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31/07/2017 | FRANCE | N°15PA02958

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 31 juillet 2017, 15PA02958


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...E...et Mme A...E...ont demandé au Tribunal administratif de Melun de condamner solidairement le département du Val-de-Marne et la société Dodin Ile-de-France à leur verser la somme totale de 158 200,04 euros en réparation des préjudices de toute nature qui ont résulté pour eux des travaux d'aménagement et de consolidation des berges de la Seine entrepris en juin 2007 au niveau du quai des Gondoles à Choisy-le-Roi.

Par un jugement n° 1310234 du 26 mai 2015, tel que corrigé par une ordonnan

ce rectificative du 17 juin 2015, le Tribunal administratif de Melun a :

- conda...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...E...et Mme A...E...ont demandé au Tribunal administratif de Melun de condamner solidairement le département du Val-de-Marne et la société Dodin Ile-de-France à leur verser la somme totale de 158 200,04 euros en réparation des préjudices de toute nature qui ont résulté pour eux des travaux d'aménagement et de consolidation des berges de la Seine entrepris en juin 2007 au niveau du quai des Gondoles à Choisy-le-Roi.

Par un jugement n° 1310234 du 26 mai 2015, tel que corrigé par une ordonnance rectificative du 17 juin 2015, le Tribunal administratif de Melun a :

- condamné solidairement le département du Val-de-Marne et la société Dodin Ile-de-France à verser à M. et Mme E...la somme de 23 546,64 euros ;

- condamné le département du Val-de-Marne à garantir la société Dodin Ile-de-France des sommes qu'elle serait amenée à verser en exécution du jugement ;

- mis les frais d'expertise à la charge définitive du département du Val-de-Marne ;

- et rejeté le surplus des conclusions de la requête et des conclusions présentées par le département du Val-de-Marne et la société Dodin Ile-de-France.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 27 juillet 2015 et 20 janvier 2017, le département du Val-de-Marne, représenté par Me Phelip, demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 1310234 du 26 mai 2015 du Tribunal administratif de Melun en tant que, par ce jugement, celui-ci, d'une part, a rejeté son appel en garantie dirigé contre la société Dodin Ile-de-France et, d'autre part, a admis l'appel en garantie de cette société ;

2°) de condamner la société Dodin Ile-de-France à le garantir de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre et à lui rembourser la somme de 20 547,15 euros ;

3°) de mettre à la charge de la société Dodin Ile-de-France les entiers dépens ainsi que la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la société Dodin Ile-de-France doit le garantir des condamnations mises à sa charge par le jugement et le rembourser de la somme de 20 547,15 euros versée à M. et Mme E...dans le cadre d'un protocole d'accord, dès lors que les fautes et inexécutions contractuelles de la société Dodin Ile-de-France sont à l'origine directe des désordres subis par l'immeuble de M. et MmeE... ;

- c'est à tort que les premiers juges ont jugé que la réception sans réserve d'un marché de travaux publics met fin aux rapports contractuels entre le maître d'ouvrage et l'entrepreneur et fait obstacle à ce que l'entrepreneur soit ultérieurement appelé en garantie par le maître d'ouvrage pour des dommages dont un tiers demande réparation ;

- le contrat, et notamment l'article 1-1-3 du cahier des clauses techniques particulières (CCTP), l'article 9.8 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) et l'article 35 du cahier des clauses administratives générales (CCAG) applicables aux marchés publics de travaux, prévoit que la société Dodin Ile-de-France est responsable à l'égard des tiers des conséquences des travaux et c'est à tort que les premiers juges ont jugé que ces stipulations n'avaient pas pour effet de prolonger la responsabilité contractuelle au-delà de la réception des travaux ;

- dans l'hypothèse où la Cour ne ferait pas droit à ses conclusions d'appel en garantie, la société Dodin Ile-de-France devra être condamnée à lui rembourser la somme de 20 547,15 euros versée à M. et Mme E...dans le cadre d'un protocole d'accord en application de la clause dudit protocole prévoyant la subrogation du département dans les droits de M. et MmeE... ;

- dans l'hypothèse où la Cour confirmerait le jugement en ce qu'il a rejeté son appel en garantie, elle devrait l'annuler en ce qu'il l'a condamné à garantir la société Dodin Ile-de-France des condamnations prononcées à son encontre, dès lors que la société ne pourrait pas plus que lui invoquer le contrat, compte tenu de la fin des relations contractuelles, ni fonder son action sur un fondement quasi-délictuel, compte tenu de l'existence dudit contrat.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 octobre 2015, M. et MmeE..., représentés par MeB..., concluent au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge solidaire du département du Val-de-Marne et de la société Dodin Ile-de-France au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que l'appel interjeté par le département du Val-de-Marne est limité aux dispositions relatives aux appels en garantie et à la mise à la charge définitive des frais d'expertise et que le jugement doit être confirmé en ce qu'il condamne solidairement le département et la société Dodin Ile-de-France à les indemniser des conséquences dommageables qui ont résulté pour eux des travaux.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 septembre 2016, la société Dodin Ile-de-France, représentée par Me Fizellier, conclut :

1°) à titre principal, au rejet de la requête ;

2°) à titre subsidiaire, à la condamnation du département du Val-de-Marne à la garantir de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre ;

3°) en toute hypothèse, à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge du département du Val-de-Marne au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par le département du Val-de-Marne ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bernard,

- les conclusions de M. Sorin, rapporteur public,

- les observations de Me Phelip, avocat du département du Val-de-Marne,

- et les observations de MeC..., substituant Me Fizellier, avocat de la société Dodin Ile-de-France.

