La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/06/2017 | FRANCE | N°16PA02772

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 10ème chambre, 20 juin 2017, 16PA02772


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...a demandé au Tribunal administratif de Melun de condamner la communauté d'agglomération " Val d'Europe agglomération " à lui verser la somme de 51 615,84 euros en réparation des préjudices qu'elle a subis des faits de harcèlement moral auxquels elle a été exposée dans l'exercice de ses fonctions, assortie des intérêts au taux légal à compter de sa demande d'indemnisation et de la capitalisation de ces intérêts, et de mettre à la charge de la communauté d'agglomération " Val d'Europe ag

glomération " le versement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'articl...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...a demandé au Tribunal administratif de Melun de condamner la communauté d'agglomération " Val d'Europe agglomération " à lui verser la somme de 51 615,84 euros en réparation des préjudices qu'elle a subis des faits de harcèlement moral auxquels elle a été exposée dans l'exercice de ses fonctions, assortie des intérêts au taux légal à compter de sa demande d'indemnisation et de la capitalisation de ces intérêts, et de mettre à la charge de la communauté d'agglomération " Val d'Europe agglomération " le versement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1409196 du 30 juin 2016 le Tribunal administratif de Melun a rejeté ses demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 22 août 2016, MmeD..., représentée par Me F..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1409196 du 30 juin 2016 du Tribunal administratif de Melun ;

2°) de condamner le syndicat d'agglomération nouvelle du Val d'Europe au versement à Mme D...d'une somme de 51 615,84 euros au titre des dommages et intérêts pour réparation de l'ensemble des préjudices subis, avec les intérêts de droit à compter de la réclamation préalable et à leur capitalisation ;

3°) de mettre à la charge du syndicat d'agglomération nouvelle du Val d'Europe une somme de 3 000 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que c'est par une erreur d'appréciation et par un défaut d'examen des pièces du dossier, que le jugement considéré n'a pas retenu que les faits qu'elle invoque sont constitutifs d'un harcèlement moral qui a provoqué une dégradation de son état de santé et un préjudice qu'elle évalue à 51 615,84 euros, alors qu'il est avéré que ses attributions ont été réduites à compter de 2001, qu'elle a subi une " mise au placard " et que des propos inadaptés ou malveillants ont été tenus à son égard par ses supérieurs hiérarchiques.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 octobre 2016, la communauté d'agglomération " Val d'Europe agglomération " venant aux droits du syndicat d'agglomération nouvelle du Val d'Europe, représentée par la SCP Richer et associés, conclut au rejet de la requête, demande à ce que cette instance soit jointe avec celle enregistrée sous le numéro 16PA02799, et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de Mme D...en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par Mme D...ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Legeai,

- les conclusions de M. Ouardes, rapporteur public,

- et les observations de MeE..., représentant la communauté d'agglomération " Val d'Europe agglomération ".

Une note en délibéré, enregistrée le 7 juin 2017, a été présentée pour la communauté d'agglomération " Val d'Europe agglomération ".

1. Considérant que Mme D...a été recrutée en qualité d'agent administratif par la communauté d'agglomération " Val d'Europe agglomération " en 1992 ; qu'elle a été affectée successivement sur un emploi de secrétaire au pôle communication, puis, en 1996, à la direction de l'urbanisme, sous l'autorité hiérarchique de M. C... ; qu'à compter de l'année 2001, elle fait valoir que ses conditions de travail se sont dégradées du fait d'une mise à l'écart du service injustifiée et de propos inadaptés ou malveillants tenus par M. C..., devenu directeur général, et MmeB..., sa supérieure hiérarchique directe depuis 2002 ; que par jugement n° 1409196 du 30 juin 2016 le Tribunal administratif de Melun a rejeté la demande de l'intéressée tendant notamment à condamner la communauté d'agglomération " Val d'Europe agglomération " à lui verser la somme de 51 615,84 euros en réparation des préjudices qu'elle a subis des faits de harcèlement moral auxquels elle a été exposée dans l'exercice de ses fonctions, assortie des intérêts au taux légal à compter de sa demande d'indemnisation, et de la capitalisation de ces intérêts ; que par la présente requête Mme D...relève régulièrement appel de ce jugement ;

Sur le bien fondé du jugement :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. (...) " ; que peuvent être qualifiés de harcèlement moral les agissements répétés qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail de l'agent susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; que, dès lors qu'elle n'excède pas ces limites, une simple diminution des attributions justifiée par l'intérêt du service n'est pas constitutive de harcèlement moral ; qu'il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement ; qu'il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;

3. Considérant que la communauté d'agglomération " Val d'Europe agglomération " soutient que Mme D...a bénéficié de 486 jours d'arrêts de travail pour maladie entre 2001 et 2011 et que ces absences justifiaient que certaines tâches lui soient retirées ; que, pendant la même période, sa fiche de poste est demeurée inchangée ; qu'elle a connu un déroulement de carrière normal ; qu'elle a vu son régime indemnitaire revalorisé en 2006 ; qu'elle a fait l'objet d'évaluations annuelles positives et sur lesquelles l'intéressée n'a pas porté d'observation quant à l'insuffisance de sa charge de travail ; que si Mme D...a pu se sentir déconsidérée par le fait que ses missions ont été amoindries après que M. C..., en 2001, eut été nommé directeur général des services, et que MmeB..., cadre de catégorie A, eut été recrutée dans son service, la communauté d'agglomération intimée relève qu'aucun témoignage direct n'établit que M. C... aurait prononcé les propos déplacés que Mme D...lui prête, et qu'il n'est pas non plus établi que Mme B...aurait propagé des propos malveillants à son égard ni même que, avant 2013, l'intéressée se soit plainte de cette situation ;

