'école nationale de commerce de Paris, école nationale d'enseignement technique, créée par la loi n° 53-49 du 3 février 1953 est ouverte à Paris à compter du 1er octobre 1957 " ; que les motifs du décret susvisé du 6 janvier 1959 précisent que : " Tous les établissements d'enseignement technique distribuant une formation longue, qu'elle débouche sur les diplômes professionnels ou sur les baccalauréats techniques prennent le nom de lycée technique. " ;

7. Considérant qu'il résulte de ces dispositions combinées que l'ENC dite Bessières, dont il ressort par ailleurs des pièces du dossier que le régime disciplinaire de ses élèves fixé par son règlement intérieur, est celui applicable aux lycéens en vertu des articles R. 511-12 du code de l'éducation, doit être regardée comme constituant un lycée au sens dudit code ; que cette école entre dès lors dans le champ d'application de l'article L. 141-5-1 précité, sans que puisse lui être opposée la circonstance qu'elle ne dispenserait que des formations préparant soit aux grandes écoles, soit à l'obtention d'un brevet de technicien supérieur ; que, par suite, c'est sans erreur de droit que la directrice de cette école a pu conditionner la fréquentation des cours par Mme B...au retrait préalable de son voile ; que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 141-5-1 du code de l'éducation doit donc être écarté ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que la directrice de l'ENC Bessières aurait commis une illégalité en conditionnant son accès à l'établissement au retrait de son voile ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que Mme B...demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Paris n° 1426145/2-1 du 16 février 2016 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme B...devant le Tribunal administratif de Paris est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B...et à la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation.

Une copie sera adressée à l'école nationale de commerce de Paris, dite ENC Bessières.

Délibéré après l'audience du 6 juin 2017 à laquelle siégeaient :

- M. Even, président,

- Mme Hamon, président assesseur,

- Mme d'Argenlieu, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 20 juin 2017.

Le rapporteur,

L. d'ARGENLIEULe président,

B. EVEN

Le greffier,

S. GASPAR

La République mande et ordonne à la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 16PA01319


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: Mme Lorraine D'ARGENLIEU
Rapporteur public ?: Mme ORIOL
Avocat(s) : GUEZ GUEZ SEFIEN

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Date de la décision : 20/06/2017
Date de l'import : 04/07/2017

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 16PA01319
Numéro NOR : CETATEXT000034986033 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-06-20;16pa01319 ?
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