Considérant ce qui suit :

1. Le département du Val-de-Marne a conclu un marché de travaux publics avec la société Dodin Ile-de-France pour la réalisation de travaux d'aménagement et de consolidation des berges de la Seine au niveau du quai des Gondoles sur la commune de Choisy le Roi. Par un jugement en date du 26 mai 2015, corrigé par une ordonnance rectificative du 17 juin 2015, le Tribunal administratif de Melun a condamné solidairement le département du Val-de-Marne et la société Dodin Ile-de-France à verser à M. et Mme E...la somme de 23 546,64 euros en réparation des préjudices de toute nature qui ont résulté pour eux desdits travaux, a condamné le département du Val-de-Marne à garantir la société Dodin Ile-de-France des sommes qu'elle serait amenée à verser en exécution du jugement, a mis les frais d'expertise à la charge définitive du département du Val-de-Marne et a rejeté le surplus des conclusions de la requête et des conclusions présentées par le département du Val-de-Marne et par la société Dodin Ile-de-France.

2. Le département du Val-de-Marne doit être regardé comme relevant appel de ce jugement seulement en tant qu'il a, premièrement, rejeté son appel en garantie dirigé contre la société Dodin Ile-de-France, deuxièmement, admis l'appel en garantie de cette société, troisièmement, rejeté ses conclusions tendant à la condamnation de la société Dodin Ile-de-France à lui rembourser la somme de 20 547,15 euros versée à M. et Mme E...dans le cadre d'un protocole d'accord et, quatrièmement, mis les frais d'expertise à sa charge.

Sur le bien fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne les conclusions à fin d'appel en garantie présentées par le département du Val-de-Marne et par la société Dodin Ile-de-France devant le Tribunal administratif :

3. La fin des rapports contractuels entre le maître d'ouvrage et l'entrepreneur, consécutive à la réception sans réserve d'un marché de travaux publics, fait obstacle à ce que, sauf clause contractuelle contraire, l'entrepreneur soit ultérieurement appelé en garantie par le maître d'ouvrage pour des dommages dont un tiers demande réparation à ce dernier, alors même que ces dommages n'étaient ni apparents ni connus à la date de la réception. Il n'en irait autrement - réserve étant faite par ailleurs de l'hypothèse où le dommage subi par le tiers trouverait directement son origine dans des désordres affectant l'ouvrage objet du marché et qui seraient de nature à entraîner la mise en jeu de la responsabilité des constructeurs envers le maître d'ouvrage sur le fondement des principes dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil - que dans le cas où la réception n'aurait été acquise à l'entrepreneur qu'à la suite de manoeuvres frauduleuses ou dolosives de sa part.

4. En premier lieu, il résulte de l'instruction que la réception définitive des travaux exécutés par la société Dodin Ile-de-France a été prononcée sans réserves par le département du Val-de-Marne le 26 mars 2009, antérieurement à l'enregistrement au greffe du Tribunal administratif de Melun de la requête de M. et Mme E...demandant leur condamnation solidaire à réparer les préjudices imputables aux travaux en cause. Ainsi que l'a jugé à bon droit le Tribunal, la circonstance qu'au moment où la réception des travaux a été prononcée une expertise était en cours aux fins de déterminer la nature et les causes des dommages subis par les riverains n'était pas de nature à faire obstacle à l'extinction de l'action en responsabilité contractuelle du maître d'ouvrage à l'encontre des constructeurs résultant de ladite réception.

5. En deuxième lieu, aux termes des stipulations de l'article 35 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux : " 35.1.1. Les dommages de toute nature, causés par le titulaire au personnel ou aux biens du maître de l'ouvrage ou du représentant du pouvoir adjudicateur, du fait de la conduite des travaux ou des modalités de leur exécution, sont à la charge du titulaire, sauf si celui-ci établit que cette conduite ou ces modalités résultent nécessairement de stipulations du marché ou de prescriptions d'ordre de service. / (...) ". Aux termes des stipulations de l'article 9.8 du cahier des clauses administratives particulières du marché, le titulaire du marché, le mandataire ainsi que les co-traitants doivent " justifier qu'ils ont contracté une assurance au titre de la responsabilité civile découlant des articles 1382 à 1384 du Code civil, garantissant les tiers en cas d'accident ou de dommages causés par l'exécution des travaux ". Enfin, aux termes des stipulations de l'article 1-1-3 du cahier des clauses techniques particulières du marché : " le titulaire sera pleinement responsable de tous dommages causés aux immeubles voisins par la conduite des travaux ou leur exécution. (...) ".