4. Considérant, toutefois, que Mme D...soutient qu'elle a été victime d'une baisse anormale et prolongée de sa charge de travail depuis 2001 ; qu'elle fait valoir que lorsque M. C... a été nommé dans l'emploi de directeur général des services de la communauté d'agglomération " Val d'Europe agglomération ", dans le courant de l'année 2001, et bien qu'il ait conservé à cette occasion la responsabilité de la direction de l'urbanisme au sein de laquelle elle est affectée, ses attributions ont été fortement réduites ; qu'en 2002, le recrutement, dans le même service, de Mme B...a conduit à une réduction supplémentaire de sa charge de travail et a eu pour conséquence sa mise à l'écart du service, qu'elle qualifie de " mise au placard ", dont les effets n'ont fait que s'accroître tout au long des nombreuses années écoulées depuis 2001, situation à l'origine de la dépression dont elle souffre ; que Mme D...produit plusieurs attestations de personnes employées ou ayant été employées par la communauté d'agglomération " Val d'Europe agglomération " qui font état de la dégradation progressive de son état de santé physique et psychique à compter de 2001 et du lien entre cette dégradation et l'insuffisance de sa charge de travail ; qu'elle a sollicité à plusieurs reprises, mais en vain, M. C... pour qu'il lui confie davantage de travail ; que M. C... a fait l'objet de plusieurs remarques du président du conseil d'administration de la communauté d'agglomération " Val d'Europe agglomération " relatives à son comportement vis-à-vis du personnel de l'établissement ; que le médecin de prévention dans son rapport en date du 28 octobre 2013 a certifié que la pathologie dont souffre Mme D...est en lien avec les conditions de travail difficiles dans lesquelles elle a été contrainte de travailler depuis de nombreuses années ; que la commission de réforme a rendu, le 12 mars 2014, un avis favorable à la reconnaissance de l'imputabilité au service de la pathologie dont souffre MmeD... ; que la décision en date du 25 avril 2014 de la communauté d'agglomération " Val d'Europe agglomération " refusant l'imputabilité de la maladie au service a été annulée par un jugement n° 1405733 du 30 juin 2016 du Tribunal administratif de Melun confirmé par un arrêt 16PA02799 de ce jour de la Cour de céans ; qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté la qualification de harcèlement moral ;

5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme D...est fondée à soutenir que le jugement attaqué n° 1409196 du 30 juin 2016 du Tribunal administratif de Melun doit être annulé ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de faire droit à sa demande tendant à condamner la communauté d'agglomération " Val d'Europe agglomération " à lui verser une somme en réparation des préjudices subis des faits de harcèlement moral auxquels elle a été exposée dans l'exercice de ses fonctions, à hauteur de 5 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de la date de réception de sa demande d'indemnisation, intérêts qui seront capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts à l'échéance annuelle à compter de cette date de réception ; qu'il y a lieu de mettre à la charge de la communauté d'agglomération " Val d'Europe agglomération " une somme de 1 500 euros à verser à Mme D...sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de rejeter les conclusions de la communauté d'agglomération " Val d'Europe agglomération " à l'encontre de Mme D...sur ce même fondement.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1409196 du 30 juin 2016 du Tribunal administratif de Melun est annulé.

Article 2 : La communauté d'agglomération " Val d'Europe agglomération " est condamnée à verser à Mme D...une somme de 5 000 euros au titre des dommages et intérêts en réparation de l'ensemble des préjudices subis. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter de la date de réception de sa réclamation préalable. Ces intérêts seront capitalisés pour produire

eux-mêmes intérêts à l'échéance annuelle à compter de cette date de réception.

Article 3 : Une somme de 1 500 euros est mise à la charge de la communauté d'agglomération " Val d'Europe agglomération " à verser à Mme D...sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme D...est rejeté.

Article 5 : Les conclusions de la communauté d'agglomération " Val d'Europe agglomération " tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...D...et à la communauté d'agglomération " Val d'Europe agglomération ".

Délibéré après l'audience du 6 juin 2017 à laquelle siégeaient :

M. Auvray, président de la formation de jugement,

Mme Mielnik-Meddah, premier conseiller,

M. Legeai, premier conseiller,

Lu en audience publique le 20 juin 2017.

Le rapporteur,

A. LEGEAI

Le président,

B. AUVRAY

Le greffier,

C. DABERT

La République mande et ordonne au préfet de Seine-et-Marne en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 16PA02772


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 10ème chambre
Numéro d'arrêt : 16PA02772
Date de la décision : 20/06/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-07-10-005 Fonctionnaires et agents publics. Statuts, droits, obligations et garanties. Garanties et avantages divers. Protection contre les attaques.


Composition du Tribunal
Président : M. AUVRAY
Rapporteur ?: M. Alain LEGEAI
Rapporteur public ?: M. OUARDES
Avocat(s) : PARAGYIOS

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-06-20;16pa02772 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award