6. Contrairement à ce que soutient le département du Val-de-Marne aucune des stipulations citées au point précédent n'a pour objet ou pour effet de prolonger la responsabilité contractuelle des constructeurs au-delà de la réception des travaux.

7. En troisième lieu, les appels en garantie réciproques formés par le département du Val-de-Marne et la société Dodin Ile-de-France devant le Tribunal administratif tendaient à mettre en cause la responsabilité qu'ils pouvaient encourir l'un envers l'autre en raison de manquements aux obligations contractuelles nées du marché qui les liait. La société Dodin Ile-de-France peut se prévaloir de la réception définitive prononcée sans réserves, laquelle a mis fin à ses rapports contractuels avec le département du Val-de-Marne, pour demander à être relevée de la condamnation prononcée à son encontre. En revanche, le département du Val-de-Marne, maître de l'ouvrage, dès lors qu'il a prononcé la réception des travaux sans réserves, doit supporter l'intégralité des condamnations qui ont été prononcées au bénéfice de M. et MmeE.... C'est par suite à bon droit que les premiers juges, d'une part, ont condamné le département du Val-de-Marne à garantir la société Dodin Ile-de-France des sommes qu'elle serait amenée à verser en exécution du jugement et, d'autre part, ont rejeté les conclusions du département du Val-de-Marne tendant à la condamnation de la société Dodin Ile-de-France à le garantir des condamnations prononcées à son encontre.

En ce qui concerne les conclusions du département du Val-de-Marne tendant au remboursement de la somme versée à M. et Mme E...dans le cadre d'un protocole d'accord :

8. Le département du Val-de-Marne a versé à M. et Mme E...une somme de 20 547,15 euros en application d'un protocole d'accord. Il demande la condamnation de la société Dodin Ile-de-France à lui rembourser cette somme en qualité de subrogé dans les droits de M. et MmeE.... Toutefois, le département du Val-de-Marne ne dispose à l'égard de la société Dodin Ile-de-France, sauf cas de fraude ou de dol, d'autre action que celle qui résulte du contrat qui les unissait. Or, il résulte de ce qui a été dit aux points 3 à 7 ci-dessus que les relations contractuelles entre le département et la société ont pris fin avec la réception sans réserves des travaux à l'origine des désordres. En l'absence de fraude ou de dol, la responsabilité de la société ne peut donc plus être recherchée. Par suite, comme l'a jugé à bon droit le Tribunal, les conclusions du département du Val-de-Marne tendant au remboursement de la somme versée à M. et Mme E...en qualité de subrogé dans les droits de ces derniers ne peuvent qu'être rejetées.

En ce qui concerne les frais d'expertise :

9. Le jugement attaqué ayant condamné solidairement le département du Val-de-Marne et la société Dodin Ile-de-France à indemniser M. et Mme E...de leurs préjudices et condamné le département du Val-de-Marne à garantir la société Dodin Ile-de-France des sommes qu'elle serait amenée à verser en exécution du jugement, c'est à bon droit qu'il a condamné le département du Val-de-Marne, partie perdante, à supporter la charge définitive des frais d'expertise.

10. Il résulte de tout ce qui précède que le département du Val-de-Marne n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté son appel en garantie dirigé contre la société Dodin Ile-de-France, a admis l'appel en garantie de cette société, a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation de la société Dodin Ile-de-France à lui rembourser la somme de 20 547,15 euros versée à M. et Mme E...dans le cadre d'un protocole d'accord et a mis les frais d'expertise à sa charge.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société Dodin Ile-de-France, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que le département du Val-de-Marne et M. et Mme E... demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge du département du Val-de-Marne une somme de 1 500 euros à verser à M. et Mme E...sur le fondement des mêmes dispositions. Enfin, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du département du Val-de-Marne le versement de la somme que la société Dodin Ile-de-France demande sur le fondement des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du département du Val-de-Marne est rejetée.

Article 2 : Le département du Val-de-Marne versera à M. et Mme E...une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de M. et Mme E...est rejeté.

Article 4 : Les conclusions de la société Dodin Ile-de-France présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au département du Val-de-Marne, à M. D...E..., à Mme A...E...et à la société Dodin Ile-de-France.

Délibéré après l'audience du 12 juin 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président de chambre,

- M. Luben, président assesseur,

- Mme Bernard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 31 juillet 2017.

Le rapporteur,

A. BERNARDLe président,

J. LAPOUZADE

Le greffier,

Y. HERBERLa République mande et ordonne au préfet du Val-de-Marne en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 15PA02958


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 15PA02958
Date de la décision : 31/07/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: Mme Aurélie BERNARD
Rapporteur public ?: M. SORIN
Avocat(s) : LEPEU

Origine de la décision
Date de l'import : 14/11/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-07-31;15pa02958 ?
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